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Urgences psychiatriques et interventions de crise - Institut wallon ...

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Temps(s) <strong>et</strong> traitement psychiatrique :quelques articulations...Autre thème <strong>de</strong> réflexion mis endébat, celui du temps consacré autraitement. Peut-on évaluer quellesera la durée d’un traitement psychiatrique? Comment réagir face aux pressionsd’immédiat<strong>et</strong>é <strong>et</strong> <strong>de</strong> rentabilité ?Est-il possible <strong>de</strong> croire que les liens peuventse créer, hors temporalité, <strong>de</strong> manière presquevirtuelle ? Le temps n’est-il pas un élémentessentiel du traitement ? Comment êtresûr <strong>de</strong> ne pas s’enliser dans un processus<strong>de</strong> soins sans fin ? En guise d’introduction àc<strong>et</strong>te journée d’étu<strong>de</strong> 1 , voici quelques pistes<strong>de</strong> réflexions...Edith Stillemans, Mé<strong>de</strong>cin-chefChristophe Herman, PsychologueCentre Hospitalier Jean Titeca, BruxellesDéjà, dans l’antiquité grecque, les templesd’Asclépios offraient différentesapproches thérapeutiques spécifiques<strong>de</strong>s états qualifiés, à l’époque, « d’aveuglements». Ces thérapeutiques comprenant jeûne,processions, longues heures <strong>de</strong> suggestions verbales,… m<strong>et</strong>taient en jeu, dans sa durée, le temps quiapparaissait déjà indissociable du traitement.Plus près <strong>de</strong> nous, au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers siècles <strong>et</strong>jusqu’à il y a peu, les représentations sociales ontparfois qualifié l’asile <strong>de</strong> lieu <strong>de</strong> soins mais, plussouvent, <strong>de</strong> lieu d’enfermement à vie. En eff<strong>et</strong>, faisantécho à la maladie mentale considérée comme« chronique » voire incurable, le temps du traitementa été lui aussi supposé interminable, se confondantainsi avec une durée « d’hospitalisation » illimitée.Dans les faits, pourtant, il semble que la réalité aitété bien différente. C’est ce que nous constatonsnotamment au travers <strong>de</strong> l’examen <strong>de</strong> la populationaccueillie au Centre Hospitalier Jean Titeca (CHJT)à Bruxelles durant la secon<strong>de</strong> moitié du XIXèmesiècle 2 . 87,3% <strong>de</strong>s personnes hospitalisées yséjournaient moins d’une année. Les courts séjoursy constituaient véritablement la règle.Néanmoins, il faut souligner le taux important<strong>de</strong> décès relevé dans c<strong>et</strong>te population (un tiers<strong>de</strong>s personnes hospitalisées). Celui-ci a certainementcontribué à soutenir certaines représentationssociales confirmant dramatiquement la formulation :« lorsqu’on entre à l’asile, on n’en ressort pas ».Depuis plus <strong>de</strong> trente ans, dans les suites <strong>de</strong> ladécouverte <strong>de</strong>s psychotropes <strong>et</strong> dans la mouvancedu courant antipsychiatrique <strong>et</strong> <strong>de</strong> désinstitutionnalisationainsi que du développement <strong>de</strong>s psychothérapies,les alternatives thérapeutiques se sont vuescroître <strong>de</strong> manière exponentielle.Actuellement, la réorganisation en réseaux <strong>et</strong> circuitsdu champ <strong>de</strong> la santé mentale <strong>et</strong> <strong>de</strong> lapsychiatrie vise à concilier <strong>de</strong> manière optimaleces offres thérapeutiques avec le bien-être <strong>de</strong> lapersonne tout en tenant compte <strong>de</strong>s impératifs budgétaires.Ces <strong>de</strong>rnières contraintes introduisent aucœur même <strong>de</strong>s soins la nécessité <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>ment<strong>et</strong> d’efficacité. Ainsi, la performance d’un traitements’apprécie-t-elle, entre autres, à la brièv<strong>et</strong>é <strong>de</strong> laprise en charge.Si nous nous rapportons à une lecture <strong>de</strong>scriptive<strong>de</strong>s troubles mentaux, il s’avère que le traitementcontrôle rapi<strong>de</strong>ment les symptômes <strong>de</strong> certainespersonnes, les atténue chez d’autres ou reste sanseff<strong>et</strong>, même au fil du temps. « Chroniquement »aiguës, ces <strong>de</strong>rnières personnes ne sont pas, àbrève échéance, candidates aux structures ambulatoires<strong>et</strong> séjournent parfois durant <strong>de</strong> longuespério<strong>de</strong>s à l’hôpital. De plus, une même personnepeut, à divers moments <strong>de</strong> son histoire, passer <strong>de</strong>l’une à l’autre <strong>de</strong> ces situations en fonction <strong>de</strong> ceà quoi elle est aux prises dans son existence. Dèslors, nous le voyons, point <strong>de</strong> solution définitive ou<strong>de</strong> règle invariable en ce qui concerne l’efficacité<strong>de</strong>s traitements <strong>et</strong> leur durée.Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’abord <strong>de</strong>scriptif <strong>de</strong>s symptômes, <strong>de</strong>la diversité <strong>de</strong>s approches thérapeutiques <strong>et</strong> <strong>de</strong>leurs mo<strong>de</strong>s opératoires, relevons un enracinementcommun, à savoir l’accompagnement du patientdans la recherche d’une qualité <strong>de</strong> vie optimale ausein <strong>de</strong> la société ; ceci, quels que soient le dispositifthérapeutique <strong>et</strong> la modélisation sur laquelle ilss’appuient. Ainsi <strong>de</strong>s notions telles que l’accueil,l’hospitalité, l’engagement <strong>de</strong>s professionnels <strong>et</strong> laqualité <strong>de</strong>s échanges humains, restent donc <strong>de</strong>spierres angulaires <strong>de</strong> nos pratiques. Et, <strong>de</strong> par leurnature, le temps imparti à ces notions ne peut êtrefixé à l’avance. Comment, en eff<strong>et</strong>, imaginer réduirece temps existentiel <strong>et</strong> subjectif, ce temps <strong>de</strong> larencontre dans ses dimensions transférentielles àun temps métrique parfaitement contrôlé <strong>et</strong> « rentabilisé» ?Les spécificités d’un hôpital psychiatrique comme leCHJT rési<strong>de</strong>nt, notamment, dans une efficacité sevoulant incisive sur la souffrance <strong>et</strong> les symptômes,souvent résistants, particulièrement incompatiblesavec la vie en société. En outre, la réalité cliniqueque nous accueillons nous enseigne que si lestroubles psychiques peuvent s’apaiser, nous neparlerons pas, pour autant, <strong>de</strong> leur « guérison ». Enoutre, l’apaisement est souvent transitoire, fragile <strong>et</strong>la psychose, en particulier, reste invalidante sur leplan relationnel.Les modalités <strong>et</strong> la durée du traitement à l’hôpitalpsychiatrique s’inscrivent, pour nous, dans un processuspouvant ai<strong>de</strong>r la personne à s’approprier– se réapproprier ce dont elle a besoin pour renoueravec une existence qui lui soit plus supportable.Différents niveaux sont concernés : traitements,vol<strong>et</strong> affectif <strong>et</strong> relationnel, aspects sociaux <strong>et</strong>économiques,… Tous participent à ce que la vieà l’extérieur soit à nouveau praticable, ce quine signifie pas qu’elle soit asymptomatique. Biensouvent, la sortie ne s’avère compatible qu’avecla poursuite d’un accompagnement individualisé<strong>et</strong> pacifiant. Les modalités en prennent les formesvariées qu’offrent aujourd’hui les structures extrahospitalières.A chaque fois, dans la rencontre, soignants <strong>et</strong>patients construisent ensemble un temps <strong>de</strong> priseen charge. Temps qui est source <strong>de</strong> surprises.Parfois il se suspend... mais il connaît aussi sesellipses.Les récits d’une prise en charge que se donnentpatient <strong>et</strong> soignants ne sont habituellement passuperposables. Chacun a ses enjeux propres, sonrythme, ses eff<strong>et</strong>s... Ainsi, en va-t-il <strong>de</strong>s répercussionspotentielles, <strong>de</strong> la réinscription par un suj<strong>et</strong>d’éléments significatifs dans son histoire.Aujourd’hui, les notions <strong>de</strong> progrès, d’efficacité<strong>et</strong> <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>ment sont omniprésentes dans notresociété. Nous perm<strong>et</strong>tra-t-on encore <strong>de</strong> prendre l<strong>et</strong>emps nécessaire à l’accompagnement du suj<strong>et</strong> ?Là où les réponses à court terme restent insuffisantesou sans eff<strong>et</strong>s, nous laissera-t-on encorele temps <strong>de</strong> susciter <strong>de</strong>s instants « différents » ?Quelles seraient à l’avenir les alternatives opérantesà ces traversées thérapeutiques au longcours ? 1 Le Centre thérapeutique <strong>et</strong> culturel « Le Gué » <strong>et</strong> leCentre Hospitalier Jean Titeca organisent, le 11 octobre,à Bruxelles, une journée <strong>de</strong> réflexion intitulée : « Quand l<strong>et</strong>emps <strong>de</strong>vient traitement ». Informations : 02/ 738 09 58– www.chjt.be/colloque 2005.2 Schellekens A., Herman C., Brêves chroniques <strong>de</strong>slongs séjours. Centre Hospitalier Jean Titeca- Bruxelles,nov 2004. Disponible en ligne. http://www.chjt.be/colloque2005/docs/CHJTiteca-Schellekens-Herman.pdfConfluences n°11 septembre 2005 11

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