17.07.2015 Views

Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Séquences éclairsLes urgences <strong>psychiatriques</strong> sont un théâtre.Etres hauts en couleurs, situations paroxystiques,sentiments exacerbés <strong>de</strong>s naufragés<strong>de</strong> l’âme. Je prends plaisir à ces embolies<strong>de</strong>s êtres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s situations, y trouve maplace, là où, dans la vie courante, dans le« trop normal », je me sens étranger. Dansles dérapages, je me glisse pour, p<strong>et</strong>ite souris,regar<strong>de</strong>r la gran<strong>de</strong> tragédie du mon<strong>de</strong>.Le troisième jour <strong>de</strong> mon séjour à l’hôpital,une jeune fille <strong>de</strong> 16 ans arrive dans le service.Elle est à moitié abasourdie, suite à l’ingestiond’une forte quantité <strong>de</strong> médicaments.Là, au premier étage, <strong>de</strong>vant nous, nousla voyons entourée <strong>de</strong> sa famille, pleurant,gémissant. Les parents semblent désemparés.Je l’interpelle : « Tu est là pour quoi ?- J’ai avalé <strong>de</strong>s médicaments, <strong>et</strong> toi ? - J’ai faitune TS. » Elle fond alors en larmes <strong>et</strong> répète« Toi tu me comprends au moins » <strong>et</strong> se j<strong>et</strong>tedans mes bras.Le len<strong>de</strong>main, à onze heures du matin, jeme rends au premier étage pour y cherchercompagnie. Je trouve la jeune fille <strong>de</strong> laveille étendue sur le lino du salon. Affaibliepar les barbituriques, elle a perdu l’équilibrependant sa promena<strong>de</strong>. Je l’ai<strong>de</strong> à serelever <strong>et</strong> la raccompagne jusqu’à sa chambre,animal humain trop humain qui dans sachute m’a ému, figure du tragique qui flattemon penchant romantique pour la folie <strong>et</strong> ledésespoir.Une étrange nostalgieJe sors <strong>de</strong>s urgences au bout d’une semaine.Je me r<strong>et</strong>rouve ainsi seul dans mon appartement,dans c<strong>et</strong>te ville où je ne connais pratiquementpersonne. Je suis comme j<strong>et</strong>é dansl’arène avec les lions, dans une situationsimilaire à celle qui a précédé ma tentative<strong>de</strong> suici<strong>de</strong>. Seul le traitement neuroleptiqueque l’on m’a donné m’ai<strong>de</strong> à me sentir pluschez moi (dans mon corps <strong>et</strong> dans ma tête).Je vais à la faculté <strong>de</strong>ux fois par semaine,bouquine, me fais une overdose <strong>de</strong> cinéma.Très vite, je me surprends à attendre le soir, àattendre le moment où je vais me m<strong>et</strong>tre au lit.Et peu à peu, c’est une sorte <strong>de</strong> rituel quis’instaure, ce moment où, blotti sous lesdraps, la lumière éteinte, je me remémorel’hôpital Edouard-Herriot avec délectation,comme s’il s’agissait d’un lieu féerique. Je mepasse <strong>et</strong> me repasse les mêmes scènes, <strong>de</strong>sdizaines <strong>de</strong> fois. Mon passage aux urgencessurgit dans mon esprit comme un souvenirmerveilleux, à tel point que cela <strong>de</strong>vient uneobsession. Alors, un après-midi, je pénètredans l’hôpital, comme pour vérifier que toutcela a bel <strong>et</strong> bien existé. J’espère trouverquelqu’un près <strong>de</strong> la machine à café ou ausalon au premier étage. Mais... personne ! Jem’en r<strong>et</strong>ourne déçu <strong>de</strong> ne pas avoir r<strong>et</strong>rouvéles choses intactes, telles qu’elles apparaissaientdans mes souvenirs.Avec du recul, je suis frappé par l’intensité <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te nostalgie que j’avais <strong>de</strong> mon bref séjourà l’hôpital. Je pense aujourd’hui que l’extrêmesolitu<strong>de</strong> dans laquelle je me trouvais m’incitaità vivre avec mes souvenirs. D’une urgence àl’autre, je préfère vivre dans le présent, m<strong>et</strong>enir droit, le dos rai<strong>de</strong>, être <strong>de</strong> ceux qui ontchoisi leur <strong>de</strong>stin. Damien 11 Témoignage publié sur le site : www.schizosedire.comdans la rubrique : Paroles <strong>de</strong> Patients.Fan<strong>et</strong>te BruelDOSSIERConfluences n°11 septembre 200519

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!