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Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

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sommaire La santé mentale, une matière transversaleRencontre avec la Ministre Christiane Vienne Les groupes thérapeutiques en réseauBenoît Bourguignon La prise en charge <strong>de</strong>s mineurs en difficultéVirginie Olivier La loi <strong>de</strong> défense sociale : 75 ans d’applicationPierre Titeca Temps(s) <strong>et</strong> traitement psychiatrique : quelques articulations...Edith Stillemans <strong>et</strong> Christophe Herman Journée européenne <strong>de</strong> la DépressionJournée mondiale <strong>de</strong> la Santé mentale In-Folio Infos : nouveautésDOSSIER : <strong>Urgences</strong> <strong>psychiatriques</strong> <strong>et</strong><strong>interventions</strong> <strong>de</strong> <strong>crise</strong> PréfaceDenis Henrard Les urgences : mise en perspectivePhilippe Hoyois D’une urgence à l’autreDamien <strong>Urgences</strong> <strong>psychiatriques</strong> : <strong>de</strong>s proches dans le désarroiFrancine Lejeune La solitu<strong>de</strong> du généraliste face aux urgences en santé mentaleYves Delforge La notion d’urgence dans un centre d’écoute téléphoniqueAlain Gontier Profession : urgentisteAlbert Fox L’urgence psycho-sociale dans le champ hospitalier<strong>et</strong> psychiatriqueHenry Dupont Penser l’urgenceÉric Adam De la clinique <strong>de</strong> la souffrance à la clinique du sensDanièle Zucker Les urgences en hôpital psychiatriqueHenri Boon Personnes âgées : l’urgence plus urgenteFrançoise Duesberg La valse <strong>de</strong>s urgences : témoignage en trois tempsSophie Maes Qu’est-ce que l’urgence pour un psychiatre privé ?Paul Lievens <strong>et</strong> Alexandre van Acker L’urgence dans un service <strong>de</strong> santé mentalePaul Jacques Crises, situations d’urgence <strong>et</strong> services d’urgenceQuelques pistes <strong>de</strong> réflexionsJacques Moriau Existe-t-il <strong>de</strong>s fausses urgences ?Jean-Michel Longneaux Du temps <strong>de</strong> l’urgence au temps du suj<strong>et</strong>Francis TurineRepères <strong>et</strong> références bibliographiques2681011121314151820222324252832343537394143454748


La santé mentale, une matière transversaleRencontre avec Christiane Vienne,Ministre <strong>de</strong> la Santé, <strong>de</strong> l’Action sociale <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’Egalité <strong>de</strong>s chances <strong>de</strong> la Région <strong>wallon</strong>neA la tête du Cabin<strong>et</strong> <strong>de</strong> la Santé, <strong>de</strong> l’Action sociale <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’Egalité <strong>de</strong>schances <strong>de</strong>puis un an, Christiane Vienne a ‘la santé mentale’ parmises nombreux champs <strong>de</strong> compétences. Nous l’avons rencontréepour connaître son évaluation <strong>et</strong> ses proj<strong>et</strong>s dans notre secteur.C’est une Ministre consciente <strong>de</strong> ses responsabilités <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses contraintesqui nous a reçues, mais aussi une femme sensible qui tire parti <strong>de</strong>son expérience <strong>et</strong> <strong>de</strong> son parcours <strong>de</strong> vie. Nous avons eu l’occasiond’échanger librement avec elle autour <strong>de</strong> son analyse <strong>de</strong> la situation, <strong>de</strong>ses questions <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses intentions.Une interview réalisée par Sylvie Gérard <strong>et</strong> Christiane Bontemps, IWSMavec la participation <strong>de</strong> Emmanuelle Demarteau <strong>et</strong> Delphine Jarosinski,Cabin<strong>et</strong> <strong>de</strong> Madame Viennemais en même temps, <strong>et</strong> c’est lié, il y aune dégradation <strong>de</strong>s conditions socialesdans lesquelles vivent nos concitoyens.Il y a, là, une réflexion à mener sur l<strong>et</strong>ravail <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> santé mentale <strong>et</strong>sur le rôle <strong>de</strong>s autres acteurs sociaux.D’un côté, on pourrait imaginer qu’on nefait plus que <strong>de</strong> la santé mentale <strong>et</strong> qu’onarrête tous les proj<strong>et</strong>s sociaux parcequ’une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> la Wallonie n’estpas « bien dans sa tête ». Et d’un autrecôté, on peut se dire que « se préoccuper<strong>de</strong> la santé mentale, finalement, c’est duluxe, il suffit d’augmenter le minimex ! ».La réalité n’est évi<strong>de</strong>mment pas celle-làparce que les choses s’imbriquent fortementles unes dans les autres.Comment définir la santé mentale ?C’est encore un suj<strong>et</strong> tabou.Y travailler, n’est-ce pas d’abord ai<strong>de</strong>rles personnes à accepter <strong>de</strong> franchir laporte… ?En eff<strong>et</strong>, plus que toute autre matière,la santé mentale soulève la question <strong>de</strong>la normalité. Il y a une sorte <strong>de</strong> soulagement<strong>de</strong> pouvoir dire : « moi, je suisnormal ». Mais les mots renvoient à uneconception <strong>de</strong> la norme dont les conséquencespeuvent être bien lour<strong>de</strong>s auniveau social.Pour poser le cadre, pouvez-vous situerla place <strong>de</strong> la santé mentale dansle champ <strong>de</strong>s compétences <strong>de</strong> votreCabin<strong>et</strong> ?Je voudrais traiter la question d’unemanière globale. Dans mes compétences,il y a à la fois la santé, les affairessociales, <strong>et</strong> l’égalité <strong>de</strong>s chances. Lesthématiques qui y sont abordées traitenttoutes <strong>de</strong> l’Humain. Elles sont transversales<strong>et</strong> complexes. Et, pour répondre à laquestion <strong>de</strong> la place du secteur dans mesmatières, je ne peux l’abor<strong>de</strong>r que d’unemanière transversale, sur une voiemédiane entre <strong>de</strong>ux extrêmes qui vontdu « tout au social » au « tout au psy ».On ne peut en eff<strong>et</strong> « psychologiser » lesproblèmes sociaux. Je suis convaincueque les inégalités sont les produits <strong>de</strong>mécanismes structurels <strong>et</strong>, si l’on considèreque toute personne en décrochagesocial est un mala<strong>de</strong> par nature, je penseque l’on va vers une dérive très grave.Si l’on n’est pas bien parce qu’on est auchômage, parce qu’on a un logementpourri, parce qu’on ne trouve pas <strong>de</strong>solution à ses problèmes, c’est normal !Ce n’est pas une maladie ! Ce qu’il fautrésoudre, c’est l’emploi, le logement <strong>et</strong>l’image <strong>de</strong> soi dans la société. Le travaild’un département comme le miensera donc aussi <strong>de</strong> travailler les causesstructurelles qui amènent ces difficultés.Il faut par ailleurs bien gar<strong>de</strong>r à l’espritque la Région <strong>wallon</strong>ne est un opérateur<strong>de</strong> <strong>de</strong>uxième ligne. Son travail,dans ses différents départements, vaconsister à « réparer les dégâts » ; pasà les prévenir car c’est le rôle <strong>de</strong> laCommunauté française. Il ne faut toutefoispas se tromper sur ce qui provoqueles dégâts. Il est clair qu’il y a,aujourd’hui, une dégradation globale <strong>de</strong>ce que l’on va appeler la santé mentale,Effectivement, rien n’est simple quandon s’intéresse à la complexité <strong>de</strong> l’êtrehumain… Comment pouvez-vous entenir compte dans les différentes fac<strong>et</strong>tesdu travail <strong>de</strong> votre département ?Je suis tout à fait consciente que toutce qui touche à la santé mentale est<strong>de</strong>venu aujourd’hui incontournable. Maisc’est aussi le cas dans les différents secteursdont je m’occupe : le secteur <strong>de</strong>spersonnes âgées notamment, à domicileou en maisons <strong>de</strong> repos. Aujourd’hui,la dépression chez les personnes âgéesest en hausse, en lien avec la solitu<strong>de</strong>,le manque <strong>de</strong> moyens, la diminution <strong>de</strong>séchanges avec les autres, l’absence <strong>de</strong>proj<strong>et</strong>s. Et c’est pareil pour l’ensemble<strong>de</strong>s thématiques sociales. Si je prendstout ce qui est lié au décrochage, tout ceque l’on va travailler via les CPAS, lesrelais sociaux, les services d’insertionsociale, les maisons maternelles, lescentres <strong>de</strong> planning, … il y a, là-<strong>de</strong>rrière,d’importants problèmes qui touchentà la santé mentale. Il y a aussi toutle secteur <strong>de</strong>s assuétu<strong>de</strong>s. Il y a encorele secteur <strong>de</strong> l’AWIPH. Dans certainscas, le handicap mental est bien clair,mais - <strong>et</strong> c’est aussi pour moi une dérive- on a tendance à considérer <strong>de</strong> plus2Confluences n°11 septembre 2005


Pierre Scholtissen, Atelier du CRF, du Club André Baillonune espèce <strong>de</strong> hiérarchisation <strong>de</strong>sacteurs. Ce n’est plus trop difficileactuellement d’aller au Forem s’inscrirecomme <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur d’emploi. C’est uneautre démarche d’aller vers un CPAS.C’est une autre démarche encore, à unmoment donné, <strong>de</strong> se dire : « si je n<strong>et</strong>rouve pas ma place dans la société,c’est peut-être parce que je ne suis pasbien dans la tête » <strong>et</strong> je dois aller voir unpsychologue. Et pourtant… C<strong>et</strong>te fluiditépour moi, c’est l’enjeu du réseau. On estau début...Vous envisagez donc la question <strong>de</strong>l’accessibilité telle que vous posez leconcept <strong>de</strong> santé mentale, c’est-à-direbien au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce qui se passe dans latête… Et donc bien plus largement quele recours aux seuls services <strong>de</strong> soins ensanté mentale.Tout à fait.J’insisterais aussi sur les outils dont chacundispose pour être lui-même acteur<strong>de</strong> sa propre évolution. Cela supposeque chacun puisse intégrer l’idée qu’il ya un début <strong>et</strong> une fin <strong>et</strong> qu’on va s’ensortir. Si on a l’impression qu’on n’ensortira jamais, alors, aller vers un service<strong>de</strong> santé mentale, c’est entreprendreune démarche vouée à l’échec. Si onse dit qu’il y a un début <strong>et</strong> une fin, ontraverse une étape d’un parcours. C’estimportant <strong>de</strong> montrer comment on peutêtre acteur, quel que soit le milieu auquelon appartient.On revient ici à la question <strong>de</strong> la représentation<strong>de</strong> la maladie mentale. Lespersonnes qui vont mieux n’osent pasdire qu’elles ont eu un problème <strong>de</strong>santé mentale. Les « psys » ne montrentpas suffisamment le résultat <strong>de</strong> leur travail.C’est vrai que, en santé mentale,comme vous le disiez tout à l’heure, ilest difficile <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre une frontière entrece qui est normal <strong>et</strong> ce qui ne l’est pas,ce qui est plus fragile ou moins fragile,…On peut difficilement dire que tout estterminé <strong>et</strong> que la personne est « guérie ».Et pourtant, nombreux sont ceux qui ontbénéficié d’une ai<strong>de</strong> appropriée <strong>et</strong> quivont mieux, qui se sont stabilisés <strong>et</strong> quiont r<strong>et</strong>rouvé une place dans la société. Ilfaudrait en parler davantage. Aujourd’hui,tout cela est encore tabou.A l’inverse, il y a aussi <strong>de</strong>s milieux oùne pas avoir <strong>de</strong> « psy », est un peu une« lacune intellectuelle ». Cela renvoie àla question <strong>de</strong> la norme. Beaucoup <strong>de</strong>gens traversent <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s difficiles.C’est normal. On n’est pas heureux toutle temps. Le mal-être fait partie <strong>de</strong> la vie.On est dans un mon<strong>de</strong> d’insécurité <strong>et</strong>tout le mon<strong>de</strong> n’est pas égal par rapportà ses capacités à gérer c<strong>et</strong>te incertitu<strong>de</strong>.Moins on a <strong>de</strong> capacités à gérer l’insécurité,plus on est en difficulté. Je me<strong>de</strong>man<strong>de</strong>, moi, aujourd’hui, si être fort,ce n’est pas accepter ses faiblesses.Le service <strong>de</strong> santé mentale peut ai<strong>de</strong>rla personne face à c<strong>et</strong>te insécurité, maisle recours à ce type <strong>de</strong> prise en chargen’est pas encore considéré comme quelquechose <strong>de</strong> normal. Parfois, même lesCPAS ou d’autres acteurs sociaux ont dumal à orienter vers un service <strong>de</strong> santémentale.Comment pensez-vous que l’on pourraitsoutenir le secteur dans c<strong>et</strong>te dynamique? On se rend compte que même lesmé<strong>de</strong>cins généralistes qui sont souventconfrontés à ces situations n’ont pasune bonne image du secteur <strong>de</strong> la santé4 Confluences n°11 septembre 2005


mentale. Il y a encore un réel clivageentre santé physique <strong>et</strong> santé mentale<strong>et</strong> une méconnaissance du service <strong>de</strong>santé mentale.Il y a beaucoup d’idées préconçues <strong>et</strong><strong>de</strong> clichés. L’information ne circule passuffisamment. Je trouve parfois très surprenant<strong>de</strong> voir à quel point on orientepeu vers un service <strong>de</strong> santé mentalealors qu’en même temps, on va donnerfacilement <strong>de</strong>s anti-dépresseurs.Et pourtant, souvent, un accompagnementthérapeutique même léger peutsuffire à dépasser une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>crise</strong>.On vit dans une société <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s solitu<strong>de</strong>soù il est plus facile <strong>de</strong> régler le problèmeen prenant une pilule que par undialogue. Je crois que la seule manière<strong>de</strong> dépasser les tabous, c’est <strong>de</strong> communiquer<strong>et</strong> d’encourager le réseau.A partir du moment où les acteurs <strong>de</strong> terrainse connaissent sur une entité, ils travaillentmieux ensemble. Des expériencessont menées à certains endroits pouressayer <strong>de</strong> mieux connaître la façon dontfonctionne l’équipe voisine. Ce sont <strong>de</strong>sproj<strong>et</strong>s qui donnent <strong>de</strong> bons résultats <strong>et</strong>qui débouchent sur <strong>de</strong>s expériences positivesqui se renouvellent plus facilement.Un exemple serait la collaboration entreun service d’urgences d’un hôpital <strong>et</strong> unservice <strong>de</strong> santé mentale. Comment arriverà ce que la personne qui se présenteaux urgences puisse bénéficier d’uneai<strong>de</strong> <strong>et</strong> d’un soutien suffisant ? Danscertains endroits, les travailleurs du service<strong>de</strong> santé mentale vont une journéeau service <strong>de</strong>s urgences <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tent enplace <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> tuilages pourarriver à ce que la personne continue àêtre aidée à la sortie. La personne vararement faire elle-même le choix d’alleren service <strong>de</strong> santé mentale parce qu’elleest mal informée sur ce qu’elle vit <strong>et</strong> surles ai<strong>de</strong>s dont elle peut bénéficier.Le cadastre que vous avez réalisé s’inscritaussi, sans doute, dans c<strong>et</strong>te dynamiqued’information ?Il y a plusieurs aspects à votre question.Si j’ai voulu avoir un cadastre compl<strong>et</strong><strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins en Région <strong>wallon</strong>ne,c’était aussi un peu en réponse à l’interpellation<strong>de</strong> mon collègue du fédéraldans un cadre <strong>de</strong> restructuration. Jen’avais pas d’idée précise <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong>soins. J’ai voulu avoir une vue d’ensemble<strong>et</strong> j’ai rassemblé les informationssur toute l’offre <strong>de</strong> soins : généraliste <strong>et</strong>spécialisée, ambulatoire <strong>et</strong> hospitalière.Le cadastre est presque terminé maisil n’est pas finalisé. Il <strong>de</strong>vrait constituerun bon outil <strong>de</strong> pilotage <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre enavant les questions d’accessibilité eninterrogeant notamment la couverture<strong>de</strong>s services. Il y a <strong>de</strong>s zones qui ne sontpas couvertes <strong>et</strong> d’autres où il y a <strong>de</strong>ssuperpositions…Par rapport à ce que vous disiez tout àl’heure, est-ce que l’idée est d’élargir cecadastre aux autres structures psychosociales?Pour le moment la première étape portesur tout ce qui est santé. Après, on pourral’enrichir au niveau social. Ce sera effectivementtout à fait intéressant <strong>de</strong> disposerd’une carte qui va perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> visualiserl’ensemble <strong>de</strong> l’action menée dans mondépartement <strong>et</strong> <strong>de</strong> poser une série <strong>de</strong>questions qui alimenteront la réflexionsur les orientations, sur la couvertureassurée par l’offre actuelle, sur les zonesqui ont besoin d’être renforcées…Vous avez évoqué les orientations prisesau fédéral. Le secteur dépend effectivement<strong>de</strong> politiques différentes <strong>et</strong> ila souvent l’impression qu’au somm<strong>et</strong>,les choses doivent encore s’articuler …Alors, sur le terrain, comment faire poursoutenir c<strong>et</strong>te articulation qui se <strong>de</strong>ssine?C’est une question importante. En principe,l’articulation se fait dans les conférencesinterministérielles. Maintenantles choses sont parfois compliquées.Les intérêts <strong>de</strong>s uns <strong>et</strong> <strong>de</strong>s autres nesont pas toujours compatibles <strong>et</strong> lessolutions sont difficiles à trouver. Il en vaainsi, par exemple, <strong>de</strong> tout ce qui toucheaux lits K ou <strong>de</strong> la pénurie <strong>de</strong> psychiatres<strong>et</strong> <strong>de</strong> pédopsychiatres. J’ai écrit àmon collègue pour attirer son attentionsur les difficultés que cela posait enRégion <strong>wallon</strong>ne. Ce ne sont pas <strong>de</strong>sdébats simples, mais les débats ont lieu.L’adaptation aux besoins du terrain sefait beaucoup trop lentement <strong>et</strong> parfoisil faut attendre que la situation soit plusque critique pour initier du changement...Quoi qu’il en soit, le dialogue est là.Il en va <strong>de</strong> même, entre autres pour lesecteur <strong>de</strong> l’enfance, à la Communautéfrançaise. Personnellement, je suis trèsfréquemment interpellée sur <strong>de</strong>s questionsrelatives à l’ai<strong>de</strong> à la jeunesse.Là aussi, à mon avis, on aurait intérêtà structurer les choses différemment,parce que quand il y a 4 ou 5 prisesen charge différentes dans <strong>de</strong>s cadresdifférents pour <strong>de</strong>s problèmes comparables,il est évi<strong>de</strong>nt qu’on ne rend serviceà personne.Comment envisager l’avenir ?Il faut faire avec la situation tellequ’elle est, <strong>et</strong> aussi avec <strong>de</strong>s sensibilitéstrès différentes. Je me rends compte àquel point il est important que la Région<strong>wallon</strong>ne se situe comme un opérateur« réparateur ». C<strong>et</strong>te conception réparatrice<strong>de</strong>s politiques en matière <strong>de</strong> santémentale ne correspond pas du tout àune approche préventive comme à laCommunauté française, ou à une approchejudiciarisée qui sera parfois celle <strong>de</strong>l’ai<strong>de</strong> à la jeunesse, … On se r<strong>et</strong>rouve<strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s cultures très différentes avec,parfois, <strong>de</strong>s définitions <strong>de</strong> champs quirestent nébuleuses. Comment se situernotamment par rapport à l’AWIPH où,par exemple, l’enfant victime <strong>de</strong> violencefamiliale reçoit une étiqu<strong>et</strong>te <strong>de</strong> « handicap» ? Il faut lui assurer une prise encharge, mais le problème n’est pas <strong>de</strong>l’ordre du handicap. La définition <strong>de</strong>schamps est en cours.Si vous pouviez « effacer le tableau »,y aurait-il une priorité que vous voudriezsoutenir en santé mentale ?D’abord sortir <strong>de</strong> la « culture du mépris »,changer le regard con<strong>de</strong>scendant quel’on a parfois envers ceux qui sont en difficultés,notamment en matière <strong>de</strong> santémentale, <strong>et</strong> donc considérer chaque individucomme un vrai acteur. Confluences n°11 septembre 20055


« Groupes thérapeutiques en réseau »Depuis février 2003, le proj<strong>et</strong> « Groupes Thérapeutiques en Réseau »(GTR) rassemble <strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> quatre services <strong>de</strong> santé mentale1 dans un groupe <strong>de</strong> travail qui a pour objectifs <strong>de</strong> penser, m<strong>et</strong>tre surpied <strong>et</strong> superviser <strong>de</strong>s dispositifs thérapeutiques <strong>de</strong> groupe.Le proj<strong>et</strong> a germé, voici cinq ans, dans le cadre du Service <strong>de</strong>Santé Mentale (SSM) « L’Accueil » à Huy, suite à <strong>de</strong>s difficultésrencontrées avec les prises en charge thérapeutiques classiques<strong>et</strong> suite au désir d’explorer <strong>et</strong> <strong>de</strong> développer d’autres modalités<strong>de</strong> soin. Il se réfère à <strong>de</strong>s expériences menées ailleurs, enservice public, à Bruxelles <strong>et</strong> à l’étranger, parfois <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> vingtans, comme c’est le cas en France dans <strong>de</strong>s CMP <strong>et</strong> CMPP (l’équivalent<strong>de</strong> nos SSM). Il se fon<strong>de</strong> sur la possibilité <strong>de</strong> réaliser à plusieurs ce quiserait hors <strong>de</strong> la portée d’un seul.Benoît Bourguignon,Coordinateur du proj<strong>et</strong> « Groupes Thérapeutiques en Réseau » 2Ce constat ne surprendra personne :par leurs compétences <strong>et</strong> leurs différences,quatre SSM peuvent générerensemble une dynamique inaccessibleà un seul d’entre eux. Concrètement,le partenariat transversal entre ces quatreservices a d’abord pris la forme d’un groupe<strong>de</strong> huit professionnels – <strong>de</strong>ux par SSM – intéressés<strong>et</strong> plus ou moins formés au travail <strong>de</strong>groupe. Ce groupe nommé “cellule” s’est réunipour la première fois le 4 février 2003, dans leslocaux du Ministère <strong>de</strong> la Région Wallonne àJambes, en présence <strong>de</strong> l’inspectrice du secteur.Il s’est choisi un nom – proj<strong>et</strong> « GroupesThérapeutiques en Réseau » – , s’est structuré<strong>et</strong> a défini ses objectifs, ses moyens <strong>et</strong> sespriorités pour le travail à développer au fil <strong>de</strong>ses réunions mensuelles.Pourquoi créer <strong>de</strong>sdispositifs <strong>de</strong> groupes ?Parce que, mis dans une situation <strong>de</strong> p<strong>et</strong>itgroupe (<strong>de</strong> 5 à 10 personnes), nous ne sommespas les mêmes que dans une interactionà <strong>de</strong>ux. Nous sommes toujours nous, bien sûr,mais les registres que nous mobilisons <strong>et</strong> lesmodalités <strong>de</strong> leur mise en jeu dans le groupese présentent <strong>de</strong> façon très différente. Dans ungroupe il se passe toujours quelque chose, <strong>et</strong>certaines personnes ne supportent pas quandil ne se passe rien, ça les bloque. Comme on yest à plusieurs, l’attention <strong>de</strong> l’un peut toujoursse détourner vers quelqu’un d’autre, on peuts’y sentir moins exposé.Se r<strong>et</strong>rouver en relation avec d’autres, pour duvrai, renvoie autant à soi-même – sa problématique,sa similitu<strong>de</strong>, sa différence – qu’à sarelation aux autres – peur, rivalité, agressivité,inhibition, intolérance… Mais, direz-vous, cerenvoi à soi-même se m<strong>et</strong> aussi en jeu dansune relation à <strong>de</strong>ux ! Bien entendu sauf pour<strong>de</strong>s personnes – enfants, adolescents, adultes– qui, pour rencontrer ce qu’ils ressentent,vivent, éprouvent ; ont besoin que quelquechose <strong>de</strong> concr<strong>et</strong> se passe, dans une réalitéplurielle qui les m<strong>et</strong> dans un palais <strong>de</strong>s glacessans les rendre chiens <strong>de</strong> faïence. Après <strong>de</strong>uxentr<strong>et</strong>iens, certains adultes se taisent parcequ’ils pensent avoir tout dit. Au bout <strong>de</strong> troisséances un enfant reste impassible au milieu<strong>de</strong> tous ces jeux qui l’entourent.Ainsi, dans leur travail, les cliniciens buttentparfois sur une inadéquation entre l’offre <strong>et</strong> la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soins. Or, comme nous venons<strong>de</strong> l’évoquer, toute une série <strong>de</strong> paramètresjouent <strong>et</strong> se modulent différemment dans unface à face individuel ou dans une situation <strong>de</strong>groupe : l’inhibition, la gestion <strong>de</strong> l’excitation, leregard, le silence, la parole <strong>de</strong> l’autre, la miseen scène, la prise <strong>de</strong> distance. Les cliniciensqui ont une pratique <strong>de</strong> groupe sentent parfoisd’emblée qu’une proposition <strong>de</strong> groupe seraitbien indiquée pour tel enfant, tel adulte oupour tel adolescent.Quels groupes <strong>et</strong> pour qui ?‘Il suffit <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s gens ensemble pourque quelque chose se passe’, c’est vrai, <strong>et</strong>c<strong>et</strong> aphorisme dénote bien l’une <strong>de</strong>s bases<strong>de</strong>s T-Group qui étaient en vogue il y a plus<strong>de</strong> trente ans. Notre visée est différente, elles’éloigne <strong>de</strong> l’expérimentation. Elle part <strong>de</strong>ce constat : dans un groupe, chaque individuvit une rencontre privilégiée avec lui-même<strong>et</strong> avec les autres, avec son mon<strong>de</strong> interne,son mon<strong>de</strong> externe, <strong>et</strong> leurs intrications. Mais,selon ses caractéristiques propres, chaquegroupe va m<strong>et</strong>tre en avant, va m<strong>et</strong>tre autravail, certains aspects <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te rencontreplutôt que d’autres : l’imaginaire <strong>de</strong> chacun,sa capacité <strong>de</strong> collaboration à une tâche, sacapacité <strong>de</strong> penser <strong>et</strong> vivre la différence, seséruptions émotionnelles, ses impulsions à agir,son inhibition, ses craintes, son agressivité,son contrôle <strong>de</strong> lui-même, sa jalousie, saconstellation familiale, son lien à son corps,sa tolérance à la régression, sa capacité <strong>et</strong>ses niveaux <strong>de</strong> symbolisation, son rapport àla règle, <strong>et</strong>c.Depuis une trentaine d’années se sont créés<strong>et</strong> développés <strong>de</strong>s dispositifs <strong>de</strong> groupe qu’onpeut différencier <strong>et</strong> regrouper selon <strong>de</strong>uxaxes :- Celui <strong>de</strong> la théorie qui les sous-tend : psychanalyse(groupe analytique, psychodrame,…), systémique (groupe <strong>de</strong> généalogie, <strong>de</strong>système familial, …), bio-énergie, gestalt, pourn’en citer que quelques-uns.- Celui <strong>de</strong> la visée poursuivie : thérapeutique(groupe <strong>de</strong> développement personnel,émotionnel, <strong>de</strong> diagnostic, …) ou <strong>de</strong> formation(groupe <strong>de</strong> sensibilisation, <strong>de</strong> supervision,…).6Confluences n°11 septembre 2005


Si un groupe <strong>de</strong> formation peut utiliser lemême support (le psychodrame par ex.) <strong>et</strong>avoir <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s proches <strong>de</strong> ceux d’un group<strong>et</strong>hérapeutique, m<strong>et</strong>tre sur pied l’un ou l’autre<strong>de</strong> ces groupes implique <strong>de</strong>s objectifs <strong>et</strong> <strong>de</strong>spréalables fort différents.Nous n’avons pas voulu organiser danschacun <strong>de</strong>s quatre SSM une <strong>de</strong>s formes<strong>de</strong> groupe thérapeutique “clé sur porte”.Au contraire, nous sommes partis <strong>de</strong> la situationpropre à chaque centre, <strong>de</strong>s patients <strong>et</strong><strong>de</strong>s problématiques qui, là-bas préoccupantes,étaient susceptibles d’un abord groupal<strong>et</strong>, bien entendu, du niveau <strong>de</strong> réalisationpossible, utile <strong>et</strong> souhaitable pour chacune<strong>de</strong>s équipes. C’est à huit personnes, puisà dix, que nous avons pu ainsi penser cinqformes <strong>de</strong> travail thérapeutique <strong>de</strong> groupe,réalisant par notre propre travail <strong>de</strong> groupece qui n’aurait pu venir d’un seul centre.Par ailleurs, la diversité <strong>de</strong> nos formations apermis qu’approches analytique, systémique<strong>et</strong> corporelle s’enrichissent mutuellement.Pour Viol<strong>et</strong>te par exemple…Viol<strong>et</strong>te a 13 ans quand ses parents consultentune pédopsychiatre au Centre <strong>de</strong> Guidance.En septembre, elle est entrée dans le secondaire.Récemment, elle a caché ses résultatsà ses parents. « Elle m’a menti ! » dit samaman fâchée. D’habitu<strong>de</strong>, elle est très sage,très obéissante <strong>et</strong> fait tout ce qu’on attendd’elle. Ses « dissimulations » les étonnentdonc très fort. Dans l’entr<strong>et</strong>ien, la pédopsychiatreapprend également qu’avec Viol<strong>et</strong>te« on ne sait jamais ce qu’elle pense : elle neveut plus aller au patro mais on ne sait paspourquoi ! ». Ils ajoutent que, d’une manièregénérale, leur fille éprouve <strong>de</strong>s difficultés àexprimer son agressivité. Ils signalent égalementque Viol<strong>et</strong>te ne sait pas bien se défendrepar rapport à ses sœurs plus jeunes, fortenvahissantes, qui sont décrites comme <strong>de</strong>vrais « démons ». Les parents souhaitent ai<strong>de</strong>rleur fille à surmonter ses difficultés.Un bilan instrumental est réalisé afin <strong>de</strong> vérifierqu’il n’y ait pas <strong>de</strong> problème à ce niveau.Les résultats sont rassurants.La pédopsychiatre déci<strong>de</strong> alors <strong>de</strong> l’orientervers le groupe <strong>de</strong> psychodrame pour adolescentsqui existe au Centre <strong>de</strong> Guidance.Bien que très timi<strong>de</strong>, Viol<strong>et</strong>te se montre d’embléeintéressée par ce dispositif. En séance,elle participe bien. Entraînée par le climatémotionnel <strong>et</strong> le jeu du groupe, elle amènelors d’une séance un fantasme très agressifqui la surprend, l’effraie <strong>et</strong> dont, au départ,elle se défend. Tout ce matériel est contenupar le dispositif du psychodrame <strong>de</strong> groupe<strong>et</strong> est élaboré ensuite dans le transfert parrapport aux animateurs dans les séances.Viol<strong>et</strong>te participe également à d’autres jeuxqui sont sous-tendus par <strong>de</strong>s mouvementsémotionnels très forts. Le groupe <strong>de</strong> psychodramea constitué, pour Viol<strong>et</strong>te, un espacemédiateur i<strong>de</strong>ntificatoire <strong>et</strong> un étayage narcissiquesur lequel elle a pu s’appuyer pours’exprimer <strong>et</strong> se faire davantage confiance.Le cycle <strong>de</strong> séances terminé, la maman<strong>de</strong> Viol<strong>et</strong>te confirme les progrès <strong>de</strong> sa fille.En eff<strong>et</strong>, celle-ci peut beaucoup mieux s’affirmerdans ses choix personnels, les expliciterdavantage, voire parfois s’opposer à sesparents <strong>et</strong> à d’autres adultes, m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s limitesà ses soeurs <strong>et</strong> réussir à l’école.Ou pour Kévin…Bien droit sur sa chaise à la première séance<strong>de</strong> groupe, Kévin observe les cinq autres <strong>et</strong>ne dit rien. Il scrute aussi ce monsieur <strong>et</strong> c<strong>et</strong>temadame qu’il a rencontrés trois semaines plustôt avec sa maman.Sa mère nous avait parlé <strong>de</strong> ce qui la préoccupait.Son fils est toujours seul, il ne jouepas avec les autres dans la cour <strong>de</strong> l’école, ilne veut jamais inviter un copain à la maison.Il a toujours la tête ailleurs <strong>et</strong> la réussite <strong>de</strong> satroisième primaire est compromise. Derrièreson regard craintif, très attentif pourtant, Kévinn’a pas <strong>de</strong>sserré les <strong>de</strong>nts.Conduit par ses <strong>de</strong>ux parents, il arrive complètementcrispé pour la première <strong>de</strong>s dix séances.Sous la poussée <strong>de</strong>s encouragements<strong>de</strong> sa mère, il nous dit en quelques motsbredouillés qu’il ne voulait pas venir. Nousavons accusé réception. Il n’a pas ouvert labouche c<strong>et</strong>te fois-là.Etre dans un groupe avec <strong>de</strong>ux adultes ; c’estd’abord comme si on était à l’école. Puis, au<strong>de</strong>là<strong>de</strong>s consignes <strong>de</strong> départ – créer un jeuensemble –, la mise en groupe fait son œuvre.Des liens se tissent <strong>et</strong> les personnes se m<strong>et</strong>tentà bouger, à parler, à vouloir courir, sauter,grimper sur leur siège, <strong>et</strong> les <strong>de</strong>ux thérapeutestentent, pas toujours avec succès, <strong>de</strong> maintenirc<strong>et</strong>te vitalité débordante en intervenant surl’acte, la parole <strong>et</strong> le sens.A la <strong>de</strong>uxième séance, lors du rituel <strong>de</strong> présentationen cercle, Kévin arrive à bégayerson prénom malgré son corps parcouru d<strong>et</strong>remblements. Il redit <strong>de</strong>vant tous qu’il n’avaitpas envie <strong>de</strong> venir. Après quelques fois, il sort<strong>de</strong> sa réserve, pris dans les sollicitations <strong>de</strong>sautres <strong>et</strong> du groupe. Avait-il le choix ? Il auraitpu ne plus venir sans doute. Le voilà qui,lui aussi, se risque à tenter <strong>de</strong> dépasser leslimites, à lancer une injure ou à crier commeun putois au cour d’un jeu. Très attentif à nosréactions, il embraye pourtant dans le mouvementd’ensemble qui cherche <strong>de</strong> plus en plusà m<strong>et</strong>tre les limites du groupe – les nôtresaussi – à l’épreuve. Sollicité par les autres <strong>et</strong>le jeu i<strong>de</strong>ntificatoire interne au groupe, Kévinrencontre peu à peu l’agressivité paralyséedans tout son corps. Il lui faut un espace transitionnelsuffisamment exposé <strong>et</strong> protégé à lafois. « Et quoi, vous n’allez pas raconter toutcela à ma mère ? » « Non, mais on parlera d<strong>et</strong>oi avec tes parents quand on se verra aprèsla fin du groupe. »L’entr<strong>et</strong>ien bilan fait partie du processus.En j<strong>et</strong>ant <strong>de</strong>s ponts entre le quotidien <strong>et</strong> legroupe, sans en faire le rapport mais en ayantpour visée ce que l’enfant a pu y montrer <strong>de</strong>lui, il constitue un temps essentiel d’échangeélaboratif dans l’après-coup.Après notre entr<strong>et</strong>ien, Kévin se rendait augoûter d’anniversaire d’un copain.Et à présent ?Cinq groupes ont été construits : trois pour <strong>de</strong>senfants (l’un s’organisant autour <strong>de</strong> la créationd’une œuvre commune, l’autre axé sur le jeu<strong>et</strong> le travail <strong>de</strong> l’inhibition, le troisième sur lasymbolisation médiatisée <strong>et</strong> l’individuation),un pour <strong>de</strong>s adolescents (psychodrame <strong>de</strong>groupe), un pour adultes (expression verbale).Actuellement tous ces groupes sont en coursou ont terminé leur premier cycle. Il est doncà ce sta<strong>de</strong> encore prématuré <strong>de</strong> dresserun bilan définitif <strong>de</strong> la situation mais quelqueséléments d’évaluation laissent à penserqu’il serait intéressant <strong>de</strong> poursuivre l’actionentamée, <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> nouveaux groupesthérapeutiques voire, pourquoi pas, d’intégrerultérieurement d’autres SSM au proj<strong>et</strong>. 1 Les SSM <strong>de</strong> Charleroi ( rue L. Bernus), Ottignies (rue<strong>de</strong>s Fusillés), Huy (rue <strong>de</strong> la Fortune) <strong>et</strong> le CSMU <strong>de</strong>Liège (rue Lambert-le-bègue).2 Article co-signé par D. Huon, J-M. Warich<strong>et</strong>, L.Balthazar, X. Mulkens, A. d’Haeyère, M. Blust, V. Liesens,F. Bouchat, F. Dispas.Confluences n°11 septembre 2005 7


