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Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

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Cathy Stein Greenblatc’est d’abord <strong>de</strong>s sentiments <strong>de</strong> ce genre,un état <strong>de</strong> panique, <strong>de</strong> perte <strong>de</strong> contrôle, laconviction irraisonnée mais sûre d’elle-mêmeque la situation est grave <strong>et</strong> qu’elle exige <strong>de</strong>smoyens extraordinaires. Il n’est pas rare <strong>de</strong>voir les mé<strong>de</strong>cins eux-mêmes recourir à d<strong>et</strong>els services parce qu’ils sont débordés, <strong>et</strong>non point parce que l’état (objectif) <strong>de</strong> leurpatient l’exige 3 .On perçoit le glissement <strong>de</strong> point <strong>de</strong> vueopéré : il s’agit à présent <strong>de</strong> comprendreles urgences non plus à partir <strong>de</strong> la théorie(textes officiels, définitions médicales ou<strong>psychiatriques</strong>) mais à partir du vécu concr<strong>et</strong><strong>de</strong> chacun d’entre nous. Pourquoicelui-ci serait-il moins important (tant surle plan épistémologique que éthique) ?Incontestablement, dans c<strong>et</strong>te nouvelle perspective,les missions <strong>de</strong> ces services doiventnon seulement être élargies mais hiérarchiséesautrement. Les urgences interviennentdans notre univers d’abord <strong>et</strong> avant toutpour nous perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> dire qu’on se vit ensituation <strong>de</strong> <strong>crise</strong>. Comment ne pas voir, eneff<strong>et</strong>, qu’appeler les urgences ou s’y rendre,c’est une première manière pour chacund’entre nous <strong>de</strong> ne pas se laisser submergerpar la souffrance, la peur, le stress,l’angoisse (réels ou imaginaires selon lascience médicale ou psychiatrique, mais tou-jours réellement vécus), <strong>et</strong> bien au contraired’en faire quelque chose, en m<strong>et</strong>tant cesaffects en scène, en leur donnant une visibilitésociale, en quête d’une reconnaissance,pour une prise en charge 4 ? Le sentimentsubjectif <strong>de</strong> l’urgence ne peut trouver à sedire, à se concrétiser <strong>et</strong> à se confirmer (ounon) – <strong>et</strong> donc à se vivre – qu’en s’exposantdans ce qui incarne par excellence l’urgence,à savoir les services qui en portent le nom.Il s’agit en quelque sorte <strong>de</strong> joindre le bongeste à la parole, pour libérer c<strong>et</strong>te parole.De ce point <strong>de</strong> vue, <strong>de</strong>ux conclusions s’imposent: tout d’abord, un patient qui se rendaux urgences ou y fait appel a toujours raison<strong>de</strong> le faire. Le traiter d’abuseur, le faireattendre, <strong>et</strong>c. sont autant <strong>de</strong> comportementsincompréhensibles au regard <strong>de</strong> son vécu.Pour lui, il y a réellement urgence ! D’un point<strong>de</strong> vue éthique, c’est ce vécu qui doit d’abordpouvoir être entendu, là où précisément il al’impression <strong>de</strong> pouvoir l’être. Ce travail està part entière celui <strong>de</strong>s urgentistes, du moinsquand ce sont eux qui sont interpellés.Ensuite, si pour diverses raisons, les urgencesne peuvent plus remplir c<strong>et</strong>te fonction, sielles ne sont plus là pour dire l’urgence maisseulement pour soigner les « beaux cas » – ceque l’on peut aussi comprendre – , alors on aencore le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r quel autrelangage crédible, socialement investi comm<strong>et</strong>el, on m<strong>et</strong> à la disposition <strong>de</strong>s patients pourdire qu’ils se vivent, là, maintenant, en situation<strong>de</strong> <strong>crise</strong>. A défaut <strong>de</strong> c<strong>et</strong> autre langage,au lieu <strong>de</strong> fuir, il nous reste à assumer laresponsabilité d’abandonner les patients auchaos <strong>de</strong> leurs souffrances. 1 Par conception arbitraire, nous entendons non pas uneconception inventée <strong>de</strong> toute pièce, sans aucun fon<strong>de</strong>ment,mais une conception qui relève d’un consensusreflétant le plus souvent <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> force entreindividus, un consensus par définition historique, doncrelatif : dans tous les cas, il s’agit d’une représentationsociale ou (inter-) professionnelle <strong>de</strong> la réalité, non <strong>de</strong> laréalité elle-même.2 Le sentiment subjectif peut également induire en erreurdans l’autre sens : il est <strong>de</strong>s situations non dramatiquesen apparence qui se révèlent pourtant fatales. Onn’aura pas recouru aux urgences puisqu’aucun symptômegrave n’était ressenti. Comment le reprocher auxpatients ou à leur famille ?3 C<strong>et</strong>te situation, lorsqu’elle se produit par exemple àl’hôpital, laisse d’ailleurs le sentiment aux urgentistes (enpsychiatrie) d’être la poubelle <strong>de</strong> l’hôpital.4 Il conviendrait <strong>de</strong> déployer ici – ce que nous ne pouvonsfaire – une phénoménologie du psychisme humain,pour montrer comment sa nature purement affective sem<strong>et</strong> en scène (ou s’élabore) à travers <strong>de</strong>s « mythes »,<strong>de</strong>s conceptions tenues pour vraies à juste titre par unesociété donnée, telle la mé<strong>de</strong>cine. Faute <strong>de</strong> quoi, il n’estque chaos. Pour l’expliquer en un mot, songeons auxgénéralistes qui reconnaissent que <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong> leursconsultations ne sont pas médicales au sens strict : <strong>de</strong>spersonnes en souffrance en appellent à eux pour dire ouélaborer leur mal-être <strong>et</strong> être reconnues <strong>de</strong> fait « en souffrance» : comme si le langage médical était le seul quileur perm<strong>et</strong>te <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s mots sur ce qu’elles vivent.46 Confluences n°11 septembre 2005

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