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Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

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La solitu<strong>de</strong> du mé<strong>de</strong>cin généralisteface aux urgences en santé mentaleComment le mé<strong>de</strong>cin traitant vit-il les situations <strong>de</strong> <strong>crise</strong> <strong>et</strong> d’urgence ensanté mentale ?Y est-il régulièrement confronté <strong>et</strong> que peut-il ou… que souhaiterait - il…m<strong>et</strong>tre en place ?Un généraliste témoigne <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>rnière urgence à domicile…Il nous livre son profond sentiment <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> lors <strong>de</strong> ces <strong>interventions</strong>.Depuis mes premières années<strong>de</strong> pratique <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine générale,il y a plus <strong>de</strong> 30 années,j’entends les psychiatres répéterqu’il n’y a pas d’urgence en santé mentale,qu’il n’y a que l’évolution d’une situation<strong>et</strong> qu’il est donc indispensable <strong>de</strong> faire<strong>de</strong> la prévention <strong>et</strong> d’anticiper l’urgence…La belle affaire que voilà !Lors <strong>de</strong> mes 2 <strong>de</strong>rnières gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong> weekend,la réalité <strong>de</strong> l’urgence en santé mentalem’a explosé une nouvelle fois à la figure enme laissant un goût amer <strong>et</strong> beaucoup d<strong>et</strong>ristesse.Le premier appel fut celui d’une maman endétresse parce que son fils <strong>de</strong> 17 ans, enrupture scolaire <strong>et</strong> familiale mais en affectionpour la drogue, pétait les plombs, grimpaitaux murs <strong>et</strong> démolissait tout ce qui lui tombaitentre les mains. Ce jeune homme, moi, jene le connaissais pas, j’étais le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>gar<strong>de</strong> <strong>et</strong> d’autres appels m’attendaient. J’aiquand même consacré du temps à essayer<strong>de</strong> lui parler <strong>et</strong> <strong>de</strong> comprendre sa détresse.Périlleux exercice lorsque l’on ne connaît riendu souffrant ni <strong>de</strong> sa famille ni <strong>de</strong> l’ensemble<strong>de</strong> son milieu <strong>de</strong> vie …. Beaucoup <strong>de</strong> refus<strong>de</strong> sa part parce qu’il dit se sentir très bien.Par contre, beaucoup <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> safamille qui le voit « très mal » <strong>et</strong> qui ne supporteplus ses <strong>crise</strong>s, ses colères, ses dégâtsYves DelforgeMé<strong>de</strong>cin généraliste<strong>et</strong> son agressivité (il est allé jusqu’à bousculerviolement sa mère…). En <strong>crise</strong> <strong>de</strong>puis<strong>de</strong>s semaines, ce jeune a toujours refusé <strong>de</strong>voir un quelconque thérapeute, que ce soitson mé<strong>de</strong>cin généraliste, un psychiatre ou unpsychologue.Quelques instants après, la police, appeléeen même temps que moi, arrive sur leslieux. Ces policiers sont calmes <strong>et</strong> patients.Me sachant sur place, ils restent en attente,discr<strong>et</strong>s afin <strong>de</strong> me laisser travailler en espérantque je puisse arriver à le calmer <strong>et</strong>à l’amener à la raison. Mais, ce jeune sebraque <strong>et</strong> refuse tout traitement. J’essaye<strong>de</strong> lui faire comprendre qu’il risque une misesous protection, il n’en démord pas : lui,il va très bien <strong>et</strong> il n’a pas besoin <strong>de</strong> monai<strong>de</strong>. Un <strong>de</strong>s policiers se présente alors àlui <strong>et</strong>, calmement, essaye aussi <strong>de</strong> l’apaiser.Il ne veut rien entendre <strong>et</strong> redouble <strong>de</strong>colère, refusant toute ai<strong>de</strong>. Les parents sontexaspérés <strong>et</strong>, à bout, ils me réclament uneintervention plus ferme vu l’échec <strong>de</strong> toutesleurs entreprises <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s mois. Comm<strong>et</strong>ous les critères sont présents, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>sa mise sous protection. Comme il refuse <strong>de</strong>partir calmement, les policiers l’emmènent,menottes aux poings, vers le poste <strong>de</strong> policepour y passer la nuit en attendant la décisiondu juge <strong>de</strong> paix.Moi, c’est avec une profon<strong>de</strong> tristesse <strong>et</strong>beaucoup <strong>de</strong> frustration que je m’en r<strong>et</strong>ournevers d’autres appels où je suis attendu.Lors <strong>de</strong> ma secon<strong>de</strong> gar<strong>de</strong>, l’autre appelfut celui d’une autre maman, divorcée <strong>et</strong>en détresse profon<strong>de</strong> parce que son fils <strong>de</strong>15 ans, en rupture scolaire <strong>et</strong> familiale, maissans affection pour la drogue, venait <strong>de</strong> péterles plombs parce que sa moto ne voulait pasdémarrer… A mon arrivée, ce jeune que jene connais pas non plus est accroupi au fond<strong>de</strong> ce qui a dû être un garage mais qui n’estplus qu’un champ <strong>de</strong> bataille. A ma vue, sacolère reprend...Me souvenant <strong>de</strong> l’expérience désastreuseprécé<strong>de</strong>nte, j’emmène sa maman dans lacuisine <strong>et</strong> je m’attache à écouter sa détresse<strong>et</strong> ses inquiétu<strong>de</strong>s vis-à-vis <strong>de</strong> son fils. Vingtminutes plus tard, son père qui vient ramener2 autres enfants qu’il avait en gar<strong>de</strong>, arrive<strong>et</strong> se joint à notre réflexion. J’apprends unpeu plus tard que le jeune s’est calmé <strong>et</strong>entreprend <strong>de</strong> rem<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> l’ordre dans legarage. Il refuse toujours <strong>de</strong> me voir, maiscomme il est calme, je poursuis ma route, unpeu plus serein que dans l’autre exemple.Dans les <strong>de</strong>ux situations, j’ai souri, jaune,à l’idée que « l’urgence en santé mentale »n’existe pas <strong>et</strong> j’ai regr<strong>et</strong>té <strong>de</strong> ne pas pouvoirfaire appel à une secon<strong>de</strong> ligne comme ilen existe pour les soins palliatifs : conseil,soutien, référence, ai<strong>de</strong> pratique si besoin.J’en rêve... ! 22 Confluences n°11 septembre 2005

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