Quasiment pas. Nous travaillons avec quelquescentres qui ne sont pas tous agréés par laRégion <strong>wallon</strong>ne <strong>et</strong> qui, paradoxalement, n’ontpas l’obligation <strong>de</strong> travailler en réseau avecl’urgence comme le Siajef par exemple. Nouscollaborons aussi avec le centre Alpha ou leClips 2 .Est-ce que cela veut dire qu’il y a un chaînonmanquant <strong>de</strong> ce côté-là ?Non, car c<strong>et</strong>te logique laisse sous-entendrequ’il faut m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> l’argent pour créer unnouveau centre qui fait lien avec les autres<strong>et</strong>, plus on en crée, moins il y a <strong>de</strong> liens,donc …Peut-être ne faut-il pas créer maisaméliorer ?Personnellement, je pense qu’il y a une disproportionentre les moyens alloués au secteurhospitalier <strong>et</strong> les moyens alloués au secteurambulatoire. On ferait sans doute mieux<strong>de</strong> fermer une partie <strong>de</strong>s lits pour développerl’offre dans le secteur ambulatoire. Mais jepense aussi qu’il y a un très gros problèmedans les SSM sur leur manière <strong>de</strong> fonctionner,notamment en matière d’urgence.L’urgence m<strong>et</strong> le réseau sous tension <strong>et</strong> il ya, selon moi, <strong>de</strong>ux manières possibles <strong>de</strong> lagérer.Soit on la gère dans une logique d’exclurele plus poliment possible le patient, avecun vigile ou un psy ; soit on gère l’urgenceen se disant : « Ce patient nous interpellepar rapport à une problématique <strong>de</strong> réseau,pourquoi vient-il chez moi aujourd’hui alorsqu’il a un psychiatre, un mé<strong>de</strong>cin traitant ;qu’il sort d’une longue hospitalisation dansun Centre Hospitalier Psychiatrique » ?Comment le travail est-il organisé dans lesecteur ambulatoire <strong>et</strong> hospitalier ? Commentenvisage-t-on la notion <strong>de</strong> continuité <strong>de</strong> soinsen psychiatrie ?Si l’on considère ce questionnement <strong>et</strong> quel’on interpelle les personnes concernées, onm<strong>et</strong> le réseau sous tension. Apparaissentalors ceux qui ont une politique <strong>de</strong> prise encharge <strong>de</strong>s urgences dans une optique <strong>de</strong>continuité <strong>de</strong>s soins <strong>et</strong> ceux qui n’ont pasdu tout envie d’être dérangés. A cela s’ajoutent<strong>de</strong>s divergences d’intérêts, <strong>de</strong>s guerresd’école toujours d’actualité en psychiatrie. Jepense que quand on est gestionnaire d’unhôpital psychiatrique ou directeur médicald’un CHP par exemple, on peut très bien sedire : « oui, je conçois qu’il ne faut pas gar<strong>de</strong>r<strong>de</strong>s troubles psycho-sociaux pendant sixmois au CHP mais, en même temps, il fautabsolument que je remplisse mes lits car si jen’ai pas assez <strong>de</strong> « clients », je suis en déficit». Comment concilier ces <strong>de</strong>ux logiques ?C<strong>et</strong>te tendance aussi que l’on a d’exclure <strong>de</strong>spatients « dérangeants » : dans nos services,nous <strong>de</strong>vons tous les jours veiller à ne pascontribuer à c<strong>et</strong>te exclusion !Ce travail <strong>de</strong> réseau peut aussi, bien sûr, sedévelopper en amont <strong>et</strong> avoir une visée pluspréventive en encourageant un partenariatavec <strong>de</strong>s généralistes ou d’autres structuresd’urgences comme l’urgence sociale,…Le travail <strong>de</strong>s urgences à la Cita<strong>de</strong>lle estd’ailleurs rendu possible par la subventionqui est octroyée dans le cadre <strong>de</strong> Contrats <strong>de</strong>sécurité <strong>de</strong> la ville <strong>et</strong> avec le relais social duCPAS <strong>de</strong> Liège qui finance une grosse partie<strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> psychologues mise en