La prise en charge <strong>de</strong>s mineurs en difficulté.Eléments d’analyse dans la région <strong>de</strong> NamurLe paysage <strong>de</strong> la prise en charge <strong>de</strong>s enfants souffrant d’un handicapphysique, mental ou psychique s’est diversifié au fil du temps pour adapterprogressivement les réponses aux multiples situations <strong>de</strong> détresseexistantes. Résultat : nombreuses sont aujourd’hui les institutions qui secomplètent <strong>et</strong> s’articulent dans différents secteurs pour ai<strong>de</strong>r les enfantsen difficultés, au bénéfice <strong>de</strong>s enfants mais au détriment peut-être d’unebonne lisibilité <strong>de</strong>s ressources. De là à vouloir m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> l’ordre… il n’y aqu’un pas … bien légitime certes ! Pour autant que l’on puisse se donnerles garanties que le secteur pourra suivre <strong>et</strong> qu’aucun enfant ne resterasur le carreau. Il faut dire qu’aujourd’hui, les situations sont <strong>de</strong> plus enplus complexes <strong>et</strong> mêlent très souvent <strong>de</strong>s paramètres individuels,sociaux, familiaux, économiques, … ce qui ne facilite en rien l’analyse.C’est dans ce cadre, après une première phase <strong>de</strong> restructuration, quela Commission Jeunes <strong>de</strong> la Commission subrégionale <strong>de</strong> l’AWIPH– Namur a interpellé l’<strong>Institut</strong> Wallon pour la Santé Mentale pour faireson bilan <strong>de</strong>s premiers changements. L’étu<strong>de</strong> tente <strong>de</strong> donner un aperçu<strong>de</strong> l’actuelle prise en charge <strong>de</strong>s mineurs en difficultés ainsi qu’une idéeprécise <strong>de</strong>s conséquences <strong>de</strong> la réforme, tout en faisant écho <strong>de</strong>s inquiétu<strong>de</strong>sformulées par les acteurs concernés dans les différents secteurs.Virginie Olivier, chargée <strong>de</strong> recherche, IWSMLa réforme en questionL’étu<strong>de</strong> a pour contexte l’arrêté duGouvernement <strong>wallon</strong> du 26 juin2002, « modifiant celui du 9 octobre1997, relatif aux conditions d’agrément<strong>et</strong> <strong>de</strong> subventionnement <strong>de</strong>s servicesrési<strong>de</strong>ntiels, d’accueil <strong>de</strong> jour <strong>et</strong> <strong>de</strong> placementfamilial pour personnes handicapées ».Il organise la ferm<strong>et</strong>ure progressive <strong>de</strong>sServices d’Accueil <strong>de</strong> Jour pour Jeunes -SAJJ dépendant <strong>de</strong> l’AWIPH. L’objectif <strong>de</strong> c<strong>et</strong>arrêté était d’une part d’augmenter à la fois lenombre <strong>de</strong> places pour personnes handicapéesadultes <strong>et</strong> celui pour enfants <strong>et</strong> adultespolyhandicapés, <strong>et</strong> d’autre part d’ouvrir <strong>de</strong>sServices d’Ai<strong>de</strong> à l’Intégration – SAI, prenanten charge davantage d’enfants selon uneautre formule (non quotidienne). Il s’agissaitaussi <strong>de</strong> réformer <strong>de</strong>s services aux pratiquesfort différentes, certains étant, aux yeux dupolitique, assimilés à <strong>de</strong>s ‘semi-internats scolaires’.Chaque SAJJ pouvait effectuer c<strong>et</strong>t<strong>et</strong>ransformation en <strong>de</strong>ux phases, l’une effectiveen 2003, l’autre <strong>de</strong>vant l’être en 2006.Notons que ceux qui ont décidé d’opter pourc<strong>et</strong>te ferm<strong>et</strong>ure en <strong>de</strong>ux temps espèrent toujourspouvoir, avec les places dont ils disposentencore, poursuivre le travail spécifiquequ’ils mènent en SAJJ, basée notamment surla fonction d’accueil.Parallèlement, <strong>de</strong>s diminutions <strong>de</strong> 10 % <strong>de</strong>slits étaient annoncées dans les ServicesRési<strong>de</strong>ntiels pour Jeunes - SRJ dont la capacitéétait supérieure à 75 lits, dans l’optique<strong>de</strong> réhabiliter ces places pour <strong>de</strong>s adultes.L’étu<strong>de</strong> en questionL’IWSM a choisi d’approcher c<strong>et</strong>te mutationtransectorielle <strong>de</strong> manière qualitative, par lebiais d’entr<strong>et</strong>iens avec différents services duNamurois concernés directement ou indirectementpar la réforme. Transectorielle car, siseuls certains services bien définis ont étédirectement touchés par c<strong>et</strong>te restructuration,c’est toute une panoplie <strong>de</strong> services, issus<strong>de</strong> divers secteurs (AWIPH, Santé mentale,Enseignement, Ai<strong>de</strong> à la jeunesse, <strong>et</strong>c.), quis’est sentie concernée par le même souci <strong>de</strong>continuer à trouver une ai<strong>de</strong> appropriée pour<strong>de</strong>s jeunes qui en montrent le besoin.Il a aussi choisi <strong>de</strong> centrer son approche surles enfants <strong>et</strong> leurs trajectoires <strong>de</strong> vie. Car unenfant pris en charge dans un service vient<strong>de</strong> quelque part (parfois d’un autre service) <strong>et</strong>poursuit son chemin par la suite. L’étu<strong>de</strong> sevoulait particulièrement vigilante par rapportau <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s enfants qui avaient dû quitterune structure SAJJ ou SRJ suite à la restructuration: <strong>de</strong>s jeunes avaient-ils perdu leurplace en se r<strong>et</strong>rouvant sans solution ?Les conséquences au niveau<strong>de</strong>s enfants...La réponse à c<strong>et</strong>te question s’est avéréeheureusement négative pour la majorité<strong>de</strong>s cas. En SRJ, les places perduescorrespon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>s fins <strong>de</strong> prise en charge <strong>et</strong>,en SAJJ, mis à part pour un seul <strong>de</strong>s servicesqui a transformé toutes ses places enplaces pour adultes, les bénéficiaires étaientsoit en fin <strong>de</strong> prise en charge, soit orientés-généralement les plus âgés- vers le SAI créésuite à la restructuration. Des contacts avecles partenaires scolaires laissent toutefoisentendre les risques <strong>de</strong> décrochage pourles enfants issus du seul SAJJ qui a ferméses portes.8Confluences n°11 septembre 2005


... <strong>et</strong> <strong>de</strong>s institutionsL’étu<strong>de</strong> s’est aussi intéressée aux fonctionsredéfinies <strong>de</strong>s SAI, SAJJ <strong>et</strong> <strong>de</strong>s SRJ. Il s’estavéré que chacun <strong>de</strong> ces services offrait bienune prise en charge spécifique adaptée à<strong>de</strong>s besoins particuliers d’enfants, en fonctiontantôt <strong>de</strong> l’âge (par exemple les enfants plusjeunes se r<strong>et</strong>rouvent plus souvent en SAJJ),tantôt <strong>de</strong> la problématique (les problématiquesdoivent être plus limitées pour êtresuivies en SAI) ou <strong>de</strong>s ressources familiales(on pourra plus facilement éviter une prise encharge rési<strong>de</strong>ntielle en SRJ si on peut comptersur la collaboration <strong>de</strong> la famille), <strong>et</strong>c.On ne peut donc remplacer un service par unautre mais la diversité <strong>de</strong>s réponses perm<strong>et</strong><strong>de</strong> mieux rencontrer la diversité <strong>de</strong>s besoins.L’orientation <strong>de</strong>s situations…Le profil <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s concernant <strong>de</strong>senfants en difficulté est en mutation <strong>de</strong>puisquelques années. On peut notamment pointer<strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> situations <strong>de</strong> polyhandicaps,l’amplification <strong>de</strong>s problèmes<strong>psychiatriques</strong>, l’abandon plus fréquent <strong>de</strong>sfamilles, une augmentation <strong>de</strong>s enfants quine suivent plus l’enseignement ordinaire,un accroissement <strong>de</strong> situations complexesissues du secteur <strong>de</strong> l’Ai<strong>de</strong> à la Jeunesse,<strong>et</strong>c. L’investigation s’est portée sur l’origine<strong>de</strong> ces <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s, puis sur leur parcours,souvent semé d’embûches.… ses difficultésParmi les principaux obstacles, on recensele manque <strong>de</strong> places disponibles, les listesd’attente subséquentes <strong>et</strong> les lacunesau niveau <strong>de</strong> la répartition géographique.Certains profils posent particulièrement problème: en cas <strong>de</strong> cumul <strong>de</strong>s problématiquespar exemple, ou <strong>de</strong> troubles pédo<strong>psychiatriques</strong>avérés. Parallèlement, certaines exigencesinstitutionnelles sont parfois difficilesà rencontrer : que se passe-t-il, par exemple,quand une famille n’a pas la disponibilité oules moyens d’assurer le relais le week-end<strong>et</strong> les vacances, quand un jeune ou sonentourage n’adhère pas au proj<strong>et</strong>, quandles déplacements sont conséquents ? Enfin,d’autres difficultés sont encore évoquées,comme la sélection <strong>de</strong>s situations par les institutions(effectuée notamment pour maintenirl’équilibre du groupe), les parents qu’il fautconvaincre <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong> l’orientation établie,la prise en compte <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong> logopédie<strong>et</strong> <strong>de</strong> psychomotricité, les intervenants qu’ilfaut trouver (dans certaines régions) <strong>et</strong> lessituations urgentes, entre autres.… <strong>et</strong> ses impassesEnfin, nous avons répertorié les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>squi sont orientées vers <strong>de</strong>s services<strong>de</strong> l’AWIPH sans qu’une réponse n’ait puêtre apportée dans ce cadre. La question<strong>de</strong>s autres relais possibles s’est alors posée.Il en ressort que, malgré les efforts <strong>de</strong>chacun, c’est la disponibilité <strong>de</strong> places quisemble primer sur la réelle adéquation <strong>de</strong>la prise en charge <strong>et</strong> nombre d’enfants ser<strong>et</strong>rouvent bien souvent avec une prise encharge inappropriée à leur situation voire sanssolution du tout. L’orientation <strong>de</strong>s mineurs endifficulté dépasse donc largement le cadre<strong>de</strong> l’AWIPH puisque <strong>de</strong>s relais sont trouvés,pour autant qu’ils le soient, dans TOUS lessecteurs liés à l’enfance.Si la restructurationse poursuivait…C<strong>et</strong>te étu<strong>de</strong> pointe également les risques liésà la poursuite du mouvement <strong>de</strong> restructurationdans le secteur AWIPH qui risque, sil’on y prend gar<strong>de</strong>, d’accentuer encore cesdifficultés. Ainsi, trois menaces planent suiteà la transformation <strong>de</strong>s SAJJ : la disparitiondu travail thérapeutique particulier qui y estmené <strong>et</strong> qui ne pas sera remplacé ; le risque<strong>de</strong> déscolarisation lié à l’impossibilité dorénavant<strong>de</strong> soutenir le jeune dans sa scolarité <strong>et</strong>une exclusion <strong>de</strong> certains enfants nécessitant<strong>de</strong>s soins. Pour les SRJ, les témoignagesfont ressortir le risque <strong>de</strong> sélection <strong>de</strong>s problématiques; la crainte <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir accepter<strong>de</strong>s cas trop lourds ; l’obligation <strong>de</strong> placementsloin du domicile ; la peur d’absence <strong>de</strong>post-cure après passage en pédopsychiatrie.A cela s’ajoutent encore d’autres pierresd’achoppement qui ren<strong>de</strong>nt le travail <strong>de</strong> plusen plus compliqué dans le secteur comme, ladiminution <strong>de</strong> l’équipe médicale en SRJ.En conclusionLa recherche se clôture par l’avis <strong>de</strong>s professionnelssur les restructurations dans lesecteur <strong>de</strong> l’AWIPH, avec ses apports positifs<strong>et</strong> négatifs <strong>et</strong> propose <strong>de</strong>s pistes concrètesà creuser. Parmi elles, citons : laisserla possibilité <strong>de</strong> combiner plusieurs typesd’ai<strong>de</strong>s tous secteurs confondus ; valoriserle travail <strong>de</strong> prévention ; repenser le travailavec la famille ; passer le relais en douceur; prendre ses responsabilités ; travailler avec<strong>de</strong>s listes d’attente ; tenir compte <strong>de</strong>s enfantsmomentanément déscolarisés ; miser sur lapolyvalence <strong>et</strong> la flexibilité <strong>de</strong>s services.In fine, la conclusion générale n’est pas nouvellemais les faits montrent qu’elle n’est pasencore vraiment assimilée. C<strong>et</strong>te analyse <strong>de</strong>la situation <strong>de</strong>s mineurs en difficulté confirmeque toute restructuration -voire, plus loin,toute offre <strong>de</strong> service - ne peut s’articulerqu’autour <strong>de</strong> la question <strong>de</strong>s besoins, entenant compte avant tout <strong>de</strong> l’intérêt dubénéficiaire <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ressources <strong>de</strong>s autresservices existants, quel que soit leur pouvoir<strong>de</strong> tutelle. SAJJ : Service d’Accueil <strong>de</strong> Jour pourJeunesSRJ : Service Rési<strong>de</strong>ntiel pour Jeunes(anciennement IMP – <strong>Institut</strong> médicopédagogique)SAI : Service d’Ai<strong>de</strong> à l’IntégrationPour en savoir plus : rapport <strong>et</strong> synthèsedisponibles sur www.iwsm.beConfluences n°11 septembre 2005 9


La loi <strong>de</strong> Défense Sociale : 75 ans d’applicationVoilà 75 ans que la loi <strong>de</strong> Défense Sociale a été adoptée en Belgique ;un moment clé pour dresser un bilan <strong>de</strong> son application <strong>et</strong> <strong>de</strong>s éventuellesdifficultés qui sont, au quotidien, rencontrées sur le terrain.Un colloque sera également consacré à c<strong>et</strong>te question en novembreprochain 1Pour le « Groupe <strong>de</strong> Travail Francophone Défense Sociale »,Pierre Titeca, PsychiatreCentre Hospitalier Jean Titeca - BruxellesAla suite du mouvement <strong>de</strong> DéfenseSociale né à la fin du 19ème siècleen Europe Occi<strong>de</strong>ntale, unepremière loi belge, dite <strong>de</strong> défensesociale, a vu le jour le 9 avril 1930. C<strong>et</strong>te loiprévoit que les personnes responsables <strong>de</strong>délits ou <strong>de</strong> crimes soient internées si, aumoment <strong>de</strong>s faits, elles sont considéréescomme ayant été en état <strong>de</strong> démence oudans un état grave <strong>de</strong> déséquilibre mental ou<strong>de</strong> débilité mentale les rendant incapables ducontrôle <strong>de</strong> leurs actes. L’internement a pourfonction non seulement <strong>de</strong> protéger la sociétémais aussi <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>tre à ces personnes <strong>de</strong>bénéficier d’un traitement approprié dans unétablissement <strong>de</strong> défense sociale (EDS) sousle contrôle d’une commission <strong>de</strong> défensesociale (CDS). En cas d’évolution positive,elles pourront être libérées à l’essai moyennantle respect d’une série <strong>de</strong> conditions dontune tutelle médicale <strong>et</strong> sociale. C<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnièrepeut s’exercer en ambulatoire ou, si la situationle nécessite, dans un hôpital psychiatriqueou tout autre lieu <strong>de</strong> vie protégé. Enfin,la CDS peut libérer définitivement l’interné sielle l’estime apte à réintégrer la société sanssuivi médico-judiciaire obligatoire.Après 75 ans d’application, <strong>et</strong> bien queréformée en 1964, c<strong>et</strong>te loi pose encoreaujourd’hui un grand nombre <strong>de</strong> difficultésdans sa mise en pratique comportant troisétapes. Chacune d’elles soulève en eff<strong>et</strong> <strong>de</strong>sécueils bien spécifiques.La première phase qui conduit au statut d’internéest celle <strong>de</strong> l’instruction <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’expertise.L’autorité judiciaire compétente peut ordonnerqu’il soit procédé à l’expertise psychiatriqued’un délinquant poursuivi du chef d’un crimeou d’un délit. Dès lors, le magistrat sollicite <strong>de</strong>plus en plus le psychiatre <strong>et</strong> le psychologue,attendant d’eux un avis éclairé. La décisionprise à l’analyse <strong>de</strong>s conclusions <strong>de</strong> l’expertn’est pas, bien entendu, sans conséquencesur le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> la personne inculpée. C<strong>et</strong>te<strong>de</strong>rnière reste incarcérée <strong>et</strong> attend durant <strong>de</strong>nombreux mois dans une annexe psychiatrique(AP) d’un établissement pénitentiaireque son sort soit déterminé par la justice.Par ailleurs, <strong>de</strong> nombreuses questions seposent encore en ce qui concerne la formation<strong>de</strong>s experts, leur statut scientifique, leurrémunération, <strong>et</strong> un consensus éventuel surles critères <strong>de</strong> références (notamment lesdélais <strong>de</strong> remise <strong>de</strong>s rapports d’expertise) <strong>et</strong>les méthodologies à utiliser.La <strong>de</strong>uxième phase est celle <strong>de</strong> l’internement<strong>et</strong> du traitement. Selon le rapport Cosyns 2 ,la Belgique compte plus <strong>de</strong> 3300 personnesinternées. Parmi celles-ci, 40% environrelèvent d’une mesure effective (article14 <strong>de</strong> la loi). Certaines sont incarcéréesdans un établissement du Service PublicFédéral (SPF) <strong>de</strong> la Justice (AP <strong>de</strong>s prisons,complexe pénitentiaire <strong>de</strong> Bruges, EDS <strong>de</strong>Paifve, Merksplas, Turnhout) ne pouvant ybénéficier que d’un traitement limité faute<strong>de</strong> moyens. D’autres sont placées dans <strong>de</strong>sétablissements <strong>de</strong> soins pour y être soignées(EDS <strong>de</strong> Tournai <strong>et</strong> Mons, hôpitaux <strong>psychiatriques</strong>,homes, habitations protégées,maisons <strong>de</strong> soins <strong>psychiatriques</strong>, ...). Il existed’importantes différences entre les partiesfrancophone <strong>et</strong> néerlandophone du pays. Parexemple, la quasi totalité (99%) <strong>de</strong>s patientsnéerlandophones est incarcérée dans unétablissement du SPF <strong>de</strong> la Justice à défaut<strong>de</strong> structures spécifiques pour leur accueil.C<strong>et</strong>te phase pose également toute une série<strong>de</strong> problèmes : les spécificités <strong>de</strong>s prises encharge (en particulier celles <strong>de</strong>s délinquantssexuels <strong>et</strong> handicapés mentaux), les modalités<strong>de</strong> réintégration d’un patient sorti à l’essai,les contraintes financières pour les patients <strong>et</strong>les établissements qui les accueillent, lesdifficultés <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s alternatives à l’internement...La troisième phase est celle <strong>de</strong> la réinsertion<strong>et</strong> du suivi socio-médico-judiciaire. Elleimplique l’intervention <strong>de</strong> différents acteurstant du domaine <strong>de</strong> la justice (assistants <strong>de</strong>justice, CDS) que <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> la santé (hôpitaux<strong>psychiatriques</strong>, initiatives d’habitationsprotégées, centres <strong>de</strong> santé mentale …).Chacun <strong>de</strong> ceux-ci a un angle d’approchequi lui est propre. C<strong>et</strong>te situation complexenécessite une collaboration étroite entre lesintervenants afin <strong>de</strong> faciliter, le cas échéant,le parcours <strong>de</strong>s patients au sein <strong>de</strong>s réseauxsocio-médico-judiciaires. Ceci concerne les60% <strong>de</strong>s patients internés “libérés à l’essai”(article 18 <strong>de</strong> la loi).Les mon<strong>de</strong>s politique <strong>et</strong> judiciaire sont parfaitementconscients <strong>de</strong> toutes ces difficultés.Ainsi <strong>de</strong>s débats parlementaires <strong>et</strong> <strong>de</strong>s travaux<strong>de</strong> commission sont en cours <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>nombreuses années, sans pour autant avoirabouti jusqu’ à présent à une révision <strong>de</strong> laloi. Néanmoins, un changement important adéjà vu le jour c<strong>et</strong>te année : le financement<strong>de</strong>s soins n’est plus à charge du SPF <strong>de</strong> laJustice mais <strong>de</strong> l’INAMI. De plus, le Conseil<strong>de</strong>s ministres a avalisé en juin <strong>de</strong>rnier lesrecommandations du rapport Cosyns ce quipourrait ouvrir <strong>de</strong> nouvelles perspectivesdans le champ <strong>de</strong> la défense sociale. 1 Le « Groupe <strong>de</strong> Travail Défense Sociale » organiseles 24 <strong>et</strong> 25 novembre un colloque : « 75 ans<strong>de</strong> Défense Sociale : du droit au soin ! » à Bruxelles.Informations : 02/ 738 09 46 – www.colloquium2005.be.2 Groupe <strong>de</strong> travail Circuit <strong>de</strong> soins Psychiatrie Légale.Rapport <strong>de</strong> synthèse mai 2005. Prof. Paul Cosyns(prési<strong>de</strong>nt).10Confluences n°11 septembre 2005


Temps(s) <strong>et</strong> traitement psychiatrique :quelques articulations...Autre thème <strong>de</strong> réflexion mis endébat, celui du temps consacré autraitement. Peut-on évaluer quellesera la durée d’un traitement psychiatrique? Comment réagir face aux pressionsd’immédiat<strong>et</strong>é <strong>et</strong> <strong>de</strong> rentabilité ?Est-il possible <strong>de</strong> croire que les liens peuventse créer, hors temporalité, <strong>de</strong> manière presquevirtuelle ? Le temps n’est-il pas un élémentessentiel du traitement ? Comment êtresûr <strong>de</strong> ne pas s’enliser dans un processus<strong>de</strong> soins sans fin ? En guise d’introduction àc<strong>et</strong>te journée d’étu<strong>de</strong> 1 , voici quelques pistes<strong>de</strong> réflexions...Edith Stillemans, Mé<strong>de</strong>cin-chefChristophe Herman, PsychologueCentre Hospitalier Jean Titeca, BruxellesDéjà, dans l’antiquité grecque, les templesd’Asclépios offraient différentesapproches thérapeutiques spécifiques<strong>de</strong>s états qualifiés, à l’époque, « d’aveuglements». Ces thérapeutiques comprenant jeûne,processions, longues heures <strong>de</strong> suggestions verbales,… m<strong>et</strong>taient en jeu, dans sa durée, le temps quiapparaissait déjà indissociable du traitement.Plus près <strong>de</strong> nous, au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers siècles <strong>et</strong>jusqu’à il y a peu, les représentations sociales ontparfois qualifié l’asile <strong>de</strong> lieu <strong>de</strong> soins mais, plussouvent, <strong>de</strong> lieu d’enfermement à vie. En eff<strong>et</strong>, faisantécho à la maladie mentale considérée comme« chronique » voire incurable, le temps du traitementa été lui aussi supposé interminable, se confondantainsi avec une durée « d’hospitalisation » illimitée.Dans les faits, pourtant, il semble que la réalité aitété bien différente. C’est ce que nous constatonsnotamment au travers <strong>de</strong> l’examen <strong>de</strong> la populationaccueillie au Centre Hospitalier Jean Titeca (CHJT)à Bruxelles durant la secon<strong>de</strong> moitié du XIXèmesiècle 2 . 87,3% <strong>de</strong>s personnes hospitalisées yséjournaient moins d’une année. Les courts séjoursy constituaient véritablement la règle.Néanmoins, il faut souligner le taux important<strong>de</strong> décès relevé dans c<strong>et</strong>te population (un tiers<strong>de</strong>s personnes hospitalisées). Celui-ci a certainementcontribué à soutenir certaines représentationssociales confirmant dramatiquement la formulation :« lorsqu’on entre à l’asile, on n’en ressort pas ».Depuis plus <strong>de</strong> trente ans, dans les suites <strong>de</strong> ladécouverte <strong>de</strong>s psychotropes <strong>et</strong> dans la mouvancedu courant antipsychiatrique <strong>et</strong> <strong>de</strong> désinstitutionnalisationainsi que du développement <strong>de</strong>s psychothérapies,les alternatives thérapeutiques se sont vuescroître <strong>de</strong> manière exponentielle.Actuellement, la réorganisation en réseaux <strong>et</strong> circuitsdu champ <strong>de</strong> la santé mentale <strong>et</strong> <strong>de</strong> lapsychiatrie vise à concilier <strong>de</strong> manière optimaleces offres thérapeutiques avec le bien-être <strong>de</strong> lapersonne tout en tenant compte <strong>de</strong>s impératifs budgétaires.Ces <strong>de</strong>rnières contraintes introduisent aucœur même <strong>de</strong>s soins la nécessité <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>ment<strong>et</strong> d’efficacité. Ainsi, la performance d’un traitements’apprécie-t-elle, entre autres, à la brièv<strong>et</strong>é <strong>de</strong> laprise en charge.Si nous nous rapportons à une lecture <strong>de</strong>scriptive<strong>de</strong>s troubles mentaux, il s’avère que le traitementcontrôle rapi<strong>de</strong>ment les symptômes <strong>de</strong> certainespersonnes, les atténue chez d’autres ou reste sanseff<strong>et</strong>, même au fil du temps. « Chroniquement »aiguës, ces <strong>de</strong>rnières personnes ne sont pas, àbrève échéance, candidates aux structures ambulatoires<strong>et</strong> séjournent parfois durant <strong>de</strong> longuespério<strong>de</strong>s à l’hôpital. De plus, une même personnepeut, à divers moments <strong>de</strong> son histoire, passer <strong>de</strong>l’une à l’autre <strong>de</strong> ces situations en fonction <strong>de</strong> ceà quoi elle est aux prises dans son existence. Dèslors, nous le voyons, point <strong>de</strong> solution définitive ou<strong>de</strong> règle invariable en ce qui concerne l’efficacité<strong>de</strong>s traitements <strong>et</strong> leur durée.Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’abord <strong>de</strong>scriptif <strong>de</strong>s symptômes, <strong>de</strong>la diversité <strong>de</strong>s approches thérapeutiques <strong>et</strong> <strong>de</strong>leurs mo<strong>de</strong>s opératoires, relevons un enracinementcommun, à savoir l’accompagnement du patientdans la recherche d’une qualité <strong>de</strong> vie optimale ausein <strong>de</strong> la société ; ceci, quels que soient le dispositifthérapeutique <strong>et</strong> la modélisation sur laquelle ilss’appuient. Ainsi <strong>de</strong>s notions telles que l’accueil,l’hospitalité, l’engagement <strong>de</strong>s professionnels <strong>et</strong> laqualité <strong>de</strong>s échanges humains, restent donc <strong>de</strong>spierres angulaires <strong>de</strong> nos pratiques. Et, <strong>de</strong> par leurnature, le temps imparti à ces notions ne peut êtrefixé à l’avance. Comment, en eff<strong>et</strong>, imaginer réduirece temps existentiel <strong>et</strong> subjectif, ce temps <strong>de</strong> larencontre dans ses dimensions transférentielles àun temps métrique parfaitement contrôlé <strong>et</strong> « rentabilisé» ?Les spécificités d’un hôpital psychiatrique comme leCHJT rési<strong>de</strong>nt, notamment, dans une efficacité sevoulant incisive sur la souffrance <strong>et</strong> les symptômes,souvent résistants, particulièrement incompatiblesavec la vie en société. En outre, la réalité cliniqueque nous accueillons nous enseigne que si lestroubles psychiques peuvent s’apaiser, nous neparlerons pas, pour autant, <strong>de</strong> leur « guérison ». Enoutre, l’apaisement est souvent transitoire, fragile <strong>et</strong>la psychose, en particulier, reste invalidante sur leplan relationnel.Les modalités <strong>et</strong> la durée du traitement à l’hôpitalpsychiatrique s’inscrivent, pour nous, dans un processuspouvant ai<strong>de</strong>r la personne à s’approprier– se réapproprier ce dont elle a besoin pour renoueravec une existence qui lui soit plus supportable.Différents niveaux sont concernés : traitements,vol<strong>et</strong> affectif <strong>et</strong> relationnel, aspects sociaux <strong>et</strong>économiques,… Tous participent à ce que la vieà l’extérieur soit à nouveau praticable, ce quine signifie pas qu’elle soit asymptomatique. Biensouvent, la sortie ne s’avère compatible qu’avecla poursuite d’un accompagnement individualisé<strong>et</strong> pacifiant. Les modalités en prennent les formesvariées qu’offrent aujourd’hui les structures extrahospitalières.A chaque fois, dans la rencontre, soignants <strong>et</strong>patients construisent ensemble un temps <strong>de</strong> priseen charge. Temps qui est source <strong>de</strong> surprises.Parfois il se suspend... mais il connaît aussi sesellipses.Les récits d’une prise en charge que se donnentpatient <strong>et</strong> soignants ne sont habituellement passuperposables. Chacun a ses enjeux propres, sonrythme, ses eff<strong>et</strong>s... Ainsi, en va-t-il <strong>de</strong>s répercussionspotentielles, <strong>de</strong> la réinscription par un suj<strong>et</strong>d’éléments significatifs dans son histoire.Aujourd’hui, les notions <strong>de</strong> progrès, d’efficacité<strong>et</strong> <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>ment sont omniprésentes dans notresociété. Nous perm<strong>et</strong>tra-t-on encore <strong>de</strong> prendre l<strong>et</strong>emps nécessaire à l’accompagnement du suj<strong>et</strong> ?Là où les réponses à court terme restent insuffisantesou sans eff<strong>et</strong>s, nous laissera-t-on encorele temps <strong>de</strong> susciter <strong>de</strong>s instants « différents » ?Quelles seraient à l’avenir les alternatives opérantesà ces traversées thérapeutiques au longcours ? 1 Le Centre thérapeutique <strong>et</strong> culturel « Le Gué » <strong>et</strong> leCentre Hospitalier Jean Titeca organisent, le 11 octobre,à Bruxelles, une journée <strong>de</strong> réflexion intitulée : « Quand l<strong>et</strong>emps <strong>de</strong>vient traitement ». Informations : 02/ 738 09 58– www.chjt.be/colloque 2005.2 Schellekens A., Herman C., Brêves chroniques <strong>de</strong>slongs séjours. Centre Hospitalier Jean Titeca- Bruxelles,nov 2004. Disponible en ligne. http://www.chjt.be/colloque2005/docs/CHJTiteca-Schellekens-Herman.pdfConfluences n°11 septembre 2005 11


A vos agendas !Exposés, rencontres <strong>et</strong> débats seront au programme <strong>de</strong> ce mois d’octobre dans le cadre <strong>de</strong> la Journée européenne<strong>de</strong> la Dépression <strong>et</strong>, quelques jours plus tard, <strong>de</strong> la Journée mondiale <strong>de</strong> la Santé mentale.L’<strong>Institut</strong> Wallon pour la Santé Mentale est partenaire <strong>de</strong> ces 2 campagnes d’information <strong>et</strong> <strong>de</strong> sensibilisation.Ren<strong>de</strong>z-vous est pris du 6 au 12 octobre… Nous vous attendons nombreux !Journée européenne <strong>de</strong> la DépressionLa dépression est <strong>de</strong>venue un véritable problème <strong>de</strong> santé publique.Selon l’OMS, elle sera, en 2020, la première cause mondiale d’invaliditéaprès les maladies cardio-vasculaires.L’EDDA (European Depression Day Association) est une associationnon gouvernementale qui a pour objectif d’organiser, dans tous les paysd’Europe, une journée commune consacrée à l’importance <strong>de</strong>s troublesdépressifs. La Belgique en sera partie prenante avec l’organisation, à l’Arsenalà Namur, d’une journée <strong>de</strong> réflexions, d’animations <strong>et</strong> d’échanges :« La dépression ; qu’est ce qui marche ? » 1 . Il s’agira <strong>de</strong> mieux informertout un chacun <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong> la prévention, du diagnostic précoce,<strong>de</strong>s traitements adéquats, mais également <strong>de</strong> promouvoir une recherche<strong>de</strong> qualité, <strong>de</strong> déstigmatiser le patient dépressif, d’encourager une répartitionadéquate <strong>de</strong>s ressources ainsi que <strong>de</strong> contribuer à améliorer laqualité <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s patients en soutenant leur réinsertion dans la société,dans le milieu professionnel, dans leur culture.En 2004, la première Journée européenne <strong>de</strong> la Dépression avait pourthème : « La dépression, le compte à rebours pour 2020 a commencé ».C<strong>et</strong>te année, nous traiterons donc, tant en Wallonie qu’en Flandre 2 , <strong>de</strong>la dépression à travers différents exposés, centrés, entre autres, surce qui se passe réellement dans c<strong>et</strong>te pathologie, sur les résultats <strong>de</strong>sdifférents traitements, sur le fonctionnement <strong>et</strong> les capacités d’adaptationdu cerveau humain, …C<strong>et</strong>te initiative concerne à la fois les mé<strong>de</strong>cins généralistes, les psychiatres<strong>et</strong> tous les autres professionnels <strong>de</strong> la santé, les organisationsnationales, les associations <strong>de</strong> patients <strong>et</strong> le grand public.Grâce aux efforts <strong>de</strong> tous, nous pourrons peut-être vaincre la dépressionmais pour cela, nous avons besoin <strong>de</strong> votre participation, venez nousrejoindre !Renseignements : IWSM - 081/ 23 50 15Dr. Carine LambotService PsychosomatiqueClinique Universitaire <strong>de</strong> Mont-Godinne1 Deux modules sont proposés au public dans le cadre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te journée : « Adolescence <strong>et</strong>dépression » (<strong>de</strong> 13H30 à 16H00) <strong>et</strong> « Plasticité neuronale <strong>et</strong> dépression » <strong>de</strong> 19H30 à unpeu plus <strong>de</strong> 22h00. Entrée gratuite.2 N. Zdanowicz représente la Belgique au sein <strong>de</strong> l’EDA. La coordination est assurée enWallonie par le Dr. P. Schepens <strong>et</strong> en Flandre par le Dr. P. Beusen. Le Comité scientifiquebelge est représenté par F. Bartholomé, L. Beusen, K. Demyttenaere, P. Flroris,P. Meesters, P. Nijs, par les Prof. D. Pardoen <strong>et</strong> H. Van<strong>de</strong>nameele.L’<strong>Institut</strong> Wallon pour la Santé Mentale, Pensées <strong>de</strong> Psychiatrie asbl, la Société Scientifique<strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine Générale <strong>et</strong> Newton 21 sont membres du C.O. <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te journée.Journée mondiale <strong>de</strong> la Santé mentaleCa se passe près <strong>de</strong> chez vous les 7, 10, 11 <strong>et</strong> 12 octobre. Que voushabitiez Namur, Ciney, Mons, Mouscron ou les environs (la Wallonien’est pas si gran<strong>de</strong> !), nous vous convions à une soirée ciné-débatsur la santé mentale.Quatre films sont à l’affiche : « La Moustache » d’Emmanuel Carrère ;« Wilbur wants to kill himself » <strong>de</strong> Lone Scherfig ; « Les Mots bleus »d’Alain Corneau <strong>et</strong> « Gabrielle » <strong>de</strong> Patrice Chéreau qui explorent, tourà tour, la confusion <strong>de</strong>s sentiments, le doute, la culpabilité, l’amour, lavie, la mort, l’intime, l’incommunicabilité, la découverte <strong>de</strong> soi…Quatre longs métrages, graves ou légers, parfois décalés, souventfilmés avec pu<strong>de</strong>ur qui nous parlent tantôt <strong>de</strong> la difficulté d’un hommeà donner sens à sa vie ; tantôt du silence tendre <strong>et</strong> meurtri <strong>de</strong> l’enfantface au mon<strong>de</strong> ou encore d’un être qui voit son i<strong>de</strong>ntité vaciller ; d’uncouple que tout semble désormais séparer…Quatre coups <strong>de</strong> projecteurs sur <strong>de</strong>s acteurs qui ont su jouer <strong>de</strong> leurtalent pour rendre compte <strong>de</strong> la complexité <strong>de</strong>s sentiments, <strong>de</strong>s peurs,<strong>de</strong>s émotions, <strong>de</strong>s désirs, <strong>de</strong>s doutes.Des films qui, nous l’espérons, auront une résonance suffisante quepour vous donner l’envie, au terme <strong>de</strong> la projection, <strong>de</strong> débattre, discuter,échanger vos points <strong>de</strong> vue, vos questions, vos tentatives <strong>de</strong>réponses en matière <strong>de</strong> santé mentale.A qui s’adresser quand cela ne va plus ? Quel relais préconiserlorsque l’on ne se sent plus les compétences suffisantes que pourpouvoir ai<strong>de</strong>r une personne en souffrance ? Quels sont les servicesexistants dans la région ? Quels types d’ai<strong>de</strong>s proposent-ils ? Quellessont les expériences <strong>de</strong>s uns <strong>et</strong> <strong>de</strong>s autres ? Du « tout public », <strong>de</strong>sintervenants <strong>de</strong> première ligne, <strong>de</strong>s professionnels en santé mentale ?Leurs vécus ? Leurs « expertises » ?Usagers, familles, professionnels se sentent encore trop souventseuls, démunis ou peu informés face aux questions <strong>de</strong> santé mentale.C<strong>et</strong> événement, coordonné par l’<strong>Institut</strong> Wallon pour la Santé Mentale,est organisé en partenariat avec les Plates-formes picar<strong>de</strong> <strong>et</strong> namuroise<strong>de</strong> concertation en santé mentale, avec le Centre <strong>de</strong> jour LaurentMaréchal à Mouscron, avec les cinémas Forum à Namur, Plaza Art àMons <strong>et</strong> les ciné-clubs <strong>de</strong> Ciney <strong>et</strong> <strong>de</strong> Mouscron.Le Fonds Reine Fabiola pour la Santé Mentale, géré par la FondationRoi Baudouin, soutient l’initiative <strong>et</strong> profitera <strong>de</strong> l’occasion pour lancerofficiellement la publication <strong>de</strong> son livre « La santé mentale au plusprès <strong>de</strong>s gens ». (www.kbs-frb.be)Renseignements : IWSM : 081/ 23 50 15N’hésitez pas à nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r le programme <strong>et</strong> à l’afficher !Ces informations sont disponibles sur le site www.iwsm.beSylvie Gérard - IWSM12Confluences n°11 septembre 2005


In-Folio - InfosA pointer parmi les nouveautés du centre <strong>de</strong> documentation :Côté revues : Côté livres : La Parentalité à l’épreuve <strong>de</strong> la précaritéDans :L’Observatoire,n° 45, août 2005 Les Naufragésavec les clochards <strong>de</strong> ParisPatrick Declerck, Paris,Editions Plon, 2001, 475 p.(coll. Terre humaine/Poche) Douleur en santé mentaleDans :Santé mentale,n° 99, juin 2005 Psychologues en tensionDans : Rhizome, n° 19, juin 2005 Suici<strong>de</strong> par précipitationDans : Santé mentale, n° 98, mai 2005 Politique <strong>de</strong> la ville <strong>et</strong> santé mentaleDans : Pratiques en santé mentale, n° 3, août 2005 Les Famillles <strong>de</strong>s patients (2 ème partie)Dans : Ethica clinica, n° 38, juin 2005 La Rési<strong>de</strong>nce alternée : quel choix pour l’enfantDans : Le Journal <strong>de</strong>s Psychologues, n° 228, juin 2005 L’Examen psychologique : intérêt <strong>et</strong> renouveauDans : Le Journal <strong>de</strong>s Psychologues, n° 230, septembre 2005 Etre infirmier en psychiatrie, d’hier à aujourd’huiDans : Soins psychiatrie, n° 239, juill<strong>et</strong>/août 2005 Les Psychoses réfractaires : modèles <strong>de</strong> traitementquébécois <strong>et</strong> canadiensDans : Santé mentale au Québec, vol. XXX, n° 1 Approche centrée sur la personne : pratique <strong>et</strong> rechercheLe premier numéro (juin 2005) <strong>de</strong> la revuefrancophone internationale Le Couloir <strong>de</strong>s urgencesDominique Meyniel, Paris,Le Cherche midi, 2002,185 p. (Le Livre <strong>de</strong> poche) L’Adolescence en rupture :le placement au féminin :une enquête <strong>de</strong> terrainJacinthe Mazzocch<strong>et</strong>ti,Louvain-La-Neuve, Bruylant-Aca<strong>de</strong>mia, 2005, 170 p.Envie d’en savoir plus sur l’actualité en santé mentale en Wallonie ? Confluenciel !Vous pouvez, gratuitement, vous abonner à Confluenciel, le bull<strong>et</strong>in électronique <strong>de</strong> l’<strong>Institut</strong> Wallon pour la Santé Mentale.Ce nouveau support complète la revue Confluences en vous communiquant, une fois par mois, les informations qui traversent lesecteur, les questions soulevées par les Membres <strong>de</strong> l’<strong>Institut</strong> Wallon pour la Santé Mentale, les proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> initiatives en perspective,les nouvelles <strong>de</strong> partenaires en Wallonie ou ailleurs <strong>et</strong> les communications officielles.Infos : Delphine Douc<strong>et</strong> - in.folio@iwsm.be - O81/23.50.12Confluences n°11 septembre 2005 13


