60 LIVRESCADEAUXLe plat pays qui est le sienLe titre de cet ouvrage évoque instantanément Brel,tremblant sur scène en chantant les «brumes à venir»de la Belgique. Son auteur, Frédéric Lecloux, peutêtreà la recherche de plus vastes espaces, s’est exilé enFrance. Il est aussi parti au Népal sur les traces deNicolas Bouvier, et parcourt régulièrement le mondepour l’agence Vu, mais c’est sa relation complexe aupays de ses origines qu’il nous livre là. Un mouchoirde poche avec aujourd’hui 360 habitants au kilomètrecarré, 11 millions en tout parlant trois languesdifférentes, et pourtant dans ses photographies on nevoit quasiment personne. Des rails de tramways’enfonçant dans un fourré, un château d’eau, unejante de vélo abandonnée, un jean accroché sur unebranche, une statue de dos plongeant au cœur d’unbuisson de cimetière... Même les bars, les gares, lesfêtes foraines et les friteries semblent désertes. Pour quiveut saisir la tendresse étrangement distante et lanostalgie sans complaisance qui rattachent malgré toutl’auteur au «plat pays qui est le sien», il est recommandéde lire attentivement les textes accompagnant sesimages : on y perçoit la tragédie de la «belgitude», «néecontre, pas pour. Contre le hollandais, pas pour inventerun avenir commun au Flamand et au Wallon. Néecontre, elle mourra contre. Elle est en train. Hélas.»GAËLLE CLOARECBrumes à venirFrédéric LeclouxLe Bec en l’Air, 32 €Tablées du BosphoreOn sait l’importance des saveurs qui réveillent dessouvenirs et renvoient à l’enfance. Le livre de TakuhiTovmasyan en est un exemple. Devenue éditrice cettearménienne de Turquie a voulu évoquer les tabléesfamiliales lors des repas quotidiens ou festifs. Etchaque recette expliquée est l’occasion de faireressurgir des moments de la vie de cette famille auxbranches multiples. Anniversaires, mariages, fêtesreligieuses, tout est prétexte à cuisiner pendant desheures et à partager autour d’une table des metssavoureux et parfumés. L’auteure, née en 1952, rendhommage aux deux grand-mères qui lui ont transmisces savoir-faire traditionnels, si proches de ceux desGrecs et des Turcs. Elle évoque les maisons en bois duvieil Istanbul avec leurs citernes et leurs terrassesfleuries, les boutiques des joaillers et des sertisseurs,mais se tait pudiquement sur le sujet douloureux dugénocide et de l’exil, à peine suggéré. L’iconographieparticipe à cette évocation dans une belle harmoniede gris bleutés.CHRIS BOURGUEMémoires culinaires du BosphoreTakuhi TovmasyanParenthèses, 22 €Patrimoine à la carteTravail titanesque que celui du nouvel atlas del’UNESCO édité pour les 40 ans de la Conventiondu Patrimoine Mondial (1972-2012). En un superbevolume, les 962 sites inscrits sur la Liste du PatrimoineMondial sont répertoriés, classés, situés sur les cartes,présentés visuellement, assortis d’un brefcommentaire. Au début de l’ouvrage, des arbrescorrespondant aux différentes parties du mondeportent les noms des pays ainsi que le nombre de sitesclassés. On peut s’amuser à comparer. L’Italie avec 47sites devance tous les autres, la France est en deuxièmeposition avec 38 sites… Il serait sans doute intéressantde voir pourquoi certains lieux sont dotés de plus deprotection, comment sont évaluées les richesses, selonquels critères culturels. Un autre tableau met enévidence les sites en danger, 38 à ce jour, bien sûr,souffrent de se trouver dans des parties politiquementinstables du globe, mais aussi aux USA, pour le parcde Yellowstone ou en Allemagne pour la cathédrale deCologne… La convention est résumée en 6 histoires,et quelques chiffres évoquent la répartition des 962biens mondiaux en 189 pays. La notion de bienmondial devrait conduire à considérer l’humanitéautrement !MARYVONNE COLOMBANILe Grand Atlas de l’UNESCO, Patrimoine MondialAtlas/éditions UNESCO, 45 €