place.Est-ce que cela encourage une politique concertée<strong>de</strong>s soins <strong>de</strong> manière à rendre chaqueintervenant complémentaire ?Oui, <strong>et</strong> cela nous perm<strong>et</strong> aussi <strong>de</strong> sensibiliserle politique à ces problématiques. On a ainsipu créer l’Observatoire liégeois qui est uneplate-forme <strong>de</strong> concertation transdisciplinaire<strong>et</strong> transectorielle sur les assuétu<strong>de</strong>s. Noussommes aussi partenaires du développementd’une polyclinique à Lantin avec la mise enplace d’une série d’initiatives qui sensibilisentà la santé mentale <strong>de</strong>s détenus.Est-ce que vous savez ce que <strong>de</strong>viennent lespersonnes qui sont passées aux urgenceschez vous ?On a mis en place, dans notre pratique <strong>de</strong>réseau <strong>et</strong> toujours dans le cadre <strong>de</strong> conventions,un système d’évaluation qui nousperm<strong>et</strong> d’estimer, périodiquement, si les partenariatsmis en place sont opérants. Est-ceque l’on a fait un bon travail diagnostic ; unbon travail d’orientation ? Notre objectif n’estpas atteint si la personne arrive à la ported’un autre service. Il est atteint si la personnebénéficie réellement <strong>de</strong>s soins dont elle abesoin ce qui suppose préalablement, <strong>et</strong>c’est <strong>de</strong> notre responsabilité, un bon accueil,un bon diagnostic, un bon travail <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong>une bonne triangulation. Ce sont les ingrédientspour réussir le transfert du transfert.Quels sont les résultats <strong>de</strong> ces évaluations ?Ils sont très variables. Un <strong>de</strong> nos meilleursrésultats, c’est le partenariat mis en placeavec le Centre <strong>de</strong> Réadaptation Fonctionnelle.Depuis que l’on travaille en réseau <strong>et</strong> que l’onassure un lien <strong>et</strong> un suivi entre nos <strong>de</strong>uxservices, 100 % <strong>de</strong>s personnes à qui l’ona conseillé c<strong>et</strong>te orientation arrivent à laporte du CRF <strong>et</strong> sur ces 100 %, 2/3 entrenten programme <strong>et</strong> 1/3 le terminent. Celapeut vous paraître très peu comme résultatmais comparé à la moyenne statistique(à peine 1 personne sur 10 arrive à la porte<strong>de</strong>s CRF), c’est vraiment positif. Il y a aussi<strong>de</strong>s services avec lesquels ça ne va pascar on n’a pas tous les ingrédients qui fontune bonne collaboration. Par exemple, lesservices qui ne travaillent pas vraiment dansune optique pluridisciplinaire. Peut être parceque ces services n’ont pas les moyens d<strong>et</strong>ravailler avec les urgences ? Peut-être parceque c’est très compliqué pour eux ?Il y a aussi un paradoxe entre la conceptiondu travailleur ambulatoire qui encourage l<strong>et</strong>ravail analytique au long cours <strong>et</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>du patient en attente d’une solution rapi<strong>de</strong>.Je pense que l’un comme l’autre se trompe<strong>et</strong> que c’est la rencontre <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux points<strong>de</strong> vue qu’il faut encourager pour arriver à unterrain d’entente. Peut-être est-ce à nous àl’organiser ?Y a-t-il un autre élément que vous souhaiteriezm<strong>et</strong>tre en avant dans le cadre<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te réflexion sur l’urgence <strong>et</strong>l’accessibilité aux soins en santé mentale ?Deux choses importantes : <strong>de</strong>s aspects organisationnels,structurels, la manière dont estrépartie l’offre <strong>de</strong> soins <strong>et</strong> la possibilité d’y30 Confluences n°11 septembre 2005
