17.07.2015 Views

Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Il s’agit donc, avant tout, <strong>de</strong> lutter contre leshospitalisations <strong>et</strong> les médications abusives<strong>et</strong> <strong>de</strong> donner à la personne toute son ampleurpour qu’elle puisse r<strong>et</strong>rouver les ressourcesnécessaires en elle. Et pour cela, c’est clairqu’il faut pouvoir être à même <strong>de</strong> comprendredans ses moindres détails la situationactuelle <strong>et</strong> passée <strong>de</strong> la personne.Que perm<strong>et</strong> le moment <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, en quoi est-ilbénéfique ?La <strong>crise</strong> laisse émerger l’essence même dusuj<strong>et</strong>. En situation <strong>de</strong> <strong>crise</strong>, les gens ont leursystème <strong>de</strong> défense fragilisé. Ils sont dansun tel état qu’on a accès très vite à ce quifait problème, là où, en entr<strong>et</strong>ien classique,il faudrait parfois <strong>de</strong>s années pour y arriver.Et puis, il faut savoir rêver son patient. Parceque quand on le rêve, on est vraiment encontact avec lui, en formulant <strong>de</strong>s hypothèsessur ce qu’il a vécu, sur ce qu’il vit.L’entr<strong>et</strong>ien offre c<strong>et</strong>te occasion <strong>de</strong> rechercherles séquences <strong>de</strong> vie qui se répètent <strong>et</strong> <strong>de</strong>les décrypter. Généralement, les gens pensentque ce qui les amène aux urgences estnouveau, alors que ça n’a rien <strong>de</strong> nouveau.Il faut alors arriver à m<strong>et</strong>tre en perspectiv<strong>et</strong>out un cheminement ; amener la personne àprendre conscience <strong>de</strong> la part active qu’ellea joué <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre en évi<strong>de</strong>nce les scenarii quise répètent dans sa vie. C<strong>et</strong>te introspection<strong>et</strong> le besoin urgent <strong>de</strong> changement pour neplus souffrir, nous donne parfois l’occasiond’assister à <strong>de</strong> véritables renaissances.C’est la raison pour laquelle on a trouvéintéressant <strong>de</strong> travailler la <strong>crise</strong> jusqu’au bouten proposant 3, 4, parfois 5 entr<strong>et</strong>iens à lapersonne. Un psy aux urgences ne peut passe contenter <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> l’enfance <strong>de</strong> la personnequ’il a en face <strong>de</strong> lui. Il lui faut travaillerle passé mais aussi le présent <strong>et</strong> le futur <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te personne.Dans le cas d’une <strong>crise</strong> <strong>de</strong> couple, le conjointest invité à un entr<strong>et</strong>ien. Mais cela peut êtreaussi la famille, le propriétaire <strong>de</strong> l’immeuble,le responsable <strong>de</strong>s ressources humainesd’une entreprise. Je pense que la <strong>crise</strong> estune chance. Quand on ne la saisit pas,quand on tente d’enterrer ce qui se dit à c<strong>et</strong>teoccasion, non seulement on ne résout pas leproblème mais il y a <strong>de</strong> fortes chances que lapersonne se représente plus tard à l’hôpitalen vivant, plus difficilement encore, un autremoment <strong>de</strong> <strong>crise</strong>.Ici, on parle <strong>de</strong>s personnes qui se présententd’elles-mêmes aux urgences, mais il y aaussi toutes les situations où le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urest autre, on pense notamment à la familledémunie ou à bout <strong>de</strong> souffle, aux services<strong>de</strong> l’ordre, aux intervenants <strong>de</strong> première lignedont le seuil <strong>de</strong> tolérance ou <strong>de</strong> compétenceest dépassé <strong>et</strong> qui envoient le patient auxurgences.Le plus difficile ici, ce sont les personnes pourlesquelles l’équipe est réquisitionnée pourdonner un avis sur une éventuelle mise enobservation. C’est une très lour<strong>de</strong> responsabilitéque <strong>de</strong> priver <strong>de</strong> liberté quelqu’un. Passerquelques jours en observation, par erreur, j<strong>et</strong>rouve que c’est très grave <strong>et</strong> cela peut mêmeêtre traumatisant d’où l’importance <strong>de</strong> prendr<strong>et</strong>ous les renseignements possibles. Sivous avez face à vous quelqu’un <strong>de</strong> délirant,vous n’avez aucune information sur ce qui luiarrive <strong>et</strong> surtout sur ce qu’il y a lieu <strong>de</strong> faire. Ily a <strong>de</strong>s renseignements à prendre auprès <strong>de</strong>la famille, du mé<strong>de</strong>cin, <strong>de</strong>s voisins, <strong>et</strong>c.Pourquoi, selon vous, l’urgence sedépose-t-elle à l’hôpital ? Pourquoi là <strong>et</strong> pasailleurs ?Le service d’urgence est un entre-<strong>de</strong>ux. Pastout à fait à l’hôpital mais pas vraiment à l’extérieurnon plus. Il est à la porte <strong>de</strong> l’hôpital.C’est un espace qui comprend un paradoxe,tout comme la <strong>crise</strong> : les gens ne saventplus fonctionner comme avant, l’antérieur estimpossible <strong>et</strong> le futur incertain.Probablement que c’est un endroit idéal pourse débarrasser <strong>de</strong> ce qui dérange : ce quidérange la société, le magistrat, la police, lafamille ou le patient lui-même. Les usagersviennent parfois avec leur valise en nousdisant : occupez-vous <strong>de</strong> moi, prenez-moi encharge mais surtout, ne me parlez pas <strong>de</strong>moi. Et je pense que c’est parce que c’est unentre-<strong>de</strong>ux que l’on se perm<strong>et</strong> un peu plus.Le service d’urgence est-il une porte d’entréeaux soins <strong>psychiatriques</strong> ? Questionn<strong>et</strong>-ilun problème d’accessibilité aux soinsen santé mentale ?Oui, je pense. Il faut être vigilant à ce quel’urgence ne soit pas le moyen <strong>de</strong> s’installerdans un système, dans une « carrière »psychiatrique. Les hôpitaux doivent pourcela, à minima, s’informer du parcours <strong>de</strong>susagers. Cela suppose d’assurer un certainsuivi <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s d’hospitalisation <strong>et</strong> <strong>de</strong>médication.Il faut avoir le courage <strong>de</strong> ne pas accepterd’hospitaliser <strong>de</strong>s patients simplement parceque ceux-ci le souhaitent. Nous ne sommespas là pour encourager la chronicité. J’aitoujours considéré les personnes face àmoi comme <strong>de</strong>s adultes responsables dotés<strong>de</strong> ressources, même si pour cela, il estnécessaire <strong>de</strong> les bousculer <strong>et</strong> <strong>de</strong> recevoirparfois en r<strong>et</strong>our leurs réactions <strong>de</strong> mécontentement.Et si <strong>de</strong>s patients se refusent à c<strong>et</strong>te réflexion<strong>et</strong> privilégient la médication abusive, l’hospitalisationà répétition ; je ne veux pas entr<strong>et</strong>enirune carrière sur cela <strong>et</strong> agir par facilité.Il est aussi regr<strong>et</strong>table que les ministresn’aient pas compris que c<strong>et</strong>te approche perm<strong>et</strong><strong>de</strong> réduire les coûts <strong>de</strong> santé. Pendantprès <strong>de</strong> 10 ans, nous sommes parvenus dansl’unité <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> d’urgence psychiatriqueà réduire <strong>de</strong> moitié les hospitalisations. J<strong>et</strong>rouve dommage qu’il n’y ait pas plus d’équipesréellement formées <strong>et</strong> expérimentées,qui développent c<strong>et</strong>te approche en Belgique.Danièle Zucker est l’auteur <strong>de</strong> : Penser la <strong>crise</strong>.L’émergence du soi dans un service d’urgence psychiatrique,publié aux éditions De Boek Université dans lacollection Oxalis.1 Danièle Zucker est également à l’origine d’un groupemultidisciplinaire (formé <strong>de</strong> magistrats, policiers, criminologues,…) qui travaille la question <strong>de</strong>s agressionssexuelles. L’objectif est <strong>de</strong> proposer une série <strong>de</strong> réformeslégislatives, d’encourager une meilleure prise encharge psycho-médico-légale <strong>de</strong>s victimes <strong>et</strong> d’utiliserles métho<strong>de</strong>s d’investigation les plus pointues pour augmenterles chances d’i<strong>de</strong>ntifier les agresseurs sexuels.Un ouvrage : Viol, approches judiciaire, policière, médicale<strong>et</strong> psychologique, reprenant les actes d’un colloqueinternational sur le suj<strong>et</strong>, est en voie <strong>de</strong> publication.DOSSIERConfluences n°11 septembre 200533

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!