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Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

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Crises, situations d’urgence <strong>et</strong> services d’urgenceQuelques pistes <strong>de</strong> réflexionsJacques MoriauSociologueChercheur au Centre <strong>de</strong> sociologie <strong>de</strong> lasanté <strong>de</strong> l’Université Libre <strong>de</strong> Bruxelles 1Dans notre système <strong>de</strong> soins,la notion d’urgence a ceci <strong>de</strong>problématique qu’elle recouvre<strong>de</strong>ux exigences opposées. Ellesuggère d’une part la capacité <strong>de</strong> répondreà toute <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soins à n’importequel moment <strong>et</strong> en faveur <strong>de</strong> n’importe qui.D’autre part, elle évoque une possibilité d’interventionrapi<strong>de</strong> <strong>et</strong> spécialisée en cas d’affectionsgraves. C<strong>et</strong>te ambivalence trouve sonorigine dans l’histoire <strong>de</strong>s hôpitaux, d’abordlieux <strong>de</strong> refuge pour les indigents puis,progressivement, lieux <strong>de</strong> développement<strong>de</strong>s sciences <strong>et</strong> <strong>de</strong>s techniques médicales.Les services d’urgence hospitaliers, dansleur structure, leur organisation comme dansl’esprit qui les anime sont encore aujourd’huiles héritiers <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux traditions.Les professionnels qui y travaillent sont enpermanence confrontés à c<strong>et</strong>te tension entreune logique d’accueil indifférencié <strong>et</strong> unelogique <strong>de</strong> sélection qui perm<strong>et</strong>te <strong>de</strong> réserveraux cas les plus sérieux les moyens les plusperformants 2 . Se côtoient, au sein <strong>de</strong> cesservices, les situations médicalement les plusdésespérées <strong>et</strong> une foule <strong>de</strong> patients pourqui les urgences constituent la porte d’accès« naturelle » aux soins, faute <strong>de</strong> pouvoir solliciteraisément la mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> ville.De récentes décisions <strong>de</strong>s pouvoirs publicsvisent à réduire l’usage <strong>de</strong>s urgences 3 à unemé<strong>de</strong>cine « d’intervention rapi<strong>de</strong> ». Baséessur <strong>de</strong>s critères médicaux <strong>de</strong> danger, <strong>de</strong>nécessité <strong>et</strong> d’irréversibilité, ces mesures tentent<strong>de</strong> décourager les usagers considéréscomme « abusifs » <strong>de</strong> recourir aux servicesd’urgence. Elles ne vont pas sans poserquestions, tant en termes d’accessibilité auxsoins que par rapport à la construction <strong>et</strong> àl’application <strong>de</strong>s critères <strong>de</strong> sélection au sein<strong>de</strong>s services.En eff<strong>et</strong>, comme l’ont montré <strong>de</strong> récentes étu<strong>de</strong>ssociologiques, renforcer une logique d<strong>et</strong>ri sans l’accompagner d’une définition stricte<strong>de</strong>s critères <strong>de</strong> sélection <strong>et</strong> <strong>de</strong> hiérarchisation<strong>de</strong> la gravité <strong>de</strong>s situations revient à reportertoute la responsabilité <strong>de</strong> la décision <strong>de</strong>prise en charge sur le personnel hospitalier 4 .Ce <strong>de</strong>rnier se voit alors systématiquementmis en <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> juger s’il s’agit d’une« vraie » ou d’une « fausse » urgence, <strong>de</strong>distinguer urgences médicales <strong>et</strong> urgencessociales. Outre que l’on m<strong>et</strong>te entre parenthèsestoute une conception <strong>de</strong> l’urgencedéveloppée autour <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> disponibilité,on place ainsi les professionnels <strong>de</strong> la santédans une délicate position <strong>de</strong> juge.En pratique, il apparaît que certains critèresmobilisés par ceux-ci ressortent parfois plusdu jugement moral (compliance 5 ou attitu<strong>de</strong>« revendicatrice », honnêt<strong>et</strong>é ou dissimulationdans le chef du patient) que <strong>de</strong> l’évaluation clinique6. Le refus <strong>de</strong> prise en charge, l’attenteou la réorientation peuvent ainsi sanctionnerune <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soins qui ne correspond pasà une conception stricte <strong>de</strong> l’urgence.Le problème <strong>de</strong> la définition <strong>de</strong> l’urgenceest encore plus perceptible quand il s’agit<strong>de</strong> considérer les recours pour <strong>de</strong>s troublesd’ordre « psychique ». En eff<strong>et</strong>, il s’avère alorstrès ardu d’utiliser <strong>de</strong>s critères raisonnés<strong>de</strong> sélection entre « vraies » <strong>et</strong> « fausses »urgences. Hormis certains cas <strong>de</strong> décompensationssévères, menant par exemple à <strong>de</strong>stentatives <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, le critère <strong>de</strong> danger ou<strong>de</strong> mise en danger est <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> secours.La plupart <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s entrant dans lacatégorie <strong>de</strong> la santé mentale concernenten fait <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> « mal être », peulisibles en termes strictement médicaux <strong>et</strong>peu hiérarchisables en termes d’importance àleur consacrer. Le tri est d’autant plus difficileque, à l’inverse <strong>de</strong>s savoirs médicaux propresau corps, les savoirs liés au « mental » nefont preuve ni <strong>de</strong> stabilité, ni d’autorité. Lesquestions posées par la santé mentale sont<strong>de</strong>s questions qui restent irrémédiablementouvertes tant en ce qui concerne ce quiFan<strong>et</strong>te BruelDOSSIERConfluences n°11 septembre 2005 43

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