accé<strong>de</strong>r.Faites un test : téléphonez dans un SSM <strong>de</strong>Liège, dites que votre mé<strong>de</strong>cin traitant vousrecomman<strong>de</strong> un entr<strong>et</strong>ien…, vous verrezles délais. Téléphonez en polyclinique pourrencontrer un psychiatre, vous n’aurez pasun ren<strong>de</strong>z-vous rapi<strong>de</strong>ment.C<strong>et</strong> aspect n’est pas propre à l’urgence, il estlié à l’organisation <strong>de</strong>s soins.Je viens <strong>de</strong> terminer une grosse étu<strong>de</strong> sur lesuici<strong>de</strong> avec le CHR sur 600 patients. 80%<strong>de</strong>s patients qui ont fait une tentative <strong>de</strong>suici<strong>de</strong> ont vu un intervenant en santé dansle mois qui précédait, en moyenne 8 joursavant leur tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>. 60 % ont vu unmé<strong>de</strong>cin traitant, 30 à 40 % un mé<strong>de</strong>cin-psychiatre,10 % sortaient d’une hospitalisationpsychiatrique dans le mois.Qu’est-ce que vous en tirez commeconclusions ?Indéniablement, que l’accessibilité aux soinspose question. Je pense que l’on est dansune organisation <strong>de</strong>s soins qui ne correspondplus aux problèmes <strong>et</strong> aux pathologies<strong>de</strong>s gens, mais je ne suis peut-être pasassez neutre pour élaborer une théorie surle suj<strong>et</strong>…Je dirais, <strong>de</strong> manière générale, que dansle cadre d’un processus <strong>de</strong> désinstitutionalisation<strong>de</strong> la psychiatrie, on est passé <strong>de</strong>la dictature asilaire où l’on hospitalise <strong>et</strong>médicalise à tour <strong>de</strong> bras à la dictature duproj<strong>et</strong> où, au bout <strong>de</strong> 3 jours, on renvoie lapersonne chez elle en lui <strong>de</strong>mandant : quelest ton proj<strong>et</strong> ?Il ne faut pas s’étonner que les personnes ensouffrance se r<strong>et</strong>rouvent dans les interstices<strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins, c’est-à-dire, les services<strong>de</strong>s urgences <strong>et</strong> les services sociaux.Il faut sortir d’une logique psychothérapeutiquepure. On est dans une approche trèslinéaire où chacun travaille <strong>de</strong> façon trèsindividuelle sur un créneau <strong>et</strong> pourtant, onest <strong>de</strong> plus en plus confrontés à <strong>de</strong>s troublesdépressifs, anxieux qui sont directement liésau contexte, au marasme socio-économique<strong>et</strong> culturel. Nous <strong>de</strong>vons aujourd’huidévelopper une visée commune qui tiennecompte <strong>de</strong> ces questions <strong>de</strong> santé mentale <strong>et</strong>développer une approche qui ai<strong>de</strong> réellementla population 1 Le service d’urgences psychiatrique travaille aussiavec un équivalent temps plein psychiatre <strong>et</strong> avecun équivalent temps plein assistant psychiatre.2 Le Centre Alpha <strong>et</strong> le Clips sont <strong>de</strong>ux services <strong>de</strong> santémentale.En 1992, l’Hôpital Vincent Van Gogh a été choisi par le Ministère <strong>de</strong> la Santé avec Brughman (Bruxelles) <strong>et</strong> Stuyvenberg (Anvers) pour participerà une étu<strong>de</strong> pilote d’urgences <strong>psychiatriques</strong> <strong>et</strong> d’unité <strong>de</strong> <strong>crise</strong> (Sicup) 1 . Ici, contrairement au CHR La Cita<strong>de</strong>lle, le service d’urgencespsycho-médico-sociales est distinct du service d’urgences générales, tout en étant également accessible 24H sur 24. Les infirmiers y tiennentun rôle <strong>de</strong> première ligne : ils sont appelés à examiner la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, à la déco<strong>de</strong>r si nécessaire, à faire un bilan <strong>de</strong> la situation du patient <strong>et</strong> <strong>de</strong>ses ressources potentielles. Un référent urgentiste est chargé <strong>de</strong> l’évaluation médicale ; quant au psychiatre, il finalise l’anamnèse, pose undiagnostic <strong>et</strong> propose <strong>de</strong>s pistes <strong>de</strong> suivi.Il s’agit donc, prioritairement, <strong>de</strong> s’assurer que la personne ne présente aucun danger pour elle ou son entourage. S’il n’y a pas un réel état<strong>de</strong> <strong>crise</strong>, dans le cas <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> sevrage par exemple, la personne est invitée à rencontrer un ergothérapeute ou un assistant social quiregar<strong>de</strong>ra comment orienter au mieux sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> vers une ai<strong>de</strong> adaptée.Le Sicup a été mis en place pour réduire le nombre d’hospitalisations notamment dans le cas <strong>de</strong> souffrances psycho-sociales.L’objectif semble atteint. En moyenne, chaque année, 3.600 personnes ont recours à ce service.60 à 70% d’entre elles repartent sans avoir fait l’obj<strong>et</strong> d’une hospitalisation. Elles ont toutefois la possibilité, en situation réelle <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, <strong>de</strong>séjourner dans le service à concurrence d’un maximum <strong>de</strong> 72h 2 , le temps <strong>de</strong> se « poser », <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en mots leurs difficultés, <strong>de</strong> pouvoir prendredu recul, d’être entendues, apaisées.Outre un diagnostic psycho-médico-social réalisé par une équipe pluridisciplinaire, il est donc proposé à la personne en souffrance d’avoir unpoint d’ancrage qui lui perm<strong>et</strong>te d’instaurer ou <strong>de</strong> restaurer un dialogue <strong>et</strong> d’impulser un suivi avec les professionnels extérieurs pour qu’ilsassurent le relais. Reste à savoir si ce relais est effectif, adéquat ; si la personne se présente à la porte d’autres services, si elle y est accueillie<strong>et</strong> si cela correspond réellement à ses besoins. Aucune évaluation ne perm<strong>et</strong> à ce sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> le confirmer. Une lacune à combler ? « Le nombre<strong>de</strong> consultants est en augmentation. Notre service, en raison <strong>de</strong> l’offre particulière qu’il offre, est confronté à <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> place. Celalaisse peu <strong>de</strong> temps pour s’enquérir du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s patients », nous répon<strong>de</strong>nt personnel <strong>et</strong> direction. Une évaluation n’est donc pas à ce jourenvisagée, à moins <strong>de</strong> bénéficier d’un budg<strong>et</strong> spécifique. Elle s’effectue <strong>de</strong> manière informelle précise-t-on encore, dans le cadre <strong>de</strong> réunions<strong>de</strong> coordinations qui rassemblent, périodiquement, les différents partenaires hospitaliers <strong>et</strong> extrahospitaliers du territoire sur le travail réalisé en« toxicomanie » ou en « pédopsychiatrie » par exemple.1 Voir à ce suj<strong>et</strong> l’article en pages 40 <strong>et</strong> 41 du dossier « Adolescence <strong>et</strong> conduites à risques » publié en septembre 2004 dans Confluences n°7.2 Le Sicup a un potentiel <strong>de</strong> 4 chambres individuelles, 2 chambres <strong>de</strong> contention (sous surveillance caméra pour les personnes présentant <strong>de</strong>s états <strong>de</strong> confusion, d’agitationou qui sont sous l’emprise d’un taux élevé d’alcoolémie), <strong>et</strong> 2 lits monitorisés (pour les personnes présentant un surdosage aux médicaments). Une salle <strong>de</strong> séjour <strong>et</strong> une salled’attente complètent l’infrastructure <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te unité.DOSSIERConfluences n°11 septembre 200531
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