<strong>Urgences</strong> <strong>psychiatriques</strong> <strong>et</strong><strong>interventions</strong> <strong>de</strong> <strong>crise</strong>dossierCe troisième dossier <strong>de</strong> l’année 2005 abor<strong>de</strong> lui aussi un aspect <strong>de</strong> l’accessibilitéen santé mentale. Dans ce numéro, l’<strong>Institut</strong> se penche sur l’épineuse question <strong>de</strong>l’urgence. Epineuse car le terme « urgence » nous renvoie à la question du temps ;au sens qu’on lui attribue, à la perception du mon<strong>de</strong> qu’il reflète, aux actions qui endécoulent…Notre perception du temps est intrinsèquement lié à notre culture, notre vécu, nos angoisses,notre milieu social... En santé mentale plus particulièrement, le temps, par nature introspectif,est aussi perçu à travers la souffrance psychique. La nécessité <strong>de</strong> recourir à l’urgence posequestion. Qui nécessite l’urgence <strong>et</strong> dans quelles circonstances ? Comment est-elle accueillie<strong>et</strong>… « traitée » ?Dans ce numéro, les témoignages recueillis auprès <strong>de</strong> différents intervenants montrent quel’urgence peut se déposer partout. Des professionnels, <strong>de</strong> première <strong>et</strong> secon<strong>de</strong> ligne, y font part<strong>de</strong> leurs pratiques ; <strong>de</strong> leurs questions aussi. Certains services d’urgence semblent, à premièrevue, <strong>de</strong>s modèles d’accessibilité : ils sont ouverts 24h sur 24h, accueillent toutes les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s,proposent un bilan médical compl<strong>et</strong>… Or, vous lirez, notamment à travers le témoignage <strong>de</strong>familles, qu’il règne une forme d’incompréhension réciproque autour <strong>de</strong> l’urgence. Les professionnelsse disent submergés d’urgences « toutes relatives ». Quant aux familles, elles regr<strong>et</strong>tentparfois le peu <strong>de</strong> considération dont elles font l’obj<strong>et</strong> : leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> n’est pas entendue, le délaid’attente est trop long, le temps d’intervention qui leur est réellement consacré, en définitive,bien court ...Dans une société qui se mo<strong>de</strong>rnise <strong>et</strong> se complexifie, les réponses <strong>de</strong> plus en plus rapi<strong>de</strong>s apportéesà nos questions nous font bien souvent perdre le sens du temps. Aujourd’hui, l’insoumissionà l’attente s’accompagne d’une frustration toujours plus gran<strong>de</strong>. Le temps du mala<strong>de</strong> n’est pascelui <strong>de</strong> la famille, encore moins celui du prestataire <strong>de</strong> soins. En santé mentale, la famille asouvent vécu son urgence dans la tension… elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> donc que les prestataires agissentrapi<strong>de</strong>ment pour désamorcer les problèmes, mais qu’ils prennent le temps <strong>de</strong> les entendre.C’est bien là le paradoxe. Comment agir rapi<strong>de</strong>ment <strong>et</strong> prendre le temps nécessaire à l’écoute,pour <strong>de</strong>s problèmes parfois très complexes, sans augmenter la longueur <strong>de</strong> la file d’attente ?Dans les pages qui suivent, certains auteurs lancent <strong>de</strong>s pistes pour une meilleure prise encharge aux urgences. Le côté préventif pourrait remplir un rôle important : responsabilisercertains patients qui encombrent les services d’urgences, intervenir directement au domicile <strong>de</strong>spatients <strong>psychiatriques</strong>, dégager les moyens qui perm<strong>et</strong>tent aux professionnels <strong>de</strong> prendre l<strong>et</strong>emps <strong>de</strong> l’écoute au sein même <strong>de</strong>s urgences… <strong>et</strong> surtout assurer le suivi du patient au-<strong>de</strong>là<strong>de</strong> l’urgence.C’est dans c<strong>et</strong> esprit que l’<strong>Institut</strong> <strong>wallon</strong> pour la santé mentale vous propose <strong>de</strong> prendrele temps <strong>de</strong> lire ce dossier… afin <strong>de</strong> réfléchir au sens <strong>de</strong> l’urgence en santé mentale, <strong>de</strong> repenserl’accueil <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s familles.Denis HenrardComité <strong>de</strong> rédaction <strong>de</strong> Confluences14
