Pierre Scholtissen, Atelier du CRF, du Club André Baillonune espèce <strong>de</strong> hiérarchisation <strong>de</strong>sacteurs. Ce n’est plus trop difficileactuellement d’aller au Forem s’inscrirecomme <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur d’emploi. C’est uneautre démarche d’aller vers un CPAS.C’est une autre démarche encore, à unmoment donné, <strong>de</strong> se dire : « si je n<strong>et</strong>rouve pas ma place dans la société,c’est peut-être parce que je ne suis pasbien dans la tête » <strong>et</strong> je dois aller voir unpsychologue. Et pourtant… C<strong>et</strong>te fluiditépour moi, c’est l’enjeu du réseau. On estau début...Vous envisagez donc la question <strong>de</strong>l’accessibilité telle que vous posez leconcept <strong>de</strong> santé mentale, c’est-à-direbien au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce qui se passe dans latête… Et donc bien plus largement quele recours aux seuls services <strong>de</strong> soins ensanté mentale.Tout à fait.J’insisterais aussi sur les outils dont chacundispose pour être lui-même acteur<strong>de</strong> sa propre évolution. Cela supposeque chacun puisse intégrer l’idée qu’il ya un début <strong>et</strong> une fin <strong>et</strong> qu’on va s’ensortir. Si on a l’impression qu’on n’ensortira jamais, alors, aller vers un service<strong>de</strong> santé mentale, c’est entreprendreune démarche vouée à l’échec. Si onse dit qu’il y a un début <strong>et</strong> une fin, ontraverse une étape d’un parcours. C’estimportant <strong>de</strong> montrer comment on peutêtre acteur, quel que soit le milieu auquelon appartient.On revient ici à la question <strong>de</strong> la représentation<strong>de</strong> la maladie mentale. Lespersonnes qui vont mieux n’osent pasdire qu’elles ont eu un problème <strong>de</strong>santé mentale. Les « psys » ne montrentpas suffisamment le résultat <strong>de</strong> leur travail.C’est vrai que, en santé mentale,comme vous le disiez tout à l’heure, ilest difficile <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre une frontière entrece qui est normal <strong>et</strong> ce qui ne l’est pas,ce qui est plus fragile ou moins fragile,…On peut difficilement dire que tout estterminé <strong>et</strong> que la personne est « guérie ».Et pourtant, nombreux sont ceux qui ontbénéficié d’une ai<strong>de</strong> appropriée <strong>et</strong> quivont mieux, qui se sont stabilisés <strong>et</strong> quiont r<strong>et</strong>rouvé une place dans la société. Ilfaudrait en parler davantage. Aujourd’hui,tout cela est encore tabou.A l’inverse, il y a aussi <strong>de</strong>s milieux oùne pas avoir <strong>de</strong> « psy », est un peu une« lacune intellectuelle ». Cela renvoie àla question <strong>de</strong> la norme. Beaucoup <strong>de</strong>gens traversent <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s difficiles.C’est normal. On n’est pas heureux toutle temps. Le mal-être fait partie <strong>de</strong> la vie.On est dans un mon<strong>de</strong> d’insécurité <strong>et</strong>tout le mon<strong>de</strong> n’est pas égal par rapportà ses capacités à gérer c<strong>et</strong>te incertitu<strong>de</strong>.Moins on a <strong>de</strong> capacités à gérer l’insécurité,plus on est en difficulté. Je me<strong>de</strong>man<strong>de</strong>, moi, aujourd’hui, si être fort,ce n’est pas accepter ses faiblesses.Le service <strong>de</strong> santé mentale peut ai<strong>de</strong>rla personne face à c<strong>et</strong>te insécurité, maisle recours à ce type <strong>de</strong> prise en chargen’est pas encore considéré comme quelquechose <strong>de</strong> normal. Parfois, même lesCPAS ou d’autres acteurs sociaux ont dumal à orienter vers un service <strong>de</strong> santémentale.Comment pensez-vous que l’on pourraitsoutenir le secteur dans c<strong>et</strong>te dynamique? On se rend compte que même lesmé<strong>de</strong>cins généralistes qui sont souventconfrontés à ces situations n’ont pasune bonne image du secteur <strong>de</strong> la santé4 Confluences n°11 septembre 2005
