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Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

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De la clinique <strong>de</strong> la souffranceà la clinique du sensDanièle Zucker 1 ,Docteur en psychologie,licenciée en philosophie.Responsable pendant 15 ans du Service<strong>de</strong> l’Unité <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> d’urgence psychiatriqueau CHU Saint-Pierre à BruxellesInterview réalisée par Sylvie Gérard, IWSMQui sont les patients en <strong>crise</strong> quiarrivent au service d’urgencepsychiatrique <strong>et</strong> qu’est-ce qui fait<strong>crise</strong> chez eux ?Aux urgences, on rencontre tout public <strong>et</strong>toute problématique.Le service <strong>de</strong>s urgences est un excellentbaromètre <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> société. Il sefait le refl<strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes les problématiquesactuelles : l’exclusion sociale face à une soudaineflambée <strong>de</strong>s prix dans l’immobilier, <strong>de</strong>sproblèmes d’assuétu<strong>de</strong>s avec l’arrivée, sur lemarché, <strong>de</strong> nouveaux produits toxiques, …La tâche première <strong>de</strong> l’urgentiste est <strong>de</strong> fairela part <strong>de</strong>s choses entre les urgences « vitales» <strong>et</strong> « secondaires ». D’un point <strong>de</strong> vuemédical, on conçoit assez aisément c<strong>et</strong>te distinctionmais d’un point <strong>de</strong> vue psychiatrique,comment opérer le « bon » choix ?Il est impératif <strong>de</strong> gérer son temps <strong>et</strong> <strong>de</strong>différencier ce qui ressort <strong>de</strong> la <strong>crise</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>l’urgence. En urgence psychiatrique, il y aune gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> subjectivité.Il y a ce que j’appelle les urgences simples :ce sont les personnes qui ne nécessitent pas,dans l’immédiat, une approche psychothérapeutique.Un alcoolique qui arrive à 3h00du matin avec une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> sevrage nenécessite pas une prise en charge immédiate: cela peut très bien attendre le len<strong>de</strong>main.Il y a les urgences <strong>psychiatriques</strong>, les décompensationsdans le cadre <strong>de</strong> pathologieschroniques comme la maniaco-dépression.La personne qui se présente sur un mo<strong>de</strong>délirant nécessitera très certainement l’interventiondu psychiatre.Et puis, il y a une troisième catégorie, celle<strong>de</strong>s gens en <strong>crise</strong>. Tout le mon<strong>de</strong> peut être en<strong>crise</strong> un jour mais tout le mon<strong>de</strong> ne fait pasla démarche d’aller aux urgences. Certainespersonnes ont les ressources psychiques suffisantespour prendre ren<strong>de</strong>z-vous <strong>et</strong> patienter3 semaines si nécessaire. D’autres n’ontpas ces ressources <strong>et</strong> arrivent aux urgencesà bout <strong>de</strong> souffle. Pour moi, ces personnessignent un comportement psychique particulier<strong>et</strong> il est important <strong>de</strong> pouvoir leur proposerune intervention psychothérapeutique.Quel comportement ?Je pense que les personnes qui ont peu<strong>de</strong> ressources intérieures <strong>et</strong> un réseau peusoutenant ont, le plus souvent, un fonctionnementen « faux-self » pour reprendrele concept développé par Winnicott. Trèsschématiquement, on peut dire que ces personnesont pour moteur le regard <strong>de</strong>s autres.Et finalement, à être toujours préoccupéà correspondre à ce que l’on croit quel’autre attend <strong>de</strong> soi, on ne construit rien àl’intérieur. On se soum<strong>et</strong> alors à l’exigence<strong>de</strong> ce que l’on pense détecter chez l’autre.C’est un fonctionnement qui remonte à lap<strong>et</strong>ite enfance avec un environnement qui a<strong>de</strong>mandé à l’enfant une adaptation totale quiannihile la construction propre <strong>de</strong> l’enfant.L’enfant, puis l’adulte qu’il <strong>de</strong>vient, n’a <strong>de</strong>cesse <strong>de</strong> s’adapter. Cependant c<strong>et</strong>te adaptationmassive peut voler en éclats un jour <strong>et</strong>amener la personne à craquer très durement.Tout le travail psychothérapeutique consistealors à ce que le suj<strong>et</strong> puisse d’abord prendreconscience <strong>de</strong> ce vi<strong>de</strong> intérieur pour pouvoirp<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it s’approprier sa propre pensée,ses propres désirs, … C’est un travail quipeut être amorcé aux urgences au travers <strong>de</strong>quelques rencontres <strong>et</strong> être poursuivi à l’extérieurdans une consultation. C’est ce que l’onespère mais cela suppose que l’on ait unesoli<strong>de</strong> formation <strong>de</strong> base pour pouvoir faireface à la brutalité <strong>de</strong>s émotions expriméespar le patient. Il faut rester calme <strong>et</strong> contenantpour que c<strong>et</strong>te phase <strong>de</strong> détresse aiguelaisse la place à quelque chose qui puisses’élaborer. C<strong>et</strong>te dimension psychothérapeutiquene rej<strong>et</strong>te pas en bloc toute médication.Elle s’avère parfois nécessaire mais jamaissans réflexion préalable car le risque estd’endormir ce qui fait précisément <strong>crise</strong>..Comment s’effectue l’accueil aux urgences ?L’équipe <strong>de</strong> l’accueil décrypte la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>et</strong>les besoins du patient. Si c’est une personneen <strong>crise</strong>, on travaille ce moment <strong>de</strong> <strong>crise</strong>en prenant tout le temps nécessaire. D’oùla nécessité <strong>de</strong> bien distinguer ce qui fait<strong>crise</strong> <strong>et</strong> urgence, car l’entr<strong>et</strong>ien peut durer2 – 3 heures au risque <strong>de</strong> voir d’autrespatients s’accumuler dans la salle d’attente.Prendre son temps aux urgences, cela révolutionnel’idée que l’on se fait généralementd’un tel service…Cela perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> ne pas étouffer la <strong>crise</strong>, maisau contraire, <strong>de</strong> tirer profit <strong>de</strong> ce momentpropice au changement. Trop souvent, lepatient aux urgences est écouté quelquesminutes, hospitalisé, mis sous médication,stabilisé puis renvoyé chez lui. Tout est faitpour le ramener à un état d’avant-<strong>crise</strong>,pour le calmer. Mais en définitive, c’est l<strong>et</strong>hérapeute que l’on calme, que l’on « préserve». C’est vrai qu’une personne en <strong>crise</strong>,bruyante, déstructurée peut « déranger »dans la mesure où elle ne correspond en rienà la nosographie classique. Il ne suffit pasici <strong>de</strong> sortir son manuel. On reçoit la <strong>crise</strong><strong>de</strong> façon très abrupte <strong>et</strong> il faut <strong>de</strong>s épaulessoli<strong>de</strong>s pour pouvoir se dire : prenons l<strong>et</strong>emps <strong>de</strong> s’asseoir, <strong>de</strong> dépasser les symptômes<strong>et</strong> d’accé<strong>de</strong>r réellement à la personne.32 Confluences n°11 septembre 2005

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