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Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

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Illustration : 6Madame X, 91 ans, veuve <strong>et</strong> vivant seule, esthospitalisée après une chute à son domicile.Depuis quelque temps, elle ne mangeait plusbeaucoup, ne s’intéressait plus aux nouvelles<strong>de</strong> son pays d’origine. A l’hôpital, elle refuse<strong>de</strong> s’alimenter, provoquant l’inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> safille <strong>et</strong> <strong>de</strong>s soignants. Le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> l’hôpitaldiagnostique un syndrome <strong>de</strong> « glissementdépressif » - cas <strong>de</strong> la personne qui se laisseglisser vers la mort suite à un stress ; ildéci<strong>de</strong> <strong>de</strong> ne pas poser <strong>de</strong> son<strong>de</strong> gastrique<strong>et</strong> <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre seulement en place <strong>de</strong>s soinspalliatifs. A ce moment, la psychiatre intervient; elle parle à Mme X <strong>de</strong> l’inquiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’équipe <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa fille, l’interroge sur son désir<strong>de</strong> vivre. Mme X répond qu’elle veut vivre <strong>et</strong>voir le mariage <strong>de</strong> son p<strong>et</strong>it-fils. A quelquesjours près, Mme X aurait été placée en soinspalliatifs, la confusion se serait installée, leréseau relationnel se serait démobilisé <strong>et</strong>l’issue aurait sans doute été fatale. Une interventionrapi<strong>de</strong> a permis <strong>de</strong> travailler avec lafamille, <strong>de</strong> chercher <strong>de</strong>s alliés pour soutenirle désir <strong>de</strong> vivre <strong>de</strong> la patiente, <strong>de</strong> comprendrele sens <strong>de</strong> son anorexie, comme signald’appel par rapport, par exemple, à un conflitfamilial, une angoisse, une dépression ; <strong>et</strong>enfin, <strong>de</strong> prendre rapi<strong>de</strong>ment <strong>et</strong> en équipe<strong>de</strong>s décisions sur le traitement.Passivité, défaitisme, négligence…<strong>et</strong> puis l’urgenceLes responsabilités <strong>de</strong> ces situations qu’onlaisse se détériorer peuvent se situer à plusieursniveaux.● La famille a honte, n’ose pas signaler aumé<strong>de</strong>cin ce qui ne va pas ; ou elle culpabiliseà l’idée d’hospitaliser ou <strong>de</strong> placer ;ou elle craint <strong>de</strong>s coûts excessifs… Bref,elle « tient » le plus longtemps possible jusqu’àce qu’elle n’en puisse plus. Le personnel<strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong> repos, les ai<strong>de</strong>s familiales…essaient parfois aussi <strong>de</strong> « tenir »jusqu’au point <strong>de</strong> craquer.● Mais bien souvent, les appels à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>sproches <strong>et</strong> <strong>de</strong>s intervenants <strong>de</strong> premièreligne ne sont pas entendus : le mé<strong>de</strong>cingénéraliste se veut rassurant ou se concentresur les aspects somatiques ; le service<strong>de</strong> santé mentale n’a pas <strong>de</strong> place, est troploin, ne vient pas au domicile… ; <strong>et</strong> <strong>de</strong> toutesfaçons, la personne âgée ne veut pasvoir <strong>de</strong> « psy »…● Et puis, une goutte d’eau fait débor<strong>de</strong>r levase, une nouvelle chute plus sérieuse,l’agressivité <strong>de</strong>venue insupportable, lafugue, le gaz oublié… : il faut trouver unesolution dans les 24 heures, on appellela police, on « dépose » la personne âgéeaux urgences… Ca se passe souvent trèsmal : l’hospitalisation provoque un stresssupplémentaire, les transferts vers d’autresservices – <strong>de</strong> l’hôpital général à l’hôpitalpsychiatrique, à une maison <strong>de</strong> repos,avec r<strong>et</strong>ours à l’hôpital – multiplient lesrisques d’aggravation <strong>de</strong> la confusion ou <strong>de</strong>l’angoisse. L’hospitalisation est parfois tropcourte par manque <strong>de</strong> lits, ou trop longuepar manque <strong>de</strong> place dans <strong>de</strong>s structuresmoins lour<strong>de</strong>s.« Le responsable <strong>de</strong>s urgences porte souventle poids <strong>de</strong>s dysfonctionnements du système<strong>de</strong> santé en amont <strong>et</strong> en aval du service <strong>de</strong>surgences ». 