mentale. Il y a encore un réel clivageentre santé physique <strong>et</strong> santé mentale<strong>et</strong> une méconnaissance du service <strong>de</strong>santé mentale.Il y a beaucoup d’idées préconçues <strong>et</strong><strong>de</strong> clichés. L’information ne circule passuffisamment. Je trouve parfois très surprenant<strong>de</strong> voir à quel point on orientepeu vers un service <strong>de</strong> santé mentalealors qu’en même temps, on va donnerfacilement <strong>de</strong>s anti-dépresseurs.Et pourtant, souvent, un accompagnementthérapeutique même léger peutsuffire à dépasser une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>crise</strong>.On vit dans une société <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s solitu<strong>de</strong>soù il est plus facile <strong>de</strong> régler le problèmeen prenant une pilule que par undialogue. Je crois que la seule manière<strong>de</strong> dépasser les tabous, c’est <strong>de</strong> communiquer<strong>et</strong> d’encourager le réseau.A partir du moment où les acteurs <strong>de</strong> terrainse connaissent sur une entité, ils travaillentmieux ensemble. Des expériencessont menées à certains endroits pouressayer <strong>de</strong> mieux connaître la façon dontfonctionne l’équipe voisine. Ce sont <strong>de</strong>sproj<strong>et</strong>s qui donnent <strong>de</strong> bons résultats <strong>et</strong>qui débouchent sur <strong>de</strong>s expériences positivesqui se renouvellent plus facilement.Un exemple serait la collaboration entreun service d’urgences d’un hôpital <strong>et</strong> unservice <strong>de</strong> santé mentale. Comment arriverà ce que la personne qui se présenteaux urgences puisse bénéficier d’uneai<strong>de</strong> <strong>et</strong> d’un soutien suffisant ? Danscertains endroits, les travailleurs du service<strong>de</strong> santé mentale vont une journéeau service <strong>de</strong>s urgences <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tent enplace <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> tuilages pourarriver à ce que la personne continue àêtre aidée à la sortie. La personne vararement faire elle-même le choix d’alleren service <strong>de</strong> santé mentale parce qu’elleest mal informée sur ce qu’elle vit <strong>et</strong> surles ai<strong>de</strong>s dont elle peut bénéficier.Le cadastre que vous avez réalisé s’inscritaussi, sans doute, dans c<strong>et</strong>te dynamiqued’information ?Il y a plusieurs aspects à votre question.Si j’ai voulu avoir un cadastre compl<strong>et</strong><strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins en Région <strong>wallon</strong>ne,c’était aussi un peu en réponse à l’interpellation<strong>de</strong> mon collègue du fédéraldans un cadre <strong>de</strong> restructuration. Jen’avais pas d’idée précise <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong>soins. J’ai voulu avoir une vue d’ensemble<strong>et</strong> j’ai rassemblé les informationssur toute l’offre <strong>de</strong> soins : généraliste <strong>et</strong>spécialisée, ambulatoire <strong>et</strong> hospitalière.Le cadastre est presque terminé maisil n’est pas finalisé. Il <strong>de</strong>vrait constituerun bon outil <strong>de</strong> pilotage <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre enavant les questions d’accessibilité eninterrogeant notamment la couverture<strong>de</strong>s services. Il y a <strong>de</strong>s zones qui ne sontpas couvertes <strong>et</strong> d’autres où il y a <strong>de</strong>ssuperpositions…Par rapport à ce que vous disiez tout àl’heure, est-ce que l’idée est d’élargir cecadastre aux autres structures psychosociales?Pour le moment la première étape portesur tout ce qui est santé. Après, on pourral’enrichir au niveau social. Ce