<strong>Urgences</strong> <strong>psychiatriques</strong> <strong>et</strong><strong>interventions</strong> <strong>de</strong> <strong>crise</strong>dossierCe troisième dossier <strong>de</strong> l’année 2005 abor<strong>de</strong> lui aussi un aspect <strong>de</strong> l’accessibilitéen santé mentale. Dans ce numéro, l’<strong>Institut</strong> se penche sur l’épineuse question <strong>de</strong>l’urgence. Epineuse car le terme « urgence » nous renvoie à la question du temps ;au sens qu’on lui attribue, à la perception du mon<strong>de</strong> qu’il reflète, aux actions qui endécoulent…Notre perception du temps est intrinsèquement lié à notre culture, notre vécu, nos angoisses,notre milieu social... En santé mentale plus particulièrement, le temps, par nature introspectif,est aussi perçu à travers la souffrance psychique. La nécessité <strong>de</strong> recourir à l’urgence posequestion. Qui nécessite l’urgence <strong>et</strong> dans quelles circonstances ? Comment est-elle accueillie<strong>et</strong>… « traitée » ?Dans ce numéro, les témoignages recueillis auprès <strong>de</strong> différents intervenants montrent quel’urgence peut se déposer partout. Des professionnels, <strong>de</strong> première <strong>et</strong> secon<strong>de</strong> ligne, y font part<strong>de</strong> leurs pratiques ; <strong>de</strong> leurs questions aussi. Certains services d’urgence semblent, à premièrevue, <strong>de</strong>s modèles d’accessibilité : ils sont ouverts 24h sur 24h, accueillent toutes les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s,proposent un bilan médical compl<strong>et</strong>… Or, vous lirez, notamment à travers le témoignage <strong>de</strong>familles, qu’il règne une forme d’incompréhension réciproque autour <strong>de</strong> l’urgence. Les professionnelsse disent submergés d’urgences « toutes relatives ». Quant aux familles, elles regr<strong>et</strong>tentparfois le peu <strong>de</strong> considération dont elles font l’obj<strong>et</strong> : leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> n’est pas entendue, le délaid’attente est trop long, le temps d’intervention qui leur est réellement consacré, en définitive,bien court ...Dans une société qui se mo<strong>de</strong>rnise <strong>et</strong> se complexifie, les réponses <strong>de</strong> plus en plus rapi<strong>de</strong>s apportéesà nos questions nous font bien souvent perdre le sens du temps. Aujourd’hui, l’insoumissionà l’attente s’accompagne d’une frustration toujours plus gran<strong>de</strong>. Le temps du mala<strong>de</strong> n’est pascelui <strong>de</strong> la famille, encore moins celui du prestataire <strong>de</strong> soins. En santé mentale, la famille asouvent vécu son urgence dans la tension… elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> donc que les prestataires agissentrapi<strong>de</strong>ment pour désamorcer les problèmes, mais qu’ils prennent le temps <strong>de</strong> les entendre.C’est bien là le paradoxe. Comment agir rapi<strong>de</strong>ment <strong>et</strong> prendre le temps nécessaire à l’écoute,pour <strong>de</strong>s problèmes parfois très complexes, sans augmenter la longueur <strong>de</strong> la file d’attente ?Dans les pages qui suivent, certains auteurs lancent <strong>de</strong>s pistes pour une meilleure prise encharge aux urgences. Le côté préventif pourrait remplir un rôle important : responsabilisercertains patients qui encombrent les services d’urgences, intervenir directement au domicile <strong>de</strong>spatients <strong>psychiatriques</strong>, dégager les moyens qui perm<strong>et</strong>tent aux professionnels <strong>de</strong> prendre l<strong>et</strong>emps <strong>de</strong> l’écoute au sein même <strong>de</strong>s urgences… <strong>et</strong> surtout assurer le suivi du patient au-<strong>de</strong>là<strong>de</strong> l’urgence.C’est dans c<strong>et</strong> esprit que l’<strong>Institut</strong> <strong>wallon</strong> pour la santé mentale vous propose <strong>de</strong> prendrele temps <strong>de</strong> lire ce dossier… afin <strong>de</strong> réfléchir au sens <strong>de</strong> l’urgence en santé mentale, <strong>de</strong> repenserl’accueil <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s familles.Denis HenrardComité <strong>de</strong> rédaction <strong>de</strong> Confluences14


Les urgences : mise en perspectiveLorsque l’on souhaite appréhen<strong>de</strong>r un phénomène comme celui <strong>de</strong>s« urgences », mises en contexte <strong>et</strong> en perspective historique paraissentindispensable à une pleine compréhension. Le court espace <strong>de</strong> c<strong>et</strong> articlene perm<strong>et</strong> pas une analyse détaillée mais quelques points <strong>de</strong> repèressont envisagés. La problématique <strong>de</strong>s urgences abordée sera, essentiellement,celle <strong>de</strong>s services <strong>de</strong>s urgences <strong>de</strong>s hôpitaux généraux qui estla mieux connue. Les urgences rencontrées en mé<strong>de</strong>cine générale, pournombreuses qu’elles soient, ont fait l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> peu d’étu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> les généralistesles gèrent le plus souvent seuls 1 . Comparativement à ces <strong>de</strong>uxgrands récepteurs <strong>de</strong>s urgences, hôpitaux <strong>psychiatriques</strong> <strong>et</strong> services<strong>de</strong> santé mentale occupent une place numériquement beaucoup moinsimportante <strong>et</strong>, à la différence <strong>de</strong>s hôpitaux généraux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes, les urgences qu’ils reçoivent résultent d’une orientationpréalable, implicite ou explicite, vers l’univers spécialisé qu’ils représentent.L’histoire <strong>de</strong>s hôpitaux <strong>de</strong> Paris perm<strong>et</strong><strong>de</strong> se faire une rapi<strong>de</strong> idée <strong>de</strong>l’évolution <strong>de</strong> ce type particulier d’interactionentre <strong>de</strong>s patients nécessitant<strong>de</strong>s <strong>interventions</strong> très diversifiées <strong>et</strong> undispositif <strong>de</strong> soins.Dès 1666, un « grand règlement » médicochirurgicalorganise l’accueil <strong>de</strong> ceux –enfants, adultes, détenus, aliénés, blessés,accouchées, “scorbutaires”, victimes <strong>de</strong> lapeste ou <strong>de</strong> la “contagion” - qui, à touteheure, se présentent à la porte <strong>de</strong> l’Hôtel-Dieu 2 . Après 1801, trois mo<strong>de</strong>s d’admissionsdifférents y sont reconnus : se présenter lematin à la consultation gratuite, solliciter uneadmission en urgence en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s heures<strong>de</strong> consultation - impliquant la mise en placed’une liste <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> pour les mé<strong>de</strong>cins – ous’adresser au bureau central <strong>de</strong>s admissionsqui statuera. La notion d’urgence n’apparaîtvéritablement que dans la secon<strong>de</strong> moitiédu 19ème siècle. En 1876, un service <strong>de</strong>nuit est organisé qui d’emblée interviendraPhilippe Hoyois,Sociologue, chercheurService <strong>de</strong> Santé Mentale <strong>de</strong> l’ULB <strong>et</strong>Unité <strong>de</strong> Psychologie Médicale, UCL.près <strong>de</strong> 10 fois quotidiennement. Craintes <strong>de</strong>suffoquer, affections nerveuses, convulsions,névralgies, névroses, suici<strong>de</strong>s font partie <strong>de</strong>stroubles traités. La fin du 19 ème siècle voitla multiplication <strong>de</strong>s postes <strong>de</strong> secours <strong>et</strong>l’apparition <strong>de</strong>s premières ambulances urbaines.Au début du 20 ème siècle, les systèmes<strong>de</strong> gar<strong>de</strong> sont encore organisés <strong>de</strong> façondésinvolte <strong>et</strong> l’expression médicale “il n’y apas d’urgence, il n’y a que <strong>de</strong>s gens pressés”,traduisant bien c<strong>et</strong>te désinvolture, date <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te époque 3 . A partir <strong>de</strong>s années 20, <strong>de</strong>s« services portes » s’ouvrent progressivementdans la plupart <strong>de</strong>s hôpitaux pour recevoir,traiter <strong>et</strong> opérer les mala<strong>de</strong>s amenés à touteheure <strong>de</strong> l’après-midi <strong>et</strong> <strong>de</strong> la nuit, sans perturberle fonctionnement <strong>de</strong>s autres services.Le système sera progressivement améliorépour aboutir à l’institution <strong>de</strong> véritables servicesd’urgence au début <strong>de</strong>s années 70 4 . Enfin,pour rendre compte <strong>de</strong>s évolutions récentes,il est intéressant <strong>de</strong> comparer la définition<strong>de</strong> l’urgence donnée en 1971 par Chevallier :« Cas où le mala<strong>de</strong> ou l’acci<strong>de</strong>nté qui se présentehors <strong>de</strong>s heures <strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong>sconsultations ou qui arrive sans ren<strong>de</strong>z-vousà une consultation <strong>et</strong> qu’on doit examiner <strong>et</strong>traiter sans délai » 5 , à celle <strong>de</strong> Clément, en1995, qui indique que la mission <strong>de</strong>s servicesd’urgence est « l’accueil <strong>de</strong> tout patient arrivantà l’hôpital pour <strong>de</strong>s soins immédiats <strong>et</strong>dont la prise en charge n’a pas été programmée,qu’il s’agisse d’une situation d’urgencelour<strong>de</strong> ou d’une urgence ressentie » 6 .En Belgique, la première loi relative à l’ai<strong>de</strong>médicale urgente est publiée le 8 juill<strong>et</strong>1964 7 . Le service 900, <strong>de</strong>stiné d’abord àsecourir les acci<strong>de</strong>ntés <strong>et</strong> les blessés sur lavoie publique, débute son activité en juill<strong>et</strong>1965. Les normes minimales pour l’agréationd’un hôpital dans la chaîne 900, établies en1966, ne seront cependant jamais ratifiéespar les autorités. Malgré cela, 196 hôpitauxseront agréés mais, en 1977, seuls60 disposent d’une permanence médicaleorganisée à l’intérieur <strong>de</strong> l’institution. En 1977toujours, le constat est fait que le public fait<strong>de</strong> plus en plus appel aux salles d’urgence,sans recourir au 900. Un directeur d’hôpitalplai<strong>de</strong> pour l’ouverture <strong>de</strong> salles d’urgencedans tout hôpital régional, considérant que« lorsque l’accueil <strong>de</strong>s cas urgents ou <strong>de</strong>s casurgents supposés ne s’effectue pas correctement[dans l’hôpital auquel les patients ontl’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> s’adresser -NDLR], la relation<strong>de</strong> confiance hinterland-hôpital est brisée …Tout hôpital pour maladies aiguës doit assurerpar conséquent un service <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> enpermanence ». C<strong>et</strong>te même année 1977,<strong>de</strong>s normes architecturales <strong>et</strong> fonctionnellessont fixées, déterminant <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> services,organisés en ensembles spécifiquescorrespondant à une hiérarchie <strong>de</strong>s moyenshumains <strong>et</strong> techniques. L’organisation hospitalière<strong>de</strong>s urgences ne cesse ensuite<strong>de</strong> s’améliorer 8 . Les Services Mobilesd’Urgence <strong>et</strong> <strong>de</strong> Réanimation (SMUR) sontfondés en 1998. En mai 2005, on compte,dans les hôpitaux généraux, 140 services <strong>de</strong>soins urgents spécialisés (dont 100 participentà un <strong>de</strong>s 80 SMUR) <strong>et</strong> 24 services <strong>de</strong>premier accueil <strong>de</strong>s urgences 9 .DOSSIERConfluences n°11 septembre 2005 15


Si, en Belgique, les données sur l’offre sont facilementaccessibles, elles s’avèrent beaucoupplus fragmentaires du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’activité.Les plus anciennes montrent que sur 23 ans,entre 1964 <strong>et</strong> 1987, le nombre <strong>de</strong>s appelspour ambulance au 900 passe <strong>de</strong> 63.195 à200.945, soit une augmentation moyenne <strong>de</strong>près <strong>de</strong> 9,5 % par an. En 1984, une enquêtedu Conseil National <strong>de</strong>s EtablissementsHospitaliers portant sur les urgences arrivéesaux hôpitaux <strong>de</strong> janvier à juin, les chiffraità 579.892 ; 63 % <strong>de</strong>s patients r<strong>et</strong>ournant àdomicile ensuite. En 2003, pour les moisd’octobre à décembre, sur base <strong>de</strong>s donnéesdu Résumé Clinique Minimum complétéespar 110 services d’urgence sur 113, le nombr<strong>et</strong>otal <strong>de</strong> séjours avait été <strong>de</strong> 574.255 dont71 % ambulatoires. S’appuyant sur ces chiffres,on peut estimer que le nombre d’urgencesarrivées dans les hôpitaux généraux était<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 2,35 millions en 2003, soit environle double <strong>de</strong> 1984 ou, en près <strong>de</strong> 20 ans, uneaugmentation moyenne annuelle d’environ5 %. Mais la forme <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te croissance, continueou par paliers, reste inconnue.Ainsi, <strong>de</strong>puis 40 ans, le recours aux services<strong>de</strong>s urgences hospitaliers n’a cessé <strong>de</strong>croître : ces services sont un symbôle-phare<strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> soins mo<strong>de</strong>rnes. Leurs taux<strong>de</strong> fréquentation connaissent <strong>de</strong>s augmentationslargement supérieures à celles <strong>de</strong> laplupart <strong>de</strong>s services hospitaliers comme <strong>de</strong>la majorité <strong>de</strong>s prestations ambulatoires 10 .Ces services prodiguent <strong>de</strong>s soins immédiats24 heures sur 24 <strong>et</strong> offrent une facilitéd’accès à <strong>de</strong>s plateaux techniques parfoisextrêmement sophistiqués. C<strong>et</strong>te évolution<strong>de</strong> l’offre médicale, visant d’abord les situationsles plus critiques, s’est traduite par uneaugmentation <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> soins qui ysont adressées, y compris pour <strong>de</strong>s situationsqui, selon les critères médicaux qui présidaientà leur création, ne présentent pas uncaractère urgent 11 . Les services d’urgencese sont adaptés à c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>man<strong>de</strong> nouvelle <strong>et</strong>le réflexe d’y recourir pour les situations lesplus diverses s’est largement implanté dansle public.C<strong>et</strong>te tendance se r<strong>et</strong>rouve dans la plupart<strong>de</strong>s pays, y compris ceux en développement.En Europe, elle se manifeste alors mêmeque les mé<strong>de</strong>cins généralistes continuent àassurer <strong>de</strong>s <strong>interventions</strong> urgentes dans lecadre <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>s organisées ou au bénéfice<strong>de</strong> leur patientèle 12 .C<strong>et</strong>te croissance n’est pas non plus liée à unchangement démographique dans la population<strong>et</strong> ce ne sont pas les patients utilisateursplus ou moins réguliers <strong>de</strong>s dispositifs <strong>de</strong>soins urgents – <strong>de</strong> 5 à près <strong>de</strong> 50 % selon lesservices étudiés - qui suffisent à l’expliquer.L’augmentation prononcée <strong>de</strong>s actes médicauxréalisés sans programmation traduitdonc une évolution indéniable dans lesmo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> recours aux soins. Les causesen sont multiples. Globalement peuvent êtreenvisagés : la sensibilité croissante <strong>de</strong> lapopulation aux problèmes <strong>de</strong> santé, souventvécus, <strong>de</strong> plus, sur un mo<strong>de</strong> émotionnel ;le consumérisme médical <strong>de</strong> certainspatients ; l’incapacité d’anticipation ou le dénidébouchant sur un état critique pour un individuou une famille ; l’exacerbation ponctuelle<strong>de</strong> pathologies chroniques chez <strong>de</strong>s patientsvivant à domicile ; <strong>de</strong>s aménagements instables<strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie, liés notamment auxpressions professionnelles <strong>et</strong> familiales, àl’individualisme ou à la diminution <strong>de</strong>s solidarités...Plus spécifiquement, pour les servicesd’urgence, on r<strong>et</strong>iendra notamment la facilitéd’accès <strong>de</strong> services qui accueillent sansconditions <strong>et</strong> 24 heures sur 24 les situationsmédico-chirurgicales les plus variées; l’anticipationpar le patient - fondée dans 80 % <strong>de</strong>scas - du besoin d’examens complémentairesnécessaires, effectués dans la continuité,même au prix du temps d’attente 13 ; l’impression<strong>de</strong> gratuité 14 ; la possibilité d’accès auxsoins qu’ils offrent à <strong>de</strong>s personnes marginalisées; la qualité perçue <strong>de</strong>s soins… <strong>et</strong> probablementune image faite <strong>de</strong> compétence <strong>et</strong><strong>de</strong> technicité mais aussi <strong>et</strong> surtout d’humanitédont les séries télévisées « <strong>Urgences</strong> » <strong>et</strong>« New York 911 » seraient un refl<strong>et</strong>.Pour nombre <strong>de</strong> ces visites portant sur <strong>de</strong>sproblèmes a priori mineurs, <strong>de</strong>ux groupesd’utilisateurs tendraient à se distinguer sociologiquement: une population <strong>de</strong> milieu socialdéfavorisé qui souvent consulte à bon escient<strong>et</strong> pour qui l’hôpital est fréquemment la seulesource <strong>de</strong> soins disponibles <strong>et</strong> une populationrelativement aisée, consumériste <strong>et</strong> sécuritaire,cherchant une réponse immédiate <strong>et</strong> laplus efficace possible à son problème 15 .Dans ce contexte <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> toujours croissante<strong>de</strong> soins urgents 16 , il n’y avait aucuneraison que les problématiques <strong>psychiatriques</strong>ou psychologiques échappent au mouvement.D’autant que ces <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s s’adressentdans leur presque totalité à <strong>de</strong>s servicesd’urgence ou à <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins généralistesdont la représentation que peut en avoirle public ne les associe pas à la folie, à lapsychiatrie ou à la santé mentale, encorestigmatisées aux yeux <strong>de</strong> beaucoup.Lorsque l’on sait qu’au Canada, aux Pays-Bas <strong>et</strong> aux Etats-Unis, 68 à 78 % <strong>de</strong>s personnesqui ont souffert d’un trouble mental 17au cours <strong>de</strong>s douze <strong>de</strong>rniers mois n’ont reçuaucun traitement 18 <strong>et</strong> qu’un constat similaireest fait en Belgique, dans la province<strong>de</strong> Luxembourg 19 , on conçoit qu’une partied’entre elles soit susceptible <strong>de</strong> consulter enurgence.D’autant qu’en termes cliniques, les évolutionsparaissent aussi sensibles. Déjà en 1982,Samitca 20 relevait <strong>de</strong>s changements significatifsdans le profil <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’ai<strong>de</strong> psychiatrique,notant l’augmentation <strong>de</strong>s patientsprésentant <strong>de</strong>s troubles du caractère <strong>et</strong> <strong>de</strong> lapersonnalité ; l’apparition <strong>de</strong> nouvelles catégories<strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> soins pour <strong>de</strong>stroubles émotionnels liés au passage d’uneclasse d’âge à une autre <strong>et</strong> un nouveau type<strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> liée à une déstabilisation, à unemise en échec <strong>de</strong> la capacité d’adaptationautrement dit, liée à <strong>de</strong>s états <strong>de</strong> <strong>crise</strong>.Les transformations sociétales <strong>et</strong> le contextesocio-économique n’y sont pas étrangers.Insécurité d’emploi, exclusion du marché dutravail, obligation <strong>de</strong> performance mais aussiconflits relationnels, difficultés à se proj<strong>et</strong>er<strong>et</strong> à se construire une i<strong>de</strong>ntité sont sourcesd’un mal-être qui peut apparaître « flou ».La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> oscille alors, pour reprendre l’expression<strong>de</strong> Donn<strong>et</strong> 21 , entre le « tout » d’unbesoin très global <strong>de</strong> complétu<strong>de</strong>, d’i<strong>de</strong>ntité,<strong>de</strong> tout-savoir <strong>et</strong> le « rien » d’un bien <strong>de</strong>consommation.Si l’on m<strong>et</strong> en rapport ces situations cliniquesavec trois temps possibles d’évolution pourune situation particulière, ceux <strong>de</strong> l’émergence,<strong>de</strong> la <strong>crise</strong> ou <strong>de</strong> l’urgence (voirencart ci-joint), on concevra que nombre <strong>de</strong>personnes souffrant <strong>de</strong> ces troubles sont plusque susceptibles <strong>de</strong> consulter en <strong>crise</strong>, voireen urgence, à un moment ou un autre <strong>de</strong> leurexistence.16 Confluences n°11 septembre 2005


Les situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> d’urgence <strong>psychiatriques</strong>représentent selon les auteurs <strong>et</strong> leshôpitaux, <strong>de</strong> 10 à 30 % du total <strong>de</strong>s urgences22 . Pour les plus gran<strong>de</strong>s salles d’urgencedu pays, généralement associées aux plusgrands hôpitaux, cela peut représenter entre10 <strong>et</strong> 15 situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong> ou d’urgence psychiatriquepar jour 23 . Il n’y a rien d’étonnantalors à ce que, <strong>de</strong>puis longtemps, certains<strong>de</strong> ces hôpitaux – surtout lorsqu’ils ne disposaientpas d’un département <strong>de</strong> psychiatrieimportant – aient mis en place <strong>de</strong>s équipes<strong>psychiatriques</strong> spécialisées, intégrées à lagar<strong>de</strong> générale 24 25 . Il s’agit le plus souventd’initiatives internes spontanées qui onttrouvé ensuite, tant bien que mal, <strong>de</strong>s financements(auto-financement, financementinterne, contrats <strong>de</strong> sécurité, proj<strong>et</strong>s pilotes)assurant leur pérennité.Dans ces unités spécialisées, en général, 20à 30 % <strong>de</strong>s cas sont <strong>de</strong>s décompensations<strong>de</strong> pathologies <strong>psychiatriques</strong> avérées <strong>et</strong> 70à 80 % <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, qui concernentessentiellement <strong>de</strong>s problématiques relationnelles(famille, couple, problème <strong>de</strong> l’adolescence…)ou psycho-sociales, certainess’avérant parfois particulièrement complexes.Compte tenu <strong>de</strong>s caractéristiques cliniques<strong>de</strong>s situations rencontrées dans ces services,<strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> prise en charge spécifiquesont été peu à peu élaborés qui trouvent, pourla plupart, leur référence initiale dans lestravaux sur les thérapies brèves. En fonction<strong>de</strong>s personnes, <strong>de</strong>s situations, <strong>de</strong> la présenceou <strong>de</strong> l’absence d’entourage soutenant… lesstratégies <strong>de</strong> soins varient, allant <strong>de</strong> la miseà jour <strong>de</strong>s mouvements inconscients qui ontconduit à la <strong>crise</strong> – ouvrant une interrogationsusceptible <strong>de</strong> soutenir une démarche thérapeutique– à la création d’un espace <strong>de</strong> négociationdu soin, impliquant patient, entourage<strong>et</strong> professionnels 26 .Ce contexte très particulier <strong>de</strong> la salle d’urgencecomme « lieu <strong>de</strong> transition » impliqueinévitablement – sous peine d’épuisementprofessionnel – la mise en place d’un travailen réseau. Il s’agit, d’une part, d’appréhen<strong>de</strong>rles différentes fac<strong>et</strong>tes d’une situation souventconfuse <strong>et</strong> complexe, que le contexte<strong>de</strong> <strong>crise</strong> rend cependant parfois plus aisé àéluci<strong>de</strong>r <strong>et</strong>, d’autre part, d’organiser, lorsquenécessaire, la poursuite <strong>de</strong>s soins en aval.Cela implique nécessairement l’intégration <strong>de</strong>l’équipe psychiatrique <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> d’urgenceà un dispositif plus large, à même d’offrir laplupart <strong>de</strong>s ressources nécessaires tant àla résolution <strong>de</strong> la <strong>crise</strong> ou <strong>de</strong> l’urgence qu’àla mise en place d’un suivi thérapeutiqueultérieur. La plupart <strong>de</strong>s auteurs qui se sontpenchés sur les problèmes d’organisation<strong>de</strong>s soins en psychiatrie, reconnaissent queles équipes <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> d’urgence représententun élément essentiel d’un dispositif <strong>de</strong>soins cohérent. Beaucoup dépend alors <strong>de</strong>la nature <strong>et</strong> <strong>de</strong> la gamme <strong>de</strong> services offertspar le dispositif existant 27 , <strong>de</strong> son étenduegéographique <strong>et</strong> <strong>de</strong> la taille <strong>de</strong> la populationcouverte. Emergence : Apparition d’une situation problématiquepour laquelle différentes issuessont possibles.Crise : Situation problématique dans laquellela (les) personne(s) impliquée(s) est (sont)dans l’impossibilité d’arrêter un choix parmiceux possibles.Urgence : Situation problématique à laquelleune solution ne peut être apportée que parun tiers extérieur (le plus souvent spécialisémais il peut aussi être profane).1 Hoyois <strong>et</strong> al., réf. bibliographique 232 Chapelin J., Essai sur la mé<strong>de</strong>cine hospitalière avant laRévolution. Paris, 1945.3 Martineaud J.-P., Une histoire <strong>de</strong> l’hôpital Lariboisière;le Versailles <strong>de</strong> la misère. L’Harmattan, 1998. (Coll. Histoire<strong>de</strong> Paris).4 Copel D., réf. bibliographique 95 Chevallier J.-F., réf. bibliographique 66 Clément J., réf. bibliographique 77 C<strong>et</strong>te même loi instaure le service A (service neuropsychiatriqued’observation <strong>et</strong> <strong>de</strong> traitement) d’un hôpitalgénéral fonctionnant dans le cadre <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> médicaleurgente.8 Hoyois Ph., réf. bibliographique 229 Source: Service Public Fédéral Santé : Direction générale<strong>de</strong> l’Organisation <strong>de</strong>s Etablissements <strong>de</strong> Soins.10 D’après l’Enquête <strong>de</strong> Santé <strong>de</strong> 2001, 48 % <strong>de</strong> la populationrapporte avoir déjà eu un contact avec un serviced’urgence <strong>et</strong> 12 % en 2000. Ce phénomène est plus fréquentdans les gran<strong>de</strong>s villes.11 Fineberg <strong>et</strong> Stewart, 1977 ; Murat <strong>et</strong> al, 1980 ; Delvaux,1987.12 Ainsi, en France, en 1999, à côté <strong>de</strong> 12,34 millions<strong>de</strong> visites dans les services <strong>de</strong>s urgences, les mé<strong>de</strong>cinslibéraux ont posé 41 millions d’actes urgents (actes réels<strong>et</strong> non <strong>de</strong>s conseils téléphoniques) dont 15 ont été traitéssans attendre, 13 traités en temps différé, 12 reprogrammés;soit au total, pour les services d’urgences <strong>et</strong>les mé<strong>de</strong>cins libéraux, 53 millions d’actes <strong>de</strong>mandés enurgence dont 80 % ont été réalisés sans programmationINPH : Rapport <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> travail sur les urgences.Paris , 2002.13 Ces <strong>de</strong>ux motifs figurent en tête <strong>de</strong>s motifs <strong>de</strong> recoursaux urgences. Enquête <strong>de</strong> Santé, Belgique, 2001.14 Remise un moment en cause par la création d’honorairessupplémentaires pour les urgences non justifiées.15 Rieffe C. <strong>et</strong> al., Reasons why patients bypass their GPto visit a hospital emergency <strong>de</strong>partment. Accid. Emerg.Nurs., 7 (4), 1999, 217-25 ; Bertolotto F., Congrès <strong>de</strong> laSociété Française <strong>de</strong> Pédiatrie, Tours, 1999.16 Il faut cependant nuancer : à Bruxelles, les plaintes,les maladies ou d’autres motifs représentent, aux dires<strong>de</strong>s personnes interrogées, 61 % <strong>de</strong>s recours aux urgencespour 38 % en Flandre <strong>et</strong> 46 % en Wallonie. Dansles autres cas, il s’agit d’acci<strong>de</strong>nts. Enquête <strong>de</strong> Santé,Belgique, 2001.17 Selon la Classification Internationale <strong>de</strong>s Maladies.18 OMS, 2000.19 Ansseau <strong>et</strong> al., Epidémiologie <strong>de</strong>s troubles <strong>psychiatriques</strong>dans la province <strong>de</strong> Luxembourg. Plate-forme<strong>de</strong> concertation psychiatrique <strong>de</strong> la province <strong>de</strong> Luxembourg,Bertrix, 1999.20 Samitca D., L’influence <strong>de</strong>s facteurs socio-culturels surla <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en soins <strong>psychiatriques</strong>. Arch. Suisses Neurol.,Neurochir. Psychiat., 130 (2), 1982, 159-77.21 Donn<strong>et</strong> J.L., A propos <strong>de</strong> « l’indication d’analyste». L’Evolution Psychiatrique, 59 (3), 1994, 443-53.22 A notre connaissance, c<strong>et</strong>te proportion ne semble pasavoir été sérieusement documentée pour la mé<strong>de</strong>cinegénérale.23 Dans les hôpitaux plus p<strong>et</strong>its, à vocation essentiellementlocale, le nombre quotidien <strong>de</strong> ces urgences seraitaux alentours <strong>de</strong> 3 par jour. Il faut toutefois tenir compte<strong>de</strong> la richesse du dispositif hospitalier dans une région <strong>et</strong><strong>de</strong> l’extension plus ou moins importante <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cine générale.24 L’organisation <strong>de</strong>s services <strong>psychiatriques</strong> <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong>d’urgence commence à être envisagée dès les années65-70 aux Etats-Unis, dans le courant <strong>de</strong>s années 70 enEurope.25 Lorsqu’un grand département <strong>de</strong> psychiatrie existedans l’hôpital général ou lorsqu’un hôpital psychiatriqueest associé à plusieurs hôpitaux généraux, la tendanceest à la création d’un centre <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> d’urgence extérieurau service <strong>de</strong>s urgences générales.26 Par ailleurs, il est utile <strong>de</strong> s’arrêter sur les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s<strong>de</strong> mises en observation. On sait, <strong>de</strong>puis longtemps, quela procédure d’exception en matière <strong>de</strong> mise en observationest la règle <strong>et</strong> que près <strong>de</strong> 80% ont lieu en urgence.Les seules données récentes disponibles concernent larégion flaman<strong>de</strong> : en 2003 : 2.234 mises en observationy ont eu lieu, ce qui représente une augmentation <strong>de</strong> 21% par rapport à 2001. Il n’existe pas <strong>de</strong> données pour laRégion <strong>wallon</strong>ne ni pour Bruxelles, mais une croissance<strong>de</strong>s mises en observation y est aussi constatée par plusieursobservateurs.27 Et <strong>de</strong>s tensions qui peuvent le traverser.DOSSIERConfluences n°11 septembre 200517


D’une urgence à l’autreTémoignageAprès quatre ans <strong>de</strong> maladie, à 22 ans, je me sens un peu mieux.La souffrance schizophrénique s’est quelque peu tassée. Un traitementchimiothérapique <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong> psychanalyse ont en partie dissipé lesdélires <strong>et</strong> atténué les angoisses. Je me r<strong>et</strong>rouve à Lyon pour y suivreune préparation au concours <strong>de</strong> conservateur <strong>de</strong> bibliothèque. Mais là, lasolitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> le r<strong>et</strong>our à la réalité faisant, je décompense. Très vite, je suissubmergé par <strong>de</strong>s pulsions suicidaires. Au terme d’une ultime <strong>crise</strong>, jefais une TS (tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>) <strong>et</strong> me r<strong>et</strong>rouve aux urgences <strong>psychiatriques</strong><strong>de</strong> l’hôpital Edouard-Herriot.TS- T’es là pour quoi ?- J’ai essayé <strong>de</strong> me foutre en l’air.Et toi ?- Même chose. TS.TS. Pendant la semaine passée aux urgences<strong>psychiatriques</strong> <strong>de</strong> l’hôpital Edouard-Herriot, lemot TS fonctionne comme un passe, <strong>de</strong>uxl<strong>et</strong>tres qui figurent une expérience commune,un lit <strong>de</strong> souffrances. Et autour <strong>de</strong> ces lits<strong>de</strong> souffrance, <strong>de</strong>s liens entre les patientsse tissent, une solidarité s’établit. Moi qui,quatre années durant, n’avais vu en autruique <strong>de</strong> l’étrange, trouve dès lors du familier,du même, <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntique.TS. Abréger est important. Deux l<strong>et</strong>tres pourrésumer un acte. Bien souvent, nul besoind’aller plus avant. On s’arrête là. Le pourquoi<strong>et</strong> le comment semblent inutiles. L’importantrési<strong>de</strong> dans l’instauration d’une i<strong>de</strong>ntité commune,car <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité, pour tous aux urgencespsys, il y en a à récupérer. Des plâtresd’i<strong>de</strong>ntité même ! Des façons <strong>de</strong> pyjamassynthétiques bleu clair sur le dos, <strong>de</strong>s chaussonsen plastique aux pieds, nous portonsdéjà l’uniforme, <strong>et</strong> à l’uniforme nous nousreconnaissons. Se reconnaître... Nous quisavons à peine ce qu’être veut dire.Des soignants tout-puissantsAux urgences, <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s cohabitent : lessoignants <strong>et</strong> les soignés. De temps en temps,je discute avec l’infirmière. Elle est bienveillante<strong>et</strong> douce. Tous les midis, j’ai ren<strong>de</strong>zvousavec la psychiatre : c’est une femmeintelligente, je ne m’en méfie pas. Très vite,je constate que les ponts que je peux établiravec les soignants sont fragiles, qu’un riensuffit pour qu’ils se rompent. En eff<strong>et</strong>, un soir,je me rends dans la chambre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux fillesavec lesquelles j’ai sympathisé pour regar<strong>de</strong>rla télé. Ensemble nous rions, nous noussentons en famille. Au bout d’une vingtaine<strong>de</strong> minutes, un infirmier fait irruption dans lachambre <strong>et</strong>, me voyant, me somme <strong>de</strong> sortir.Comme je tar<strong>de</strong> un peu à m’exécuter, il m’attrapepar le col, me proj<strong>et</strong>te dans le couloir,me bouscule. Je bous intérieurement mais neréplique pas. Si j’avais réagi à la violence <strong>de</strong>l’infirmier à ce moment-là, on aurait attribuéma colère à la maladie. La violence <strong>de</strong> l’infirmiern’aurait pas été remise en cause carsa fonction la lui autorise : <strong>de</strong> la légitimation<strong>de</strong> la violence par l’institution à la violence dupatient considérée comme symptôme.Interdit, je t’aimeAux urgences, je romps avec la solitu<strong>de</strong><strong>et</strong> le sentiment <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong>. Toute une vies’y organise, avec discussions, rencontres,drames, p<strong>et</strong>its <strong>et</strong> grands bonheurs. Pas uninstant je ne m’ennuie. Je me sens avi<strong>de</strong> <strong>de</strong>communication.Des lieux stratégiques ponctuent ce service.Il en est un <strong>de</strong> la plus haute importance pourles patients : la machine à café. Là, fumantclope sur clope, on discute à bâtons rompus.Dès six heures du matin, je m’y précipite,engageant la discussion avec le premiervenu, avec une préférence pour un premiervenu <strong>de</strong> sexe féminin. Pour la premièrefois <strong>de</strong>puis quatre ans, je r<strong>et</strong>rouve le plaisird’abor<strong>de</strong>r, d’essayer <strong>de</strong> nouer une discussion,voire d’obtenir un numéro <strong>de</strong> téléphone.P. <strong>et</strong> moi sympathisons dès le <strong>de</strong>uxième jour.Nous sommes arrivés à l’hôpital le mêmejour <strong>et</strong> pour les mêmes raisons. P. est aupremier étage <strong>et</strong> moi au rez-<strong>de</strong>-chaussée.P. me plaît <strong>et</strong>, pour la première fois <strong>de</strong>puislongtemps, je ne crains pas mon désir.P. m’invite un soir dans sa chambre. Nousdiscutons longuement. Comme moi, c’est unêtre cassé, démoli. Nous poursuivons la soiréejusqu’à une heure du matin, assis près <strong>de</strong>la machine à café. Nous nous plaisons, nousflirtons. A ma gran<strong>de</strong> surprise, je ne me senspas menacé par ce contact physique. Je mesens protégé par mon statut <strong>de</strong> mala<strong>de</strong> quiest aussi le sien <strong>et</strong> qu’elle sait être le mien.Là, aux urgences, une sexualité est possible,une sexualité qu’il faut cacher car désapprouvéepar le personnel soignant, une sexualitéheurtée, apanage <strong>de</strong>s désespérés. Nous neferons que flirter avec P., mais ce r<strong>et</strong>our dudésir sans la peur sera un gage <strong>de</strong> résorption<strong>de</strong> ma schizoïdie, un r<strong>et</strong>our du désir alimentépar la promiscuité entre les êtres propres àl’hôpital.A l’envie <strong>de</strong> rester à l’hôpital, s’oppose le désir<strong>de</strong> r<strong>et</strong>rouver la liberté. L’enfermement (relatif)<strong>de</strong>s urgences me rassure, agit comme uneprotection contre ma bête intérieure. Maisles urgences ne peuvent être qu’un passag<strong>et</strong>ransitoire, <strong>et</strong> la question <strong>de</strong> la sortie seposera bientôt.18 Confluences n°11 septembre 2005


Séquences éclairsLes urgences <strong>psychiatriques</strong> sont un théâtre.Etres hauts en couleurs, situations paroxystiques,sentiments exacerbés <strong>de</strong>s naufragés<strong>de</strong> l’âme. Je prends plaisir à ces embolies<strong>de</strong>s êtres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s situations, y trouve maplace, là où, dans la vie courante, dans le« trop normal », je me sens étranger. Dansles dérapages, je me glisse pour, p<strong>et</strong>ite souris,regar<strong>de</strong>r la gran<strong>de</strong> tragédie du mon<strong>de</strong>.Le troisième jour <strong>de</strong> mon séjour à l’hôpital,une jeune fille <strong>de</strong> 16 ans arrive dans le service.Elle est à moitié abasourdie, suite à l’ingestiond’une forte quantité <strong>de</strong> médicaments.Là, au premier étage, <strong>de</strong>vant nous, nousla voyons entourée <strong>de</strong> sa famille, pleurant,gémissant. Les parents semblent désemparés.Je l’interpelle : « Tu est là pour quoi ?- J’ai avalé <strong>de</strong>s médicaments, <strong>et</strong> toi ? - J’ai faitune TS. » Elle fond alors en larmes <strong>et</strong> répète« Toi tu me comprends au moins » <strong>et</strong> se j<strong>et</strong>tedans mes bras.Le len<strong>de</strong>main, à onze heures du matin, jeme rends au premier étage pour y cherchercompagnie. Je trouve la jeune fille <strong>de</strong> laveille étendue sur le lino du salon. Affaibliepar les barbituriques, elle a perdu l’équilibrependant sa promena<strong>de</strong>. Je l’ai<strong>de</strong> à serelever <strong>et</strong> la raccompagne jusqu’à sa chambre,animal humain trop humain qui dans sachute m’a ému, figure du tragique qui flattemon penchant romantique pour la folie <strong>et</strong> ledésespoir.Une étrange nostalgieJe sors <strong>de</strong>s urgences au bout d’une semaine.Je me r<strong>et</strong>rouve ainsi seul dans mon appartement,dans c<strong>et</strong>te ville où je ne connais pratiquementpersonne. Je suis comme j<strong>et</strong>é dansl’arène avec les lions, dans une situationsimilaire à celle qui a précédé ma tentative<strong>de</strong> suici<strong>de</strong>. Seul le traitement neuroleptiqueque l’on m’a donné m’ai<strong>de</strong> à me sentir pluschez moi (dans mon corps <strong>et</strong> dans ma tête).Je vais à la faculté <strong>de</strong>ux fois par semaine,bouquine, me fais une overdose <strong>de</strong> cinéma.Très vite, je me surprends à attendre le soir, àattendre le moment où je vais me m<strong>et</strong>tre au lit.Et peu à peu, c’est une sorte <strong>de</strong> rituel quis’instaure, ce moment où, blotti sous lesdraps, la lumière éteinte, je me remémorel’hôpital Edouard-Herriot avec délectation,comme s’il s’agissait d’un lieu féerique. Je mepasse <strong>et</strong> me repasse les mêmes scènes, <strong>de</strong>sdizaines <strong>de</strong> fois. Mon passage aux urgencessurgit dans mon esprit comme un souvenirmerveilleux, à tel point que cela <strong>de</strong>vient uneobsession. Alors, un après-midi, je pénètredans l’hôpital, comme pour vérifier que toutcela a bel <strong>et</strong> bien existé. J’espère trouverquelqu’un près <strong>de</strong> la machine à café ou ausalon au premier étage. Mais... personne ! Jem’en r<strong>et</strong>ourne déçu <strong>de</strong> ne pas avoir r<strong>et</strong>rouvéles choses intactes, telles qu’elles apparaissaientdans mes souvenirs.Avec du recul, je suis frappé par l’intensité <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te nostalgie que j’avais <strong>de</strong> mon bref séjourà l’hôpital. Je pense aujourd’hui que l’extrêmesolitu<strong>de</strong> dans laquelle je me trouvais m’incitaità vivre avec mes souvenirs. D’une urgence àl’autre, je préfère vivre dans le présent, m<strong>et</strong>enir droit, le dos rai<strong>de</strong>, être <strong>de</strong> ceux qui ontchoisi leur <strong>de</strong>stin. Damien 11 Témoignage publié sur le site : www.schizosedire.comdans la rubrique : Paroles <strong>de</strong> Patients.Fan<strong>et</strong>te BruelDOSSIERConfluences n°11 septembre 200519