Les urgences : mise en perspectiveLorsque l’on souhaite appréhen<strong>de</strong>r un phénomène comme celui <strong>de</strong>s« urgences », mises en contexte <strong>et</strong> en perspective historique paraissentindispensable à une pleine compréhension. Le court espace <strong>de</strong> c<strong>et</strong> articlene perm<strong>et</strong> pas une analyse détaillée mais quelques points <strong>de</strong> repèressont envisagés. La problématique <strong>de</strong>s urgences abordée sera, essentiellement,celle <strong>de</strong>s services <strong>de</strong>s urgences <strong>de</strong>s hôpitaux généraux qui estla mieux connue. Les urgences rencontrées en mé<strong>de</strong>cine générale, pournombreuses qu’elles soient, ont fait l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> peu d’étu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> les généralistesles gèrent le plus souvent seuls 1 . Comparativement à ces <strong>de</strong>uxgrands récepteurs <strong>de</strong>s urgences, hôpitaux <strong>psychiatriques</strong> <strong>et</strong> services<strong>de</strong> santé mentale occupent une place numériquement beaucoup moinsimportante <strong>et</strong>, à la différence <strong>de</strong>s hôpitaux généraux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cinsgénéralistes, les urgences qu’ils reçoivent résultent d’une orientationpréalable, implicite ou explicite, vers l’univers spécialisé qu’ils représentent.L’histoire <strong>de</strong>s hôpitaux <strong>de</strong> Paris perm<strong>et</strong><strong>de</strong> se faire une rapi<strong>de</strong> idée <strong>de</strong>l’évolution <strong>de</strong> ce type particulier d’interactionentre <strong>de</strong>s patients nécessitant<strong>de</strong>s <strong>interventions</strong> très diversifiées <strong>et</strong> undispositif <strong>de</strong> soins.Dès 1666, un « grand règlement » médicochirurgicalorganise l’accueil <strong>de</strong> ceux –enfants, adultes, détenus, aliénés, blessés,accouchées, “scorbutaires”, victimes <strong>de</strong> lapeste ou <strong>de</strong> la “contagion” - qui, à touteheure, se présentent à la porte <strong>de</strong> l’Hôtel-Dieu 2 . Après 1801, trois mo<strong>de</strong>s d’admissionsdifférents y sont reconnus : se présenter lematin à la consultation gratuite, solliciter uneadmission en urgence en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s heures<strong>de</strong> consultation - impliquant la mise en placed’une liste <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> pour les mé<strong>de</strong>cins – ous’adresser au bureau central <strong>de</strong>s admissionsqui statuera. La notion d’urgence n’apparaîtvéritablement que dans la secon<strong>de</strong> moitiédu 19ème siècle. En 1876, un service <strong>de</strong>nuit est organisé qui d’emblée interviendraPhilippe Hoyois,Sociologue, chercheurService <strong>de</strong> Santé Mentale <strong>de</strong> l’ULB <strong>et</strong>Unité <strong>de</strong> Psychologie Médicale, UCL.près <strong>de</strong> 10 fois quotidiennement. Craintes <strong>de</strong>suffoquer, affections nerveuses, convulsions,névralgies, névroses, suici<strong>de</strong>s font partie <strong>de</strong>stroubles traités. La fin du 19 ème siècle voitla multiplication <strong>de</strong>s postes <strong>de</strong> secours <strong>et</strong>l’apparition <strong>de</strong>s premières ambulances urbaines.Au début du 20 ème siècle, les systèmes<strong>de</strong> gar<strong>de</strong> sont encore organisés <strong>de</strong> façondésinvolte <strong>et</strong> l’expression médicale “il n’y apas d’urgence, il n’y a que <strong>de</strong>s gens pressés”,traduisant bien c<strong>et</strong>te désinvolture, date <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te époque 3 . A partir <strong>de</strong>s années 20, <strong>de</strong>s« services portes » s’ouvrent progressivementdans la plupart <strong>de</strong>s hôpitaux pour recevoir,traiter <strong>et</strong> opérer les mala<strong>de</strong>s amenés à touteheure <strong>de</strong> l’après-midi <strong>et</strong> <strong>de</strong> la nuit, sans perturberle fonctionnement <strong>de</strong>s autres services.Le système sera progressivement améliorépour aboutir à l’institution <strong>de</strong> véritables servicesd’urgence au début <strong>de</strong>s années 70 4 . Enfin,pour rendre compte <strong>de</strong>s évolutions récentes,il est intéressant <strong>de</strong> comparer la définition<strong>de</strong> l’urgence donnée en 1971 par Chevallier :« Cas où le mala<strong>de</strong> ou l’acci<strong>de</strong>nté qui se présentehors <strong>de</strong>s heures <strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong>sconsultations ou qui arrive sans ren<strong>de</strong>z-vousà une consultation <strong>et</strong> qu’on doit examiner <strong>et</strong>traiter sans délai » 5 , à celle <strong>de</strong> Clément, en1995, qui indique que la mission <strong>de</strong>s servicesd’urgence est « l’accueil <strong>de</strong> tout patient arrivantà l’hôpital pour <strong>de</strong>s soins immédiats <strong>et</strong>dont la prise en charge n’a pas été programmée,qu’il s’agisse d’une situation d’urgencelour<strong>de</strong> ou d’une urgence ressentie » 6 .En Belgique, la première loi relative à l’ai<strong>de</strong>médicale urgente est publiée le 8 juill<strong>et</strong>1964 7 . Le service 900, <strong>de</strong>stiné d’abord àsecourir les acci<strong>de</strong>ntés <strong>et</strong> les blessés sur lavoie publique, débute son activité en juill<strong>et</strong>1965. Les normes minimales pour l’agréationd’un hôpital dans la chaîne 900, établies en1966, ne seront cependant jamais ratifiéespar les autorités. Malgré cela, 196 hôpitauxseront agréés mais, en 1977, seuls60 disposent d’une permanence médicaleorganisée à l’intérieur <strong>de</strong> l’institution. En 1977toujours, le constat est fait que le public fait<strong>de</strong> plus en plus appel aux salles d’urgence,sans recourir au 900. Un directeur d’hôpitalplai<strong>de</strong> pour l’ouverture <strong>de</strong> salles d’urgencedans tout hôpital régional, considérant que« lorsque l’accueil <strong>de</strong>s cas urgents ou <strong>de</strong>s casurgents supposés ne s’effectue pas correctement[dans l’hôpital auquel les patients ontl’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> s’adresser -NDLR], la relation<strong>de</strong> confiance hinterland-hôpital est brisée …Tout hôpital pour maladies aiguës doit assurerpar conséquent un service <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> enpermanence ». C<strong>et</strong>te même année 1977,<strong>de</strong>s normes architecturales <strong>et</strong> fonctionnellessont fixées, déterminant <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> services,organisés en ensembles spécifiquescorrespondant à une hiérarchie <strong>de</strong>s moyenshumains <strong>et</strong> techniques. L’organisation hospitalière<strong>de</strong>s urgences ne cesse ensuite<strong>de</strong> s’améliorer 8 . Les Services Mobilesd’Urgence <strong>et</strong> <strong>de</strong> Réanimation (SMUR) sontfondés en 1998. En mai 2005, on compte,dans les hôpitaux généraux, 140 services <strong>de</strong>soins urgents spécialisés (dont 100 participentà un <strong>de</strong>s 80 SMUR) <strong>et</strong> 24 services <strong>de</strong>premier accueil <strong>de</strong>s urgences 9 .DOSSIERConfluences n°11 septembre 2005 15
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