Le roi quitta <strong>Cherbourg</strong> le 26 à cinq heures <strong>du</strong> matin.Une grande secousse allait ébranler la France, <strong>et</strong> par contre-coup l'Europe, le monde entier. Les vieilles institutionscroulaient de toutes parts, <strong>et</strong> la société marchait à pas de géant dans une voie nouvelle. La royauté eut peur ; elle voulutétendre la main pour arrêter ces trente millions d'hommes qu'une puissance invisible poussait en avant ; elle[p. 43]se cramponna au passé, vains efforts !... Le terrain fuit sous <strong>ses</strong> pieds, elle resta suspen<strong>du</strong>e sur le vide. A la vue de l'abîme levertige la prit ; elle ferma les yeux <strong>et</strong> se laissa choir. — Paris était bien le centre <strong>du</strong> mouvement, le foyer <strong>du</strong> libéralisme ; maisla grande voix des philosophes avait r<strong>et</strong>enti jusqu'au fond des provinces les plus éloignées ; les intelligences s'étaientéclairées ; les croyances religieu<strong>ses</strong> n'excitaient plus que le rire ; les dîmes, les priviléges <strong>et</strong> les droits seigneuriauxsoulevaient partout l'indignation. Dix-huit siècles d'exactions <strong>et</strong> de tyrannies avaient amassé <strong>du</strong> fiel dans toutes les ames, lacolère gonflait toutes les poitrines ; aussi lorsque le premier cri de liberté se fit entendre, fut-il répété d'une extrémité à l'autre<strong>du</strong> royaume. On s'associa à l'action révolutionnaire : on se disposa à la soutenir ; les idées nouvelles inspiraient un vraifanatisme, <strong>et</strong> trop souvent le peuple, qui ne voit qu'à la surface, fut entraîné à des excès que tout honnête homme, quellesque soient <strong>ses</strong> convictions, flétrit d'un blâme énergique.<strong>Cherbourg</strong> ne regarda point d'un oeil indifférent les grandes cho<strong>ses</strong> <strong>et</strong> les grands événements qui s'accomplissaient enFrance. Chaque fois qu'une nouvelle importante arrivait, la majeure partie de la population était en mouvement. On seréunissait en groupes, on discourait, les esprits s'exaltaient ; mais <strong>du</strong> plus rare si l'on en vint à ces extrémités fâcheu<strong>ses</strong>, quiailleurs firent couler tant de sang. La prise de la Bastillesurtout, causa un véritable enthousiasme.[p. 44]Le 18 juill<strong>et</strong> 1789, l'ordre fut donné aux habitants de porter la cocarde tricolore. Ils s'empressèrent d'obtempérer à c<strong>et</strong>ordre, <strong>et</strong> les rubans étant venus à manquer, on fabriqua d'immen<strong>ses</strong> cocardes avec <strong>du</strong> papier peint. La journée <strong>du</strong> lendemainse passa paisiblement ; il n'en fut pas de même le surlendemain. Dans la matinée, les ouvriers, alors fort nombreux à<strong>Cherbourg</strong>, s'assemblèrent sur la place d'Armes, se présentèrent en masse devant le colonel <strong>du</strong> régiment de la Reine <strong>et</strong>exigèrent de c<strong>et</strong> officier la mise en liberté d'un sapeur, scieur de long, détenu au Fort-Royal pour insubordination. Ce ne fut làque le prélude des scènes désordonnées qui suivirent <strong>et</strong> qui <strong>du</strong>rèrent toute la nuit. Sur les huit heures <strong>du</strong> soir, hôtel de M. deGaranteau [11], subdélégué de l'intendant, fut forcé : les meubles furent brisés <strong>et</strong> précipités dans le puits. — L'habitation deM. Avoyne Chantereyne, négociant, subit le même sort. — M. Vitrel, fabricant de draps, n'échappa que par l'intervention del'abbé Vitrel, son parent. — De là les factieux se transportèrent chez M. Mauger, négociant, où la dévastation fut complète. —M. Dulongprey Couey prodigua le vin <strong>et</strong> l'or pour les calmer. — Madame Audry, directrice des messageries, eut recours aumême moyen. — Ensuite les bureaux de la douane[p. 45]furent envahis, les