<strong>Urgences</strong> <strong>psychiatriques</strong> :<strong>de</strong>s proches dans le désarroiQuelques cas vécusFrancine Lejeune,Similes Wallonie- Un fils vit <strong>de</strong>puis un an dans la salle <strong>de</strong>séjour <strong>de</strong> la maison familiale, « squattant »en permanence le divan, y dormant, y mangeant,refusant d’en bouger <strong>et</strong> <strong>de</strong> se laver.- Une personne hésite à suivre son conjointdans sa démarche <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> mise enobservation <strong>de</strong> leur fille, qui présente <strong>de</strong>stroubles psychiques, <strong>de</strong>s hallucinations, <strong>de</strong>sdélires à tendance mystique. La personnemala<strong>de</strong> refuse <strong>de</strong> se reconnaître comm<strong>et</strong>elle ; elle ne fait <strong>de</strong> tort à personne mais lecertificat du psychiatre est formel. La misesous protection est, hélas, la seule possibilitéexistante <strong>de</strong> traiter au mieux <strong>et</strong> au plus tôt cequi est peut-être un épiso<strong>de</strong> unique <strong>de</strong> troublesschizophréniques qui pourrait être suivid’une rémission complète.- Un mari a dû quitter sa femme après 14ans <strong>de</strong> vie commune, vu l’impossibilité pourses enfants encore jeunes <strong>et</strong> lui <strong>de</strong> vivre avecson épouse, mala<strong>de</strong> psychique. Celle-ci nefaisait plus rien à la maison, négligeait sesenfants <strong>et</strong> refusait <strong>de</strong> voir un mé<strong>de</strong>cin. L’ai<strong>de</strong>d’un administrateur provisoire <strong>de</strong> biens <strong>et</strong>d’une assistante sociale du CPAS n’y a rienchangé. C<strong>et</strong> homme se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que fairepour que son épouse consulte un mé<strong>de</strong>cin.« La loi est mal faite, dit-il. C’est en quelquesorte non-assistance à personne en dangerque <strong>de</strong> ne pas intervenir, sous prétextequ’elle ne constitue pas un risque pour ellemême<strong>et</strong> pour les autres ».- Un couple âgé, dont le mari souffrait d’unegrave maladie, avait un fils schizophrène quisaccageait régulièrement l’appartement familial<strong>et</strong> en était venu à j<strong>et</strong>er ses parents <strong>de</strong>hors,la nuit, en exerçant sur eux <strong>de</strong>s violences.Les essais d’hospitalisation ne servaient àrien car, <strong>de</strong>vant le juge <strong>et</strong> le psychiatre, lemala<strong>de</strong> donnait l’impression d’être « normal »,les trompant ainsi sur son état. Il était doncchaque fois renvoyé chez ses parents. Cesont les services sociaux qui, s’étant aperçusdu véritable calvaire vécu par le couple, sesont résolus à hospitaliser en gériatrie ces<strong>de</strong>ux parents épuisés, afin <strong>de</strong> les protéger.Ce n’est que bien plus tard que le fils a enfinaccepté <strong>de</strong> se faire hospitaliser.Quand on parle d’urgences en psychiatrie,nous les voyons sous <strong>de</strong>ux aspects, selonl’état <strong>de</strong> nos mala<strong>de</strong>s. En eff<strong>et</strong>, une caractéristiqu<strong>et</strong>ypique <strong>de</strong>s psychoses est le manque<strong>de</strong> reconnaissance <strong>de</strong> sa maladie par lapersonne qui en est atteinte.S’il tombe sous le sens qu’une personnequi ne se sent pas bien du tout <strong>de</strong>man<strong>de</strong> àvoir un mé<strong>de</strong>cin d’urgence, c’est une autreaffaire que <strong>de</strong> faire adm<strong>et</strong>tre à une personneen proie à une phase maniaque, à <strong>de</strong>s hallucinations,ou à un délire, qu’elle doit êtreprise en charge d’urgence par un serviceapproprié, vu les difficultés qu’elle cause àson entourage ou les situations dangereusesdans lesquelles elle se m<strong>et</strong>.Dans le premier cas, avec <strong>de</strong> la chance,la personne se présentera d’ellemêmeaux urgences d’un hôpital général<strong>et</strong> sera, au besoin, orientée vers unC.H.P. ou vers <strong>de</strong>s soins ambulatoires.Malheureusement, <strong>de</strong> tels exemples sontrares parmi les cas évoqués par les membres<strong>de</strong> Similes lors <strong>de</strong> nos groupes <strong>de</strong> parole. Lamajorité <strong>de</strong>s familles en difficulté se trouveconfrontée à une première poussée <strong>de</strong> psychoseou à une rechute accompagnées d’hallucinations<strong>et</strong> <strong>de</strong> délires parfois violents.Souvent, les familles, qui vivent avec leurproche mala<strong>de</strong> 24h/24 ont pressenti la gravité<strong>de</strong> leur état bien avant les mé<strong>de</strong>cins.Or, quand, par chance, on parvient à leurfaire consulter un généraliste ou un psychiatre,ils se présentent tout différents <strong>de</strong>ce qu’ils sont en famille <strong>et</strong> « trompent leurmon<strong>de</strong> ». Comme la communication entreentourage <strong>et</strong> professionnel <strong>de</strong> la psychiatrieest encore souvent bien difficile, la situationdu mala<strong>de</strong> s’aggrave <strong>de</strong>vant ses prochesconsternés <strong>et</strong> impuissants. Il faut alors attendrela « catastrophe » (violences, tentatives<strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, perturbations <strong>de</strong> l’ordre public,<strong>et</strong>c.) pour qu’enfin soit mise en route la seulesolution possible : la mise sous protection.(Je ne parlerai pas <strong>de</strong>s cas où le mala<strong>de</strong>comm<strong>et</strong> un délit <strong>et</strong> se voit passer sous lerégime <strong>de</strong> la défense sociale).Ainsi s’explique pourquoi c<strong>et</strong>te mesure <strong>de</strong>protection, dans plus <strong>de</strong> 90 % <strong>de</strong>s cas, alieu selon la procédure d’urgence <strong>et</strong>, tropsouvent, dans <strong>de</strong>s circonstances très péniblespour le mala<strong>de</strong> <strong>et</strong> ses proches quil’aiment <strong>et</strong> se sentent coupables <strong>de</strong> le voirainsi emmené <strong>de</strong> force. Une fois calmépar <strong>de</strong> puissants sédatifs, il arrive souventqu’au terme du 7 ème jour d’hospitalisation, sasortie soit décidée sans qu’un traitement <strong>et</strong>un suivi adéquats aient pu être mis en place.En eff<strong>et</strong>, le juge, les avocats, les psychiatresmême, se laissent souvent impressionnéspar les dénégations empreintes <strong>de</strong> bonne foi<strong>et</strong> les arguments pertinents du mala<strong>de</strong>, quiapparaît alors comme victime d’un entourageborné ou hostile. Bien souvent, on est repartipour un autre cycle qui aboutira <strong>de</strong> nouveauà une hospitalisation sous contrainte.Proches <strong>et</strong> usagers commencent à prendreconscience <strong>de</strong>s préjudices, voire <strong>de</strong>s traumatismesréels accompagnant ce « remueménage» médico-juridico-policier, cause d<strong>et</strong>ensions, d’angoisses <strong>et</strong> <strong>de</strong> violences parfoissubies par l’entourage <strong>et</strong> le mala<strong>de</strong> luimême.Tout en étant conscients <strong>de</strong> la nécessitéd’une loi visant à prévenir les abus qui ontpu se produire dans le passé <strong>et</strong> à protégerla personne mala<strong>de</strong> en premier lieu, nous20 Confluences n°11 septembre 2005


Fan<strong>et</strong>te Brueldéplorons le fait que c<strong>et</strong>te mise sous protectiondoive, dans la majorité <strong>de</strong>s cas, êtredécidée dans l’urgence.Lorsque quelqu’un est amené à l’hôpitalen état <strong>de</strong> <strong>crise</strong> délirante, c’est queson entourage n’a pas trouvé d’autremoyen <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong>r à se reprendre en main.L’hospitalisation sous contrainte peut doncêtre considérée a priori, comme un échec <strong>de</strong>sdispositifs d’encadrement <strong>et</strong> <strong>de</strong> soins dont lesparents <strong>et</strong> les proches <strong>de</strong>vraient faire partie.Pour alimenter la réflexion, j’évoquerai unnuméro du périodique <strong>de</strong> l’association EUFAMI(Fédération Européenne <strong>de</strong>s Associations<strong>de</strong>s Familles <strong>de</strong>s Mala<strong>de</strong>s Psychiques 1 ).Un article comparait les différentes législations<strong>de</strong> 6 pays <strong>de</strong> ce qui était encore la C.E.Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s lois propres à chaque pays, c’estla volonté <strong>de</strong> traiter le problème <strong>de</strong> façon plushumaine qui m’avait impressionnée.L’accent est mis sur les divergences d’opinions.Patients, familles, professionnels <strong>de</strong> lapsychiatrie <strong>et</strong> <strong>de</strong>s soins <strong>de</strong> santé, assistantssociaux, policiers, journalistes <strong>et</strong> membresdu public ont souvent <strong>de</strong>s opinions très tranchéesqu’ils défen<strong>de</strong>nt avec véhémence.Il s’agit en eff<strong>et</strong> d’une question complex<strong>et</strong>ouchant aux droits <strong>de</strong> l’homme, à la philosophie,à l’éthique, à l’autonomie du patient, à laresponsabilité professionnelle <strong>et</strong> à la sécurité<strong>de</strong>s personnes, <strong>et</strong>c. L’agressivité non contrôléed’un mala<strong>de</strong> psychique, sa violence <strong>et</strong> sapeur concernent aussi la société. Quant auxfamilles, elles se r<strong>et</strong>rouvent piégées entreleur affection pour leur membre souffrant <strong>et</strong>leur crainte, comparable à celle du public,face à une maladie qu’elles ne comprennentpas bien.A Vienne, un groupe <strong>de</strong> travail composéd’usagers, <strong>de</strong> proches <strong>et</strong> <strong>de</strong> professionnels(infirmiers <strong>psychiatriques</strong>, psychiatres,juges, avocats <strong>de</strong> patients) s’est rencontrérégulièrement pendant plus d’un an. Un <strong>de</strong>sparticipants, usager <strong>de</strong> longue date <strong>de</strong> lapsychiatrie, a fait forte impression en déclaranten son nom propre <strong>et</strong> au nom d’autresusagers, que le traitement sous contrainte,parfois accompagné <strong>de</strong> violence, avait nuigravement <strong>et</strong> plus longtemps à sa santémentale que sa psychose elle-même.La première conclusion <strong>de</strong>s discussions a étéqu’il était parfois aussi mauvais d’agir que <strong>de</strong>ne pas agir.Une <strong>de</strong>uxième conclusion est apparue : lameilleure façon <strong>de</strong> traiter le mala<strong>de</strong> <strong>et</strong><strong>de</strong> maintenir la sécurité <strong>et</strong> l’ordre publicétait <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s services mobiles d’interventionurgente fonctionnant 24h/24.(En 2001, il en existait dans une seule <strong>de</strong>sneuf régions d’Autriche, la Carinthie).Quand on considère les quelquescas vécus ci-<strong>de</strong>ssus, repris avec lesprécautions <strong>de</strong> confi<strong>de</strong>ntialité d’usage, parmitant d’autres dans les comptes rendus <strong>de</strong>nos groupes <strong>de</strong> parole, tout être doué <strong>de</strong> bonsens ne peut que constater le vi<strong>de</strong> à comblerdans les dispositifs <strong>de</strong> soins <strong>psychiatriques</strong>.Des équipes <strong>de</strong> soins d’urgence mobilesexistent déjà dans certaines régions du pays.Mais leur utilité n’est sans doute pas encorereconnue, puisqu’elles sont encore trop rares.Pourtant, elles éviteraient bien <strong>de</strong>s r<strong>et</strong>ardsdans le traitement <strong>de</strong>s maladies mentales.Les milieux <strong>psychiatriques</strong> ne s’accor<strong>de</strong>nt-ilspas à reconnaître que plus tôt on traite cellesci,meilleures sont les perspectives <strong>de</strong> guérisonou, du moins, <strong>de</strong> stabilisation ? Bien sûr,il faut <strong>de</strong>s budg<strong>et</strong>s importants pour les créer,former <strong>et</strong> payer un personnel spécialisé,efficace <strong>et</strong> motivé. Mais ne vaudrait-il pas lapeine d’évaluer <strong>et</strong> <strong>de</strong> comparer les frais <strong>et</strong> lespertes <strong>de</strong> temps énormes occasionnés parles mises sous protection inefficaces, avecceux qu’occasionnerait l’organisation d’équipesd’intervention d’urgence à domicile ? 1 Working Tog<strong>et</strong>her, issue 8. EUFAMI, Spring 2002.DOSSIERConfluences n°11 septembre 200521


La solitu<strong>de</strong> du mé<strong>de</strong>cin généralisteface aux urgences en santé mentaleComment le mé<strong>de</strong>cin traitant vit-il les situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> d’urgence ensanté mentale ?Y est-il régulièrement confronté <strong>et</strong> que peut-il ou… que souhaiterait - il…m<strong>et</strong>tre en place ?Un généraliste témoigne <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>rnière urgence à domicile…Il nous livre son profond sentiment <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> lors <strong>de</strong> ces <strong>interventions</strong>.Depuis mes premières années<strong>de</strong> pratique <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale,il y a plus <strong>de</strong> 30 années,j’entends les psychiatres répéterqu’il n’y a pas d’urgence en santé mentale,qu’il n’y a que l’évolution d’une situation<strong>et</strong> qu’il est donc indispensable <strong>de</strong> faire<strong>de</strong> la prévention <strong>et</strong> d’anticiper l’urgence…La belle affaire que voilà !Lors <strong>de</strong> mes 2 <strong>de</strong>rnières gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong> weekend,la réalité <strong>de</strong> l’urgence en santé mentalem’a explosé une nouvelle fois à la figure enme laissant un goût amer <strong>et</strong> beaucoup d<strong>et</strong>ristesse.Le premier appel fut celui d’une maman endétresse parce que son fils <strong>de</strong> 17 ans, enrupture scolaire <strong>et</strong> familiale mais en affectionpour la drogue, pétait les plombs, grimpaitaux murs <strong>et</strong> démolissait tout ce qui lui tombaitentre les mains. Ce jeune homme, moi, jene le connaissais pas, j’étais le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>gar<strong>de</strong> <strong>et</strong> d’autres appels m’attendaient. J’aiquand même consacré du temps à essayer<strong>de</strong> lui parler <strong>et</strong> <strong>de</strong> comprendre sa détresse.Périlleux exercice lorsque l’on ne connaît riendu souffrant ni <strong>de</strong> sa famille ni <strong>de</strong> l’ensemble<strong>de</strong> son milieu <strong>de</strong> vie …. Beaucoup <strong>de</strong> refus<strong>de</strong> sa part parce qu’il dit se sentir très bien.Par contre, beaucoup <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> safamille qui le voit « très mal » <strong>et</strong> qui ne supporteplus ses <strong>crise</strong>s, ses colères, ses dégâtsYves DelforgeMé<strong>de</strong>cin généraliste<strong>et</strong> son agressivité (il est allé jusqu’à bousculerviolement sa mère…). En <strong>crise</strong> <strong>de</strong>puis<strong>de</strong>s semaines, ce jeune a toujours refusé <strong>de</strong>voir un quelconque thérapeute, que ce soitson mé<strong>de</strong>cin généraliste, un psychiatre ou unpsychologue.Quelques instants après, la police, appeléeen même temps que moi, arrive sur leslieux. Ces policiers sont calmes <strong>et</strong> patients.Me sachant sur place, ils restent en attente,discr<strong>et</strong>s afin <strong>de</strong> me laisser travailler en espérantque je puisse arriver à le calmer <strong>et</strong>à l’amener à la raison. Mais, ce jeune sebraque <strong>et</strong> refuse tout traitement. J’essaye<strong>de</strong> lui faire comprendre qu’il risque une misesous protection, il n’en démord pas : lui,il va très bien <strong>et</strong> il n’a pas besoin <strong>de</strong> monai<strong>de</strong>. Un <strong>de</strong>s policiers se présente alors àlui <strong>et</strong>, calmement, essaye aussi <strong>de</strong> l’apaiser.Il ne veut rien entendre <strong>et</strong> redouble <strong>de</strong>colère, refusant toute ai<strong>de</strong>. Les parents sontexaspérés <strong>et</strong>, à bout, ils me réclament uneintervention plus ferme vu l’échec <strong>de</strong> toutesleurs entreprises <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s mois. Comm<strong>et</strong>ous les critères sont présents, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>sa mise sous protection. Comme il refuse <strong>de</strong>partir calmement, les policiers l’emmènent,menottes aux poings, vers le poste <strong>de</strong> policepour y passer la nuit en attendant la décisiondu juge <strong>de</strong> paix.Moi, c’est avec une profon<strong>de</strong> tristesse <strong>et</strong>beaucoup <strong>de</strong> frustration que je m’en r<strong>et</strong>ournevers d’autres appels où je suis attendu.Lors <strong>de</strong> ma secon<strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, l’autre appelfut celui d’une autre maman, divorcée <strong>et</strong>en détresse profon<strong>de</strong> parce que son fils <strong>de</strong>15 ans, en rupture scolaire <strong>et</strong> familiale, maissans affection pour la drogue, venait <strong>de</strong> péterles plombs parce que sa moto ne voulait pasdémarrer… A mon arrivée, ce jeune que jene connais pas non plus est accroupi au fond<strong>de</strong> ce qui a dû être un garage mais qui n’estplus qu’un champ <strong>de</strong> bataille. A ma vue, sacolère reprend...Me souvenant <strong>de</strong> l’expérience désastreuseprécé<strong>de</strong>nte, j’emmène sa maman dans lacuisine <strong>et</strong> je m’attache à écouter sa détresse<strong>et</strong> ses inquiétu<strong>de</strong>s vis-à-vis <strong>de</strong> son fils. Vingtminutes plus tard, son père qui vient ramener2 autres enfants qu’il avait en gar<strong>de</strong>, arrive<strong>et</strong> se joint à notre réflexion. J’apprends unpeu plus tard que le jeune s’est calmé <strong>et</strong>entreprend <strong>de</strong> rem<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> l’ordre dans legarage. Il refuse toujours <strong>de</strong> me voir, maiscomme il est calme, je poursuis ma route, unpeu plus serein que dans l’autre exemple.Dans les <strong>de</strong>ux situations, j’ai souri, jaune,à l’idée que « l’urgence en santé mentale »n’existe pas <strong>et</strong> j’ai regr<strong>et</strong>té <strong>de</strong> ne pas pouvoirfaire appel à une secon<strong>de</strong> ligne comme ilen existe pour les soins palliatifs : conseil,soutien, référence, ai<strong>de</strong> pratique si besoin.J’en rêve... ! 22 Confluences n°11 septembre 2005


La notion d’urgencedans un centre d’écoute téléphoniqueLes hôpitaux ne sont pas les seuls témoins <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong>d’urgence. Le Samu, les pompiers, la police ou encore les services d<strong>et</strong>éléphonie comme le Centre <strong>de</strong> Prévention du Suici<strong>de</strong> sont eux aussi sollicités.Comment, ce <strong>de</strong>rnier, réagit-il aux appels aux secours qui lui sontformulés <strong>et</strong> quel est précisément son champ d’intervention ? Le GroupeBelge d’Etu<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> Prévention du Suici<strong>de</strong> nous fait part <strong>de</strong> sa réflexionen la matière.Alain Gontier,Psychologue, formateur <strong>de</strong>s répondants bénévolesau Centre <strong>de</strong> Prévention du Suici<strong>de</strong>un mé<strong>de</strong>cin qui est dans l’action <strong>et</strong> peut poserun geste thérapeutique, le répondant doit tenteravec l’appelant <strong>de</strong> restaurer un espace/tempsrelationnel qui échappe à la spirale auto<strong>de</strong>structrice.Certain(e)s nous disent d’ailleurs leurfrustration face à c<strong>et</strong>te situation, leur envie- impossible à assouvir… - <strong>de</strong> prendre leurveste <strong>et</strong> <strong>de</strong> courir au secours <strong>de</strong> la personneen ligne. Ce traitement particulier <strong>de</strong> l’urgenceimplique donc pour ceux qui le m<strong>et</strong>tent enœuvre un sentiment spécifique d’angoisse <strong>et</strong>d’impuissance qu’il importe <strong>de</strong> gérer à travers<strong>de</strong>s supervisions.« L’urgence » ne figure pas au rang <strong>de</strong>s questionstravaillées lors <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s bénévolesamenés à assurer l’écoute <strong>de</strong> la ligned’appel téléphonique du Centre <strong>de</strong> Préventiondu Suici<strong>de</strong>. Pourtant, c<strong>et</strong>te « urgence » vase r<strong>et</strong>rouver au cœur <strong>de</strong> la relation que lesrépondants seront amenés à nouer avec lesappelants. Il n’y a toutefois là ni paradoxeni contradiction mais bien, au contraire, uneconséquence logique du traitement réservé icià ladite urgence.La spécificité <strong>de</strong> l’action menée à traversnotre ligne d’écoute est <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ordres : d’unepart, l’urgence à prendre en charge n’est pasmatérialisée (à l’exception <strong>de</strong>s tentatives <strong>de</strong>suici<strong>de</strong> en cours) mais s’exprime à traversla parole ; d’autre part, la réponse à c<strong>et</strong>teurgence ne passe pas par <strong>de</strong>s actes mais parla reconstruction d’un espace <strong>de</strong> pensée là oùil n’existait plus.C<strong>et</strong>te approche originale <strong>de</strong> l’urgence, en ruptureavec le modèle traditionnel dans lequelun acte/solution vient répondre à une situation/problème,peut être déstabilisante aussibien pour l’appelant que pour le répondant.En eff<strong>et</strong>, le premier moteur <strong>de</strong> l’appel reste laquête d’une parole ou d’un acte qui serait LAsolution, la posologie perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> guérir dumal-être : « J’ai un problème… Qu’est-ce que jedois faire ? » Face à c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, le rôle durépondant va être <strong>de</strong> déplacer progressivementle focus pour sortir <strong>de</strong> l’immédiat<strong>et</strong>é <strong>et</strong> amenerl’appelant à récupérer du jeu, <strong>de</strong> l’espace <strong>et</strong>du temps, dans une situation qui apparaissaittotalement crispée.Si c<strong>et</strong>te démarche est parfois difficilementacceptée par les personnes en <strong>crise</strong>, ellepeut également s’avérer problématique pourcelles <strong>et</strong> ceux qui les écoutent. L’expériencedémontre en eff<strong>et</strong> la difficulté pour le répondant<strong>de</strong> ne pas se laisser emporter par le sentimentd’urgence qui habite l’appelant, <strong>de</strong> résisterau désir <strong>de</strong> se lancer dans une recherche unpeu affolée <strong>de</strong> « l’issue <strong>de</strong> secours » … <strong>et</strong> <strong>de</strong>se précipiter par là même dans un cul <strong>de</strong> sac.Car, en s’engageant dans c<strong>et</strong>te voie, le répondants’enfermerait dans un entonnoir où laperspective se réduit progressivement à zéro.« Je vais me suici<strong>de</strong>r. » - « Non, ne faites pasçà. » - « Et pourquoi pas ? Dites-moi une chosequi pourrait m’empêcher <strong>de</strong> le faire ! » - « Je nesais pas quoi vous dire… ».Le travail <strong>de</strong> formation veille donc à détacher lerépondant <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te notion d’urgence en s’attachantà un travail en profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> l’appel. Lecadre <strong>de</strong> travail constitue à c<strong>et</strong> égard un alliéprécieux. Le contact s’opérant par l’intermédiairedu téléphone, qui plus est dans l’anonymat,il existe, <strong>de</strong> fait, une impossibilité d’agir …autrement que par la parole. Contrairement àSignalons pour terminer que ce type <strong>de</strong> travaila ses limites <strong>et</strong> ne peut s’opérer lorsque l’appelantest dans un état d’angoisse <strong>et</strong> <strong>de</strong> confusionémotionnelle trop important. Il s’agit alors <strong>de</strong>l’orienter vers les urgences <strong>psychiatriques</strong> <strong>et</strong>une prise en charge thérapeutique. De même,dans le cas d’un suici<strong>de</strong> en cours, la prioritérési<strong>de</strong> dans un dialogue perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> briserl’anonymat <strong>et</strong> d’envoyer <strong>de</strong>s secours.Le Groupe Belge d’Etu<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> Prévention du Suici<strong>de</strong>a créé une Cellule d’Intervention Psychologique(CIP) qui assure un relais entre le milieu médical <strong>et</strong>les intervenants thérapeutiques. Relais qui, souvent,fait défaut. On sait, <strong>de</strong> fait, que 90% <strong>de</strong>s patientsorientés vers <strong>de</strong>s consultations psy par les urgences<strong>psychiatriques</strong> ne s’y ren<strong>de</strong>nt pas 1 . Le taux <strong>de</strong>récidive suicidaire serait pourtant <strong>de</strong> 15% après unepremière tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> 80% après latroisième tentative 2 .Les intervenants médicaux n’ayant pas toujours lesmoyens d’assurer c<strong>et</strong>te transition, la CIP propose,gratuitement, un accompagnement qui porte surl’émergence <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>et</strong> sur le suivi qu’il convientd’y donner (quelles sont les attentes <strong>et</strong> besoins<strong>de</strong> la personne fragilisée <strong>et</strong> qui, dans le champ <strong>de</strong> lasanté mentale, peut y répondre au mieux ?).Renseignements : 02/ 650 08 65 - 02/ 650 08 66 -www.preventionsuici<strong>de</strong>.be - cps@preventionsuici<strong>de</strong>.be1 Cassiers L. : réf. bibliographique 4De Clercq M. : réf. bibliographique 102 Zomers P. : réf. bibliographique 44DOSSIERConfluences n°11 septembre 200523


Profession : urgentisteLes situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong> sont souvent rencontrées dans un contexted’urgence, quand, du point <strong>de</strong> vue d’un patient ou <strong>de</strong> ses proches, uneintervention immédiate est attendue. Le service d’urgence <strong>de</strong> l’hôpitalgénéral reste en la matière, y compris pour les urgences <strong>psychiatriques</strong>,une <strong>de</strong>s portes d’entrée principales <strong>de</strong>s soins en santé mentale, même sile personnel n’y est pas spécifiquement formé. Un relais s’impose alorsentre l’urgentiste <strong>et</strong> le psy. Quand <strong>et</strong> comment s’effectue ce passage <strong>et</strong>quel est le premier accueil réservé aux urgences <strong>psychiatriques</strong> en hôpitalgénéral ? Témoignage d’un urgentiste sur sa pratique quotidienne…Albert Fox,Interniste - UrgentisteChef du Service <strong>de</strong>s urgences au CHR <strong>de</strong> NamurLa plupart <strong>de</strong>s hôpitaux habilités àrecevoir <strong>de</strong>s urgences soit en tantque SUS (service d’urgence spécialisé)soit en tant que service <strong>de</strong>premiers soins ne disposent pas d’un serviced’urgence psychiatrique. Quelques hôpitauxseulement assurent une permanence psychiatrique,ce qui signifie que la plupart<strong>de</strong>s urgences, dites <strong>psychiatriques</strong>, sontaccueillies dans <strong>de</strong>s services généraux aumilieu <strong>de</strong>s autres urgences <strong>et</strong> sont accueillies<strong>et</strong> prises en charge au départ par du personnelmédical <strong>et</strong> paramédical non spécialisé enpsychiatrie.Il est d’ailleurs difficile <strong>de</strong> qualifier précisémentce qu’est une urgence psychiatrique…S’agit-il <strong>de</strong> tout ce qui n’est pas somatique <strong>et</strong>intéresse le comportement ou s’agit-il <strong>de</strong> cequi intéresse principalement le psychisme ?L’expérience montre qu’ aux urgences générales,les situations sont fréquemment intriquées<strong>et</strong> que la séquence chronologique <strong>de</strong>l’aspect psychiatrique peut être très variablecomme lors d’une décompensation psychotiqueavec trouble du comportement aiguvoire dangereux ou, à l’inverse, lors d’un<strong>et</strong>entative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong>s soinssomatiques plus ou moins sophistiqués.De même, l’i<strong>de</strong>ntité du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> soins<strong>psychiatriques</strong> n’est pas toujours très claire :est-ce le patient qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> ou lafamille excédée voire le mé<strong>de</strong>cin traitant quine sait plus à quel saint se vouer <strong>et</strong> envoieson patient aux urgences ?C<strong>et</strong>te situation ne perm<strong>et</strong> pas une prise encharge spécialisée d’emblée, c’est-à-dire aumoment <strong>de</strong> la « <strong>crise</strong> », mais offre quandmême une première réponse à ce type d’urgence.Le rôle <strong>de</strong> l’urgentiste sera alors <strong>de</strong>faire la part <strong>de</strong>s choses entre somatique <strong>et</strong>psychique, idéalement sans a priori, <strong>et</strong> <strong>de</strong>répondre à ce qui constitue l’urgence.C<strong>et</strong>te réponse pourra donc être d’abord technique: perfusion, sédation ou simplementoffrir un accueil <strong>et</strong> une écoute voire un lit quiperm<strong>et</strong> une soustraction temporaire du milieuoriginel.C<strong>et</strong>te première rencontre est importantecar elle se situe au moment critique, celuioù l’hôpital apparaît indispensable <strong>et</strong> queles circonstances aiguës <strong>de</strong> l’admissionpeuvent apporter certains renseignementsimportants mais fugaces comme les raisonsimmédiates <strong>et</strong> le moyen d’admission, lesaccompagnants, l’i<strong>de</strong>ntité du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur, lebesoin temporaire d’exprimer <strong>de</strong>s choses<strong>et</strong> d’être écouté. Ces divers éléments fontpartie du dossier <strong>et</strong> peuvent avoir une certaineimportance pour déco<strong>de</strong>r, par la suite,la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> réelle du patient.Une fois le moment critique passé, le rôle<strong>de</strong> l’urgentiste, ou plus exactement duservice d’urgence, est d’accompagner lepatient dans sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ou son refus <strong>de</strong> soinsspécialisés.Il n’est pas rare qu’une personne qui recourtaux urgences <strong>psychiatriques</strong>, une fois la <strong>crise</strong>passée, ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu’à quitter l’hôpital auplus vite, en refusant <strong>de</strong> voir le psychiatre oule psychologue. Dans ce cas, sauf circonstanceparticulière <strong>de</strong> la mise en observationforcée, il importe <strong>de</strong> respecter le souhait dupatient après lui avoir présenté les possibilités<strong>de</strong> prise en charge internes ou externesà l’institution. C<strong>et</strong>te attitu<strong>de</strong> perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> laisserentrouvertes les portes même si elle n’apporterien en temps réel <strong>et</strong> semble préférableà la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’une décharge, pourtantparfois indispensable pour autant qu’elle soitcirconstanciée.En pratique, l’accueil <strong>de</strong>s urgences « générales» <strong>et</strong> <strong>psychiatriques</strong> est réalisé par lemême personnel qui essaye d’apporterécoute <strong>et</strong> empathie, à défaut d’un accueilspécialisé d’emblée <strong>et</strong> va proposer, dansun second temps, le recours au psychiatre,soit selon la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> spontanée dupatient, soit selon la proposition acceptée.Dans la mesure du possible, c<strong>et</strong> avis seradonné dans les meilleurs délais par rapport àl’admission pour profiter, si c’est encore possible,du moment <strong>de</strong> <strong>crise</strong> qui est sans doutecelui où le mot « urgence » à un sens.Chaque urgentiste gar<strong>de</strong>, dans sa démarche,la notion qu’une urgence d’apparencepsychiatrique peut parfois masquer voiresimuler une urgence somatique ; qu’un comportementétiqu<strong>et</strong>é hystérique peut être latraduction clinique d’une urgence organiquesérieuse. Son rôle est alors d’affiner le plusprécisément possible un diagnostic pour réaliserun « tri » efficace. 24 Confluences n°11 septembre 2005