sera effectivementtout à fait intéressant <strong>de</strong> disposerd’une carte qui va perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> visualiserl’ensemble <strong>de</strong> l’action menée dans mondépartement <strong>et</strong> <strong>de</strong> poser une série <strong>de</strong>questions qui alimenteront la réflexionsur les orientations, sur la couvertureassurée par l’offre actuelle, sur les zonesqui ont besoin d’être renforcées…Vous avez évoqué les orientations prisesau fédéral. Le secteur dépend effectivement<strong>de</strong> politiques différentes <strong>et</strong> ila souvent l’impression qu’au somm<strong>et</strong>,les choses doivent encore s’articuler …Alors, sur le terrain, comment faire poursoutenir c<strong>et</strong>te articulation qui se <strong>de</strong>ssine?C’est une question importante. En principe,l’articulation se fait dans les conférencesinterministérielles. Maintenantles choses sont parfois compliquées.Les intérêts <strong>de</strong>s uns <strong>et</strong> <strong>de</strong>s autres nesont pas toujours compatibles <strong>et</strong> lessolutions sont difficiles à trouver. Il en vaainsi, par exemple, <strong>de</strong> tout ce qui toucheaux lits K ou <strong>de</strong> la pénurie <strong>de</strong> psychiatres<strong>et</strong> <strong>de</strong> pédopsychiatres. J’ai écrit àmon collègue pour attirer son attentionsur les difficultés que cela posait enRégion <strong>wallon</strong>ne. Ce ne sont pas <strong>de</strong>sdébats simples, mais les débats ont lieu.L’adaptation aux besoins du terrain sefait beaucoup trop lentement <strong>et</strong> parfoisil faut attendre que la situation soit plusque critique pour initier du changement...Quoi qu’il en soit, le dialogue est là.Il en va <strong>de</strong> même, entre autres pour lesecteur <strong>de</strong> l’enfance, à la Communautéfrançaise. Personnellement, je suis trèsfréquemment interpellée sur <strong>de</strong>s questionsrelatives à l’ai<strong>de</strong> à la jeunesse.Là aussi, à mon avis, on aurait intérêtà structurer les choses différemment,parce que quand il y a 4 ou 5 prisesen charge différentes dans <strong>de</strong>s cadresdifférents pour <strong>de</strong>s problèmes comparables,il est évi<strong>de</strong>nt qu’on ne rend serviceà personne.Comment envisager l’avenir ?Il faut faire avec la situation tellequ’elle est, <strong>et</strong> aussi avec <strong>de</strong>s sensibilitéstrès différentes. Je me rends compte àquel point il est important que la Région<strong>wallon</strong>ne se situe comme un opérateur« réparateur ». C<strong>et</strong>te conception réparatrice<strong>de</strong>s politiques en matière <strong>de</strong> santémentale ne correspond pas du tout àune approche préventive comme à laCommunauté française, ou à une approchejudiciarisée qui sera parfois celle <strong>de</strong>l’ai<strong>de</strong> à la jeunesse, … On se r<strong>et</strong>rouve<strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s cultures très différentes avec,parfois, <strong>de</strong>s définitions <strong>de</strong> champs quirestent nébuleuses. Comment se situernotamment par rapport à l’AWIPH où,par exemple, l’enfant victime <strong>de</strong> violencefamiliale reçoit une étiqu<strong>et</strong>te <strong>de</strong> « handicap» ? Il faut lui assurer une prise encharge, mais le problème n’est pas <strong>de</strong>l’ordre du handicap. La définition <strong>de</strong>schamps est en cours.Si vous pouviez « effacer le tableau »,y aurait-il une priorité que vous voudriezsoutenir en santé mentale ?D’abord sortir <strong>de</strong> la « culture du mépris »,changer le regard con<strong>de</strong>scendant quel’on a parfois envers ceux qui sont en difficultés,notamment en matière <strong>de</strong> santémentale, <strong>et</strong> donc considérer chaque individucomme un vrai acteur. Confluences n°11 septembre 20055
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