papiers <strong>et</strong> les registres lacérés <strong>et</strong> j<strong>et</strong>és dans le bassin <strong>du</strong> commerce.La ville avait été dans l'agitation toute la nuit. Au point <strong>du</strong> jour les torches qui éclairaient la populace s'éteignirent, le pillagecessa <strong>et</strong> chacun rentra chez soi. Il eût été facile à l'autorité d'empêcher ces désordres, de faire arrêter les dévastateurs ; ellesembla au contraire les prendre sous sa protection <strong>et</strong> elle les fit accompagner par un piqu<strong>et</strong> en armes <strong>du</strong> régiment de laReine. Le 21 cependant, trois cents des plus mutins furent arrêtés <strong>et</strong> incarcérés. Peu de jours après on en pendit deux, septautres furent fou<strong>et</strong>tés à tous les coins des rues <strong>et</strong> le reste recouvra la liberté.Quelques précautions furent pri<strong>ses</strong> pour prévenir le r<strong>et</strong>our des troubles, mais la tranquillité ne fut pas ren<strong>du</strong>e auxhabitants. La plupart étaient en proie à des craintes continuelles, <strong>et</strong> moins d'un mois après l'émeute, une fausse nouvelleplongea tout-à-coup la ville dans la consternation <strong>et</strong> l'épouvante. Le bruit se répandit que les Caenais étaient en marche sur<strong>Cherbourg</strong>, <strong>et</strong> qu'ils venaient tout piller <strong>et</strong> massacrer. C'était précisément jour de marché ; on ferma les boutiques, les ruesdevinrent désertes, <strong>et</strong> les bourgeois se barricadèrent dans leurs maisons. On a accusé Dumouriez, alors simple commandantde la ville, d'avoir excité c<strong>et</strong>te panique : son but aurait, dit-on, été d'éloigner le <strong>du</strong>c d'Harcourt, gouverneur de la Normandie, <strong>et</strong>le <strong>du</strong>c de Beuvron, lieutenant[p. 46]général de la Province, qui contrariaient son ambition. L'effroi gagna en eff<strong>et</strong> fort promptement ces messieurs <strong>et</strong> ils n'eurentrien de plus pressé que de faire leurs paqu<strong>et</strong>s <strong>et</strong> de s'embarquer pour l'Angl<strong>et</strong>erre.
<strong>Cherbourg</strong> comme la plupart des villes de France eut son club, composé d'une trentaine de sans-culottes, dont les idéesétaient aussi exagérées que ridicules. Un seul discours remarquable y fut prononcé, le 7 avril 1791, par M. Jubé, inspecteurdes côtes de la Manche, à l'occasion de la mort de Mirabeau.Garnier-de-Saintes <strong>et</strong> Lecarpentier, commissaires en tournée dans le département de la Manche, vinrent dans nos murs àla fin de septembre 1793. Ils destituèrent plusieurs fonctionnaires <strong>et</strong> firent emprisonner ou tra<strong>du</strong>ire devant le tribunalrévolutionnaire quelques personnes déclarées suspectes.Presque tous les ecclésiastiques attachés à <strong>Cherbourg</strong> avaient émigré lors de la promulgation de la constitution civile <strong>du</strong>clergé. Le représentant <strong>du</strong> peuple Bour<strong>et</strong> (des Bas<strong>ses</strong>-Alpes), arriva au mois de janvier 1794, <strong>et</strong> donna l'ordre (30 nivose anII) de dévaster l'église. Les draperies, les ornements, les tableaux furent mis en pièces ; on brisa les orgues, lesconfessionnaux, les autels, les statues, les sculptures, <strong>et</strong> ce que le vandalisme ne put mutiler ou détruire ce jour là, fut détruitles jours suivants par le marteau des maçons.On sait combien les fêtes de la révolution étaient[p. 47]imposantes <strong>et</strong> agissaient puissamment sur l'imagination. <strong>Cherbourg</strong> en célébra quelques-unes avec grande pompe. Nousciterons entr'autres la fête anniversaire de la prise de la Bastille (14 juill<strong>et</strong> 1790) ; la fête de l'Etre-Suprême (8 juin 1794), <strong>et</strong> lafête en l'honneur des héros