L’urgence psycho-socialedans le champ hospitalier <strong>et</strong> psychiatriqueCela fait à peine 33 ans que la Belgique, passablement à la traîne,a décidé <strong>de</strong> rattacher les asiles à la Loi sur les Hôpitaux. Jusque là,l’hospitalisation psychiatrique s’effectuait essentiellement dans les asilesd’aliénés <strong>de</strong>venus hôpitaux <strong>psychiatriques</strong>, ainsi que dans quelques cliniques<strong>psychiatriques</strong> privées.Les choses ont bien changé <strong>de</strong>puis. Les urgences <strong>psychiatriques</strong> ontsuivi la montée générale <strong>de</strong>s urgences médicales.Aujourd’hui, près <strong>de</strong> 80% <strong>de</strong>s urgences <strong>psychiatriques</strong> arrivent dans leshôpitaux généraux, qu’ils soient ou non pourvus d’un service <strong>de</strong> psychiatriespécifique.Concrètement, comment cela se traduit-il sur le terrain ? Pour l’usager ?Le soignant ? Et quelles réflexions peut-on en tirer en terme d’accessibilitésaux soins en santé mentale ?Tentative <strong>de</strong> réponse au départ d’une infrastructure <strong>de</strong> « p<strong>et</strong>ite » tailledans la cité <strong>de</strong>s 5 clochers.Les services d’urgence <strong>de</strong>s hôpitauxsont confrontés quotidiennementaux urgences <strong>psychiatriques</strong><strong>et</strong> ce n’est pas seulement le fait <strong>de</strong>sgran<strong>de</strong>s métropoles, qui sont cependant aupremier chef concernées : les villes <strong>de</strong> toutestailles n’y échappent pas ou n’y échappentplus. De ces urgences <strong>psychiatriques</strong>, 30 %environ représentent <strong>de</strong>s décompensations<strong>de</strong> pathologies <strong>psychiatriques</strong> évoluant aulong cours : états maniaques, dépressionsmélancoliques, épiso<strong>de</strong>s délirants aigus chezles psychotiques, acting-out <strong>de</strong> personnalitésbor<strong>de</strong>r-line… Cela, c’est le domaine<strong>de</strong> la psychiatrie en urgence. Les 70 autres%, sont l’expression clinique <strong>de</strong> situations<strong>de</strong> <strong>crise</strong> individuelles liées à <strong>de</strong>s réalitéspsycho-sociales ou <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong> ausein <strong>de</strong>s couples ou au sein <strong>de</strong>s familles 1 .On se trouve ici dans le champ très vaste <strong>de</strong>la psychiatrie sociale ou encore dans ce quecertains appellent la détresse psycho-sociale.Henry DUPONTPsychiatre au CHR <strong>de</strong> TournaiBeaucoup <strong>de</strong> ces situations, en particulier les<strong>crise</strong>s <strong>de</strong> couple ou les <strong>crise</strong>s <strong>de</strong> famille, correspon<strong>de</strong>ntà <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> la communicationà l’intérieur d’un système <strong>et</strong> c’est le systèmequi, à un moment déterminé, ne trouveplus le moyen ou l’énergie pour s’adapter àun conflit <strong>et</strong> « éjecte » en quelque sorte leplus faible, c’est-à-dire celui qui supporte leplus mal la situation <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> qui ne trouveplus l’ai<strong>de</strong> dans la cellule familiale ou dans lafamille élargie (celle-ci, souvent, n’existe plusqu’en simple faça<strong>de</strong>). Le patient-entrant estalors celui qui est passé à l’acte (tentative<strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, acte <strong>de</strong> violence, <strong>crise</strong> éthyliqueaiguë, consommation <strong>de</strong> drogues) parce qu’ilne peut plus croire ou faire confiance auxpossibilités <strong>de</strong> la parole dans le cercle familial.En filigrane, c’est la problématique <strong>de</strong>nombreuses familles fonctionnant en cellulemonoparentale ou sous forme <strong>de</strong> famillerecomposée <strong>et</strong> fragilisée.Il est souvent très malaisé, lorsque l’onabor<strong>de</strong> une urgence psychiatrique, <strong>de</strong> poserun diagnostic nosologique précis. C’est qu’ily a en eff<strong>et</strong> une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> motifs indirectsqui ont précipité la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : on doit mêmesouvent constater que ce n’est pas en soi lapathologie du suj<strong>et</strong>–entrant qui a dépasséun seuil mais plutôt que le seuil <strong>de</strong> tolérance<strong>de</strong> l’entourage, y compris parfois l’entouragemédical, a été franchi face au mal-être dupatient, du couple ou <strong>de</strong> la famille. Il n’estdonc pas inexact <strong>de</strong> dire que, dans un certainnombre <strong>de</strong> cas, la <strong>crise</strong> du patient-entrant esten fait la <strong>crise</strong> du contexte.Solutionner, tout,tout <strong>de</strong> suite ?Les <strong>crise</strong>s psycho-sociales renvoient à unemultitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> facteurs On peut, à ce suj<strong>et</strong>,s’interroger sur le rôle, aujourd’hui moinsdéterminant, du mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> famille. Cen’est pas par pur hasard si quelqu’un, ou uncouple, ou une famille, choisit d’aller auxurgences d’un hôpital plutôt que chez legénéraliste <strong>et</strong>, a fortiori, plutôt que chezle psychothérapeute ou le thérapeute <strong>de</strong>couple.Le développement <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>hospitaliers ouverts 24h/24, prolongeant enquelque sorte les services d’ai<strong>de</strong> médicaleurgente, <strong>et</strong> leur médiatisation spectaculaireont contribué à imposer dans le grand publicl’idée <strong>de</strong> l’hôpital comme lieu susceptibled’une prise en charge immédiate du problème,sans délai d’attente, avec l’appointobligé d’une technicité sans faille. Tout celacorrespond bien à nos schémas <strong>de</strong> pensée,volontiers réducteurs, <strong>et</strong> à l’incapacité <strong>de</strong>notre temps à pouvoir différer la frustration.Dans les gran<strong>de</strong>s villes, l’orientation <strong>de</strong> personnesimmigrées vers <strong>de</strong>s zones systématiquesou vers <strong>de</strong>s quartiers repoussoirs, avecla conséquence <strong>de</strong> véritables gh<strong>et</strong>tos urbains,DOSSIERConfluences n°11 septembre 200525


crée <strong>de</strong>s situations anarchiques échappantaux pouvoirs publics, <strong>et</strong> cela, malgré lesdiscours officiels souvent lénifiants. Pourles populations <strong>de</strong> ces zones urbaines, lesservices d’urgence <strong>de</strong>s centres hospitaliersreprésentent les seuls véritables points <strong>de</strong>référence, bien loin <strong>de</strong> la fidélisation à unmé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> famille <strong>et</strong> à <strong>de</strong>s années-lumière<strong>de</strong>s réseaux <strong>psychiatriques</strong>.S’acquitter <strong>de</strong>s trop plein ?Il faut bien en convenir : les urgences <strong>de</strong>shôpitaux sont <strong>de</strong> plus en plus sollicitées pourpanser les plaies <strong>de</strong> nos sociétés : toxicomanes,SDF, perturbateurs en tout genre <strong>de</strong>l’ordre public… Les services <strong>de</strong> police ontpris l’habitu<strong>de</strong> d’y déposer ces gens étiqu<strong>et</strong>és« mala<strong>de</strong>s » parce qu’ils ne savent pas tropque faire d’eux. Pas assez perturbants pouraller en prison, pas assez bien pour resterauprès <strong>de</strong>s bons citoyens … Alors, pourquoipas la gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’hôpital ? L’ambiguïté du rôle<strong>de</strong>s urgences commence ici…Il faut d’abord que les urgences ne soientpas, par excellence, le lieu « où la penséene se pense plus <strong>et</strong> où l’exhortation à agirest constante ». Il faudrait que les urgencesne soient pas le simple vidoir, l’évacuateurmécanique <strong>de</strong>s trop-pleins :- <strong>de</strong> la police : vis-à-vis <strong>de</strong>s personnesdérangeantes <strong>et</strong> simplement bizarres.- <strong>de</strong>s juges : qui tiennent la gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’hôpital pour un dépôt transitoire quand ilssomment <strong>de</strong>s toxicomanes d’entreprendre untraitement psychiatrique s’ils ne veulent pasterminer leur course à l’ombre.- <strong>de</strong>s familles : qui souhaitent annulerleur souffrance <strong>et</strong> qui exigent <strong>de</strong>s urgencesd’adm<strong>et</strong>tre le patient-désigné dans un hôpitalpromu au rang <strong>de</strong> liquidateur <strong>de</strong>s tensions…Quelqu’un a écrit, avec pas mal <strong>de</strong> justesse :« dans l’imaginaire collectif, seule la taille<strong>de</strong> l’énorme machine hospitalière autoriseà pouvoir lui confier en dépôt les énergies<strong>de</strong>structrices dont on cherche à se débarrasser»…Il faut pouvoir se positionner à contre-courant<strong>de</strong> la dynamique trop souvent présente auxurgences qui est une logique du vi<strong>de</strong>. Unebonne gar<strong>de</strong> serait une gar<strong>de</strong> vi<strong>de</strong>. Vi<strong>de</strong> dansle sens où le plein est toujours à venir…Le face à face :usager/soignantBref, voilà donc <strong>de</strong>s gens en <strong>crise</strong> qui arriventaux urgences…Le mé<strong>de</strong>cin qui les reçoit est généralementurgentiste, interniste, ou rési<strong>de</strong>nt (BMA).Il n’est pas <strong>de</strong> mon propos <strong>de</strong> dire que cesmé<strong>de</strong>cins ne se sentent pas concernés oùsont hostiles à ce type <strong>de</strong> pathologie, bienque <strong>de</strong> telles attitu<strong>de</strong>s ne soient pas vraimentexceptionnelles. Il faut convenir que, saufexception, ils y sont peu formés <strong>et</strong> que coulésdans le moule d’une mé<strong>de</strong>cine technicienn<strong>et</strong>riomphante, ils ont peu <strong>de</strong> goût pour les hurlements,la violence, la puanteur, la sexualitédébridée… La question fondamentale <strong>de</strong>l’institution hospitalière est souvent linéaire,répondant à un souci d’ordre médico-légal :peut-on prendre le risque <strong>de</strong> laisser repartirle patient ou doit-il être hospitalisé ?Dans c<strong>et</strong>te logique, le recours au psychiatres’impose donc, ou <strong>de</strong>vrait-on dire, <strong>de</strong>vraits’imposer. Ce n’est pas toujours le cas <strong>et</strong> cen’est pas toujours possible ; soit l’hôpital aun service <strong>de</strong> psychiatrie <strong>et</strong>, dès lors, il a unpsychiatre appelable, soit l’hôpital n’a pas <strong>de</strong>service <strong>de</strong> psychiatrie <strong>et</strong> il a alors peut-êtreun psychiatre appelable…Le délai d’intervention du psychiatre <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>est souvent long : non seulement le patientou le groupe qui accompagne le patientle vit très mal, mais aussi le personnel duservice d’urgence dont la tolérance à ce type<strong>de</strong> problème est inversement proportionnelleaux nombres <strong>de</strong> cas somatiques qui le mobilisentdans le même temps. Le psychiatre <strong>de</strong>gar<strong>de</strong> n’est pas que rivé à son téléphone :généralement, il est en consultation <strong>et</strong> il n’estpas aisé <strong>de</strong> tout planter là pour s’encourir auchev<strong>et</strong> <strong>de</strong>s appelés <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière heure…Résultat : le psychiatre n’arrive, quand ilarrive, qu’avec un certain délai. Le patient <strong>et</strong>les éventuels accompagnants doivent refairele tour du problème avec le psy, dans un<strong>et</strong>ension ou une irritation accrue par l’attente.Pour certaines urgences, qui ne sont pas<strong>de</strong> nature désespérée, quand le psychiatrearrive, le patient a déjà quitté la clinique…S’il est toujours là, le risque est grand que,pris par la hâte, par l’obligation, le psychiatrehospitalise un peu vite ou alors renvoie leproblème à un hypothétique suivi ambulatoire.Tout démontre que l’hospitalisation faiteaprès une anamnèse rapi<strong>de</strong>, voire bâclée,est bien moins fructueuse que celle qui a étécorrectement balisée <strong>et</strong> bien délimitée.De toute façon, l’image du psychiatre sort leplus souvent écornée <strong>de</strong>s salles d’urgence.Apparition tardive, légèr<strong>et</strong>é, dil<strong>et</strong>tantismesont les qualifications les plus acceptables…Ce n’est pas toujours faux, mais le personnel<strong>de</strong> l’urgence ne doit pas non plus s’exonérertrop aisément <strong>de</strong> sa propre réflexion,d’une introspection vis-à-vis <strong>de</strong> l’urgencepsychiatrique <strong>et</strong> surtout psycho-sociale. Il nedoit pas non plus négliger c<strong>et</strong>te idée sousjacentechez quelques-uns d’entre eux que lepsychiatre est avant tout l’élément capital <strong>de</strong>la fonction <strong>de</strong> vidange <strong>de</strong> l’urgence…Le scénario peut être pire parfois : la psychiatriesans psychiatre. L’hôpital sans psychiatreappelable : il y a bien un ou plusieurspsychiatres consultants, mais qui ne sontpas authentiquement intégrés à la gar<strong>de</strong>.Les décisions prises face aux urgences<strong>psychiatriques</strong> sont alors le fait <strong>de</strong> non-psychiatres,un peu comme si une décision opératoireétait prise par un non-chirurgien…Ce n’est pas tout. Psychiatre présent ou pas,on n’est pas tout à fait au bout <strong>de</strong> ses peinesquand l’hospitalisation ne peut se réaliser.- Il y a le patient qui ne consent pas à sonhospitalisation <strong>et</strong> veut s’en aller alors qu’ilserait logique qu’il soit hospitalisé.- Il y a le patient pour qui il n’y a plus <strong>de</strong>place en psychiatrie <strong>et</strong> qui doit dès lors êtreadmis dans un autre service. Avec l’évi<strong>de</strong>ntemauvaise humeur, voire le rej<strong>et</strong> <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cinsdu service appelés à la rescousse.26 Confluences n°11 septembre 2005


- Il y a le patient en état d’agitation, voire <strong>de</strong>fureur, <strong>et</strong> dont l’état s’accor<strong>de</strong> mal à l’hôpitalgénéral, qui <strong>de</strong>vrait donc être admis dans unservice réputé plus fermé. Un hôpital psychiatriquepar exemple… La suspicion, pasforcément illégitime, d’être mis en présenced’un cas difficile, voire foireux, dissua<strong>de</strong> trèsgénéralement l’hôpital sollicité <strong>de</strong> donner sonaval à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, tout au moins dans ledélai rapi<strong>de</strong> qui est implicitement souhaité.Si c’est un hôpital psychiatrique qui estsollicité, il est préférable que le psychiatre<strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur ait noué <strong>de</strong> longue date <strong>de</strong> bonscontacts personnels avec le psychiatre <strong>de</strong>gar<strong>de</strong> à l’hôpital psychiatrique, faute <strong>de</strong> quoi,ce <strong>de</strong>rnier risque <strong>de</strong> n’avoir qu’une médiocresollicitu<strong>de</strong> vis-à-vis <strong>de</strong> son confrère, à qui, lecas échéant, il ne se fera pas faute <strong>de</strong> rappelerqu’il est aussi « service A »…- Il y a le patient pour qui, tout bien pesé,on estime qu’une mesure <strong>de</strong> mise en observation,c’est-à-dire un placement d’office,s’imposerait. La compréhension <strong>de</strong>s situations<strong>psychiatriques</strong> par les juristes est éminemmentvariable d’un juriste à l’autre, d’unsubstitut à l’autre. Sauf notable exception,c<strong>et</strong>te compréhension est <strong>de</strong> caractère minimaliste.Un juriste peut avoir le sens <strong>de</strong>l’urgence, encore faut-il arriver à le convaincrequ’il s’agit <strong>de</strong> maladie mentale. La situationpeut <strong>de</strong>venir kafkaïenne hors <strong>de</strong>s heuresouvrables ou encore durant les week-ends.Elle l’est encore un peu plus si le mé<strong>de</strong>cindépêché sur les lieux par le Procureur du Roientreprend d’avoir, sur la situation psychiatrique,<strong>de</strong>s états d’âme peu en phase avecceux du psychiatre <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur…- Il y a bien sûr l’arrivée généralementimpromptue, toujours dans le malaise, <strong>de</strong>stoxicomanes <strong>de</strong> toutes natures. Les urgences,même réelles, posées par les toxicomanessont souvent celles qui sont lesplus mal abordées par les urgences, toutpersonnel confondu. Même aussi par lespsychiatres… Il n’est pas exceptionnel quele simple vocable <strong>de</strong> toxicomanie signifie lerefus d’hospitalisation <strong>et</strong>, force est d’adm<strong>et</strong>treque les toxicomanes, eux-mêmes, désorganisés,imprévisibles, voire manipulateurs,contribuent par leur comportement aux rej<strong>et</strong>sdont ils sont finalement victimes.- Il y a les patients à malentendus, c’està-direceux pour qui l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’hôpitalva constituer un malentendu. Un malentenduqui concernera soit le patient, soit sonentourage, soit encore le mé<strong>de</strong>cin-traitantvexé par l’attitu<strong>de</strong> hospitalière. Exemple :l’alcoolique qui n’a pas d’envie personnelle<strong>de</strong> sevrage mais qui est amené par sa familleexcédée. L’entourage ne comprend guèreque la clinique n’accepte pas illico celuiqu’il a eu tant <strong>de</strong> peine à amener jusque là.La famille fait si mal le partage entre la<strong>crise</strong> éthylique aiguë <strong>et</strong> la motivation ausevrage…Améliorer l’offre ensanté mentale ?Tout cela n’est pas propre à Tournai, àMouscron ou à Ath. Les mêmes problèmesse r<strong>et</strong>rouvent sans doute en bien d’autreslieux, avec <strong>de</strong> simples nuances <strong>de</strong> déclinaison.Est-il logique aujourd’hui que trois cliniquesà Tournai, sans même compter l’hôpital psychiatrique,accueillent <strong>de</strong>s urgences <strong>psychiatriques</strong>en agissant chacune pour son proprecompte, avec ses moyens <strong>et</strong> ses lacunespropres, sans la possibilité d’une gar<strong>de</strong> psychiatriqueintégrée ? Une telle gar<strong>de</strong> est sansdoute difficile à m<strong>et</strong>tre sur pied comme il estutopique d’avoir en permanence un psychiatresur place dans chacune <strong>de</strong>s cliniques.Mais est-il logique que, sur le même espacecarré, chacun tire sa p<strong>et</strong>ite couverture à soi,avec si peu d’interconnexion avec ceux d’àcôté parce que précisément ils sont d’à côté ?Est-il logique que les liens <strong>de</strong> l’hospitalier <strong>et</strong><strong>de</strong> l’extra-hospitalier soient si lâches qu’il faut<strong>de</strong>s journées <strong>de</strong> colloque pour leur rendrevie avant d’être remis en veilleuse jusqu’àl’occasion suivante ? La notion <strong>de</strong> réseau,qui évoque si fortement la maille <strong>et</strong> la trame,a-t-elle un sens autrement qu’à travers unconcept <strong>de</strong> philosophie psychiatrique ?Il est clair que l’hospitalocentrisme existe.Mais certaines structures extra-hospitalières,si promptes à dénoncer c<strong>et</strong> hospitalocentrisme<strong>et</strong> les démesures qu’il suscite,ne doivent-elles pas aussi s’interroger sanscomplaisance sur leur lenteur <strong>et</strong> parfois leurinconséquence ? L’assistance sociale quirefait parfois son unité lézardée dans unedénonciation anecdotique <strong>de</strong>s errementsmédicaux, donne-t-elle toujours la pleinemesure <strong>de</strong> son temps <strong>et</strong> surtout <strong>de</strong> sonefficacité ?Utopie ou absence<strong>de</strong> volonté ?Nous n’arriverons à rien <strong>de</strong> mieux que ce quiest aujourd’hui si nous persistons à resterchacun dans notre coin <strong>et</strong> à fonctionner envase clos, n’ouvrant le vase qu’en cas <strong>de</strong>débor<strong>de</strong>ment aigu… Si nous pensons vraimentque les situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong> psychiatriquepeuvent <strong>et</strong> doivent être mieux gérées, il fautchanger les choses. Ces urgences <strong>psychiatriques</strong>un peu bâclées, un peu trop viteconclues en hospitalisation, c<strong>et</strong>te dimensionpolymorphe <strong>de</strong> la <strong>crise</strong> qui nous échappedès l’entrée parce que nous n’avons passimplement le temps <strong>de</strong> l’entr<strong>et</strong>ien, ces renvoisà un aléatoire suivi ambulatoire, c<strong>et</strong>emps « social » <strong>de</strong> la <strong>crise</strong> qui ne sera prisen compte qu’avec une latence souvent bientrop gran<strong>de</strong>, tout cela fait un travail dont nousmesurons bien, profondément, l’insuffisance.Il y a pourtant une faisabilité à l’urgencepsychiatrique si l’hôpital consent à luidonner plus <strong>de</strong> sens <strong>et</strong> si le dialogues’étoffe entre psychiatres <strong>et</strong> urgentistes.Bien sûr, cela a un coût <strong>et</strong> ne sera peutêtrepas toujours facile. Est-ce pour autantpure utopie que <strong>de</strong> concevoir une gar<strong>de</strong>psychiatrique intégrée au départ <strong>de</strong>s compétences<strong>et</strong> <strong>de</strong>s bonnes volontés <strong>de</strong> chacun? 1 Ces chiffres sont extraits <strong>de</strong> la littérature : réf. bibliographiques3, 10, 11, 33DOSSIERConfluences n°11 septembre 200527


Penser l’urgenceLa plupart <strong>de</strong>s services d’urgence sont tentés <strong>de</strong> réduire l’état <strong>de</strong> <strong>crise</strong><strong>de</strong>s usagers qui ont recours à l’urgence <strong>de</strong> manière à renvoyer, chezeux, <strong>de</strong>s patients « stabilisés ». Stabilisés ?Peu à peu, <strong>de</strong>s initiatives nouvelles se m<strong>et</strong>tent en place pour accor<strong>de</strong>rune autre attention à ces situations, leur accor<strong>de</strong>r le temps nécessaire,leur donner sens.Inscrire aussi, si nécessaire, un début <strong>de</strong> prise en charge dans une perspectiveà plus long terme.Exemple à Liège, au Centre Hospitalier Régional La Cita<strong>de</strong>lle <strong>et</strong> auSicup, au Centre Hospitalier Universitaire <strong>de</strong> Charleroi.Rencontre avecEric Adam,Psychologue, Coordinateur du service d’urgences psycho-médico-socialesCHR La Cita<strong>de</strong>lle à LiègeQu’est-ce qui fait la spécificité <strong>de</strong> votre serviced’urgences ?Le Centre Hospitalier Régional La Cita<strong>de</strong>llecomprend un service d’urgences généralesqui accueille en moyenne, chaque jour, 220urgences mais aussi un service d’urgencespsycho-médico-sociales qui dépend à la foisdu service <strong>de</strong> psychiatrie <strong>et</strong> du service d’urgencesdans lequel il est intégré pour unequestion d’accessibilité aux soins. 13 à 14 %<strong>de</strong>s urgences y sont traitées, cela représenteen moyenne 25 urgences <strong>psychiatriques</strong> parjour, ce qui fait <strong>de</strong> nous l’un <strong>de</strong>s plus gros servicesd’urgences <strong>psychiatriques</strong> d’Europe.Vous dites être à la pointe <strong>de</strong>s servicesd’urgences sur le plan belge <strong>et</strong> même européen.Qu’est -ce qui vous différencie <strong>de</strong>sautres services ?L’offre est différente tant en termes d’infrastructureque <strong>de</strong> personnel. Nos services sontassez comparables en Belgique à ceux <strong>de</strong>Saint - Luc <strong>et</strong> <strong>de</strong> Saint - Pierre à Bruxelles.L’équipe du service d’urgences psychomédico-socialesse compose, en équivalentsPropos recueillis par Sylvie Gérard, IWSMtemps pleins : <strong>de</strong> six psychologues, d’uncoordinateur <strong>et</strong>, en équivalent mi-temps, d’unassistant social <strong>et</strong> d’un éducateur <strong>de</strong> rue.Cela nous perm<strong>et</strong> d’assurer la permanenced’un psychologue 24h sur 24, en plus d’unpsychiatre <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> 1 , présent <strong>de</strong> 8h à 18h,cinq jours sur sept, <strong>et</strong> rappelable 24h sur 24.Quand je reviens d’un colloque à Montréal<strong>et</strong> que j’entends les américains donner leurscritères <strong>de</strong> qualités <strong>de</strong>s services d’urgence,on est pile poil <strong>de</strong>dans.C’est-à-dire ?Le fait <strong>de</strong> travailler en équipe pluridisciplinairenous perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> garantir une approchemédico-psycho-sociale professionnelle.Cela se traduit comment pour l’usager ?La personne en <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’ai<strong>de</strong> est d’abordreçue par le psychologue qui fait tout untravail d’analyse <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Nous cherchonsà m<strong>et</strong>tre en lumière ce qui a contextualiséle passage aux urgences. Le travailest également axé sur la thérapie <strong>de</strong> <strong>crise</strong> oùl’on apaise la souffrance tout en se servant<strong>de</strong> ce moment comme levier thérapeutiquepour initier <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> changementsqui amèneront la personne à une meilleuregestion <strong>de</strong> la <strong>crise</strong>.Dans un <strong>de</strong>uxième temps, le psychiatre intervient<strong>et</strong> complète l’approche diagnostique <strong>et</strong>thérapeutique. Commence alors un travail <strong>de</strong>concertation avec l’usager, le psychiatre <strong>et</strong> lepsychologue sur le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> sa problématique<strong>et</strong> <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.Ce travail <strong>de</strong> concertation repose sur unprincipe <strong>de</strong> triangulation qui est inhérent àtoute notre approche (la triangulation entre lepatient, l’interniste <strong>et</strong> le psychologue pour lesurgences somatiques dans le cadre notamment<strong>de</strong> tentatives <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> ; avec le patient,le psy <strong>et</strong> le réseau extérieur pour préparer ler<strong>et</strong>our à domicile, …).Nous avons aussi développé 3 types d’outilspour effectuer ce travail d’urgence.Le premier outil, c’est ce que l’on appellele suivi <strong>de</strong> <strong>crise</strong>. C’est un service que l’onrencontre peu dans les services d’urgences« classiques » <strong>et</strong> qui offre la possibilité àl’usager <strong>de</strong> revenir quelques jours après sonpassage aux urgences, pour un suivi dansnos locaux. C’est assez important en termed’adhérence aux soins.Ces consultations sur ren<strong>de</strong>z-vous sont généralementassurées par le psychologue qui aréalisé le premier entr<strong>et</strong>ien avec le patient, enpartenariat avec le psychiatre. Cela perm<strong>et</strong>d’affiner le diagnostic, d’évaluer s’il a étépossible d’ai<strong>de</strong>r concrètement la personneen urgence <strong>et</strong> <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en exergue tousles mécanismes sous-jacents à la <strong>crise</strong> afind’établir ce qu’il y a lieu <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en place.Le second outil, c’est l’unité <strong>de</strong> <strong>crise</strong>.C’est une unité spéciale <strong>de</strong> 4 lits qui perm<strong>et</strong>une hospitalisation <strong>de</strong> courte durée (5 joursmaximum). Pour le moment, c’est un proj<strong>et</strong>pilote du Ministère <strong>de</strong> la Santé qui concerne28 Confluences n°11 septembre 2005


essentiellement les problématiques liées auxassuétu<strong>de</strong>s. Très prochainement, vraisemblablementen 2006 ou 2007, nous allonspouvoir étoffer ce service <strong>et</strong> passer à 10lits (issus <strong>de</strong> la reconversion <strong>de</strong> lits C <strong>et</strong> D)qui seront proposés aux personnes qui évoluentdans un environnement qui n’est passuffisamment soutenant que pour envisagerd’emblée un travail en ambulatoire mais suffisammentprésent ou pas assez dégradé quepour envisager une hospitalisation <strong>de</strong> longuedurée. Le fait d’avoir une unité <strong>de</strong> <strong>crise</strong> estpour nous un critère <strong>de</strong> qualité. Ce servicefonctionne avec une équipe composée d’unpsychologue, <strong>de</strong> 6 infirmières <strong>et</strong> d’un casemanager. C<strong>et</strong>te personne s’assure que latrajectoire <strong>de</strong> soins négociée dans le serviced’urgences tienne la route ; que le r<strong>et</strong>our àdomicile <strong>et</strong> le suivi en ambulatoire soit possible.C<strong>et</strong> agent <strong>de</strong> suivi fait donc le lien, là oùgénéralement l’usager est livré à lui-même. Ilpourra notamment questionner le refus d’unaccompagnement extrahospitalier ; interrogerle problème rencontré dans le service, luidonner sens ; accompagner les personnesqui présentent <strong>de</strong> plus gran<strong>de</strong>s pathologies<strong>psychiatriques</strong> <strong>et</strong> qui ont plus <strong>de</strong> difficultésà s’intégrer.Il y a 2 psychologues qui occupent c<strong>et</strong>tefonction chez nous. Il ne s’agit donc pas <strong>de</strong>s’assurer que le patient a un hypothétiqueren<strong>de</strong>z-vous hors hôpital mais <strong>de</strong> mener toutun travail sur le lien.Nous avions également mis en place ungroupe <strong>de</strong> <strong>crise</strong> qui poursuit le mêmeprincipe que le suivi <strong>de</strong> <strong>crise</strong> individuel maissur le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> thérapie <strong>de</strong> groupe. C<strong>et</strong> outiln’est plus, pour l’heure, fonctionnel mais ilpourrait être ré-actionné si nos ressources,notamment en terme <strong>de</strong> personnel, nous leperm<strong>et</strong>tent. Ma priorité, actuellement, est<strong>de</strong> pouvoir asseoir correctement le proj<strong>et</strong> <strong>de</strong>base en assurant un service <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, 24hsur 24, par nos psychologues. C’est le cas<strong>de</strong>puis le 1er avril <strong>et</strong> nous souhaitons maintenirc<strong>et</strong>te permanence.Enfin, <strong>de</strong>rnier outil mis en place, c’est le travail<strong>de</strong> réseau. Nous avons créé récemmentune plate-forme <strong>de</strong> services d’urgences quiregroupe 3 centres hospitaliers : universitaire,chrétien <strong>et</strong> régional, qui partagent les mêmesoutils réseau.C’est un outil à part entière car le travailen réseau a été très formalisé. Moi, ce queje voulais éviter, c’est la logique du « bottinsocial ». Une personne se présente <strong>et</strong>, enfonction <strong>de</strong> l’intervenant qu’elle a en faced’elle, se voit préconiser un type d’orientationqui aurait été peut-être tout autre si elle avaitété chez un autre intervenant. En matièred’accessibilité aux soins, cela pose question.Je suis d’ailleurs interpellé face au fait que<strong>de</strong>s patients qui ont <strong>de</strong>s maladies <strong>psychiatriques</strong>graves, <strong>de</strong>s psychoses notamment, ser<strong>et</strong>rouvent dans <strong>de</strong>s abris <strong>de</strong> nuit alors que<strong>de</strong>s patients qui ont <strong>de</strong>s pathologies ditesplus psycho-sociales se r<strong>et</strong>rouvent dans leshôpitaux <strong>psychiatriques</strong>. C’est assez particulier!Comment se traduit ce travail <strong>de</strong> réseau ?Il est axé sur 3 principes particuliers :Un principe <strong>de</strong> territorialité qui n’est pascelui <strong>de</strong> secteur <strong>de</strong> la psychiatrie françaisemais qui se base sur la notion <strong>de</strong> territoire virtuelqui englobe l’ensemble <strong>de</strong>s liens sociauxqu’un patient a pu tisser sur un territoiredonné, qui est souvent celui lié à son domicilemais pas forcément.Pourquoi c<strong>et</strong>te notion ? Parce que l’on vatravailler, au travers <strong>de</strong> nos entr<strong>et</strong>iens, sur larevalorisation <strong>de</strong>s liens résiduels.Ce travail <strong>de</strong> réseau se base aussi sur unprincipe <strong>de</strong> pluri-orientation pour dépasserle face à face soignant-soigné <strong>et</strong> proposerune approche beaucoup plus pragmatiquepar rapport aux difficultés vécues par l’usager.Approche qui ne relève peut-être passpécifiquement du soin ou <strong>de</strong> la thérapiemais qui peut être liée à une difficulté <strong>de</strong>réinsertion qui ne trouvera pas réponse dansle cabin<strong>et</strong> d’un psy privé. Il nous arrive parfois<strong>de</strong> travailler, au départ <strong>de</strong>s urgences <strong>et</strong>dans le cadre <strong>de</strong> ce travail <strong>de</strong> réseau, directementavec <strong>de</strong>s Centres <strong>de</strong> RéadaptationFonctionnelle. Il s’agit donc <strong>de</strong> veiller à ceque tous les professionnels <strong>et</strong>/ou servicesqui sont approchés répon<strong>de</strong>nt réellement auxbesoins <strong>de</strong> la personne <strong>et</strong> <strong>de</strong> pointer ce quiparfois, dans une dynamique institutionnelle,a fait défaut au point d’amener la personneaux urgences. Car le recours aux urgencespeut être l’illustration <strong>de</strong> défaillance dusystème <strong>de</strong> soins. Certains services sontparfois mis a mal par les patients qui n<strong>et</strong>rouvent pas leur « compte » dans ce qui leurest proposé, ce qui soulève la question pluslarge <strong>de</strong> l’offre <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’accessibilité aux soinsen santé mentale.Nous avons donc choisi, <strong>et</strong> c’est le 3èmeprincipe <strong>de</strong> notre approche en réseau, d<strong>et</strong>ravailler essentiellement avec <strong>de</strong>s partenairesavec lesquels nous sommes conventionnés,<strong>de</strong> manière à affiner notre procédureselon un mo<strong>de</strong> opératoire précis.Pour prendre un exemple : qui est responsabledu patient rési<strong>de</strong>nt à Flémalle qui seprésente aux urgences un vendredi à 19h30 ?Le Service <strong>de</strong> Santé Mentale <strong>de</strong> la régionpeut se présenter comme tel mais dire : « jene serai « responsable » que lundi parceque je n’ai pas les moyens <strong>de</strong> travailler leweek-end ». Notre service d’urgence qui estaccessible le week-end peut assurer le relaismais ne serait-il pas nécessaire qu’un professionnel<strong>de</strong> ce SSM s’assure préalablement<strong>de</strong> la pertinence <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te approche ; fasselien entre l’hôpital <strong>et</strong> l’ambulatoire <strong>et</strong> assureen quelque sorte la triangulation indispensableà une bonne prise en charge <strong>et</strong> à unsuivi effectif ?Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement est-il opératoireaujourd’hui ?Il l’est avec le SSM <strong>de</strong> Flémalle, avec le Siajefqui a une unité disponible pour nous tous lesjours, avec les centres <strong>de</strong> réadaptation fonctionnelle<strong>de</strong> l’AIGS qui se présentent régulièrementici en entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong> triangulation,avec <strong>de</strong>s services sociaux qui, finalement,gèrent une patientèle psychiatrique lour<strong>de</strong>avec très peu <strong>de</strong> moyens. Nous travaillonsavec les partenaires qui sont preneurs. Tousne le sont pas.Y a- t- il un partenariat avec d’autres services<strong>de</strong> santé mentale ?DOSSIERConfluences n°11 septembre 200529


Quasiment pas. Nous travaillons avec quelquescentres qui ne sont pas tous agréés par laRégion <strong>wallon</strong>ne <strong>et</strong> qui, paradoxalement, n’ontpas l’obligation <strong>de</strong> travailler en réseau avecl’urgence comme le Siajef par exemple. Nouscollaborons aussi avec le centre Alpha ou leClips 2 .Est-ce que cela veut dire qu’il y a un chaînonmanquant <strong>de</strong> ce côté-là ?Non, car c<strong>et</strong>te logique laisse sous-entendrequ’il faut m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> l’argent pour créer unnouveau centre qui fait lien avec les autres<strong>et</strong>, plus on en crée, moins il y a <strong>de</strong> liens,donc …Peut-être ne faut-il pas créer maisaméliorer ?Personnellement, je pense qu’il y a une disproportionentre les moyens alloués au secteurhospitalier <strong>et</strong> les moyens alloués au secteurambulatoire. On ferait sans doute mieux<strong>de</strong> fermer une partie <strong>de</strong>s lits pour développerl’offre dans le secteur ambulatoire. Mais jepense aussi qu’il y a un très gros problèmedans les SSM sur leur manière <strong>de</strong> fonctionner,notamment en matière d’urgence.L’urgence m<strong>et</strong> le réseau sous tension <strong>et</strong> il ya, selon moi, <strong>de</strong>ux manières possibles <strong>de</strong> lagérer.Soit on la gère dans une logique d’exclurele plus poliment possible le patient, avecun vigile ou un psy ; soit on gère l’urgenceen se disant : « Ce patient nous interpellepar rapport à une problématique <strong>de</strong> réseau,pourquoi vient-il chez moi aujourd’hui alorsqu’il a un psychiatre, un mé<strong>de</strong>cin traitant ;qu’il sort d’une longue hospitalisation dansun Centre Hospitalier Psychiatrique » ?Comment le travail est-il organisé dans lesecteur ambulatoire <strong>et</strong> hospitalier ? Commentenvisage-t-on la notion <strong>de</strong> continuité <strong>de</strong> soinsen psychiatrie ?Si l’on considère ce questionnement <strong>et</strong> quel’on interpelle les personnes concernées, onm<strong>et</strong> le réseau sous tension. Apparaissentalors ceux qui ont une politique <strong>de</strong> prise encharge <strong>de</strong>s urgences dans une optique <strong>de</strong>continuité <strong>de</strong>s soins <strong>et</strong> ceux qui n’ont pasdu tout envie d’être dérangés. A cela s’ajoutent<strong>de</strong>s divergences d’intérêts, <strong>de</strong>s guerresd’école toujours d’actualité en psychiatrie. Jepense que quand on est gestionnaire d’unhôpital psychiatrique ou directeur médicald’un CHP par exemple, on peut très bien sedire : « oui, je conçois qu’il ne faut pas gar<strong>de</strong>r<strong>de</strong>s troubles psycho-sociaux pendant sixmois au CHP mais, en même temps, il fautabsolument que je remplisse mes lits car si jen’ai pas assez <strong>de</strong> « clients », je suis en déficit». Comment concilier ces <strong>de</strong>ux logiques ?C<strong>et</strong>te tendance aussi que l’on a d’exclure <strong>de</strong>spatients « dérangeants » : dans nos services,nous <strong>de</strong>vons tous les jours veiller à ne pascontribuer à c<strong>et</strong>te exclusion !Ce travail <strong>de</strong> réseau peut aussi, bien sûr, sedévelopper en amont <strong>et</strong> avoir une visée pluspréventive en encourageant un partenariatavec <strong>de</strong>s généralistes ou d’autres structuresd’urgences comme l’urgence sociale,…Le travail <strong>de</strong>s urgences à la Cita<strong>de</strong>lle estd’ailleurs rendu possible par la subventionqui est octroyée dans le cadre <strong>de</strong> Contrats <strong>de</strong>sécurité <strong>de</strong> la ville <strong>et</strong> avec le relais social duCPAS <strong>de</strong> Liège qui finance une grosse partie<strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> psychologues mise en place.Est-ce que cela encourage une politique concertée<strong>de</strong>s soins <strong>de</strong> manière à rendre chaqueintervenant complémentaire ?Oui, <strong>et</strong> cela nous perm<strong>et</strong> aussi <strong>de</strong> sensibiliserle politique à ces problématiques. On a ainsipu créer l’Observatoire liégeois qui est uneplate-forme <strong>de</strong> concertation transdisciplinaire<strong>et</strong> transectorielle sur les assuétu<strong>de</strong>s. Noussommes aussi partenaires du développementd’une polyclinique à Lantin avec la mise enplace d’une série d’initiatives qui sensibilisentà la santé mentale <strong>de</strong>s détenus.Est-ce que vous savez ce que <strong>de</strong>viennent lespersonnes qui sont passées aux urgenceschez vous ?On a mis en place, dans notre pratique <strong>de</strong>réseau <strong>et</strong> toujours dans le cadre <strong>de</strong> conventions,un système d’évaluation qui nousperm<strong>et</strong> d’estimer, périodiquement, si les partenariatsmis en place sont opérants. Est-ceque l’on a fait un bon travail diagnostic ; unbon travail d’orientation ? Notre objectif n’estpas atteint si la personne arrive à la ported’un autre service. Il est atteint si la personnebénéficie réellement <strong>de</strong>s soins dont elle abesoin ce qui suppose préalablement, <strong>et</strong>c’est <strong>de</strong> notre responsabilité, un bon accueil,un bon diagnostic, un bon travail <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong>une bonne triangulation. Ce sont les ingrédientspour réussir le transfert du transfert.Quels sont les résultats <strong>de</strong> ces évaluations ?Ils sont très variables. Un <strong>de</strong> nos meilleursrésultats, c’est le partenariat mis en placeavec le Centre <strong>de</strong> Réadaptation Fonctionnelle.Depuis que l’on travaille en réseau <strong>et</strong> que l’onassure un lien <strong>et</strong> un suivi entre nos <strong>de</strong>uxservices, 100 % <strong>de</strong>s personnes à qui l’ona conseillé c<strong>et</strong>te orientation arrivent à laporte du CRF <strong>et</strong> sur ces 100 %, 2/3 entrenten programme <strong>et</strong> 1/3 le terminent. Celapeut vous paraître très peu comme résultatmais comparé à la moyenne statistique(à peine 1 personne sur 10 arrive à la porte<strong>de</strong>s CRF), c’est vraiment positif. Il y a aussi<strong>de</strong>s services avec lesquels ça ne va pascar on n’a pas tous les ingrédients qui fontune bonne collaboration. Par exemple, lesservices qui ne travaillent pas vraiment dansune optique pluridisciplinaire. Peut être parceque ces services n’ont pas les moyens d<strong>et</strong>ravailler avec les urgences ? Peut-être parceque c’est très compliqué pour eux ?Il y a aussi un paradoxe entre la conceptiondu travailleur ambulatoire qui encourage l<strong>et</strong>ravail analytique au long cours <strong>et</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>du patient en attente d’une solution rapi<strong>de</strong>.Je pense que l’un comme l’autre se trompe<strong>et</strong> que c’est la rencontre <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux points<strong>de</strong> vue qu’il faut encourager pour arriver à unterrain d’entente. Peut-être est-ce à nous àl’organiser ?Y a-t-il un autre élément que vous souhaiteriezm<strong>et</strong>tre en avant dans le cadre<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te réflexion sur l’urgence <strong>et</strong>l’accessibilité aux soins en santé mentale ?Deux choses importantes : <strong>de</strong>s aspects organisationnels,structurels, la manière dont estrépartie l’offre <strong>de</strong> soins <strong>et</strong> la possibilité d’y30 Confluences n°11 septembre 2005