ARTS LIVRES 61Voir et comprendreRestaurerDevant l’aggravation des dégradations la décision futprise en 2010 de rouvrir le dossier de la restauration del’ultime tableau de Léonard. Après deux ans de restaurationméticuleuse sous la responsabilité de CinziaPasquali la peinture a permis découvrir ce qu’on supposaitdes coloris, du rendu des détails vestimentairescomme de la perspective aérienne et du sfumatolégendairesi subtils. Stan Neumann a suivi la totalité del’évènement qui a convoqué les avis de la fine fleurinternationale des spécialistes du maître. Des constatsalarmants (craquelures, épais vernis jauni dit chanci,repeints successifs, écaillements…) suivis des atermoiementssur l’importance des restaurations à accorder(cette proposition émue de quasi non intervention)au travail de nettoyage méticuleux au plus près del’œuvre jusqu’au résultat final éclatant, nous assistonsà la renaissance de La Sainte-Anne, œuvre promise àun grand succès comme un certain portrait qui continueà attirer les foules du plus grand musée du monde.Ce DVD comporte un complément signé d’une grandefigure de la vulgarisation de l’art, Alain Jaubert,créateur de la série Palettes qui réalisa en 1989 Vinci,le sourire et l’entrelacs à partir du même tableau.ExpliquerVous pourrez prolonger le plaisir avec la collection decinq films consacrée aux œuvres d’un maître conservéesau Louvre : Raphaël, Rembrandt, Poussin Watteauet… Léonard de Vinci. Juliette Garciaset Stan Neumannont opté pour un unique protocole déjà expérimentéquelques années auparavant avec Rembrandt : prendreune œuvre exemplaire, la décrocher des cimaises, ladécadrer si nécessaire et la livrer aux exégèses des plusgrands spécialistes mondiaux rassemblés pour deuxjournées dans une même pièce. Le résultat est saisissant! Le Portrait de Baldassare Castigioneou l’Autoportraitavec un ami, une Fuite en Égypte, le Gilles ou le Pèlerinagepour Cythère, la Belle Ferronnière, le Bœufécorché… sont l’occasion d’une émulation fructueuse,érudite, en bonne compagnie.S’envolerIl ne faudra pas quitter les lieux sans avoir visité le nouveaudépartement des Arts de l’Islam réalisé par RudyRicciotti et Mario Bellini dans la cour Visconti. Siune visite virtuelle ne peut remplacer l’expérience insitu ce film tend la main à notre curiosité. Pour HenriLoyrette, président-directeur du musée, il s’agit àtravers un double intérêt politique et artistique «demontrer la face lumineuse de cette civilisation». Enquelques chapitres et compléments de programmeconfortés par moments par des animations virtuellesen 3D nous assistons aux principaux moments de laconstruction du nouveau bâtiment tout en semi transparenceet courbes (sa toiture évoquerait un tapisvolant) sollicitant des technologies novatrices dont seréclame aussi la muséographie. Les collections sontévoquées avec un best of de pièces exceptionnelles quecomplètent plusieurs courts documentaires qui traversentnos frontières vers la mosquée d’Ispahan ou l’histoiredu tapis de Cracovie.L’actualité artistique desmusées et des grandesexpositions parisiens sontl’occasionde la sortie de nombreusespublications. Preuve s’il lefallait avec le riche cataloguedes éditions ARTE dontles collections du muséedu Louvre bénéficientlargement. Avançonsquelques propositions pourceux qui n’ont pas toujours lebonheur de quitterleur province…Bon plan américainAu moment où l’exposition du Grand Palais s’envolevers des records d’audience, que les numéros spéciauxet hors-série se multiplient, il est tout autant réjouissantde glisser ce DVD dans votre lecteur, bien confortablementinstallé au chaud. Ce documentaire defacture classique mais efficace fait le tour d’EdwardHopper, un personnage discret, farouchement indépendant,témoin des transformations esthétiquesmajeures de son siècle mais imperturbable face auxquerelles esthétiques du moment entre figuration etabstraction. Naissance, famille, jeunesse, années deformation, indifférence du public à ses débuts puispremiers succès vers la quarantaine sont étudiés etcontextualisés par le renfort de documents d’époqueet de rares interviews de l’artiste. On y entrevoit égalementsa vie de couple avec l’infernale mais fidèle Joséphine,son unique modèle, et les témoignages de son amiBrian O’Doherty permettent de prendre un peu dedistance avec le mythe.En bonus, hommage rendu avec une interview deWim Wenders dont le cinéma est en partie redevableau peintre.Et si le désir n’est pas encore assouvi, zigzaguez entreles huit courts métrages originaux commandés parArte à huit cinéastes, Martin de Thurah, HannesStöhr, Mathieu Amalric, Dominique Blanc, SophieFiennes, Valérie Mréjen, Sophie Barthes, Valérie Pirsonrevisitant chacun un tableau de Hopper !Et les fêtes approchant, prenez garde aussi aux effets dusyndrome de Florence !CLAUDE LORINLéonard de Vinci, la restauration du siècleStan NeumannArte Éditions, 15 €La vie cachée des œuvresPoussin, Raphaël, Rembrandt,Léonard de Vinci, WatteauJuliette Garcias et Stan NeumannArte Éditions, 25 €Les Arts de l’Islam au Louvre - La Main tendueRichard CopansArte Éditions, 20 €La toile blanched’Edward HopperJean-PierreDevillersArte Éditions, 20 €