Patricia C. Hernán<strong>de</strong>zune langue d'Afrique occi<strong>de</strong>ntale, qui disent observer le <strong>de</strong>rrière <strong>de</strong>l'arbre;- certaines langues africaines utilisent non seulement l'avant etl'arrière mais aussi les flancs, les cornes, la queue d'un animal plutôtqu'une référence humaine pour l'indication <strong>de</strong>s angles horizontaux ;- le guugu yimidhirr, une langue australienne, utilise un système <strong>de</strong>localisation sans orientation relative, sur la base <strong>de</strong>s limites cardinales.Un système absolu est employé aussi par les locuteurs du tzeltal,langue <strong>de</strong>s indiens Mayas du Tenejapa, dans le sud-est du Mexique, quivivent dans une série <strong>de</strong> vallées parallèles tombant du sud vers le nord.Ceux-ci désignent par ajk'ol (côté montant) et alan (côté <strong>de</strong>scendant), lesud ou Hautes Terres et le nord ou Basses Terres respectivement. Leursvoisins, les Zinancatecos, usagers <strong>de</strong> la langue tzotzil, qui habitent dans<strong>de</strong>s vallées tombant vers l'ouest, ont déplacé <strong>de</strong> 90º le système du tzeltal.Les membres <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux communautés peuvent utiliser leur système <strong>de</strong>manière absolue quand ils quittent leur vallée. Par ailleurs, ce systèmeleur fournit un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription spatiale absolu leur permettant <strong>de</strong>localiser les uns par rapport aux autres et par rapport au locuteur.Voyons d’autres cas <strong>de</strong> diversité orientationnelle. Dans « Systèmesd'orientation : quelques exemples austronésiens », Françoise Ozanne-Rivierre (1997) décrit <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> localisation sur un système absolu dansles langues austronésiennes.En malgache, par exemple, on ne dit pas le livre qui est à ta droitemais le livre qui est au nord (au sud) <strong>de</strong> la table. La référence aux quatredirections cardinales (les <strong>de</strong>ux points fixes <strong>de</strong> notre opposition nord-sudsont établis par les vents <strong>de</strong> mousson) est permanente et s'applique àtoutes les échelles, - même pour les parties du corps -, le recours auxnotions <strong>de</strong>vant / <strong>de</strong>rrière, gauche / droite étant peu opérant. Le systèmeconstruit, en proto-austronésien, sur l'opposition vers l'intérieur <strong>de</strong>sterres / vers la mer est intégré dans la plupart <strong>de</strong>s languesaustronésiennes actuelles et, dans certaines, il a donné lieu à un système<strong>de</strong> points fixes. Cas particulier, à Bali le système est mixte sur la based'un axe fixe correspondant aux coordonnées levant / couchant et un axeke-lod (vers la mer) / k-aja (vers la montagne) hérité du protoaustronésienqui varie selon l'emplacement géographique du lieu où l'onse trouve. « Traduire ces directions relatives, comme on le fait souvent,par les termes sud et nord en disant qu'à Bali ces points s'inversent selonla côte sur laquelle on se trouve, est fâcheusement européocentriste »,affirme l'auteur (1997 : 85).On le voit, les repères géocentriques <strong>de</strong>s langues austronésiennesdans l'espace large ou restreint contredisent l'opinion selon laquelle le62 LyCE Estudios 15/2012
L’espace vécu et mis en mots par l’hommeschéma corporel fournirait la structure la plus naturelle pourconceptualiser l'espace selon un système spatial égocentrique etanthropocentrique à vocation universelle (1997 : 90).ConclusionLoin d’être une donnée géométrique, l’espace est un produit culturel etdonc subjectif. Ainsi, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s ‘bizarreries’ mises au jour par lesétu<strong>de</strong>s ethnolinguistiques, il apparaît que le rapport entre l'homme et sonenvironnement ne peut se prétendre unique : cette conception s’avèretributaire, d'une part, <strong>de</strong>s caractéristiques physiques <strong>de</strong> l'être humain et,d'autre part, <strong>de</strong> l'environnement culturel <strong>de</strong>s locuteurs car « laconceptualisation <strong>de</strong> l'espace dans les langues est largement un produit<strong>de</strong> la culture agissant sur l'expérience » (Ozanne-Rivierre, 1997 : 91).Références bibliographiquesAristote (1862). Physique et leçons sur les principes généraux <strong>de</strong> la nature. Traduiten français par J. Barthélémy Saint-Hilaire. Paris : Librairie Philosophique <strong>de</strong>Ladrange. Disponible sur :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k950977/f6.imageAurnague, M., vieu, L. et Borillo, A. (1997) . « La représentation formelle <strong>de</strong>sconcepts spatiaux dans la langue » in DENIS, M. (éd.), 1997, Langage etcognition spatiale. Paris : Masson, pp. 69-102.Bachelet, B. (1998) . L'espace. Paris : Presses Universitaires <strong>de</strong> France.Borillo, A. (1998). L'espace et son expression en français. Paris : Éditions Ophrys.Bryant, D. J. (1992). « A spatial representation system in humans », Psychology 3/16.Clark, H.H. (1973). « Space, Time, Semantics and the Child » in Moore T. (ed.),Cognitive Development and the Acquisition of language, New York: Aca<strong>de</strong>micPress, pp. 27-63.De Vega, M. et Rodrigo, M.-J. (1997). « Les représentations topologiques dans letraitement <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions spatiales » in DENIS, M. (éd.), Langage etcognition spatiale. Paris : Masson, pp. 51-68.Denis, M. (1997). « Avant-propos » in Denis, M. (éd.), Langage et cognition spatiale.Paris : Masson, pp. IX-XIII.Denis, M. et Briffault, X. (1997). « Les ai<strong>de</strong>s verbales à la navigation » in DENIS, M.(éd.), Langage et cognition spatiale. Paris : Masson, pp. 127-154.Dreyfus-Le Foyer, H. (1965). Traité <strong>de</strong> Philosophie Générale. Paris: Armand Colin.Fillmore, C. (1975). Santa Cruz Lectures on Deixis. Bloomington: Indiana UniversityLinguistics Club.ILyCE, FFyL, UNCuyo 63