accé<strong>de</strong>r.Faites un test : téléphonez dans un SSM <strong>de</strong>Liège, dites que votre mé<strong>de</strong>cin traitant vousrecomman<strong>de</strong> un entr<strong>et</strong>ien…, vous verrezles délais. Téléphonez en polyclinique pourrencontrer un psychiatre, vous n’aurez pasun ren<strong>de</strong>z-vous rapi<strong>de</strong>ment.C<strong>et</strong> aspect n’est pas propre à l’urgence, il estlié à l’organisation <strong>de</strong>s soins.Je viens <strong>de</strong> terminer une grosse étu<strong>de</strong> sur lesuici<strong>de</strong> avec le CHR sur 600 patients. 80%<strong>de</strong>s patients qui ont fait une tentative <strong>de</strong>suici<strong>de</strong> ont vu un intervenant en santé dansle mois qui précédait, en moyenne 8 joursavant leur tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>. 60 % ont vu unmé<strong>de</strong>cin traitant, 30 à 40 % un mé<strong>de</strong>cin-psychiatre,10 % sortaient d’une hospitalisationpsychiatrique dans le mois.Qu’est-ce que vous en tirez commeconclusions ?Indéniablement, que l’accessibilité aux soinspose question. Je pense que l’on est dansune organisation <strong>de</strong>s soins qui ne correspondplus aux problèmes <strong>et</strong> aux pathologies<strong>de</strong>s gens, mais je ne suis peut-être pasassez neutre pour élaborer une théorie surle suj<strong>et</strong>…Je dirais, <strong>de</strong> manière générale, que dansle cadre d’un processus <strong>de</strong> désinstitutionalisation<strong>de</strong> la psychiatrie, on est passé <strong>de</strong>la dictature asilaire où l’on hospitalise <strong>et</strong>médicalise à tour <strong>de</strong> bras à la dictature duproj<strong>et</strong> où, au bout <strong>de</strong> 3 jours, on renvoie lapersonne chez elle en lui <strong>de</strong>mandant : quelest ton proj<strong>et</strong> ?Il ne faut pas s’étonner que les personnes ensouffrance se r<strong>et</strong>rouvent dans les interstices<strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins, c’est-à-dire, les services<strong>de</strong>s urgences <strong>et</strong> les services sociaux.Il faut sortir d’une logique psychothérapeutiquepure. On est dans une approche trèslinéaire où chacun travaille <strong>de</strong> façon trèsindividuelle sur un créneau <strong>et</strong> pourtant, onest <strong>de</strong> plus en plus confrontés à <strong>de</strong>s troublesdépressifs, anxieux qui sont directement liésau contexte, au marasme socio-économique<strong>et</strong> culturel. Nous <strong>de</strong>vons aujourd’huidévelopper une visée commune qui tiennecompte <strong>de</strong> ces questions <strong>de</strong> santé mentale <strong>et</strong>développer une approche qui ai<strong>de</strong> réellementla population 1 Le service d’urgences psychiatrique travaille aussiavec un équivalent temps plein psychiatre <strong>et</strong> avecun équivalent temps plein assistant psychiatre.2 Le Centre Alpha <strong>et</strong> le Clips sont <strong>de</strong>ux services <strong>de</strong> santémentale.En 1992, l’Hôpital Vincent Van Gogh a été choisi par le Ministère <strong>de</strong> la Santé avec Brughman (Bruxelles) <strong>et</strong> Stuyvenberg (Anvers) pour participerà une étu<strong>de</strong> pilote d’urgences <strong>psychiatriques</strong> <strong>et</strong> d’unité <strong>de</strong> <strong>crise</strong> (Sicup) 1 . Ici, contrairement au CHR La Cita<strong>de</strong>lle, le service d’urgencespsycho-médico-sociales est distinct du service d’urgences générales, tout en étant également accessible 24H sur 24. Les infirmiers y tiennentun rôle <strong>de</strong> première ligne : ils sont appelés à examiner la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, à la déco<strong>de</strong>r si nécessaire, à faire un bilan <strong>de</strong> la situation du patient <strong>et</strong> <strong>de</strong>ses ressources potentielles. Un référent urgentiste est chargé <strong>de</strong> l’évaluation médicale ; quant au psychiatre, il finalise l’anamnèse, pose undiagnostic <strong>et</strong> propose <strong>de</strong>s pistes <strong>de</strong> suivi.Il s’agit donc, prioritairement, <strong>de</strong> s’assurer que la personne ne présente aucun danger pour elle ou son entourage. S’il n’y a pas un réel état<strong>de</strong> <strong>crise</strong>, dans le cas <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> sevrage par exemple, la personne est invitée à rencontrer un ergothérapeute ou un assistant social quiregar<strong>de</strong>ra comment orienter au mieux sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> vers une ai<strong>de</strong> adaptée.Le Sicup a été mis en place pour réduire le nombre d’hospitalisations notamment dans le cas <strong>de</strong> souffrances psycho-sociales.L’objectif semble atteint. En moyenne, chaque année, 3.600 personnes ont recours à ce service.60 à 70% d’entre elles repartent sans avoir fait l’obj<strong>et</strong> d’une hospitalisation. Elles ont toutefois la possibilité, en situation réelle <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, <strong>de</strong>séjourner dans le service à concurrence d’un maximum <strong>de</strong> 72h 2 , le temps <strong>de</strong> se « poser », <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en mots leurs difficultés, <strong>de</strong> pouvoir prendredu recul, d’être entendues, apaisées.Outre un diagnostic psycho-médico-social réalisé par une équipe pluridisciplinaire, il est donc proposé à la personne en souffrance d’avoir unpoint d’ancrage qui lui perm<strong>et</strong>te d’instaurer ou <strong>de</strong> restaurer un dialogue <strong>et</strong> d’impulser un suivi avec les professionnels extérieurs pour qu’ilsassurent le relais. Reste à savoir si ce relais est effectif, adéquat ; si la personne se présente à la porte d’autres services, si elle y est accueillie<strong>et</strong> si cela correspond réellement à ses besoins. Aucune évaluation ne perm<strong>et</strong> à ce sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> le confirmer. Une lacune à combler ? « Le nombre<strong>de</strong> consultants est en augmentation. Notre service, en raison <strong>de</strong> l’offre particulière qu’il offre, est confronté à <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> place. Celalaisse peu <strong>de</strong> temps pour s’enquérir du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s patients », nous répon<strong>de</strong>nt personnel <strong>et</strong> direction. Une évaluation n’est donc pas à ce jourenvisagée, à moins <strong>de</strong> bénéficier d’un budg<strong>et</strong> spécifique. Elle s’effectue <strong>de</strong> manière informelle précise-t-on encore, dans le cadre <strong>de</strong> réunions<strong>de</strong> coordinations qui rassemblent, périodiquement, les différents partenaires hospitaliers <strong>et</strong> extrahospitaliers du territoire sur le travail réalisé en« toxicomanie » ou en « pédopsychiatrie » par exemple.1 Voir à ce suj<strong>et</strong> l’article en pages 40 <strong>et</strong> 41 du dossier « Adolescence <strong>et</strong> conduites à risques » publié en septembre 2004 dans Confluences n°7.2 Le Sicup a un potentiel <strong>de</strong> 4 chambres individuelles, 2 chambres <strong>de</strong> contention (sous surveillance caméra pour les personnes présentant <strong>de</strong>s états <strong>de</strong> confusion, d’agitationou qui sont sous l’emprise d’un taux élevé d’alcoolémie), <strong>et</strong> 2 lits monitorisés (pour les personnes présentant un surdosage aux médicaments). Une salle <strong>de</strong> séjour <strong>et</strong> une salled’attente complètent l’infrastructure <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te unité.DOSSIERConfluences n°11 septembre 200531


De la clinique <strong>de</strong> la souffranceà la clinique du sensDanièle Zucker 1 ,Docteur en psychologie,licenciée en philosophie.Responsable pendant 15 ans du Service<strong>de</strong> l’Unité <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> d’urgence psychiatriqueau CHU Saint-Pierre à BruxellesInterview réalisée par Sylvie Gérard, IWSMQui sont les patients en <strong>crise</strong> quiarrivent au service d’urgencepsychiatrique <strong>et</strong> qu’est-ce qui fait<strong>crise</strong> chez eux ?Aux urgences, on rencontre tout public <strong>et</strong>toute problématique.Le service <strong>de</strong>s urgences est un excellentbaromètre <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> société. Il sefait le refl<strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes les problématiquesactuelles : l’exclusion sociale face à une soudaineflambée <strong>de</strong>s prix dans l’immobilier, <strong>de</strong>sproblèmes d’assuétu<strong>de</strong>s avec l’arrivée, sur lemarché, <strong>de</strong> nouveaux produits toxiques, …La tâche première <strong>de</strong> l’urgentiste est <strong>de</strong> fairela part <strong>de</strong>s choses entre les urgences « vitales» <strong>et</strong> « secondaires ». D’un point <strong>de</strong> vuemédical, on conçoit assez aisément c<strong>et</strong>te distinctionmais d’un point <strong>de</strong> vue psychiatrique,comment opérer le « bon » choix ?Il est impératif <strong>de</strong> gérer son temps <strong>et</strong> <strong>de</strong>différencier ce qui ressort <strong>de</strong> la <strong>crise</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>l’urgence. En urgence psychiatrique, il y aune gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> subjectivité.Il y a ce que j’appelle les urgences simples :ce sont les personnes qui ne nécessitent pas,dans l’immédiat, une approche psychothérapeutique.Un alcoolique qui arrive à 3h00du matin avec une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> sevrage nenécessite pas une prise en charge immédiate: cela peut très bien attendre le len<strong>de</strong>main.Il y a les urgences <strong>psychiatriques</strong>, les décompensationsdans le cadre <strong>de</strong> pathologieschroniques comme la maniaco-dépression.La personne qui se présente sur un mo<strong>de</strong>délirant nécessitera très certainement l’interventiondu psychiatre.Et puis, il y a une troisième catégorie, celle<strong>de</strong>s gens en <strong>crise</strong>. Tout le mon<strong>de</strong> peut être en<strong>crise</strong> un jour mais tout le mon<strong>de</strong> ne fait pasla démarche d’aller aux urgences. Certainespersonnes ont les ressources psychiques suffisantespour prendre ren<strong>de</strong>z-vous <strong>et</strong> patienter3 semaines si nécessaire. D’autres n’ontpas ces ressources <strong>et</strong> arrivent aux urgencesà bout <strong>de</strong> souffle. Pour moi, ces personnessignent un comportement psychique particulier<strong>et</strong> il est important <strong>de</strong> pouvoir leur proposerune intervention psychothérapeutique.Quel comportement ?Je pense que les personnes qui ont peu<strong>de</strong> ressources intérieures <strong>et</strong> un réseau peusoutenant ont, le plus souvent, un fonctionnementen « faux-self » pour reprendrele concept développé par Winnicott. Trèsschématiquement, on peut dire que ces personnesont pour moteur le regard <strong>de</strong>s autres.Et finalement, à être toujours préoccupéà correspondre à ce que l’on croit quel’autre attend <strong>de</strong> soi, on ne construit rien àl’intérieur. On se soum<strong>et</strong> alors à l’exigence<strong>de</strong> ce que l’on pense détecter chez l’autre.C’est un fonctionnement qui remonte à lap<strong>et</strong>ite enfance avec un environnement qui a<strong>de</strong>mandé à l’enfant une adaptation totale quiannihile la construction propre <strong>de</strong> l’enfant.L’enfant, puis l’adulte qu’il <strong>de</strong>vient, n’a <strong>de</strong>cesse <strong>de</strong> s’adapter. Cependant c<strong>et</strong>te adaptationmassive peut voler en éclats un jour <strong>et</strong>amener la personne à craquer très durement.Tout le travail psychothérapeutique consistealors à ce que le suj<strong>et</strong> puisse d’abord prendreconscience <strong>de</strong> ce vi<strong>de</strong> intérieur pour pouvoirp<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it s’approprier sa propre pensée,ses propres désirs, … C’est un travail quipeut être amorcé aux urgences au travers <strong>de</strong>quelques rencontres <strong>et</strong> être poursuivi à l’extérieurdans une consultation. C’est ce que l’onespère mais cela suppose que l’on ait unesoli<strong>de</strong> formation <strong>de</strong> base pour pouvoir faireface à la brutalité <strong>de</strong>s émotions expriméespar le patient. Il faut rester calme <strong>et</strong> contenantpour que c<strong>et</strong>te phase <strong>de</strong> détresse aiguelaisse la place à quelque chose qui puisses’élaborer. C<strong>et</strong>te dimension psychothérapeutiquene rej<strong>et</strong>te pas en bloc toute médication.Elle s’avère parfois nécessaire mais jamaissans réflexion préalable car le risque estd’endormir ce qui fait précisément <strong>crise</strong>..Comment s’effectue l’accueil aux urgences ?L’équipe <strong>de</strong> l’accueil décrypte la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>et</strong>les besoins du patient. Si c’est une personneen <strong>crise</strong>, on travaille ce moment <strong>de</strong> <strong>crise</strong>en prenant tout le temps nécessaire. D’oùla nécessité <strong>de</strong> bien distinguer ce qui fait<strong>crise</strong> <strong>et</strong> urgence, car l’entr<strong>et</strong>ien peut durer2 – 3 heures au risque <strong>de</strong> voir d’autrespatients s’accumuler dans la salle d’attente.Prendre son temps aux urgences, cela révolutionnel’idée que l’on se fait généralementd’un tel service…Cela perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> ne pas étouffer la <strong>crise</strong>, maisau contraire, <strong>de</strong> tirer profit <strong>de</strong> ce momentpropice au changement. Trop souvent, lepatient aux urgences est écouté quelquesminutes, hospitalisé, mis sous médication,stabilisé puis renvoyé chez lui. Tout est faitpour le ramener à un état d’avant-<strong>crise</strong>,pour le calmer. Mais en définitive, c’est l<strong>et</strong>hérapeute que l’on calme, que l’on « préserve». C’est vrai qu’une personne en <strong>crise</strong>,bruyante, déstructurée peut « déranger »dans la mesure où elle ne correspond en rienà la nosographie classique. Il ne suffit pasici <strong>de</strong> sortir son manuel. On reçoit la <strong>crise</strong><strong>de</strong> façon très abrupte <strong>et</strong> il faut <strong>de</strong>s épaulessoli<strong>de</strong>s pour pouvoir se dire : prenons l<strong>et</strong>emps <strong>de</strong> s’asseoir, <strong>de</strong> dépasser les symptômes<strong>et</strong> d’accé<strong>de</strong>r réellement à la personne.32 Confluences n°11 septembre 2005


Il s’agit donc, avant tout, <strong>de</strong> lutter contre leshospitalisations <strong>et</strong> les médications abusives<strong>et</strong> <strong>de</strong> donner à la personne toute son ampleurpour qu’elle puisse r<strong>et</strong>rouver les ressourcesnécessaires en elle. Et pour cela, c’est clairqu’il faut pouvoir être à même <strong>de</strong> comprendredans ses moindres détails la situationactuelle <strong>et</strong> passée <strong>de</strong> la personne.Que perm<strong>et</strong> le moment <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, en quoi est-ilbénéfique ?La <strong>crise</strong> laisse émerger l’essence même dusuj<strong>et</strong>. En situation <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, les gens ont leursystème <strong>de</strong> défense fragilisé. Ils sont dansun tel état qu’on a accès très vite à ce quifait problème, là où, en entr<strong>et</strong>ien classique,il faudrait parfois <strong>de</strong>s années pour y arriver.Et puis, il faut savoir rêver son patient. Parceque quand on le rêve, on est vraiment encontact avec lui, en formulant <strong>de</strong>s hypothèsessur ce qu’il a vécu, sur ce qu’il vit.L’entr<strong>et</strong>ien offre c<strong>et</strong>te occasion <strong>de</strong> rechercherles séquences <strong>de</strong> vie qui se répètent <strong>et</strong> <strong>de</strong>les décrypter. Généralement, les gens pensentque ce qui les amène aux urgences estnouveau, alors que ça n’a rien <strong>de</strong> nouveau.Il faut alors arriver à m<strong>et</strong>tre en perspectiv<strong>et</strong>out un cheminement ; amener la personne àprendre conscience <strong>de</strong> la part active qu’ellea joué <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre en évi<strong>de</strong>nce les scenarii quise répètent dans sa vie. C<strong>et</strong>te introspection<strong>et</strong> le besoin urgent <strong>de</strong> changement pour neplus souffrir, nous donne parfois l’occasiond’assister à <strong>de</strong> véritables renaissances.C’est la raison pour laquelle on a trouvéintéressant <strong>de</strong> travailler la <strong>crise</strong> jusqu’au bouten proposant 3, 4, parfois 5 entr<strong>et</strong>iens à lapersonne. Un psy aux urgences ne peut passe contenter <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> l’enfance <strong>de</strong> la personnequ’il a en face <strong>de</strong> lui. Il lui faut travaillerle passé mais aussi le présent <strong>et</strong> le futur <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te personne.Dans le cas d’une <strong>crise</strong> <strong>de</strong> couple, le conjointest invité à un entr<strong>et</strong>ien. Mais cela peut êtreaussi la famille, le propriétaire <strong>de</strong> l’immeuble,le responsable <strong>de</strong>s ressources humainesd’une entreprise. Je pense que la <strong>crise</strong> estune chance. Quand on ne la saisit pas,quand on tente d’enterrer ce qui se dit à c<strong>et</strong>teoccasion, non seulement on ne résout pas leproblème mais il y a <strong>de</strong> fortes chances que lapersonne se représente plus tard à l’hôpitalen vivant, plus difficilement encore, un autremoment <strong>de</strong> <strong>crise</strong>.Ici, on parle <strong>de</strong>s personnes qui se présententd’elles-mêmes aux urgences, mais il y aaussi toutes les situations où le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urest autre, on pense notamment à la familledémunie ou à bout <strong>de</strong> souffle, aux services<strong>de</strong> l’ordre, aux intervenants <strong>de</strong> première lignedont le seuil <strong>de</strong> tolérance ou <strong>de</strong> compétenceest dépassé <strong>et</strong> qui envoient le patient auxurgences.Le plus difficile ici, ce sont les personnes pourlesquelles l’équipe est réquisitionnée pourdonner un avis sur une éventuelle mise enobservation. C’est une très lour<strong>de</strong> responsabilitéque <strong>de</strong> priver <strong>de</strong> liberté quelqu’un. Passerquelques jours en observation, par erreur, j<strong>et</strong>rouve que c’est très grave <strong>et</strong> cela peut mêmeêtre traumatisant d’où l’importance <strong>de</strong> prendr<strong>et</strong>ous les renseignements possibles. Sivous avez face à vous quelqu’un <strong>de</strong> délirant,vous n’avez aucune information sur ce qui luiarrive <strong>et</strong> surtout sur ce qu’il y a lieu <strong>de</strong> faire. Ily a <strong>de</strong>s renseignements à prendre auprès <strong>de</strong>la famille, du mé<strong>de</strong>cin, <strong>de</strong>s voisins, <strong>et</strong>c.Pourquoi, selon vous, l’urgence sedépose-t-elle à l’hôpital ? Pourquoi là <strong>et</strong> pasailleurs ?Le service d’urgence est un entre-<strong>de</strong>ux. Pastout à fait à l’hôpital mais pas vraiment à l’extérieurnon plus. Il est à la porte <strong>de</strong> l’hôpital.C’est un espace qui comprend un paradoxe,tout comme la <strong>crise</strong> : les gens ne saventplus fonctionner comme avant, l’antérieur estimpossible <strong>et</strong> le futur incertain.Probablement que c’est un endroit idéal pourse débarrasser <strong>de</strong> ce qui dérange : ce quidérange la société, le magistrat, la police, lafamille ou le patient lui-même. Les usagersviennent parfois avec leur valise en nousdisant : occupez-vous <strong>de</strong> moi, prenez-moi encharge mais surtout, ne me parlez pas <strong>de</strong>moi. Et je pense que c’est parce que c’est unentre-<strong>de</strong>ux que l’on se perm<strong>et</strong> un peu plus.Le service d’urgence est-il une porte d’entréeaux soins <strong>psychiatriques</strong> ? Questionn<strong>et</strong>-ilun problème d’accessibilité aux soinsen santé mentale ?Oui, je pense. Il faut être vigilant à ce quel’urgence ne soit pas le moyen <strong>de</strong> s’installerdans un système, dans une « carrière »psychiatrique. Les hôpitaux doivent pourcela, à minima, s’informer du parcours <strong>de</strong>susagers. Cela suppose d’assurer un certainsuivi <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s d’hospitalisation <strong>et</strong> <strong>de</strong>médication.Il faut avoir le courage <strong>de</strong> ne pas accepterd’hospitaliser <strong>de</strong>s patients simplement parceque ceux-ci le souhaitent. Nous ne sommespas là pour encourager la chronicité. J’aitoujours considéré les personnes face àmoi comme <strong>de</strong>s adultes responsables dotés<strong>de</strong> ressources, même si pour cela, il estnécessaire <strong>de</strong> les bousculer <strong>et</strong> <strong>de</strong> recevoirparfois en r<strong>et</strong>our leurs réactions <strong>de</strong> mécontentement.Et si <strong>de</strong>s patients se refusent à c<strong>et</strong>te réflexion<strong>et</strong> privilégient la médication abusive, l’hospitalisationà répétition ; je ne veux pas entr<strong>et</strong>enirune carrière sur cela <strong>et</strong> agir par facilité.Il est aussi regr<strong>et</strong>table que les ministresn’aient pas compris que c<strong>et</strong>te approche perm<strong>et</strong><strong>de</strong> réduire les coûts <strong>de</strong> santé. Pendantprès <strong>de</strong> 10 ans, nous sommes parvenus dansl’unité <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> d’urgence psychiatriqueà réduire <strong>de</strong> moitié les hospitalisations. J<strong>et</strong>rouve dommage qu’il n’y ait pas plus d’équipesréellement formées <strong>et</strong> expérimentées,qui développent c<strong>et</strong>te approche en Belgique.Danièle Zucker est l’auteur <strong>de</strong> : Penser la <strong>crise</strong>.L’émergence du soi dans un service d’urgence psychiatrique,publié aux éditions De Boek Université dans lacollection Oxalis.1 Danièle Zucker est également à l’origine d’un groupemultidisciplinaire (formé <strong>de</strong> magistrats, policiers, criminologues,…) qui travaille la question <strong>de</strong>s agressionssexuelles. L’objectif est <strong>de</strong> proposer une série <strong>de</strong> réformeslégislatives, d’encourager une meilleure prise encharge psycho-médico-légale <strong>de</strong>s victimes <strong>et</strong> d’utiliserles métho<strong>de</strong>s d’investigation les plus pointues pour augmenterles chances d’i<strong>de</strong>ntifier les agresseurs sexuels.Un ouvrage : Viol, approches judiciaire, policière, médicale<strong>et</strong> psychologique, reprenant les actes d’un colloqueinternational sur le suj<strong>et</strong>, est en voie <strong>de</strong> publication.DOSSIERConfluences n°11 septembre 200533


Les urgences en hôpital psychiatriqueL’urgence 1 , ou du moins son vécu,appartient à la personne en souffrancepsychique <strong>et</strong> à elle seule, mêmesi elle concerne souvent, aussi, l’entouragefamilial ou institutionnel <strong>et</strong> lemé<strong>de</strong>cin traitant… Dans une régionoù l’offre <strong>de</strong> soins reste limitée, l’hôpitalpsychiatrique est un point <strong>de</strong>chute pour nombre <strong>de</strong> situations en<strong>crise</strong>. Comment <strong>de</strong> part <strong>et</strong> d’autrevit-on c<strong>et</strong>te situation ?Henri BoonProfesseur <strong>de</strong> l’UMH, Psychiatre,Coordinateur au Centre UniversitaireProvincial 2 La Clairière à BertrixEn hôpital psychiatrique, la notion d’urgenceva <strong>de</strong> soi. Elle concerne unesituation sur trois environ, adressée leplus souvent par un mé<strong>de</strong>cin généralistequi, dans une région encore rurale, joue unrôle essentiel en santé mentale. Ces situationsd’urgence recouvrent une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cas <strong>de</strong>figure, correspondant tantôt à <strong>de</strong>s problèmespsychopathologiques, tantôt à <strong>de</strong>s troublesorganiques, tantôt encore à <strong>de</strong>s fragilités liéesà <strong>de</strong>s évènements <strong>de</strong> vie auxquelles s’ajoutent<strong>de</strong>s situations familiales, sociales ou économiquescomplexes <strong>et</strong> dramatiques.L’accueil <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>A Bertrix, une permanence est assurée 24hsur 24 par un mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> ou, en journée,par une équipe comprenant psychiatre, infirmier,intervenant social <strong>et</strong> psychologue. Celle-cirencontre les besoins internes <strong>de</strong> l’hôpital maisrépond également aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s urgentes <strong>de</strong>la région. Un partenariat est notamment établipour assurer le relais <strong>de</strong>s urgences <strong>de</strong> l’hôpitalgénéral <strong>de</strong> Libramont. Un nouveau système<strong>de</strong> consultation d’accès rapi<strong>de</strong> est en outreà l’essai, conjuguant réponse rapi<strong>de</strong> au téléphoneavec possibilité quotidienne (dans latranche horaire <strong>de</strong> 12 à 15h ) <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vousd’urgence pour toute personne en difficulté.L’urgence n’implique toutefois pas automatiquementl’hospitalisation. Elle suppose lamise en place d’un dialogue pour faire la part<strong>de</strong>s choses entre la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>et</strong> la réponse.Une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’hospitalisation peut en eff<strong>et</strong>cacher une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’ai<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> soins qui n’apas pu s’exprimer ou qui n’a pas été entendueauparavant. Elle peut aussi correspondre à une<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’entourage à laquelle le patient nesouscrit pas.Une rencontre s’impose donc pour réfléchiravec la personne à l’ai<strong>de</strong> qui lui conviendrale mieux : en privé, dans un service <strong>de</strong> santémentale ou à l’hôpital ? La consultation mise enplace à c<strong>et</strong>te fin à Bertrix, avec le regard plurielqu’elle porte, perm<strong>et</strong> d’ouvrir ce dialogue dansune perspective qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> se décaler <strong>de</strong>l’urgence. Même si l’intérêt <strong>de</strong> l’hospitalisationse confirme, celle-ci pourra, parfois, être postposée<strong>de</strong> quelques jours <strong>et</strong> ainsi être mieuxacceptée par la personne qui aura - peut-être- pu en faire son proj<strong>et</strong>. Encore faudra-t-il aussi,dans c<strong>et</strong>te hypothèse, faire la différence entremilieu psychiatrique <strong>et</strong> section psychiatriqued’hôpital général plus apte, par ailleurs, à intervenirsur l’aspect organique <strong>et</strong> somatique <strong>de</strong>certaines urgences.La décision d’hospitalisationUne décision d’hospitalisation est toujours difficile,qu’elle soit prise par le patient lui-même,ses proches ou son mé<strong>de</strong>cin. Face à l’ambivalence,qu’est-ce qui perm<strong>et</strong>tra <strong>de</strong> faire le bonchoix ? La rencontre avec l’usager <strong>et</strong> ses prochessera décisive. Deux questions gui<strong>de</strong>rontla réflexion :1. Quelle est la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du patient <strong>et</strong> a-t-onles moyens d’y répondre ?2. N’y a-t-il pas moyen <strong>de</strong> faire autrement ?De c<strong>et</strong>te relation <strong>et</strong> du dialogue qui s’établitdécoule la négociation qui engagel’accès aux prises en charge adéquates,ambulatoires ou hospitalières. La décisionreposera sur une série <strong>de</strong> critères générauxqui viennent alimenter la réflexion <strong>de</strong>chacun : La souffrance psychique exacerbée <strong>de</strong> lapersonne ; Ses motivations ; Ses antécé<strong>de</strong>nts <strong>psychiatriques</strong> ; La notion <strong>de</strong> danger pour le patient ou pourautrui ; L’impossibilité ou l’échec <strong>de</strong> toute prise encharge ambulatoire ; Le contexte <strong>et</strong> la qualité du soutien social ; La possibilité pour l’hôpital d’offrir les services<strong>et</strong> les moyens adéquats ; La disponibilité <strong>de</strong>s lits appropriés ; La surcharge <strong>de</strong> l’équipe ; Ou l’obligation légale(Mise en Observation).L’hospitalisationL’hospitalisation psychiatrique est donc soitvolontaire soit imposée mais toujours transitoire.Son objectif principal est <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>treune mise au point diagnostique <strong>et</strong> un proj<strong>et</strong>thérapeutique. Elle vise à poser un cadreperm<strong>et</strong>tant au patient <strong>de</strong> se restructurer <strong>et</strong> <strong>de</strong>prendre ses repères. Ici aussi, s’impose undialogue permanent avec tout qui est concernépar ce proj<strong>et</strong>. Pour le patient, il s’agira <strong>de</strong>poser un acte <strong>de</strong> soins, d’engager une prise encharge intensive dont la durée est limitée dansle temps, mais surtout <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>tre un tempsd’élaboration. Pour les professionnels, le tempsd’hospitalisation sera celui du proj<strong>et</strong> thérapeutique; pour l’entourage, un temps <strong>de</strong> concertation<strong>et</strong> pour les intervenants <strong>de</strong> première ligne,un temps <strong>de</strong> collaboration…L’hospitalisation est avant tout un lieu <strong>de</strong> vie ;un lieu <strong>de</strong> vie transitoire où, dès l’entrée, onpense à la sortie en utilisant les possibilités duréseau interne (hospitalisations séquentielles<strong>de</strong> semaine <strong>et</strong> <strong>de</strong> jour, voire transfert d’unité) <strong>et</strong>du réseau externe (structures alternatives, HP,mé<strong>de</strong>cin généraliste ou spécialiste, autres…).Autant que ce soit bien pensé…Autant exploiter l’urgence pour m<strong>et</strong>tre en place<strong>de</strong> quoi garantir le long terme ! 1 La notion d’urgence se réfère ici à la définition du groupe<strong>de</strong> travail <strong>de</strong> la commission <strong>de</strong>s maladies mentales (1991) :« L’urgence en psychiatrie est une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> dont la réponsene peut être différée : il y a urgence à partir du momentoù quelqu’un se pose la question, qu’il s’agisse du patient,<strong>de</strong> l’entourage ou du mé<strong>de</strong>cin : elle nécessite une réponserapi<strong>de</strong> <strong>et</strong> adéquate <strong>de</strong> l’équipe soignante afin d’atténuer lecaractère aigu <strong>de</strong> la souffrance psychique ».2 Le CUP est un hôpital psychiatrique général <strong>de</strong> 200 lits.Il accueille <strong>de</strong>s personnes en souffrance psychique aiguë<strong>et</strong> chronique34 Confluences n°11 septembre 2005


Personnes âgées : l’urgence plus urgenteEst-ce l’image <strong>de</strong> lenteur associée au vieillissement qui déteint sur lespratiques <strong>de</strong>s professionnels ?Trop souvent, les intervenants du secteur <strong>de</strong> la santé sous-évaluentla <strong>crise</strong> <strong>et</strong> l’urgence chez les personnes âgées, travaillent dans uneperspective <strong>de</strong> chronicité, font preuve d’attentisme (« ça va passer »),<strong>de</strong> passivité (« c’est normal, c’est l’âge »), <strong>de</strong> défaitisme voire <strong>de</strong> cynisme(quand on annonce l’âge du patient, il n’y a plus <strong>de</strong> place…).Or, s’il est important à tout âge <strong>de</strong> prendre au sérieux les situations <strong>de</strong><strong>crise</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> ne pas les laisser se dégra<strong>de</strong>r, chez les personnes très âgées,généralement plus fragiles, tout déséquilibre psychique non traité estsusceptible d’entraîner rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s conséquences catastrophiques.Françoise Duesberg,Sociologue,Coordinatrice <strong>de</strong> la Plate-forme <strong>de</strong> concertation en santé mentale du Brabant <strong>wallon</strong>Ce thème <strong>de</strong> l’« urgence souventplus urgente » en gériatrie est traitédans l’ouvrage collectif : « Quandle temps s’accélère. Urgence <strong>et</strong><strong>crise</strong> chez la personne âgée » 1 . C<strong>et</strong> articles’en inspire largement. Il s’appuie égalementsur l’expérience acquise par la Plate-forme<strong>de</strong> concertation en santé mentale du Brabant<strong>wallon</strong> au cours <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux proj<strong>et</strong>s-pilotes, l’unconsacré à la santé mentale <strong>de</strong>s personnesâgées, l’autre à la prise en charge <strong>de</strong>s situations<strong>de</strong> <strong>crise</strong> dans un hôpital général.Grand âge, fragilité,théorie <strong>de</strong>s dominosSi l’on considère la <strong>crise</strong> comme « une ruptured’équilibre du système homéostatiquedu patient, aux niveaux physiologique, relationnelou intra-psychique » 2 , les personnesâgées sont particulièrement exposées : nonseulement elles vivent d’importantes modificationsbiologiques, mais elles sont aussiconfrontées à <strong>de</strong>s changements <strong>de</strong> l’image<strong>de</strong> soi, du rôle social ; à <strong>de</strong>s pertes matérielles,affectives ou symboliques, à l’angoisse<strong>de</strong> mort…Face à ces multiples menaces, la personneâgée est plus vulnérable, a plus <strong>de</strong> difficultésà répondre <strong>de</strong> façon adaptée aux rupturesd’équilibre, la « mauvaise » réponse entraînantrapi<strong>de</strong>ment en casca<strong>de</strong> d’autres déséquilibres<strong>de</strong> plus en plus dramatiques.L’image <strong>de</strong> chronicité associée au vieillissementne doit pas occulter la fréquence <strong>de</strong>ssituations <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> particulièrement <strong>de</strong><strong>de</strong>ux pathologies :- les <strong>crise</strong>s anxieuses : phobies ; anxiétégénéralisée ; stress post-traumatique aprèsune agression, une chute… ; troubles <strong>de</strong>l’adaptation face à un décès, un déménagement…3- les <strong>crise</strong>s <strong>de</strong> confusion aiguë, à distinguerd’un début <strong>de</strong> démence : elles apparaissentbrutalement, sont souvent réversibles si ellessont soignées, ne résultent pas d’une lésionmais <strong>de</strong> causes multiples – somatiques,médicamenteuses, émotionnelles… 4Une p<strong>et</strong>ite cause peut avoir <strong>de</strong> grands eff<strong>et</strong>s<strong>et</strong> très vite, une personne âgée bien portante,sans antécé<strong>de</strong>nts <strong>psychiatriques</strong>, risque <strong>de</strong>réagir par un <strong>crise</strong> <strong>de</strong> confusion spectaculaireà la benzodiazépine administrée pour unegastroscopie <strong>de</strong> routine, ou aux médicamentsprescrits pour une infection urinaire.Troubles <strong>psychiatriques</strong>non i<strong>de</strong>ntifiés, urgencesous-estiméePlus encore que dans d’autres groupesd’âge, les troubles <strong>psychiatriques</strong> <strong>de</strong>s personnesâgées ne sont souvent diagnostiquésque beaucoup trop tard, alors que l’état dupatient est déjà fortement dégradé. « Chez lapersonne âgée, l’urgence est en premier lieudiagnostique » 5 .Mais le diagnostic n’est pas simple. Lestroubles <strong>de</strong> la santé mentale chez les personnesâgées sont fréquemment masquéspar <strong>de</strong>s symptômes somatiques : une agoraphobieattribuée à <strong>de</strong>s troubles moteurs,une anorexie jugée normale étant donné ladiminution d’activité due à <strong>de</strong>s douleurs rhumatismales…Ou bien, ils sont « expliqués »ou « excusés » par le vieillissement : tristesse,repli sur soi, désintérêt… considérés commefaisant partie <strong>de</strong>s « choses <strong>de</strong> la vie » ; <strong>et</strong> lavieille dame qui boit, « pourquoi lui enlever ceplaisir, la pauvre, elle n’a plus que ça… ».Si le trouble mental est i<strong>de</strong>ntifié, les proches<strong>et</strong>/ou les professionnels tar<strong>de</strong>nt souvent àintervenir… comme si le grand âge justifiait<strong>de</strong> prendre son temps… ou <strong>de</strong> ne rien faire.Dans le cas <strong>de</strong> la maladie d’Alzheimer,notamment, le délai entre les premiers signes<strong>et</strong> le diagnostic est souvent important <strong>et</strong> variesuivant les pratiques (par exemple, d’unemoyenne <strong>de</strong> dix mois en Allemagne <strong>et</strong> <strong>de</strong><strong>de</strong>ux ans en France). Or, les médicamentsactuels, même si leur efficacité est controversée,sembleraient mieux agir s’ils sont administréstrès tôt. Inversement, il est fréquentqu’une personne soit étiqu<strong>et</strong>ée « Alzheimer »sans réel diagnostic différentiel.DOSSIERConfluences n°11 septembre 200535


