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Détournons - Zibeline

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Comme des ratsIl aurait dû s’en douter. Dès son arrivée, rien ne s’estpassé comme prévu. Un contrôle sanitaire à l’atterrissage,personne de l’entreprise pour l’attendre et leconduire à son studio de célibataire, une ville croulantsous les ordures, asphyxiée par les pulvérisations de gazdésinfectant, menacée d’une épidémie inconnue, sonbagage volatilisé. Venu en C. pour y suivre une formationde dératiseur, heureux à l’idée de quitter une«vie décevante» (des collègues méprisants, une femmequi l’a quitté pour un de ses amis), T-K s’aperçoit rapidementqu’il est tout seul et que ses lendemains nechanteront pas. Pire, son existence à C. vire très vite aucauchemar ; un cauchemar auquel il semble ne riencomprendre, et dont il subit les épisodes avec une résignationplacide et inquiétante. Récompensée en Coréepour ses recueils de nouvelles, Pyun Hye-young signeici un premier roman glaçant, dont l’atmosphère et lepersonnage ne sont pas sans rappeler ceux de Kafka.La descente aux enfers du personnage est relatée defaçon distanciée, à la troisième personne, dans un présentflottant qui interdit toute identification. Le personnageprincipal n’a pas de nom, juste des initiales ; certainsde ses compagnons d’infortune ne portent que desnuméros. Dans cet univers anonyme et absurde, lesrats servent de contrepoint constant à l’humanité ;comme eux, «la race humaine n’est pas une espèce facileà éliminer». C’est ce que semble montrer l’histoire deT-K. Une réflexion aiguë (plutôt effrayante) surl’identité, la vacuité des rapports humains, l’absurditéde l’existence. Et l’instinct de survie !FRED ROBERTCendres et rougePyun Hye-youngPhilippe Picquier, 18 €Douloureuse transmissionLe nouvel album Paroles de Poilus poursuit la tragiqueévocation de la première guerre mondiale. Le soustitre,Mon Papa en guerre, désigne le point de vueadopté. La guerre envisagée sous l’angle de la transmission,des relations entre les pères envoyés à laboucherie du front et leurs enfants. Aux lettres despères, répondent celles des enfants, les cartes postales,photos de famille, mots de paix, d’espoir, de tendresse,de jeux, de fautes d’orthographes délicieuses, fraîcheurde l’enfance, maigre contrepoids face à l’horreur vécuepar les papas. Jean-Pierre Guéno après une superbepréface, passionnante et indignée, raconte, évoque lesort de quelques-uns, exemplaires des milliers de destinsbrisés par la folie guerrière, plus de 600 000 morts,blessés ou disparus, rappelle-t-il, seulement lors des 45premiers jours de la guerre ! On retrouve des anonymes,mais aussi des personnages qui auront de remarquablesdestinées, Jean Zay, «fils du journaliste», qui sera plusjeune député de France et ministre du Front Populaire,Françoise Marguerite Marette, «la nièce de l’officier»,future Françoise Dolto… Il y a les photos, les extraitsde lettres, de journaux intimes, de poèmes verlainiens,les BD, magnifiques de précision et de sobriété, quiaccompagnent les textes, toutes composées par de grandsdessinateurs. À ces passages poignants, emplis de ladélicatesse des pères qui cachent la réalité, donnent desconseils, accordent à leurs écrits une valeur testamentaire,pour donner à leurs enfants les armes pour vivreavec dignité, répondent les extraits des discoursofficiels qui exploitent l’image des enfants à des finsbellicistes, véritable «école de la propagande», avec la«croisade des enfants», des formules assassines «votre fusilà vous c’est le porte-plume !», ou totalement absurdes commecelles qui affirment que «les balles allemandes nesont pas du tout dangereuses (…) ne font aucune déchirure»! Un album à mettre entre toutes les mains et àinsérer dans toutes les bibliothèques !MARYVONNE COLOMBANILITTÉRATURELIVRES 65L’auteur était présente à Aix en octobre,dans le cadre des Écritures Croisées (voir Zib’57)Paroles de Poilus Tome 2Mon papa est en guerreScénariste : Jean-Pierre GuénoDessinateur : CollectifSoleil, 19,99 €Poétique du marcheurDélicieux petit volume que ce Walking Class Heroes deMichéa Jacobi : format à glisser aisément en poche,papier épais. Pour 26 courtes biographies de marcheurs.Les textes brefs se refusent à un enchaînementchronologique, mais s’enchaînent le plus souvent parconcaténation : le marcheur, dont la vie est rapportée,a été évoqué lors d’un rapprochement, d’une image,d’une pirouette dans le texte précédent. Jeu de devinettes,qui sera le prochain ? Les biographies adoptentla sobre esthétique du raccourci, choisissant au gré deshistoires les formes du passé, avec un ton quasi mythologiquedans certains passés simples (Basho, haïkisteet Pèlerin), le présent de narration, pour la véritableépopée vécue par David-Néel Alexandra, la «tibétophile»,ou le présent de description lorsque l’auteur sefocalise sur une anecdote éclairante ou cherche à brosserun portrait à la manière de La Bruyère commepour le Piéton de Saint-Pétersbourg. Marche plaisir,marche de découverte, d’explorateur, marche ethnographique,poétique, inspiratrice, philosophique,marche, gage de longévité, pour celui qui marche «avecl’allégresse et la légèreté d’un pigeon» ! Image de comédieitalienne : la marche papale avec les prélats essoufflésderrière… Un petit livre nourri d’anecdotes et deréflexions souvent profondes, à savourer, en marchant,ou pas, et en adoptant son propre rythme et itinérairede lecture. Peu importe si l’on commence au milieu ouà la fin, comme dans une marche où chacun choisitson chemin.M.C.Walking Class Heroes de quelques marcheursMichéa JacobiLa Bibliothèque, collection L’écrivain voyageur, 13 €

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