7La <strong>crise</strong>, une chance à saisirIl n’est pas dans la culture <strong>de</strong> la générationactuelle <strong>de</strong>s personnes très âgées <strong>de</strong> consulterun « psy », même <strong>et</strong> peut-être surtout quan<strong>de</strong>lles vont mal.Les proches <strong>et</strong> les professionnels <strong>de</strong> premièreligne ont encore souvent tendance à banaliser,sous-estimer, ignorer, occulter ou vouloirassumer seuls les maladies mentales <strong>de</strong>spersonnes âgées. Et quand ils font appel auxprofessionnels <strong>de</strong> la santé mentale, la réponsen’est pas toujours adaptée ou suffisante.Dans ces conditions, quand la <strong>crise</strong> éclate, quela personne âgée ou l’entourage n’en peuventplus, il faut considérer que c’est une chance, unmoment à saisir pour m<strong>et</strong>tre en place les collaborationsqui éviteront <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r n’importequoi dans la panique.Contrairement à l’urgence vitale, qui exige uneréponse immédiate, la <strong>crise</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’agirsans traîner mais en se donnant le temps– quelques jours – <strong>de</strong> rechercher le sens <strong>de</strong>ce qui se passe <strong>et</strong> <strong>de</strong> prendre les meilleuresdécisions. C’est un travail d’équipe, associantpsychiatre, psychologue, services sociaux,mé<strong>de</strong>cin traitant, soins à domicile, <strong>et</strong>c.Des entr<strong>et</strong>iens familiaux dès la survenue <strong>de</strong> la<strong>crise</strong> perm<strong>et</strong>tront par exemple <strong>de</strong> déco<strong>de</strong>r lesens d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’hospitalisation ou <strong>de</strong>placement en urgence, d’éviter peut-être uneinstitutionnalisation douloureuse <strong>et</strong> si celle-cis’avère indispensable, <strong>de</strong> diminuer la culpabilité<strong>de</strong> la famille, source d’agressivité envers lepersonnel. Il ne s’agit pas <strong>de</strong> s’opposer à toutprix à la décision <strong>de</strong> la famille mais d’éviter lenon-dit (« on va hospitaliser quelques jourspour un p<strong>et</strong>it bilan <strong>de</strong> santé »… alors quel’entrée en institution est déjà programmée),<strong>de</strong> refaire circuler la parole, <strong>de</strong> comprendre lessouffrances <strong>de</strong> la personne âgée, du conjoint,<strong>de</strong>s enfants 8 .Il est donc primordial, pour les personnes âgéescomme pour les autres publics-cibles 9 , <strong>de</strong> créer<strong>de</strong>s lieux d’accueil <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, pluridisciplinaires <strong>et</strong>facilement accessibles.Travailler la <strong>crise</strong>, c’est aussi rechercher <strong>de</strong>salternatives à l’hospitalisation ou au « placement» 10 , c’est aussi préparer la sortie dès ledébut d’une hospitalisation. Commence alorsle parcours du combattant pour trouver <strong>de</strong>sressources adaptées : centres <strong>de</strong> jour, centresd’accueil <strong>de</strong> nuit, courts séjours en maison <strong>de</strong>repos, soins – y compris psychologiques ou<strong>psychiatriques</strong> – à domicile, soutien aux aidantsproches, <strong>et</strong>c.Les carences du réseau, qui sont en amontfacteur <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> recours aux urgences,contraignent bien souvent les familles à <strong>de</strong>schoix, en aval <strong>de</strong> la <strong>crise</strong>, plus coûteux pourelles-mêmes <strong>et</strong> pour la société, <strong>et</strong> plus traumatisantspour les patients.La question <strong>de</strong> la <strong>crise</strong> nous oblige à réfléchirà la pertinence <strong>de</strong>s choix politiques dans lefinancement <strong>de</strong>s soins en santé mentale. 1 Voir réf. bibliographique 282 Voir réf. bibliographique 30 , op cit., p.973 Voir réf. bibliographique 29, pp 15-284 Réf. bibliographique 42, pp 29 - 43,5 Réf. bibliographique 42, op cit p 406 Présenté par le Docteur Jos<strong>et</strong>te Massart, dans lecadre <strong>de</strong>s formations « Personnes âgées <strong>et</strong> santémentale » <strong>de</strong> la Plate-forme <strong>de</strong> concertation ensanté mentale du Brabant <strong>wallon</strong> en 2000 <strong>et</strong> 2001.7 Meyniel D., « Il vaut mieux mourir un peu trop tôt qu’unpeu trop tard ». In : Ethica Clinica, réf. biblio. 198 Meire Ph., Mortreu B., Plaqu<strong>et</strong> B., réf. bibiolgraphique31, op cit, pp. 97-106.9 En particulier les adolescents, dont les conduites àrisque témoignent également d’une fragilité <strong>et</strong> d’unedifficulté à répondre aux changements multiples (physiologiques,affectifs, image <strong>de</strong> soi, place dans la société…)qui menacent leur équilibre.10 Terme que l’on <strong>de</strong>vrait proscrire, car il transforme lessuj<strong>et</strong>s en obj<strong>et</strong>s.36 Confluences n°11 septembre 2005

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