Illustration : 6Madame X, 91 ans, veuve <strong>et</strong> vivant seule, esthospitalisée après une chute à son domicile.Depuis quelque temps, elle ne mangeait plusbeaucoup, ne s’intéressait plus aux nouvelles<strong>de</strong> son pays d’origine. A l’hôpital, elle refuse<strong>de</strong> s’alimenter, provoquant l’inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> safille <strong>et</strong> <strong>de</strong>s soignants. Le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> l’hôpitaldiagnostique un syndrome <strong>de</strong> « glissementdépressif » - cas <strong>de</strong> la personne qui se laisseglisser vers la mort suite à un stress ; ildéci<strong>de</strong> <strong>de</strong> ne pas poser <strong>de</strong> son<strong>de</strong> gastrique<strong>et</strong> <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre seulement en place <strong>de</strong>s soinspalliatifs. A ce moment, la psychiatre intervient; elle parle à Mme X <strong>de</strong> l’inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’équipe <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa fille, l’interroge sur son désir<strong>de</strong> vivre. Mme X répond qu’elle veut vivre <strong>et</strong>voir le mariage <strong>de</strong> son p<strong>et</strong>it-fils. A quelquesjours près, Mme X aurait été placée en soinspalliatifs, la confusion se serait installée, leréseau relationnel se serait démobilisé <strong>et</strong>l’issue aurait sans doute été fatale. Une interventionrapi<strong>de</strong> a permis <strong>de</strong> travailler avec lafamille, <strong>de</strong> chercher <strong>de</strong>s alliés pour soutenirle désir <strong>de</strong> vivre <strong>de</strong> la patiente, <strong>de</strong> comprendrele sens <strong>de</strong> son anorexie, comme signald’appel par rapport, par exemple, à un conflitfamilial, une angoisse, une dépression ; <strong>et</strong>enfin, <strong>de</strong> prendre rapi<strong>de</strong>ment <strong>et</strong> en équipe<strong>de</strong>s décisions sur le traitement.Passivité, défaitisme, négligence…<strong>et</strong> puis l’urgenceLes responsabilités <strong>de</strong> ces situations qu’onlaisse se détériorer peuvent se situer à plusieursniveaux.● La famille a honte, n’ose pas signaler aumé<strong>de</strong>cin ce qui ne va pas ; ou elle culpabiliseà l’idée d’hospitaliser ou <strong>de</strong> placer ;ou elle craint <strong>de</strong>s coûts excessifs… Bref,elle « tient » le plus longtemps possible jusqu’àce qu’elle n’en puisse plus. Le personnel<strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong> repos, les ai<strong>de</strong>s familiales…essaient parfois aussi <strong>de</strong> « tenir »jusqu’au point <strong>de</strong> craquer.● Mais bien souvent, les appels à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>sproches <strong>et</strong> <strong>de</strong>s intervenants <strong>de</strong> premièreligne ne sont pas entendus : le mé<strong>de</strong>cingénéraliste se veut rassurant ou se concentresur les aspects somatiques ; le service<strong>de</strong> santé mentale n’a pas <strong>de</strong> place, est troploin, ne vient pas au domicile… ; <strong>et</strong> <strong>de</strong> toutesfaçons, la personne âgée ne veut pasvoir <strong>de</strong> « psy »…● Et puis, une goutte d’eau fait débor<strong>de</strong>r levase, une nouvelle chute plus sérieuse,l’agressivité <strong>de</strong>venue insupportable, lafugue, le gaz oublié… : il faut trouver unesolution dans les 24 heures, on appellela police, on « dépose » la personne âgéeaux urgences… Ca se passe souvent trèsmal : l’hospitalisation provoque un stresssupplémentaire, les transferts vers d’autresservices – <strong>de</strong> l’hôpital général à l’hôpitalpsychiatrique, à une maison <strong>de</strong> repos,avec r<strong>et</strong>ours à l’hôpital – multiplient lesrisques d’aggravation <strong>de</strong> la confusion ou <strong>de</strong>l’angoisse. L’hospitalisation est parfois tropcourte par manque <strong>de</strong> lits, ou trop longuepar manque <strong>de</strong> place dans <strong>de</strong>s structuresmoins lour<strong>de</strong>s.« Le responsable <strong>de</strong>s urgences porte souventle poids <strong>de</strong>s dysfonctionnements du système<strong>de</strong> santé en amont <strong>et</strong> en aval du service <strong>de</strong>surgences ». 7La <strong>crise</strong>, une chance à saisirIl n’est pas dans la culture <strong>de</strong> la générationactuelle <strong>de</strong>s personnes très âgées <strong>de</strong> consulterun « psy », même <strong>et</strong> peut-être surtout quan<strong>de</strong>lles vont mal.Les proches <strong>et</strong> les professionnels <strong>de</strong> premièreligne ont encore souvent tendance à banaliser,sous-estimer, ignorer, occulter ou vouloirassumer seuls les maladies mentales <strong>de</strong>spersonnes âgées. Et quand ils font appel auxprofessionnels <strong>de</strong> la santé mentale, la réponsen’est pas toujours adaptée ou suffisante.Dans ces conditions, quand la <strong>crise</strong> éclate, quela personne âgée ou l’entourage n’en peuventplus, il faut considérer que c’est une chance, unmoment à saisir pour m<strong>et</strong>tre en place les collaborationsqui éviteront <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r n’importequoi dans la panique.Contrairement à l’urgence vitale, qui exige uneréponse immédiate, la <strong>crise</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’agirsans traîner mais en se donnant le temps– quelques jours – <strong>de</strong> rechercher le sens <strong>de</strong>ce qui se passe <strong>et</strong> <strong>de</strong> prendre les meilleuresdécisions. C’est un travail d’équipe, associantpsychiatre, psychologue, services sociaux,mé<strong>de</strong>cin traitant, soins à domicile, <strong>et</strong>c.Des entr<strong>et</strong>iens familiaux dès la survenue <strong>de</strong> la<strong>crise</strong> perm<strong>et</strong>tront par exemple <strong>de</strong> déco<strong>de</strong>r lesens d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’hospitalisation ou <strong>de</strong>placement en urgence, d’éviter peut-être uneinstitutionnalisation douloureuse <strong>et</strong> si celle-cis’avère indispensable, <strong>de</strong> diminuer la culpabilité<strong>de</strong> la famille, source d’agressivité envers lepersonnel. Il ne s’agit pas <strong>de</strong> s’opposer à toutprix à la décision <strong>de</strong> la famille mais d’éviter lenon-dit (« on va hospitaliser quelques jourspour un p<strong>et</strong>it bilan <strong>de</strong> santé »… alors quel’entrée en institution est déjà programmée),<strong>de</strong> refaire circuler la parole, <strong>de</strong> comprendre lessouffrances <strong>de</strong> la personne âgée, du conjoint,<strong>de</strong>s enfants 8 .Il est donc primordial, pour les personnes âgéescomme pour les autres publics-cibles 9 , <strong>de</strong> créer<strong>de</strong>s lieux d’accueil <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, pluridisciplinaires <strong>et</strong>facilement accessibles.Travailler la <strong>crise</strong>, c’est aussi rechercher <strong>de</strong>salternatives à l’hospitalisation ou au « placement» 10 , c’est aussi préparer la sortie dès ledébut d’une hospitalisation. Commence alorsle parcours du combattant pour trouver <strong>de</strong>sressources adaptées : centres <strong>de</strong> jour, centresd’accueil <strong>de</strong> nuit, courts séjours en maison <strong>de</strong>repos, soins – y compris psychologiques ou<strong>psychiatriques</strong> – à domicile, soutien aux aidantsproches, <strong>et</strong>c.Les carences du réseau, qui sont en amontfacteur <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> recours aux urgences,contraignent bien souvent les familles à <strong>de</strong>schoix, en aval <strong>de</strong> la <strong>crise</strong>, plus coûteux pourelles-mêmes <strong>et</strong> pour la société, <strong>et</strong> plus traumatisantspour les patients.La question <strong>de</strong> la <strong>crise</strong> nous oblige à réfléchirà la pertinence <strong>de</strong>s choix politiques dans lefinancement <strong>de</strong>s soins en santé mentale. 1 Voir réf. bibliographique 282 Voir réf. bibliographique 30 , op cit., p.973 Voir réf. bibliographique 29, pp 15-284 Réf. bibliographique 42, pp 29 - 43,5 Réf. bibliographique 42, op cit p 406 Présenté par le Docteur Jos<strong>et</strong>te Massart, dans lecadre <strong>de</strong>s formations « Personnes âgées <strong>et</strong> santémentale » <strong>de</strong> la Plate-forme <strong>de</strong> concertation ensanté mentale du Brabant <strong>wallon</strong> en 2000 <strong>et</strong> 2001.7 Meyniel D., « Il vaut mieux mourir un peu trop tôt qu’unpeu trop tard ». In : Ethica Clinica, réf. biblio. 198 Meire Ph., Mortreu B., Plaqu<strong>et</strong> B., réf. bibiolgraphique31, op cit, pp. 97-106.9 En particulier les adolescents, dont les conduites àrisque témoignent également d’une fragilité <strong>et</strong> d’unedifficulté à répondre aux changements multiples (physiologiques,affectifs, image <strong>de</strong> soi, place dans la société…)qui menacent leur équilibre.10 Terme que l’on <strong>de</strong>vrait proscrire, car il transforme lessuj<strong>et</strong>s en obj<strong>et</strong>s.36 Confluences n°11 septembre 2005


La valse <strong>de</strong>s urgences : témoignage en trois tempsL’urgence se décline selon le contexte au sein duquel elle se manifeste.Ainsi, les conceptions <strong>de</strong> l’urgence <strong>et</strong> <strong>de</strong> la <strong>crise</strong>, leur gestion, leurs inconvénients<strong>et</strong> bénéfices éventuels varient selon que l’on se situe en consultation<strong>de</strong> pédopsychiatrie classique, dans une unité d’hospitalisation<strong>de</strong> post-<strong>crise</strong> pour adolescents, ou dans un service <strong>de</strong> suivis d’enfants <strong>et</strong>adolescents à domicile dans le cadre <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s-pilote d’outreaching.L’urgence en unité d’hospitalisationpour adolescentsDans le cadre d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’hospitalisation,nous proposons rapi<strong>de</strong>ment un premierren<strong>de</strong>z-vous. Dans notre expérience, la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’hospitalisation d’un adolescentest plus souvent liée à une <strong>crise</strong> familiale,sociétale ou institutionnelle qu’à une véritableurgence psychiatrique. Fréquemment, lasituation se dégra<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s semainesvoire <strong>de</strong>s mois <strong>et</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’admissionsurvient lorsque l’entourage ou le jeune sontépuisés. Une rencontre endéans la semaineperm<strong>et</strong> <strong>de</strong> redonner espoir en une nouvellesolution <strong>et</strong> le réseau r<strong>et</strong>rouve l’énergienécessaire pour tenir jusqu’au moment <strong>de</strong>l’admission. Ce temps est extrêmement précieuxcar il nous perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en placele cadre hospitalier en collaboration avec lejeune, sa famille <strong>et</strong> d’éventuels autres intervenants.Lorsque nous sommes pris par lecaractère urgent d’une situation <strong>et</strong> que nousne prenons pas le temps <strong>de</strong> préparer la futurehospitalisation, il se peut que nous nousr<strong>et</strong>rouvions en difficulté durant le séjour.Angélique nous a été adressée en urgencepar son mé<strong>de</strong>cin traitant suite à d’importantsconflits avec sa mère. Toutes <strong>de</strong>ux<strong>de</strong>mandaient une admission pour trouverun espace au sein duquel elles pourraienttravailler à l’amélioration <strong>de</strong> leurs relationsSophie MaesPédopsychiatreHôpital le Domaine à Braine l’Alleudpassionnelles. Rapi<strong>de</strong>ment, nous les avionsrencontrées en entr<strong>et</strong>ien <strong>de</strong> pré-admission.A l’évocation du père d’Angélique, toutes<strong>de</strong>ux nous l’avaient présenté comme étantabsent <strong>de</strong>puis plusieurs années <strong>et</strong> s’étaientopposées à ce que nous le rencontrions,le reléguant à un rôle <strong>de</strong> figurant dans leurhistoire familiale. Ce n’est qu’au cours <strong>de</strong> laréunion d’équipe que la nécessité <strong>de</strong> rencontrerle papa fut rappelé comme faisant partie<strong>de</strong> notre cadre <strong>de</strong> travail. Nous l’avons doncrencontré <strong>et</strong> <strong>de</strong> fait, alors qu’il avait été décritcomme n’étant pas mobilisable, il se montraimmédiatement disponible en nous disanttoute sa satisfaction d’être contacté pourla première fois par une équipe soignante.Sa collaboration se révéla même très fructueuse,perm<strong>et</strong>tant à la patiente d’échapperà une nouvelle situation <strong>de</strong> conflit <strong>de</strong> loyautéentre ses parents, à l’origine <strong>de</strong> l’échec <strong>de</strong><strong>de</strong>ux séjours hospitaliers précé<strong>de</strong>nts. Si nousavions tenté trop précipitamment <strong>de</strong> répondreaux attentes <strong>de</strong> la famille <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur mé<strong>de</strong>cinface à une situation effectivement explosiveà la maison, nous nous serions mis en échecsans le savoir.L’urgence d’une admission peut contribuerau caractère délétère d’une hospitalisationlorsque celle-ci se prolonge dans le temps.Par exemple, le jeune se révèle opposé àl’hospitalisation une fois dans l’unité, le proj<strong>et</strong>hospitalier s’avère irréaliste <strong>et</strong> le séjour perd<strong>de</strong> son sens, ou il apparaît que le réseau oula famille s’autorise à désinvestir le jeuneune fois celui-ci admis. Ce <strong>de</strong>rnier point estle plus problématique. En eff<strong>et</strong>, lorsqu’unjeune se r<strong>et</strong>rouve en situation d’hébergementà l’hôpital, le risque principal est notre participationbien involontaire à la création d’unesituation <strong>de</strong> désappartenance. C’est un <strong>de</strong>sdangers <strong>de</strong>s hospitalisations effectuées dansl’urgence, <strong>et</strong> qui se prolongent, sans que lesintervenants aient pris le temps <strong>de</strong> poser uncadre qui garantisse le sens du futur travailpsychothérapeutique.Ceci plai<strong>de</strong> en faveur d’une spécialisation<strong>de</strong>s services hospitaliers entre <strong>de</strong>s services<strong>de</strong> <strong>crise</strong> qui gèrent la situation surune courte durée, ce qui limite les risquesd’une perversion du cadre, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s servicesqui peuvent s’engager dans <strong>de</strong>s prises encharge plus longues si nécessaires, mais oùle travail effectué en pré-admission s’assured’un cadre pré-établi qui fixe les conditionsdu séjour avec le jeune, sa famille <strong>et</strong> sonréseau.L’urgence en consultation <strong>de</strong>pédopsychiatrieEn ambulatoire, l’attente d’une résolutionmagique du problème est moindre que dansle milieu hospitalier, bien que les attentesface au psychiatre restent importantes.La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’ai<strong>de</strong> est particulièrement fluctuante<strong>et</strong> fugace chez un enfant <strong>et</strong> un adolescent.L’urgence favorise souvent l’accès àune part du problème avant que les défensesne se rem<strong>et</strong>tent en place une fois le chaos <strong>et</strong>la surprise <strong>de</strong> la <strong>crise</strong> passés. Il est souventprofitable <strong>de</strong> rencontrer rapi<strong>de</strong>ment le jeune<strong>et</strong> sa famille tout en se donnant le temps <strong>de</strong>poser le cadre en fonction <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>et</strong><strong>de</strong> la dynamique en action. C’est ainsi qu’uneproposition <strong>de</strong> travail dans la durée peut êtreproposée à l’issue <strong>de</strong> plusieurs séances <strong>et</strong>faire l’obj<strong>et</strong> d’un contrat tacite entre le théra-DOSSIERConfluences n°11 septembre 2005 37


peute, le patient <strong>et</strong> son entourage éventuel.Mais nous ne pouvons ici que regr<strong>et</strong>ter lenombre insuffisant <strong>de</strong> pédopsychiatres pourrépondre à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, <strong>et</strong> les listes d’attentefort longues auquel tout psychiatre infantojuvénilese trouve confronté. Il est égalementregr<strong>et</strong>table <strong>de</strong> limiter l’accès aux psychothérapeutespar l’absence <strong>de</strong> remboursement <strong>de</strong>ces soins <strong>et</strong> le nombre insuffisant <strong>de</strong> Services<strong>de</strong> Santé mentale.Enfin, la création <strong>de</strong> services <strong>de</strong> consultation<strong>de</strong> <strong>crise</strong>, sans possibilité <strong>de</strong> suivre lepatient dans la continuité du travail amorcéau moment <strong>de</strong> l’urgence, ne fait que déplacerle problème vers une autre liste d’attente<strong>et</strong> ne perm<strong>et</strong> pas un travail <strong>de</strong> qualité. Cecipose une vraie question <strong>de</strong> politique <strong>de</strong> santémentale <strong>et</strong> un choix entre le financement<strong>de</strong> services <strong>de</strong> qualité pouvant répondredans l’urgence <strong>et</strong> la continuité en renforçantle secteur <strong>de</strong> l’ambulatoire, ou la mise enplace <strong>de</strong> services d’urgence très coûteux <strong>et</strong>peu rentables s’ils ne servent qu’à dépasserune <strong>crise</strong> en attendant la suivante. La santémentale est une question <strong>de</strong> continuité, <strong>de</strong>processus <strong>et</strong> <strong>de</strong> temps. Une réponse dansl’urgence n’a <strong>de</strong> sens que si elle s’inscritdans ce processus. Elle ne peut être unbut en soi.L’urgence pédopsychiatriqueà domicileLe proj<strong>et</strong>-pilote <strong>de</strong> suivi à domicile via l’outreachinga été initialisé par le Ministère fédéral<strong>de</strong> la Santé publique en décembre 2002 afin<strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>s soins aux jeunes sur leur lieu<strong>de</strong> vie lorsque ces soins ne peuvent êtreréalisés au sein <strong>de</strong>s structures traditionnelles.Nous sommes ainsi amenés à suivre <strong>de</strong>sfamilles précarisées qui ne consultent qu’enurgence <strong>et</strong> ne poursuivent pas les soins unefois la <strong>crise</strong> passée, jusqu’à la suivante. Nosprincipaux envoyeurs sont <strong>de</strong>s intervenantsdu secteur <strong>de</strong> l’Ai<strong>de</strong> à la jeunesse ou <strong>de</strong>sPMS qui rencontrent <strong>de</strong>s jeunes en souffrancepour lesquels l’indication d’une priseen charge psychothérapeutique ou psychiatriquene débouche pas sur l’instauration d’unsuivi, pour <strong>de</strong> multiples raisons : méfiance<strong>de</strong> la famille à l’encontre <strong>de</strong>s intervenantspsycho-sociaux, familles chaotiques qui seper<strong>de</strong>nt dans le dédale <strong>de</strong>s structures d’ai<strong>de</strong>,parents souffrant eux-mêmes <strong>de</strong> pathologiespsychologiques ou <strong>psychiatriques</strong>. La plupartdu temps, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> émane donc du réseau,qui précise également le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> l’urgence.Une fois <strong>de</strong> plus, ceci pose la question <strong>de</strong>la définition <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te urgence, subjective <strong>et</strong>multiple. Le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> saturation d’une équipeou d’un intervenant, l’inquiétu<strong>de</strong> que susciteune situation, le sentiment d’impuissancesont bien plus souvent à l’œuvre qu’un faitrécent. Interpellés dans l’urgence, ce contexteparticulier participe alors au symptôme,son sens <strong>et</strong> sa fonction en font <strong>de</strong>s éléments<strong>de</strong> compréhension majeurs dans l’abord <strong>de</strong> lasituation clinique. Ici encore, l’urgence n’estpas à négliger, mais elle doit pouvoir êtredécodée pour livrer toute sa richesse.Martine nous a été adressée par le Serviced’ai<strong>de</strong> à la jeunesse suite à la décision <strong>de</strong> sonécole <strong>de</strong> la renvoyer pour problèmes <strong>de</strong> comportement.Une rencontre avec la direction <strong>de</strong>l’école, responsable aussi <strong>de</strong> l’internat, laisseapparaître que Martine ne présente <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>sprovocatrices <strong>et</strong> oppositionnelles qu’ausein <strong>de</strong> l’internat <strong>et</strong> se révèle bonne élève.Or, c’est <strong>de</strong> l’école qu’elle risque d’être renvoyéeau prix <strong>de</strong> son année. Martine aintégré l’internat suite à <strong>de</strong>s conflits parentaux.Lors <strong>de</strong> notre prise en charge, ellepourra progressivement réinstaurer undialogue avec sa mère <strong>et</strong> lui faire part <strong>de</strong> sonbesoin d’affection ; besoin carencé qui s’estexprimé au travers d’enjeux éducatifs. C<strong>et</strong>tedynamique s’était rejouée avec la directrice,les problèmes <strong>de</strong> comportement au sein <strong>de</strong>l’institution d’hébergement glissant vers <strong>de</strong>senjeux éducatifs <strong>et</strong> scolaires. Martine serarenvoyée <strong>de</strong> l’internat mais pourra terminerson année scolaire pendant que nousencadrons son r<strong>et</strong>our à domicile <strong>et</strong> la rapi<strong>de</strong>reprise <strong>de</strong>s conflits familiaux.C<strong>et</strong> exemple montre tout l’intérêt à collaboreravec le réseau pré-existant, car rien n’auraitpu être relancé sans une collaboration avecla direction d’école. Le caractère « urgent »<strong>de</strong> la situation nous a révélé une partie <strong>de</strong> ladynamique familiale en action. Dans le cadre<strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> l’Equipe pédopsychiatriquemobile, l’urgence se révèle souvent commeune <strong>de</strong>s données du symptôme qui méritenotre intérêt lorsqu’il s’agit <strong>de</strong> la déco<strong>de</strong>r, <strong>et</strong>notre méfiance pour prévenir ses éventuelseff<strong>et</strong>s pervers sur le cadre <strong>de</strong> notre travailultérieur.ConclusionsLa mise en place d’un cadre à l’instaurationd’un travail psychothérapeutique ou à<strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens <strong>de</strong> soutien est d’autant plusimportant que la rencontre avec le thérapeut<strong>et</strong>ouche à l’intime. L’instauration <strong>de</strong> ce cadrenécessite du temps car il s’inscrit lui-mêmedans le processus <strong>de</strong> la rencontre. Quel quesoit le contexte dans lequel nous travaillons,l’urgence vient, si nous n’y prenons gar<strong>de</strong>,perturber voire empêcher la création <strong>de</strong> cecadre. Hormis dans certaines situationsd’urgences <strong>psychiatriques</strong> véritables <strong>et</strong> plutôtrares, une réponse précipitée comporte lerisque <strong>de</strong> ne pouvoir conduire à un véritabl<strong>et</strong>ravail <strong>de</strong> fond pouvant déboucher sur unchangement durable dans le fonctionnementintrapsychique <strong>et</strong> relationnel du jeune <strong>et</strong> <strong>de</strong>sa famille. Pris dans la passion du moment,l’intervenant ne se rendra compte qu<strong>et</strong>rop tard qu’il n’a participé qu’au tempo <strong>de</strong>l’histoire familiale, valsant d’une <strong>crise</strong> àl’autre. 38 Confluences n°11 septembre 2005


Qu’est-ce que l’urgence pour un psychiatre privé ?Peut-on parler d’urgence en psychiatrie privée ? Nous avons posé laquestion à Paul Lievens, ar<strong>de</strong>nt défenseur <strong>de</strong> la pratique privée dansl’arsenal <strong>de</strong>s soins en santé mentale. En concertation avec un confrère,après avoir précisé ce que recouvre leur approche du soin, il nous livreen guise <strong>de</strong> réponse quelques scènes <strong>de</strong> la vie quotidienne au cabin<strong>et</strong>du psychiatre.Paul LievensNeuropsychiatre <strong>et</strong> pédopsychiatre, Professeur honoraire à l’UCLAlexandre Van AckerPsychiatreLa psychiatrie privéeen quelques motsLa psychiatrie privée constitue la fraction la plus importante <strong>de</strong>s consultations <strong>psychiatriques</strong>.Diverses enquêtes montrent qu’un psychiatre sur cinq travaille exclusivement en cabin<strong>et</strong>privé, <strong>et</strong> que quatre sur cinq ont une activité privée, exclusive ou partielle.Développée dans le courant d’idées <strong>de</strong> la psychiatrie extrahospitalière, elle n’a pas toujoursexisté avec l’ampleur qu’on lui connaît aujourd’hui. Si c’est dans ce cadre que Freud avaitcréé <strong>et</strong> développé la psychanalyse au début du 20ème siècle, ce n’est que bien plus tardqu’ont vu le jour <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> traitement ambulatoires. Un mouvement soutenu en 1975par <strong>de</strong>s subsi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> facilité par le développement <strong>de</strong> différentes formes <strong>de</strong> psychothérapies<strong>et</strong> l’apparition <strong>de</strong>s psychotropes.La pratique privée ne se limite pas à la consultation. Soigner <strong>et</strong> traiter le patient suppose eneff<strong>et</strong> une série <strong>de</strong> préalables qui prennent du temps comme les anamnèses, antécé<strong>de</strong>nts,rencontres avec la famille… que le psychiatre assure tout comme l’accompagnement pour<strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong>venant ainsi, pour certains (anciens) patients <strong>et</strong>/ou leur famille, unpoint <strong>de</strong> référence.Son cabin<strong>et</strong> est aussi quasiment le seul endroit où l’on peut trouver <strong>de</strong>s psychothérapiesassurées par un psychiatre.Son statut social d’indépendant lui confère par ailleurs une autonomie totale, avec son lot <strong>de</strong>responsabilités <strong>et</strong>… <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> ! Solitu<strong>de</strong> qui est en quelque sorte le garant <strong>de</strong> son indépendance.Sa fonction n’est en eff<strong>et</strong> pas dictée par la société ou quelque instance, mais par lepatient qui attend <strong>de</strong> lui disponibilité <strong>et</strong> écoute.Les réponses qu’il peut apporter sont multiples. La situation <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs est telle quel’éclectisme est un impératif.Des urgences en privé ?Les « grosses » urgences <strong>psychiatriques</strong>,telles que les reçoivent lesservices d’urgence <strong>de</strong>s hôpitaux oules services <strong>de</strong> police sont rarementrencontrées en psychiatrie privée. Mais ilnous arrive quelquefois <strong>de</strong>s patients avec<strong>de</strong>s comportements aberrants, troublant lemilieu, que nous <strong>de</strong>vons alors confier à <strong>de</strong>sservices hospitaliers. C’est le cas, par exemple,du patient psychotique chronique dont lasituation s’aggrave brusquement parce quela pathologie évolue ou parce qu’il a négligé<strong>de</strong> prendre sa médication, ou du patientdélirant, exalté, ou déprimé profond avec<strong>de</strong>s idées suicidaires que la famille nousamène plutôt que <strong>de</strong> faire appel au 100, dansl’espoir d’éviter l’intervention <strong>de</strong> la police, oul’hospitalisation.Les cas d’urgence auront toutefois, habituellement,un accent différent dans le cabin<strong>et</strong> dupsychiatre. Il y aura davantage <strong>de</strong> problèmespsychosociaux, ressentis comme urgentsqui, au fond, ne sont pas toujours urgents.C’est notamment le cas <strong>de</strong> personnalités bor<strong>de</strong>rlinequi ne supportent pas d’attendre.Quels types d’urgences ?En privé, les urgences sont souvent liées à<strong>de</strong>s dépressions, <strong>de</strong>s paniques ou <strong>de</strong>s <strong>crise</strong>sd’angoisse. Plus fréquemment encore, ellesconcernent <strong>de</strong>s problèmes familiaux ou professionnels,comme les problèmes <strong>de</strong> couplesen séparation imminente ou l’abandon récentpar le conjoint, <strong>de</strong>s situations qui créent engénéral <strong>de</strong>s problèmes pour les enfants. Desdifficultés avec les enfants en bas âge nousarrivent ainsi tout au long <strong>de</strong> l’année, alorsque les problèmes <strong>de</strong>s plus grands émergentsouvent en fin d’année scolaire parce que les« bull<strong>et</strong>ins » ont mis en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s faiblesses<strong>et</strong> <strong>de</strong>s insuffisances.DOSSIERConfluences n°11 septembre 2005 39


un travail <strong>de</strong> fond, que chaque partenaire vatrouver utile … pour l’autre.Il arrive que la famille ne tolère plus un patientqui est mala<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis longtemps ou chez quiévolue une pathologie que l’entourage a supportéjusque là. Devant la durée, il commenceà s’inquiéter <strong>et</strong> n’appelle pas nécessairementparce qu’il y a aggravation.Histoires <strong>de</strong> vie….Pour les enfants en bas âge ou très jeunes,les urgences sont d’habitu<strong>de</strong> liées à <strong>de</strong>sproblèmes parentaux. Il n’est pas facile <strong>de</strong>démêler les fils conducteurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> rassurerles parents <strong>et</strong> les enfants en expliquant lepourquoi <strong>et</strong> le comment. L’art <strong>de</strong> simplifier,dans le bon sens du terme, pour désamorcerla <strong>crise</strong> est difficile. D’autant plus que lesparents ont <strong>de</strong>s préjugés, ont déjà essayédiverses métho<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>mandé divers avisnon spécialisés pour finir par conclure, endésespoir <strong>de</strong> cause, à la « culpabilité » <strong>de</strong>l’enfant.Avec l’enfant plus âgé, l’adolescent ou l’étudiant,le problème est souvent inverse. Lesparents ont tendance à vouloir tout expliquerpar l’adolescence difficile, les exigences« excessives » <strong>de</strong> l’école, les « mauvais »copains, l’un ou l’autre inci<strong>de</strong>nt extérieur,… <strong>et</strong> refusent longtemps d’accepter l’idéed’un problème plus profond, par exempleune dépression malgré une automutilationou une tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, un trouble <strong>de</strong>la personnalité ( bor<strong>de</strong>rline, …) ou le débutd’une schizophrénie. Faire un diagnostic sûr<strong>de</strong>man<strong>de</strong> du temps <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’adresse. Il faut dudoigté pour ensuite le transm<strong>et</strong>tre au patient<strong>et</strong>/ou à la famille, <strong>et</strong> surtout pour convaincrel’adolescent <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong> son problème<strong>et</strong> <strong>de</strong> la nécessité d’un traitement.Un autre type d’urgence est lié aux difficultésrelationnelles avec querelles, parfoisviolentes ou menace <strong>de</strong> séparation. Il estétonnant <strong>de</strong> constater la faculté qu’ont lescouples <strong>de</strong> rêver, <strong>de</strong> ne pas voir, <strong>de</strong> ne passentir, <strong>de</strong> ne pas se parler jusqu’au moment<strong>de</strong> la rupture fatale. Pour un regard extérieur,l’affaire paraît claire, les torts sont partagés.Malheureusement, les protagonistes euxmêmes,aveuglés, s’accusent mutuellement.La patience, la circonspection <strong>et</strong> le tactsont nécessaires pour désamorcer la <strong>crise</strong>.A l’extrême on a vu <strong>de</strong>s couples dont le récit<strong>de</strong>s faits <strong>et</strong> <strong>de</strong>s problèmes est tellementdivergeant qu’on imagine difficilement qu’ilsaient pu constituer un véritable couple.Restaurer ou faire redémarrer un couplerelève souvent <strong>de</strong> la haute voltige, surtoutdans la vie sociale actuelle où tout est<strong>de</strong>mandé au couple <strong>et</strong> où tout le mon<strong>de</strong> rêved’un partenaire idéal qui va combler toutes les<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s, sans effort <strong>de</strong> leur part. Là aussi,il est nécessaire <strong>de</strong> passer <strong>de</strong> l’urgence àCollectif, l’Atelier du CRF du Club A. BaillonBeaucoup <strong>de</strong> nos patients se présententencore avec <strong>de</strong>s problèmes dont ils attribuentl’origine au travail ou au milieu du travail.Actuellement, le harcèlement est à la mo<strong>de</strong>.Après avoir écouté l’histoire du patient nous<strong>de</strong>vons avec doigté éluci<strong>de</strong>r l’anamnèse <strong>et</strong>le passé. Après l’étu<strong>de</strong> approfondie <strong>de</strong> c<strong>et</strong>teanamnèse <strong>et</strong> tenant compte <strong>de</strong>s traumatismes<strong>de</strong> vie accumulés, nous <strong>de</strong>vons étudierensemble, avec le patient, sa manièrehabituelle <strong>de</strong> réagir aux événements <strong>de</strong> lavie, à tous les genres <strong>de</strong> stress, aux autrespersonnes en général <strong>et</strong> aux figures d’autoritésou vécues comme telles. Ensemble, onva chercher ce que les événements du travailont réveillé dans le vécu <strong>et</strong> la subjectivité dupatient <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre à jour les liens avec sonpassé. Cela ressemble à un travail <strong>de</strong> détectivedont nous <strong>de</strong>vons en outre convaincrele patient.Tout un art…Bref, en psychiatrie privée, il y a une doubledifficulté dans les urgences ambulatoires.On doit d’abord faire le tri <strong>de</strong> ce qui est réellementurgent. Ensuite nous <strong>de</strong>vons démonterle mécanisme <strong>de</strong>s urgences, qui souvent n’ensont pas (sauf dans le vécu <strong>de</strong>s patients), <strong>et</strong>amener le patient à faire un travail psychothérapeutiqueen profon<strong>de</strong>ur.Il s’agit aussi <strong>de</strong> rassurer le patient…. (<strong>et</strong> lepsychiatre !) que tout ira bien, une préoccupationmajeure dans une pratique privée :qu’est-ce qui va se passer quand le patientaura quitté le bureau ? 40 Confluences n°11 septembre 2005


L’urgence dans un service <strong>de</strong> santé mentaleA priori, la question <strong>de</strong> l’urgence n’est pas centrale dans la pratique d’un« Service <strong>de</strong> Santé Mentale », comparativement à l’hôpital. Je souhaiteici illustrer la manière dont la question <strong>de</strong> l’urgence se pose à partir <strong>de</strong> lapratique d’un SSM dit « généraliste » 1 .Avant tout, rappelons que le type <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>squi sont adressées à un SSM tel quecelui <strong>de</strong> Gembloux, <strong>et</strong> donc, le type <strong>de</strong> réponsesapportées, est fonction <strong>de</strong> plusieurs paramètres,communs d’ailleurs à tout dispositif<strong>de</strong> soin <strong>et</strong> d’ai<strong>de</strong> en santé mentale:- dans le cadre <strong>de</strong>s missions définies par leDécr<strong>et</strong> sur la Santé Mentale ambulatoire <strong>de</strong>la Région Wallonne, les pratiques <strong>de</strong>s SSMdépen<strong>de</strong>nt du modèle <strong>de</strong> référence théorique<strong>de</strong> l’équipe <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses membres, ainsi que <strong>de</strong>soutils thérapeutiques dont ils disposent, selonleur formation ;- <strong>de</strong> la taille <strong>et</strong> la composition <strong>de</strong> l’équipe ;- <strong>de</strong>s caractéristiques sociodémographiques<strong>de</strong> la population <strong>de</strong> la région dans laquellele service est implanté ( gran<strong>de</strong>s agglomérations,milieu rural, nombre <strong>de</strong> chômeurs,population immigrée, …)- du <strong>de</strong>gré d’équipement socio-saniataire,c’est-à-dire, en amont, le nombre <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes, l’existence <strong>de</strong> services<strong>de</strong> proximité tels que, PMS, service social,AEMO, foyer d’accueil pour femmes, <strong>et</strong>, enaval, le nombre <strong>de</strong> thérapeutes en privé, laprésence ou non d’un hôpital psychiatrique àproximité, d’un centre <strong>de</strong> jour, d’une IHP, ….- <strong>de</strong> la qualité <strong>et</strong> la nature <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> collaborationscréés entre les professionnels <strong>de</strong>ce réseau local, selon que ces collaborationss’inscrivent ou non dans une perspective <strong>de</strong>Paul Jacques,Psychologue,Centre provincial <strong>de</strong> guidance à GemblouxClinique <strong>de</strong> l’Exil à Namurcontinuité <strong>de</strong>s soins <strong>et</strong> <strong>de</strong> santé intégrée,pluridisciplinaire <strong>et</strong> décloisonnée.Depuis plusieurs années, une polémiqueest apparue autour <strong>de</strong> la question <strong>de</strong> savoirsi les SSM sont <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> « première», <strong>de</strong> « <strong>de</strong>uxième », voire <strong>de</strong> « troisième» ligne. Selon moi, ils sont les troisà la fois ! La réponse à c<strong>et</strong>te question n’estpas univoque <strong>et</strong> dépend, précisément, <strong>de</strong>sfacteurs énumérés ci-<strong>de</strong>ssus. En eff<strong>et</strong>, à tortou à raison, du fait <strong>de</strong> leur fonctionnementsur ren<strong>de</strong>z-vous, aux heures normales <strong>de</strong>bureau, selon un modèle qui privilégie la<strong>de</strong>man<strong>de</strong>, l’engagement, le long cours, lesservices <strong>de</strong> première ligne tels que le CPAS,le mé<strong>de</strong>cin généraliste, le service d’ai<strong>de</strong>aux victimes ou le service d’urgence d’unhôpital général, reprochent parfois aux SSMleur manque <strong>de</strong> souplesse, d’accessibilité,<strong>de</strong> disponibilité. C’est parfois vrai pour leséquipes, saturées, qui fonctionnent avec uneliste d’attente, <strong>et</strong> qui privilégient le modèle<strong>de</strong> la psychothérapie telle que pratiquéeen cabin<strong>et</strong> privé. Lorsque votre agenda estdéjà bien rempli pour un public motivé, pourquois’inquiéter <strong>de</strong>s personnes que vousne verrez jamais, parce qu’elles ne rentrentpas dans votre schéma <strong>de</strong> travail : cellesqui consultent difficilement, résistent à venir,présentent <strong>de</strong>s problématiques complexes,n’ont pas <strong>de</strong> support social <strong>et</strong> ratent souventleur ren<strong>de</strong>z-vous ? Mais, dans l’ensemble,beaucoup d’équipes <strong>de</strong> SSM tiennent comptedu contexte socio démographique <strong>et</strong> sociosanitaire, <strong>et</strong> ont introduit une souplesse dansleur fonctionnement qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> répondreà <strong>de</strong>s situations aigues, <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, ou <strong>de</strong>gran<strong>de</strong> détresse sociale, en adaptant leursmodalités d’<strong>interventions</strong>. Par exemple, enréservant une plage horaire pour les visitessans ren<strong>de</strong>z-vous, en acceptant d’intercalerdans l’agenda <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s urgentes, enorganisant <strong>de</strong>s consultations jusque 19h, enne proposant pas systématiquement le mêm<strong>et</strong>ype d’ai<strong>de</strong> pour toutes les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s, entravaillant étroitement avec les autres serviceslocaux offrant une ai<strong>de</strong> complémentaire,(médicale, juridique, sociale, socio-éducative),en ayant recours à <strong>de</strong>s interprètes pourles migrants non francophones, en organisant<strong>de</strong>s activités sociales, communautaires,<strong>de</strong> groupe sans visée thérapeutique, en allantà domicile avec une assistante sociale d’unautre service pour un premier contact avecle patient, ….Ainsi, en raison <strong>de</strong> son implantation aucentre d’une p<strong>et</strong>ite ville <strong>de</strong> 20.000 habitantsqui ne dispose pas d’un énorme équipementsocio-saniataire, en raison d’un choixphilosophique <strong>de</strong> l’équipe, <strong>et</strong> en raison <strong>de</strong>sliens <strong>de</strong> confiance instaurés <strong>de</strong>puis plusieursannées avec d’autres professionnels, le SSM<strong>de</strong> Gembloux fonctionne, en partie, commeun service <strong>de</strong> première ligne, c’est-à-dire,un service auquel les personnes s’adressentdirectement, sans passer par un tiers quiprescrit une ai<strong>de</strong> psychologique <strong>et</strong> ce, pourtoute sorte <strong>de</strong> motifs, y compris <strong>de</strong>s problèmessociaux, sans <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r spécifiquementune ai<strong>de</strong> psychologique ou psychiatrique 2 .À côté <strong>de</strong>s psychothérapies au long courspour <strong>de</strong>s personnes ou <strong>de</strong>s familles qui n’ontpas les moyens d’aller en privé, nous acceptons<strong>de</strong> recevoir <strong>de</strong>s personnes en difficulté<strong>de</strong> toute nature, le jour même si possible,ou le len<strong>de</strong>main. Il s’agit soit, <strong>de</strong> nouvelles<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s pour <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong> familialeou conjugale, (<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s spontanées ouDOSSIERConfluences n°11 septembre 2005 41


