Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...
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Si un groupe <strong>de</strong> formation peut utiliser lemême support (le psychodrame par ex.) <strong>et</strong>avoir <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s proches <strong>de</strong> ceux d’un group<strong>et</strong>hérapeutique, m<strong>et</strong>tre sur pied l’un ou l’autre<strong>de</strong> ces groupes implique <strong>de</strong>s objectifs <strong>et</strong> <strong>de</strong>spréalables fort différents.Nous n’avons pas voulu organiser danschacun <strong>de</strong>s quatre SSM une <strong>de</strong>s formes<strong>de</strong> groupe thérapeutique “clé sur porte”.Au contraire, nous sommes partis <strong>de</strong> la situationpropre à chaque centre, <strong>de</strong>s patients <strong>et</strong><strong>de</strong>s problématiques qui, là-bas préoccupantes,étaient susceptibles d’un abord groupal<strong>et</strong>, bien entendu, du niveau <strong>de</strong> réalisationpossible, utile <strong>et</strong> souhaitable pour chacune<strong>de</strong>s équipes. C’est à huit personnes, puisà dix, que nous avons pu ainsi penser cinqformes <strong>de</strong> travail thérapeutique <strong>de</strong> groupe,réalisant par notre propre travail <strong>de</strong> groupece qui n’aurait pu venir d’un seul centre.Par ailleurs, la diversité <strong>de</strong> nos formations apermis qu’approches analytique, systémique<strong>et</strong> corporelle s’enrichissent mutuellement.Pour Viol<strong>et</strong>te par exemple…Viol<strong>et</strong>te a 13 ans quand ses parents consultentune pédopsychiatre au Centre <strong>de</strong> Guidance.En septembre, elle est entrée dans le secondaire.Récemment, elle a caché ses résultatsà ses parents. « Elle m’a menti ! » dit samaman fâchée. D’habitu<strong>de</strong>, elle est très sage,très obéissante <strong>et</strong> fait tout ce qu’on attendd’elle. Ses « dissimulations » les étonnentdonc très fort. Dans l’entr<strong>et</strong>ien, la pédopsychiatreapprend également qu’avec Viol<strong>et</strong>te« on ne sait jamais ce qu’elle pense : elle neveut plus aller au patro mais on ne sait paspourquoi ! ». Ils ajoutent que, d’une manièregénérale, leur fille éprouve <strong>de</strong>s difficultés àexprimer son agressivité. Ils signalent égalementque Viol<strong>et</strong>te ne sait pas bien se défendrepar rapport à ses sœurs plus jeunes, fortenvahissantes, qui sont décrites comme <strong>de</strong>vrais « démons ». Les parents souhaitent ai<strong>de</strong>rleur fille à surmonter ses difficultés.Un bilan instrumental est réalisé afin <strong>de</strong> vérifierqu’il n’y ait pas <strong>de</strong> problème à ce niveau.Les résultats sont rassurants.La pédopsychiatre déci<strong>de</strong> alors <strong>de</strong> l’orientervers le groupe <strong>de</strong> psychodrame pour adolescentsqui existe au Centre <strong>de</strong> Guidance.Bien que très timi<strong>de</strong>, Viol<strong>et</strong>te se montre d’embléeintéressée par ce dispositif. En séance,elle participe bien. Entraînée par le climatémotionnel <strong>et</strong> le jeu du groupe, elle amènelors d’une séance un fantasme très agressifqui la surprend, l’effraie <strong>et</strong> dont, au départ,elle se défend. Tout ce matériel est contenupar le dispositif du psychodrame <strong>de</strong> groupe<strong>et</strong> est élaboré ensuite dans le transfert parrapport aux animateurs dans les séances.Viol<strong>et</strong>te participe également à d’autres jeuxqui sont sous-tendus par <strong>de</strong>s mouvementsémotionnels très forts. Le groupe <strong>de</strong> psychodramea constitué, pour Viol<strong>et</strong>te, un espacemédiateur i<strong>de</strong>ntificatoire <strong>et</strong> un étayage narcissiquesur lequel elle a pu s’appuyer pours’exprimer <strong>et</strong> se faire davantage confiance.Le cycle <strong>de</strong> séances terminé, la maman<strong>de</strong> Viol<strong>et</strong>te confirme les progrès <strong>de</strong> sa fille.En eff<strong>et</strong>, celle-ci peut beaucoup mieux s’affirmerdans ses choix personnels, les expliciterdavantage, voire parfois s’opposer à sesparents <strong>et</strong> à d’autres adultes, m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s limitesà ses soeurs <strong>et</strong> réussir à l’école.Ou pour Kévin…Bien droit sur sa chaise à la première séance<strong>de</strong> groupe, Kévin observe les cinq autres <strong>et</strong>ne dit rien. Il scrute aussi ce monsieur <strong>et</strong> c<strong>et</strong>temadame qu’il a rencontrés trois semaines plustôt avec sa maman.Sa mère nous avait parlé <strong>de</strong> ce qui la préoccupait.Son fils est toujours seul, il ne jouepas avec les autres dans la cour <strong>de</strong> l’école, ilne veut jamais inviter un copain à la maison.Il a toujours la tête ailleurs <strong>et</strong> la réussite <strong>de</strong> satroisième primaire est compromise. Derrièreson regard craintif, très attentif pourtant, Kévinn’a pas <strong>de</strong>sserré les <strong>de</strong>nts.Conduit par ses <strong>de</strong>ux parents, il arrive complètementcrispé pour la première <strong>de</strong>s dix séances.Sous la poussée <strong>de</strong>s encouragements<strong>de</strong> sa mère, il nous dit en quelques motsbredouillés qu’il ne voulait pas venir. Nousavons accusé réception. Il n’a pas ouvert labouche c<strong>et</strong>te fois-là.Etre dans un groupe avec <strong>de</strong>ux adultes ; c’estd’abord comme si on était à l’école. Puis, au<strong>de</strong>là<strong>de</strong>s consignes <strong>de</strong> départ – créer un jeuensemble –, la mise en groupe fait son œuvre.Des liens se tissent <strong>et</strong> les personnes se m<strong>et</strong>tentà bouger, à parler, à vouloir courir, sauter,grimper sur leur siège, <strong>et</strong> les <strong>de</strong>ux thérapeutestentent, pas toujours avec succès, <strong>de</strong> maintenirc<strong>et</strong>te vitalité débordante en intervenant surl’acte, la parole <strong>et</strong> le sens.A la <strong>de</strong>uxième séance, lors du rituel <strong>de</strong> présentationen cercle, Kévin arrive à bégayerson prénom malgré son corps parcouru d<strong>et</strong>remblements. Il redit <strong>de</strong>vant tous qu’il n’avaitpas envie <strong>de</strong> venir. Après quelques fois, il sort<strong>de</strong> sa réserve, pris dans les sollicitations <strong>de</strong>sautres <strong>et</strong> du groupe. Avait-il le choix ? Il auraitpu ne plus venir sans doute. Le voilà qui,lui aussi, se risque à tenter <strong>de</strong> dépasser leslimites, à lancer une injure ou à crier commeun putois au cour d’un jeu. Très attentif à nosréactions, il embraye pourtant dans le mouvementd’ensemble qui cherche <strong>de</strong> plus en plusà m<strong>et</strong>tre les limites du groupe – les nôtresaussi – à l’épreuve. Sollicité par les autres <strong>et</strong>le jeu i<strong>de</strong>ntificatoire interne au groupe, Kévinrencontre peu à peu l’agressivité paralyséedans tout son corps. Il lui faut un espace transitionnelsuffisamment exposé <strong>et</strong> protégé à lafois. « Et quoi, vous n’allez pas raconter toutcela à ma mère ? » « Non, mais on parlera d<strong>et</strong>oi avec tes parents quand on se verra aprèsla fin du groupe. »L’entr<strong>et</strong>ien bilan fait partie du processus.En j<strong>et</strong>ant <strong>de</strong>s ponts entre le quotidien <strong>et</strong> legroupe, sans en faire le rapport mais en ayantpour visée ce que l’enfant a pu y montrer <strong>de</strong>lui, il constitue un temps essentiel d’échangeélaboratif dans l’après-coup.Après notre entr<strong>et</strong>ien, Kévin se rendait augoûter d’anniversaire d’un copain.Et à présent ?Cinq groupes ont été construits : trois pour <strong>de</strong>senfants (l’un s’organisant autour <strong>de</strong> la créationd’une œuvre commune, l’autre axé sur le jeu<strong>et</strong> le travail <strong>de</strong> l’inhibition, le troisième sur lasymbolisation médiatisée <strong>et</strong> l’individuation),un pour <strong>de</strong>s adolescents (psychodrame <strong>de</strong>groupe), un pour adultes (expression verbale).Actuellement tous ces groupes sont en coursou ont terminé leur premier cycle. Il est doncà ce sta<strong>de</strong> encore prématuré <strong>de</strong> dresserun bilan définitif <strong>de</strong> la situation mais quelqueséléments d’évaluation laissent à penserqu’il serait intéressant <strong>de</strong> poursuivre l’actionentamée, <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> nouveaux groupesthérapeutiques voire, pourquoi pas, d’intégrerultérieurement d’autres SSM au proj<strong>et</strong>. 1 Les SSM <strong>de</strong> Charleroi ( rue L. Bernus), Ottignies (rue<strong>de</strong>s Fusillés), Huy (rue <strong>de</strong> la Fortune) <strong>et</strong> le CSMU <strong>de</strong>Liège (rue Lambert-le-bègue).2 Article co-signé par D. Huon, J-M. Warich<strong>et</strong>, L.Balthazar, X. Mulkens, A. d’Haeyère, M. Blust, V. Liesens,F. Bouchat, F. Dispas.Confluences n°11 septembre 2005 7