morts au siège de Granville. C<strong>et</strong>te dernière solennité fut vraiment belle <strong>et</strong> digne <strong>du</strong> motif qui l'avaitinspirée (10 juill<strong>et</strong> 1794). Le proconsul Lecarpentier [12] y assista <strong>et</strong> prononça un discours, dont la violence n'était passeulement dans les habitudes <strong>du</strong> fougueux terroriste, mais encore dans presque tous les écrits politiques de l'époque.Pendant les dernières années de la révolution, plusieurs condamnés politiques furent amenés à <strong>Cherbourg</strong> <strong>et</strong> enfermés auFort-Royal.Le déplorable état des Finances avait forcé d'interrompre les travaux de la rade. On les reprit en octobre 1802. L'annéesuivante, les consuls décrétèrent qu'un port militaire de 1 re classe serait établi à <strong>Cherbourg</strong>. Les ouvrages furent aussitôtentrepris. (15 avril 1803). Une frégate anglaise de 44 canons, la Minerve, s'étant avancée par bravade jusqu'à la portée desforts, s'échoua sur le talus nord de la Digue ; <strong>et</strong> dans l'impossibilité de se rem<strong>et</strong>tre à flot, amena son pavillon.(12 février 1808). Horrible tempête qui bouleversa la Digue.[p. 48](1809). Huit mille prisonniers espagnols furent dirigés sur <strong>Cherbourg</strong> <strong>et</strong> employés aux divers travaux <strong>du</strong> port militaire. On ytransféra également deux cents forçats qui y restèrent jusqu'à la restauration.Le 15 août 1810, jour de la fête de l'empereur, fut un jour d'anxiété <strong>et</strong> de désolation pour bien des familles. Entr'autresréjouissances, le programme avait annoncé qu'une joûte aurait lieu dans le bassin de commerce. A l'heure indiquée unemultitude de monde encombrait les alentours, <strong>et</strong> plusieurs centaines de curieux avaient pris place à bord d'un navire à lége,qu'une simple amarre r<strong>et</strong>enait au quai ; au signal donné pour le départ des nageurs, il se fit un mouvement : chacun sepencha sur son voisin pour mieux voir ; l'amarre se rompit <strong>et</strong> le navire chavira. Un assez grand nombre de canots s<strong>et</strong>rouvaient heureusement non loin de là, <strong>et</strong> la plupart des naufragés purent être recueillis. En quelques instants laconsternation s'était répan<strong>du</strong>e dans la ville : la soeur craignait pour son frère, l'épouse pour son époux, la mère pour son fils,<strong>et</strong> c'était par les rues une foule de femmes éplorées, demandant leurs proches aux passants. On assécha le bassin, <strong>et</strong> lescadavres furent r<strong>et</strong>irés de l'eau ; plus de vingt personnes avaient per<strong>du</strong> la vie ! Le lendemain, la population en deuil suivit leconvoi[p. 49]jusqu'au cim<strong>et</strong>ière ; il y avait des larmes dans tous les yeux, des sanglots dans toutes les poitrines.Les travaux <strong>du</strong> Port-Militaire avançaient avec une rapidité qu'on pourrait appeler napoléonienne. L'empereur, accompagnéde l'impératrice <strong>et</strong> d'une suite nombreuse, vint les visiter en 1811. Il arriva le 26 mai sur les quatre heures de l'après-midi, <strong>et</strong>fut reçu par les autorités civiles <strong>et</strong> militaires. M. Delaville, maire, lui présenta les clés <strong>et</strong> dit ces seules paroles qui noussemblent d'une belle simplicité :« Sire,Nous avons l'honneur de présenter à Votre Majesté les clés de la ville de <strong>Cherbourg</strong>.
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Le sonnet suivant, dont une copie s
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Laufelt, il combattit cependant de
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Couvent de Benédictines. 85Maison
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Quincampoix. — La Fauconnière.
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