à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> la police, d’un mé<strong>de</strong>cin, d’unproche, d’un voisin, quasiment jamais d’unhôpital général), soit d’un ren<strong>de</strong>z-vous urgentpour un patient déjà suivi, qui présente unétat aigu d’anxiété. Il va <strong>de</strong> soi que pour <strong>de</strong>surgences sérieuses, la nuit ou le week-end,avec problèmes somatiques, <strong>de</strong> violence, <strong>de</strong><strong>crise</strong> d’alcool ou <strong>de</strong> bouffée délirante, l’hôpitalpublic <strong>de</strong> Namur reste le lieu privilégié dutraitement <strong>de</strong> l’urgence.Dans un SSM tel que celui <strong>de</strong> Gembloux, lesactivités cliniques se répartissent en quatrecatégories, dans <strong>de</strong>s proportions variables :- les thérapies « classiques », au long cours,avec <strong>de</strong>s personnes insérées socialement<strong>et</strong> professionnellement, présentant unestructure névrotique, avec une symptomatologieanxieuse, dépressive ou psychosomatique.Ce sont <strong>de</strong>s personnes motivées,régulières, qui payent, progressent dans uncheminement personnel qu’elles ont choisi.Patient idéal pour le psy ?- les suivis au long cours <strong>de</strong> patients dits« <strong>psychiatriques</strong> », qu’ils soient inséréssocio-profesionnellement ou non.- les <strong>interventions</strong> <strong>de</strong> soutien, <strong>de</strong> courtedurée (trois ou quatre entr<strong>et</strong>iens) avec <strong>de</strong>spersonnes, <strong>de</strong>s couples ou <strong>de</strong>s familles,visant à dénouer <strong>de</strong>s <strong>crise</strong>s, à dédramatiserun vécu lié à un événement, à leurperm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> comprendre ce qui leur arrivedans un contexte où ils se sentent dépassés,sans pathologie avérée.- <strong>de</strong>s premiers entr<strong>et</strong>iens, d’avis, d’orientation,en urgence ou non, qui ne débouchentpas sur une prise en charge. Le serviceétant situé en face <strong>de</strong> l’athénée, il arriveque <strong>de</strong>s adolescents s’adressent à noussans ren<strong>de</strong>z-vous ; comme par exemple,une jeune fille pour une question urgente<strong>de</strong> contraception, étant donné l’absence <strong>de</strong>planning familial à Gembloux.On voit que selon le type <strong>de</strong> problématique,un SSM se situe, soit en première, soit en<strong>de</strong>uxième, soit en troisième ligne. Notre <strong>interventions</strong>e situe le plus souvent en amont<strong>de</strong> l’hôpital. Le fait d’avoir pu dénouer une<strong>crise</strong> majeure, par exemple, pour un coupleou un adolescent en rupture, va alors éviterune dégradation <strong>de</strong> la situation <strong>et</strong> prévenirune éventuelle hospitalisation en urgence.Au cours d’un suivi, il nous arrive d’organisernous-même une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’admissionurgente en service psychiatrique d’un hôpitalgénéral ou d’un hôpital psychiatrique.Il est parfois difficile <strong>de</strong> trouver une placerapi<strong>de</strong>ment. Le SSM se situe aussi en avaldu service d’urgence <strong>de</strong> l’hôpital. Dans lessituations « post-urgences », le SSM peutêtre un relais rapi<strong>de</strong> à la sortie <strong>de</strong> l’hôpital, àcondition qu’il y ait une bonne collaborationentre le service d’urgence <strong>et</strong> le SSM. Unebonne collaboration suppose que ce relaissoit effectif, basé sur une convention, mêmeinformelle, parce qu’il ne suffit pas que lemé<strong>de</strong>cin dise au patient ou à la famille quiquitte le service d’urgence : « je vous donneune adresse, prenez ren<strong>de</strong>z-vous quand vousvoulez ». Encore trop souvent, il n’y a pas <strong>de</strong>relais après la sortie du service. Pourquoi ?En raison, parfois d’une réponse inappropriée,lorsqu’un SSM ne prend en compte quela dimension psychique, là où le problème àla base <strong>de</strong> l’urgence est à la fois psychologique,social, familial <strong>et</strong> donc, nécessiterait uneapproche intégrée <strong>et</strong> contextuelle ; en raison,aussi, du fonctionnement hospitalo-centrédu service d’urgence, selon une approcheexclusivement somatique ou biomédicale.Deux remarques concernant les obstacles àune « bonne » collaboration. La première estpratique. Il est, en eff<strong>et</strong>, difficile pour le mé<strong>de</strong>cinou l’infirmière qui a reçu un patient la nuitou le week-end, <strong>de</strong> téléphoner lui-même auSSM, le len<strong>de</strong>main ; d’autant que s’il arrivaità le faire, il tomberait sur la secrétaire qui lui<strong>de</strong>man<strong>de</strong>rait <strong>de</strong> rappeler une autre fois, parceque le psychologue mi-temps n’est pas là cejour là, ou parce que l’assistant social est enentr<strong>et</strong>ien, … ! L’autre remarque, d’ordre clinique,est qu’il y a une série <strong>de</strong> problématiquesqui s’inscrivent dans ce que les cliniciensappellent le registre <strong>de</strong> l’agir, <strong>de</strong> la rupture, <strong>de</strong>l’impensé. Une fois la <strong>crise</strong> passée, reprendreun ren<strong>de</strong>z-vous, ailleurs <strong>de</strong> surcroît, n’a plus<strong>de</strong> sens. Au SSM <strong>de</strong> Gembloux, il nous arrive<strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s ren<strong>de</strong>z-vous en urgence,<strong>et</strong> la personne ne vient pas, sans annulerson ren<strong>de</strong>z-vous. Quelle que soit la bonnevolonté <strong>de</strong>s professionnels, il y a <strong>de</strong>s situationsqui échappent à toute technicité.Il convient néanmoins <strong>de</strong> développer davantage<strong>de</strong>s partenariats <strong>de</strong> collaborations entrele service d’urgence, les équipes ambulatoires,les services sociaux, les lieux d’accueil<strong>et</strong> <strong>de</strong> vie pour personnes en rupture<strong>de</strong> liens sociaux. L’organisation d’un relaisperm<strong>et</strong> d’assurer la continuité <strong>de</strong>s soinsentre l’hôpital, l’ambulatoire, la famille <strong>et</strong>l’ai<strong>de</strong> sociale dans les situations où c’estnécessaire, utile <strong>et</strong> possible. Elle perm<strong>et</strong>aussi d’éviter la concurrence inutile entre<strong>de</strong>ux réseaux sur le même territoire, chacunavec sa « clientèle ». Une bonne collaborationen réseau local perm<strong>et</strong> à la fois d’éviter leshopping thérapeutique lié à une sur-offre <strong>de</strong>soins, <strong>et</strong> d’éviter qu’une personne présentantune problématique complexe ne trouve pasl’ai<strong>de</strong> adéquate. La polyvalence <strong>de</strong>s SSMest à la fois un avantage <strong>et</strong> un inconvénient.On est ouvert à tout, mais on ne sait pas êtrespécialisé en tout. Pour pouvoir répondre auxdifférentes sortes <strong>de</strong> situations, il faudrait êtresuper équipé, ce qui n’est pas le cas dans lesSSM en Région Wallonne. 1 Le SSM <strong>de</strong> Gembloux est une antenne <strong>de</strong> celui <strong>de</strong>Tamines, au sein <strong>de</strong> l’<strong>Institut</strong> Provincial d’Orientation <strong>et</strong> <strong>de</strong>Guidance, qui est le Pouvoir Organisateur <strong>de</strong>s six centresPMS <strong>et</strong> <strong>de</strong>s six SSM <strong>de</strong> la Province <strong>de</strong> Namur. Il s’agitd’une p<strong>et</strong>ite équipe, composée <strong>de</strong> 5 personnes.2 En Flandre, les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> type généraliste arriventaux « CAW », Centrum algemeen welzijn (centre <strong>de</strong> bienêtregénéral), tandis que les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s adressées auxCGGZ (les SSM) sont spécifiquement <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong>soins psychiques. En outre, certains SSM en Flandre ontpour PO un hôpital <strong>et</strong> sont, <strong>de</strong> facto, un prolongement <strong>de</strong>celui-ci.42 Confluences n°11 septembre 2005


Crises, situations d’urgence <strong>et</strong> services d’urgenceQuelques pistes <strong>de</strong> réflexionsJacques MoriauSociologueChercheur au Centre <strong>de</strong> sociologie <strong>de</strong> lasanté <strong>de</strong> l’Université Libre <strong>de</strong> Bruxelles 1Dans notre système <strong>de</strong> soins,la notion d’urgence a ceci <strong>de</strong>problématique qu’elle recouvre<strong>de</strong>ux exigences opposées. Ellesuggère d’une part la capacité <strong>de</strong> répondreà toute <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soins à n’importequel moment <strong>et</strong> en faveur <strong>de</strong> n’importe qui.D’autre part, elle évoque une possibilité d’interventionrapi<strong>de</strong> <strong>et</strong> spécialisée en cas d’affectionsgraves. C<strong>et</strong>te ambivalence trouve sonorigine dans l’histoire <strong>de</strong>s hôpitaux, d’abordlieux <strong>de</strong> refuge pour les indigents puis,progressivement, lieux <strong>de</strong> développement<strong>de</strong>s sciences <strong>et</strong> <strong>de</strong>s techniques médicales.Les services d’urgence hospitaliers, dansleur structure, leur organisation comme dansl’esprit qui les anime sont encore aujourd’huiles héritiers <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux traditions.Les professionnels qui y travaillent sont enpermanence confrontés à c<strong>et</strong>te tension entreune logique d’accueil indifférencié <strong>et</strong> unelogique <strong>de</strong> sélection qui perm<strong>et</strong>te <strong>de</strong> réserveraux cas les plus sérieux les moyens les plusperformants 2 . Se côtoient, au sein <strong>de</strong> cesservices, les situations médicalement les plusdésespérées <strong>et</strong> une foule <strong>de</strong> patients pourqui les urgences constituent la porte d’accès« naturelle » aux soins, faute <strong>de</strong> pouvoir solliciteraisément la mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> ville.De récentes décisions <strong>de</strong>s pouvoirs publicsvisent à réduire l’usage <strong>de</strong>s urgences 3 à unemé<strong>de</strong>cine « d’intervention rapi<strong>de</strong> ». Baséessur <strong>de</strong>s critères médicaux <strong>de</strong> danger, <strong>de</strong>nécessité <strong>et</strong> d’irréversibilité, ces mesures tentent<strong>de</strong> décourager les usagers considéréscomme « abusifs » <strong>de</strong> recourir aux servicesd’urgence. Elles ne vont pas sans poserquestions, tant en termes d’accessibilité auxsoins que par rapport à la construction <strong>et</strong> àl’application <strong>de</strong>s critères <strong>de</strong> sélection au sein<strong>de</strong>s services.En eff<strong>et</strong>, comme l’ont montré <strong>de</strong> récentes étu<strong>de</strong>ssociologiques, renforcer une logique d<strong>et</strong>ri sans l’accompagner d’une définition stricte<strong>de</strong>s critères <strong>de</strong> sélection <strong>et</strong> <strong>de</strong> hiérarchisation<strong>de</strong> la gravité <strong>de</strong>s situations revient à reportertoute la responsabilité <strong>de</strong> la décision <strong>de</strong>prise en charge sur le personnel hospitalier 4 .Ce <strong>de</strong>rnier se voit alors systématiquementmis en <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> juger s’il s’agit d’une« vraie » ou d’une « fausse » urgence, <strong>de</strong>distinguer urgences médicales <strong>et</strong> urgencessociales. Outre que l’on m<strong>et</strong>te entre parenthèsestoute une conception <strong>de</strong> l’urgencedéveloppée autour <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> disponibilité,on place ainsi les professionnels <strong>de</strong> la santédans une délicate position <strong>de</strong> juge.En pratique, il apparaît que certains critèresmobilisés par ceux-ci ressortent parfois plusdu jugement moral (compliance 5 ou attitu<strong>de</strong>« revendicatrice », honnêt<strong>et</strong>é ou dissimulationdans le chef du patient) que <strong>de</strong> l’évaluation clinique6. Le refus <strong>de</strong> prise en charge, l’attenteou la réorientation peuvent ainsi sanctionnerune <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soins qui ne correspond pasà une conception stricte <strong>de</strong> l’urgence.Le problème <strong>de</strong> la définition <strong>de</strong> l’urgenceest encore plus perceptible quand il s’agit<strong>de</strong> considérer les recours pour <strong>de</strong>s troublesd’ordre « psychique ». En eff<strong>et</strong>, il s’avère alorstrès ardu d’utiliser <strong>de</strong>s critères raisonnés<strong>de</strong> sélection entre « vraies » <strong>et</strong> « fausses »urgences. Hormis certains cas <strong>de</strong> décompensationssévères, menant par exemple à <strong>de</strong>stentatives <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, le critère <strong>de</strong> danger ou<strong>de</strong> mise en danger est <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> secours.La plupart <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s entrant dans lacatégorie <strong>de</strong> la santé mentale concernenten fait <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> « mal être », peulisibles en termes strictement médicaux <strong>et</strong>peu hiérarchisables en termes d’importance àleur consacrer. Le tri est d’autant plus difficileque, à l’inverse <strong>de</strong>s savoirs médicaux propresau corps, les savoirs liés au « mental » nefont preuve ni <strong>de</strong> stabilité, ni d’autorité. Lesquestions posées par la santé mentale sont<strong>de</strong>s questions qui restent irrémédiablementouvertes tant en ce qui concerne ce quiFan<strong>et</strong>te BruelDOSSIERConfluences n°11 septembre 2005 43


caractérise l’aller-mal », que ses causes, sondiagnostic, son remè<strong>de</strong> <strong>et</strong> les signes <strong>de</strong> la« guérison ». C<strong>et</strong>te incertitu<strong>de</strong> ne peut quese refléter sur les conditions <strong>de</strong> la prise encharge. Déci<strong>de</strong>r ce qui « fait urgence » dansces cas dépend éminemment du contexted’interprétation mobilisé.Ces <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s obligent néanmoins à reconsidérerles missions <strong>de</strong>s services d’urgence.Il s’agit ici, non pas d’éviter l’irrémédiable,mais <strong>de</strong> prodiguer <strong>de</strong>s soins qui, à l’évi<strong>de</strong>nce,n’ont pu être sollicités ailleurs. Du point <strong>de</strong>vue <strong>de</strong>s usagers, les services d’urgence n<strong>et</strong>rouvent pas leur place dans une logique <strong>de</strong>gradation <strong>de</strong>s soins mais plus simplementd’accès aux soins. Le caractère anonyme <strong>de</strong>l’institution pouvant même précisément constituerune <strong>de</strong>s raisons essentielles du recoursà ces services 7 .Urgence pour qui ?Il faut reconnaître que ce qui « fait urgence »peut largement différer selon que l’on envisageune mé<strong>de</strong>cine centrée sur le corps ououverte au « mental », que l’on considèrel’architecture <strong>de</strong> l’ensemble du système <strong>de</strong>soins ou les conditions réelles d’accès auxsoins, que l’on soit placé en situation <strong>de</strong>gérer le flux <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s ou que l’on soità l’origine <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. La réduction <strong>de</strong>l’urgence à ce qui m<strong>et</strong> la vie en danger, tentation<strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine somatique, ne perm<strong>et</strong>pas d’envisager c<strong>et</strong>te pluralité <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>sd’existence <strong>de</strong> l’urgence. La notion ne peutrecevoir un contenu unique.A notre sens, l’urgence doit plutôt être envisagéeen terme <strong>de</strong> situation. L’urgence n’estpas une caractéristique qui serait re<strong>de</strong>vabledu seul regard médical. Elle est le fait d’unemise en situation qui engage une pluralité <strong>de</strong>facteurs. « Il y a urgence » dans une multitu<strong>de</strong><strong>de</strong> cas <strong>et</strong> pour <strong>de</strong> nombreuses raisons.L’impossibilité <strong>de</strong> programmer son recoursaux soins, d’inscrire sa démarche dans unréseau d’intervenants, <strong>de</strong> gérer les diversesréorientations ; le fait <strong>de</strong> reculer sans fin lemoment <strong>de</strong> la consultation ou <strong>de</strong> connaître<strong>de</strong>s difficultés financières, mais aussi larecherche désespérée <strong>de</strong> prise en charge<strong>de</strong>s « problèmes sociaux » expliquent <strong>de</strong>nombreux recours aux services d’urgences.Ceux-ci peuvent paraître inadéquats d’unpoint <strong>de</strong> vue strictement médical ; il n’en restepas moins qu’ils sont l’aboutissement <strong>de</strong>dynamiques sociales <strong>et</strong> individuelles qui ontproduit <strong>de</strong> réelles situations d’urgence, à toutle moins pour l’usager. Il ne s’agit donc pasd’essentialiser l’urgence mais <strong>de</strong> comprendrecomment se m<strong>et</strong> en place un système <strong>de</strong>relations entre <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> soins, unestructure d’offre <strong>et</strong> <strong>de</strong>s outils conceptuels <strong>de</strong>qualification <strong>de</strong>s situations.L’augmentation drastique du recours auxurgences, notamment en santé mentale, nepeut donc se réduire à un mauvais usage<strong>de</strong>s services hospitaliers. Il faut plutôt la considérercomme le refl<strong>et</strong> <strong>de</strong> transformationsplus profon<strong>de</strong>s du rapport aux soins, maisaussi du rapport à soi <strong>et</strong> aux autres. L’hôpital<strong>de</strong>vient un lieu privilégié d’accueil <strong>de</strong> ladétresse psycho-sociale, tout autant pour lespersonnes prises dans les conséquences <strong>de</strong>la précarisation croissante <strong>de</strong> nos conditions<strong>de</strong> vie, que pour une série d’intervenants (justice,police, travailleurs sociaux, autres structures<strong>de</strong> soins) qui y voient une ressourcedans la gestion <strong>de</strong>s situations problématiquesqui échappent à leurs possibilités d’action 8 .Dans ce contexte, les notions <strong>de</strong> <strong>crise</strong> oud’urgence ne sont pas à renvoyer uniquementà la personne concernée par la priseen charge mais à une série <strong>de</strong> conditions quifont du recours aux services d’urgence, l’actionqui s’impose. Le recours aux urgencesdoit s’analyser d’une part, au niveau <strong>de</strong>s personnesrequérantes, en tenant compte d’undifférentiel au niveau <strong>de</strong>s protections existantes(soutien, régulation, capacité à surmonterles épreuves) <strong>et</strong> <strong>de</strong> capacité d’accès auxsoins en santé mentale. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>soins via les services d’urgences concernantmajoritairement les personnes en conditiond’insécurité relationnelle autant que socioéconomique9 . D’autre part, il faut égalementconsidérer le rôle que tiennent les institutions<strong>de</strong> soins <strong>et</strong> <strong>de</strong> contrôle. Lorsque les seuils d<strong>et</strong>olérance intra-institutionnels ou sociaux sontdépassés, le recours aux « troubles psychiques» <strong>et</strong> à la notion <strong>de</strong> <strong>crise</strong> perm<strong>et</strong>te d’ouvrirla porte <strong>de</strong> l’hôpital qui reste, pour une série<strong>de</strong> populations « problématiques », le <strong>de</strong>rnierlieu où recevoir <strong>de</strong> l’attention. L’idée <strong>de</strong> <strong>crise</strong>renvoie alors autant à l’équilibre interne <strong>de</strong> lapersonne qu’à l’organisation <strong>de</strong> notre société<strong>et</strong> aux façons contemporaines <strong>de</strong> traiter leslaissés-pour-compte.L’augmentation <strong>de</strong> l’usage <strong>de</strong>s services d’urgence,soit l’augmentation <strong>de</strong> la production<strong>de</strong>s situations d’urgence, est peut-être lesigne d’une explosion <strong>de</strong>s « troubles », maiscelle-ci est alors à m<strong>et</strong>tre en relation avec ladiminution <strong>de</strong>s ressources collectives qui perm<strong>et</strong>tent<strong>de</strong> faire face aux aléas <strong>de</strong> l’existence.La naissance d’un modèle <strong>de</strong> l’urgence pourla gestion <strong>de</strong> la détresse psycho-sociale n’estqu’un signe <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> la déglingue <strong>de</strong> l’Etatsocial. Là où le recours à une interprétationen termes <strong>de</strong> santé mentale perm<strong>et</strong> <strong>de</strong>« naturaliser » <strong>de</strong>s dynamiques socio-politiques,il est bon <strong>de</strong> rappeler que les mo<strong>de</strong>s<strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> la souffrance restent les conséquences<strong>de</strong> choix collectifs. 1 Jacques Moriau a récemment produit une rechercheportant sur les difficultés <strong>de</strong> prise en charge <strong>de</strong>s adolescentsà la frontière du secteur psychiatrique <strong>et</strong> judiciaire.Il travaille actuellement sur les dynamiques <strong>de</strong> « psychiatrisation» <strong>de</strong>s problèmes sociaux. Voir réf. biblio. 322 Carbonelle S., réf. bibliographique 23 Il s’agit <strong>de</strong> l’Arrêté Royal qui autorise les hôpitaux à réclameraux patients qui se ren<strong>de</strong>nt aux urgences sansraison « fondée » un tick<strong>et</strong> modérateur <strong>de</strong> 12,5 €.4 Dodier N., Camus A., réf. bibliographique 155 Le fait que le patient répon<strong>de</strong> aux injonctions du personnelsoignant , fasse ce qu’on lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire.6 Vassy C., réf. bibliographique 437 Frisch S., Bronchart C., ref. bibliographique 168 Une série <strong>de</strong> catégories spécifiques – adolescents violents,SDF, vieillards séniles – se voient ainsi rej<strong>et</strong>ées<strong>de</strong> toutes les institutions spécialisées. Perpétuellementà la frontière, sans places assignées, elles constituentun public récurrent pour les services d’urgence. Pourla problématique <strong>de</strong>s adolescents « psychiatrisés », voirMoriau J., réf. bibliographique 329 Castel R., réf. bibliographique 544 Confluences n°11 septembre 2005


Existe-t-il <strong>de</strong>s fausses urgences ?Une personne qui vient <strong>de</strong> se blesser superficiellement est prise d’angoisseà l’idée <strong>de</strong> n’être pas à l’heure à un ren<strong>de</strong>z-vous fixé pour décrocherun emploi. N’ayant pas le temps <strong>de</strong> faire la file chez son mé<strong>de</strong>cintraitant – il y a urgence –, elle espère être soignée rapi<strong>de</strong>ment aux urgences,alors que son état médical ne l’exige pas. Evi<strong>de</strong>mment, on la renvoiechez son mé<strong>de</strong>cin généraliste, ce qui l’amène, comme elle le craignait,à ne pas pouvoir passer l’entr<strong>et</strong>ien d’embauche. Quelques jours plustard, ayant le sentiment que le sort s’acharne contre elle, elle tente <strong>de</strong> sesuici<strong>de</strong>r <strong>et</strong> se r<strong>et</strong>rouve, comme par hasard, aux urgences. C<strong>et</strong>te fois, ellesera prise en charge.Jean-Michel Longneaux,Philosophe, Chargé <strong>de</strong> cours aux Facultés UniversitairesNotre-Dame <strong>de</strong> la Paix à NamurConseiller en éthique à la Fédération <strong>de</strong>s <strong>Institut</strong>ions HospitalièresRédacteur en chef <strong>de</strong> la revue Ethica ClinicaSi on i<strong>de</strong>ntifie les services d’urgence(sous quelque forme que ce soit) à<strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, entre la vie<strong>et</strong> la mort, nécessitant une interventionlour<strong>de</strong> <strong>et</strong> surtout immédiate – soit ce quecertains professionnels appellent les « beauxcas » –, alors, il faut bien le constater avecles acteurs du terrain, <strong>de</strong> telles situationssont relativement rares par comparaison aunombre d’<strong>interventions</strong> effectuées. La plupartdu temps, les soignants ont à gérer <strong>de</strong>sblessures légères, <strong>de</strong>s problèmes sociaux oupsychologiques, <strong>de</strong>s familles inquiètes <strong>et</strong> parfoisviolentes, en tout cas rien qui justifie lerecours à leurs services. Il s’ensuit un certainmalaise du côté <strong>de</strong>s professionnels, déçus<strong>de</strong> ne pas faire le travail auquel ils se <strong>de</strong>stinaient.La lassitu<strong>de</strong> gagne, quand ce n’estpas la dépression ou la dépendance médicamenteuse,<strong>et</strong> parfois l’alcoolisme ou mêmela toxicomanie. Quant au mon<strong>de</strong> politique,face à un tel constat, il ne pense qu’à rationaliseren revalorisant, par exemple, le métier<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin généraliste <strong>et</strong> en pénalisantfinancièrement les usagers <strong>de</strong>s urgencespour les dissua<strong>de</strong>r d’y recourir abusivement.Car évi<strong>de</strong>mment, ils abusent.Pourtant, avant d’envisager <strong>de</strong>s stratégiespour détourner <strong>de</strong>s urgences les abuseurs,on pourrait essayer <strong>de</strong> comprendre le jugementque nous portons sur la situation.Où rési<strong>de</strong> le problème ? Incontestablement,on parle d’abus eu égard à une définitiontoute faite <strong>de</strong>s urgences. Celle-ci étant tenueinconditionnellement pour bonne, elle perm<strong>et</strong><strong>de</strong> juger la réalité rencontrée sur le terraincomme étant problématique ou adéquateselon qu’elle s’écarte ou non <strong>de</strong>s critèresfixés. Si l’écart est trop grand, la réactionne se fait pas attendre : il faut corriger cequi se passe sur le terrain… afin que toutrentre dans l’ordre. On réorganisera doncl’accès aux services d’urgence pour que nes’y trouvent que les patients remplissant lesconditions préalablement arrêtées.On pourrait cependant faire l’hypothèse quec’est plutôt la définition qui doit être revue,afin <strong>de</strong> rencontrer la réalité du terrain, lequotidien <strong>de</strong>s urgences. Est-il normal, eneff<strong>et</strong>, que ce soit finalement au nom d’uneconception arbitraire 1, que l’on s’autorise àdire que la réalité n’est pas ce qu’elle <strong>de</strong>vraitêtre, que les patients qui s’y trouvent ne sontpas les bons ? Après tout, quels critères doitonr<strong>et</strong>enir pour définir une vraie urgence ?Ceux qu’on évoquera spontanément relèvent<strong>de</strong> l’expertise médicale ou psychiatrique ou<strong>de</strong> la loi réglementant ces pratiques : lepatient doit réellement être en danger, ce queseul un diagnostic, réalisé par une personnecompétente, peut confirmer. Mais on voità quelle absurdité c<strong>et</strong>te « évi<strong>de</strong>nce » nousconduit : comment reprocher aux patients <strong>et</strong>à leur famille <strong>de</strong> n’être pas mé<strong>de</strong>cin <strong>et</strong>, lestress aidant, <strong>de</strong> vivre <strong>de</strong>s situations banalesdu point <strong>de</strong> vue médical ou psychiatriquecomme s’il était question <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> mort 2 ?Eux, ils ne peuvent pas savoir à l’avance queleur cas ne relève pas <strong>de</strong>s urgences. C’estd’ailleurs bien souvent pour c<strong>et</strong>te raison précise,parce qu’ils se r<strong>et</strong>rouvent brusquementface à l’inconnu – qui est par définition anxiogène– que la situation est vécue commeurgente. En vérité, lorsque les servicesd’urgence voient leur définition confisquéepar le législateur ou les professionnels, c’estun pan entier <strong>de</strong> leur réalité qui est disqualifié,celui <strong>de</strong>s usagers, pour qui ils font senstout autrement.La différence porte exclusivement sur cequ’est une situation urgente. Ici, du côté <strong>de</strong>susagers, les critères légaux, les définitionstechniques sont totalement ignorées. Danstous les cas, ce qui prédomine, c’est unsentiment, celui selon lequel une interventionimmédiate s’impose : arraché à la vieordinaire suite à un événement quelconque,exposé à l’inconnu, peut-être à l’imminence<strong>de</strong> l’irréparable, on est plongé entre la vie <strong>et</strong>la mort, on ne sait pas quoi faire sinon appelerles urgences. Il n’y a qu’elles qui semblentêtre à la hauteur <strong>de</strong> ce que l’on vit en cesmoments-là. Dans le quotidien <strong>de</strong> chacund’entre nous, il faut s’y résoudre : l’urgence,DOSSIERConfluences n°11 septembre 2005 45


Cathy Stein Greenblatc’est d’abord <strong>de</strong>s sentiments <strong>de</strong> ce genre,un état <strong>de</strong> panique, <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> contrôle, laconviction irraisonnée mais sûre d’elle-mêmeque la situation est grave <strong>et</strong> qu’elle exige <strong>de</strong>smoyens extraordinaires. Il n’est pas rare <strong>de</strong>voir les mé<strong>de</strong>cins eux-mêmes recourir à d<strong>et</strong>els services parce qu’ils sont débordés, <strong>et</strong>non point parce que l’état (objectif) <strong>de</strong> leurpatient l’exige 3 .On perçoit le glissement <strong>de</strong> point <strong>de</strong> vueopéré : il s’agit à présent <strong>de</strong> comprendreles urgences non plus à partir <strong>de</strong> la théorie(textes officiels, définitions médicales ou<strong>psychiatriques</strong>) mais à partir du vécu concr<strong>et</strong><strong>de</strong> chacun d’entre nous. Pourquoicelui-ci serait-il moins important (tant surle plan épistémologique que éthique) ?Incontestablement, dans c<strong>et</strong>te nouvelle perspective,les missions <strong>de</strong> ces services doiventnon seulement être élargies mais hiérarchiséesautrement. Les urgences interviennentdans notre univers d’abord <strong>et</strong> avant toutpour nous perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> dire qu’on se vit ensituation <strong>de</strong> <strong>crise</strong>. Comment ne pas voir, eneff<strong>et</strong>, qu’appeler les urgences ou s’y rendre,c’est une première manière pour chacund’entre nous <strong>de</strong> ne pas se laisser submergerpar la souffrance, la peur, le stress,l’angoisse (réels ou imaginaires selon lascience médicale ou psychiatrique, mais tou-jours réellement vécus), <strong>et</strong> bien au contraired’en faire quelque chose, en m<strong>et</strong>tant cesaffects en scène, en leur donnant une visibilitésociale, en quête d’une reconnaissance,pour une prise en charge 4 ? Le sentimentsubjectif <strong>de</strong> l’urgence ne peut trouver à sedire, à se concrétiser <strong>et</strong> à se confirmer (ounon) – <strong>et</strong> donc à se vivre – qu’en s’exposantdans ce qui incarne par excellence l’urgence,à savoir les services qui en portent le nom.Il s’agit en quelque sorte <strong>de</strong> joindre le bongeste à la parole, pour libérer c<strong>et</strong>te parole.De ce point <strong>de</strong> vue, <strong>de</strong>ux conclusions s’imposent: tout d’abord, un patient qui se rendaux urgences ou y fait appel a toujours raison<strong>de</strong> le faire. Le traiter d’abuseur, le faireattendre, <strong>et</strong>c. sont autant <strong>de</strong> comportementsincompréhensibles au regard <strong>de</strong> son vécu.Pour lui, il y a réellement urgence ! D’un point<strong>de</strong> vue éthique, c’est ce vécu qui doit d’abordpouvoir être entendu, là où précisément il al’impression <strong>de</strong> pouvoir l’être. Ce travail està part entière celui <strong>de</strong>s urgentistes, du moinsquand ce sont eux qui sont interpellés.Ensuite, si pour diverses raisons, les urgencesne peuvent plus remplir c<strong>et</strong>te fonction, sielles ne sont plus là pour dire l’urgence maisseulement pour soigner les « beaux cas » – ceque l’on peut aussi comprendre – , alors on aencore le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r quel autrelangage crédible, socialement investi comm<strong>et</strong>el, on m<strong>et</strong> à la disposition <strong>de</strong>s patients pourdire qu’ils se vivent, là, maintenant, en situation<strong>de</strong> <strong>crise</strong>. A défaut <strong>de</strong> c<strong>et</strong> autre langage,au lieu <strong>de</strong> fuir, il nous reste à assumer laresponsabilité d’abandonner les patients auchaos <strong>de</strong> leurs souffrances. 1 Par conception arbitraire, nous entendons non pas uneconception inventée <strong>de</strong> toute pièce, sans aucun fon<strong>de</strong>ment,mais une conception qui relève d’un consensusreflétant le plus souvent <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> force entreindividus, un consensus par définition historique, doncrelatif : dans tous les cas, il s’agit d’une représentationsociale ou (inter-) professionnelle <strong>de</strong> la réalité, non <strong>de</strong> laréalité elle-même.2 Le sentiment subjectif peut également induire en erreurdans l’autre sens : il est <strong>de</strong>s situations non dramatiquesen apparence qui se révèlent pourtant fatales. Onn’aura pas recouru aux urgences puisqu’aucun symptômegrave n’était ressenti. Comment le reprocher auxpatients ou à leur famille ?3 C<strong>et</strong>te situation, lorsqu’elle se produit par exemple àl’hôpital, laisse d’ailleurs le sentiment aux urgentistes (enpsychiatrie) d’être la poubelle <strong>de</strong> l’hôpital.4 Il conviendrait <strong>de</strong> déployer ici – ce que nous ne pouvonsfaire – une phénoménologie du psychisme humain,pour montrer comment sa nature purement affective sem<strong>et</strong> en scène (ou s’élabore) à travers <strong>de</strong>s « mythes »,<strong>de</strong>s conceptions tenues pour vraies à juste titre par unesociété donnée, telle la mé<strong>de</strong>cine. Faute <strong>de</strong> quoi, il n’estque chaos. Pour l’expliquer en un mot, songeons auxgénéralistes qui reconnaissent que <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong> leursconsultations ne sont pas médicales au sens strict : <strong>de</strong>spersonnes en souffrance en appellent à eux pour dire ouélaborer leur mal-être <strong>et</strong> être reconnues <strong>de</strong> fait « en souffrance» : comme si le langage médical était le seul quileur perm<strong>et</strong>te <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s mots sur ce qu’elles vivent.46 Confluences n°11 septembre 2005


Le Bill<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’<strong>Institut</strong>Du temps <strong>de</strong> l’urgence au temps du suj<strong>et</strong>Chaque trimestre, dans les pages <strong>de</strong> Confluences, un thème avec son lot<strong>de</strong> questions, <strong>de</strong> théories, d’illustrations, <strong>de</strong> réflexions, … pour y puiser<strong>de</strong>s idées ou y nourrir <strong>de</strong>s pensées… mais aussi pour alimenter, au sein<strong>de</strong> l’<strong>Institut</strong> Wallon pour la Santé Mentale, un savoir collectif lié à l’expertise<strong>de</strong> terrain.Chaque trimestre, le bill<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’<strong>Institut</strong> relève quelques idées <strong>et</strong> lancequelques pistes dans ce sens….Partons <strong>de</strong> l’exemple <strong>de</strong>s disputesintrafamiliales. Que penser <strong>de</strong> cescouples qui quelquefois en arriventà terminer leurs disputes conjugalesdans le cadre d’un service d’urgences hospitalier? Faut-il le déplorer ? Faut-il s’en réjouir ?Comment réagir à <strong>de</strong> telles situations ?Une première réaction est bien sûr <strong>de</strong> direcombien <strong>de</strong> telles <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s risquent d’encombrer<strong>et</strong> <strong>de</strong> nuire sensiblement aux <strong>interventions</strong>sereines <strong>et</strong> efficaces pour <strong>de</strong>s urgencesréelles sur le plan médical. Un tel abord <strong>de</strong>la question m<strong>et</strong> l’accent sur ce que l’on qualifiehabituellement – <strong>et</strong> peut-être hâtivement - <strong>de</strong>fausses urgences. Cependant, il n’est pasinintéressant <strong>de</strong> relever que, dans ce type<strong>de</strong> situation, le service d’urgence est apparucomme une sorte <strong>de</strong> refuge pour <strong>de</strong>s êtres enrupture d’équilibre.Par ailleurs, la violence conjugalene relève pas en soi d’une urgencepsychiatrique mais elle peut l’être, bien sûr,dans certains cas.Cela nous amènerait à dire que l’urgence estun concept loin d’être univoque <strong>et</strong> qu’il secompose <strong>de</strong> trois vol<strong>et</strong>s : l’urgence somatique,l’urgence psychiatrique <strong>et</strong> l’urgence du « désarroidu suj<strong>et</strong> » (pour reprendre une expressionr<strong>et</strong>enue par Jean-Pierre Lebrun comm<strong>et</strong>itre d’un <strong>de</strong> ses ouvrages). Ces trois typesd’urgence peuvent ou non se conjuguer dansunemême situation comme ils peuvent seprésenter séparément.Francis TurinePrési<strong>de</strong>nt IWSMPar ailleurs, il faut gar<strong>de</strong>r à l’esprit qu’il ya d’une part ceux qui reçoivent la situationd’urgence <strong>et</strong> d’autre part, ceux qui la présentent<strong>et</strong> qui la vivent.Jean-Michel Longneaux, dans un articleparu dans Ethica Clinica 1 , notait justementque « les urgences, c’est aussi <strong>et</strong> surtout<strong>de</strong>s cas sociaux, <strong>de</strong>s gens paniqués, <strong>de</strong>sp<strong>et</strong>its « bobos », <strong>de</strong>s familles à rassurer, <strong>et</strong>c.Le métier d’urgentiste, c’est-à-dire celui qu’ilssont contraints d’assumer à un rythme effréné,c’est donc tout autant un travail d’écoute,<strong>de</strong> soins plus ou moins légers, d’aiguillagevers d’autres services plus adéquats ou versle mé<strong>de</strong>cin généraliste. (...) On a donc l’impressionque la réalité que les soignants <strong>et</strong>les patients doivent supporter aux urgencescreuse entre eux un fossé : les premiers sontsurmenés <strong>et</strong> le plus souvent pour <strong>de</strong>s casqu’ils jugent finalement peu urgents, tandisque les seconds ne voient pas le tempspasser, surtout s’ils sont convaincus d’être endanger <strong>de</strong> mort. ».La complexité <strong>de</strong> l’urgence est donc gran<strong>de</strong>,<strong>et</strong> délicate est la façon dont il faut l’entendre<strong>et</strong> la traiter. Une <strong>de</strong>s difficultés, probablementpas la moindre, c’est que la société aurait tendanceà vouloir accueillir <strong>et</strong> répondre à toutes lesurgences à partir <strong>de</strong> la même structure, le serviced’urgence <strong>de</strong> l’hôpital général alors qu’il yaurait peut-être tout avantage à diversifier leslieux <strong>et</strong> les modalités d’accueil. Certaines initiativesheureuses vont déjà dans ce sens.Les différents articles <strong>et</strong> témoignages du dossierfont bien apparaître c<strong>et</strong>te complexité ainsique les multiples tentatives pour offrir à la situation<strong>de</strong> <strong>crise</strong> un juste accueil. Un <strong>de</strong>s apports<strong>de</strong> ces écrits est d’insister sur le fait que, sil’urgence, en tant que telle, est ponctuelle <strong>et</strong>circonstancielle, la réponse qui lui est donnéedoit être mise dans une perspective, dans unprocessus. Celui-ci doit, à la fois, prendre encompte la dimension subjective <strong>de</strong> celui quise trouve en situation d’urgence <strong>et</strong> se situerrésolument en référence au réseau relationneldu patient <strong>et</strong> à celui <strong>de</strong>s services existants<strong>et</strong> <strong>de</strong>s intervenants. Ceci est d’autant plusimportant qu’un certain nombre <strong>de</strong> personness’adressent au service d’urgence parce qu’ilne leur viendrait pas à l’idée ou parce qu’ilsne souhaitent pas s’adresser directement à unpsychiatre, à un psychologue ou à une consultationdans un service <strong>de</strong> psychiatrie.La problématique du réseau <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’organisation<strong>de</strong> soins ont été le premier thème surlequel l’<strong>Institut</strong> s’est penché. La réflexion s’estpoursuivie par les nombreuses préoccupationsrelatives aux droits du patient 2 . Aujourd’hui,l’attention se porte sur l’accessibilité aux soinsen santé mentale, <strong>et</strong> notamment, sur le recoursaux urgences comme « porte d’entrée » auxsoins en santé mentale. C<strong>et</strong>te question meparaît essentielle à traiter au sein <strong>de</strong> l’<strong>Institut</strong>pour faire la jonction entre les réflexionsthéoriques <strong>et</strong> les réalités <strong>de</strong> terrain.La diversité <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> l’IWSM, <strong>de</strong> leursmissions, <strong>de</strong> leurs mo<strong>de</strong>s d’<strong>interventions</strong> <strong>et</strong><strong>de</strong>s réalités auxquelles ils sont confrontésfont <strong>de</strong> l’<strong>Institut</strong> un lieu particulièrement appropriénon seulement pour réfléchir <strong>et</strong> débattre<strong>de</strong> ces questions <strong>de</strong> santé mentale maiségalement pour élaborer <strong>de</strong>s ébauches <strong>de</strong>réponses possibles sur le plan global <strong>et</strong> surle plan local. La question abordée par le biais<strong>de</strong>s situations d’urgence <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>crise</strong> fait apparaîtreparticulièrement la non évi<strong>de</strong>nce d’uneréponse pratique <strong>et</strong> effective tout en tenantcompte du temps du suj<strong>et</strong>, du vécu du suj<strong>et</strong>,<strong>de</strong> l’angoisse, bref en ne négligeant pas toutce qui ne peut être objectivé. 1 Voir réf. bibliographique 192 Ces thèmes ont fait l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux premiers colloquesannuels <strong>de</strong> l’IWSM en 2003 <strong>et</strong> 2004.DOSSIERConfluences n°11 septembre 2005 47


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