FICHE DE RENSEIGNEMENTS PAR PAYSPar ailleurs, l’article 18 de la loi de 1968 dispose que « Le secrétaire d’Etat à l’Intérieur peutprendre un arrêté d’expulsion à l’encontre de tout étranger dont la présence sur le territoiretunisien constitue une menace pour l’ordre public ». Or, l’ordre public étant un conceptjuridique flou, aucun recours contre une mesure d’expulsion arbitraire ne peut se concevoir.En matière de détention, dans la mesure où les sanctions prévues par la loi comprennent à lafois des peines de prison et/ou des amendes (cf. ci-dessus), les personnes, de nationalitétunisienne ou étrangère, qui ne respectent pas ces dispositions peuvent être détenues dans lesprisons de droit commun.La question des centres de détention a été particulièrement délicate à aborder avec tous lesinterlocuteurs rencontrés lors de la visite de terrain de la chercheuse en <strong>Tunisie</strong>. Les termes de« centres d’attente », « centres de détention », « centres de rétention » voire « centresd’accueil » sont employés, sans que personne n’ait une idée précise de ce que ce termerecouvre et sans qu’aucune vérification n’ait pu être effectuée sur le terrain 34 . Le CICR - quiest le seul organisme international à avoir accès à toutes les prisons et lieux de garde à vue en<strong>Tunisie</strong> depuis 2005 dans le cadre d’un dialogue bilatéral et confidentiel avec les autorités -reconnaît visiter, au même titre que d’autres personnes vulnérables, des étrangers détenusdans les prisons pour des délits de droit commun (sachant que la violation de la législation surl’entrée, la sortie et le séjour en <strong>Tunisie</strong> est un délit de droit commun) ainsi que dans des« centres de rétention » - ce qui est une indication que ces lieux existent - sans pouvoirpréciser le nombre de ces centres (« répartis sur le territoire »), le volume et le type depersonnes retenues 35 (« turnover important »), la durée de leur séjour (« séjour court »)...Un projet financé par la CE (dans le cadre du programme AENEAS 2004) devait initialement,en partenariat avec l’OIM et le ministère de l’intérieur tunisien, améliorer les conditions dansces « centres de détention » mais il n’a jamais vu le jour et le projet a été réorienté vers lasensibilisation à la migration légale et au développement, avec comme partenaire le ministèretunisien des affaires sociales, ce qui prouve une fois de plus la négation de l’existence duphénomène de migrations illégales en <strong>Tunisie</strong> par les autorités.Procédure à suivre pour décider d’une expulsion 3634 Par ailleurs, les informations relayées par la presse algérienne (El Watan, 4 juillet 2009) relatives à 11 campssecrets d’enfermement de harragas algériens en <strong>Tunisie</strong> ne concernent pas un cas documenté par la CICR etn’ont pas pu être vérifiées sur le terrain.35 La LTDH a manifesté ses préoccupations concernant la situation des <strong>Tunisie</strong>ns expulsés d’Europe vers la<strong>Tunisie</strong> et qui sont condamnés à des peines de prison en application de la législation tunisienne. En effet, envertu de l’accord bilatéral de réadmission signé entre l’Italie et la <strong>Tunisie</strong> le 9 août 1998, la <strong>Tunisie</strong> est obligéede réadmettre les <strong>Tunisie</strong>ns et les étrangers non ressortissants des pays de l’UMA dès lors qu’il est établi qu’ilest entré en Italie en transitant par la <strong>Tunisie</strong> ou après avoir séjourné en <strong>Tunisie</strong>. La mise en œuvre de cet accordse fait dans la plus grande confidentialité et on ne peut que s’interroger sur la procédure concrète de réadmissionet sur les conditions de traitement des personnes réadmises.La question de l’utilisation des « assurances diplomatiques » des accords bilatéraux parfois informels entre Etatsde l’UE et Etats tiers fait l’objet d’un rapport récent d’Amnesty International intitulé Arrangements dangereuxqui montre, en citant notamment le cas d’un <strong>Tunisie</strong>n expulsé d’Italie vers la <strong>Tunisie</strong> en juin 2008, que cesaccords contournent les textes internationaux relatifs à l’interdiction de la torture (La Croix, 13 avril 2010).36 Selon certaines rumeurs (invérifiables dans le cadre de cette étude), les autorités tunisiennes ramèneraient desmigrants subsahariens en situation irrégulière à la frontière libyenne sans que personne ne sache vraiment si ilssont remis aux autorités libyennes ou si ils sont laissés sur place.20/48
FICHE DE RENSEIGNEMENTS PAR PAYSL’article 50 ci-dessus prévoit l’expulsion mais la loi ne précise ni la procédure d’expulsion, niles garanties données aux étrangers. Il n’existe pas de législation sur la reconduite à lafrontière.- En cas de décision d’expulsion, la législation prévoit-elle une procédure de recoursFaute de législation sur la reconduite à la frontière, aucune procédure spécifique d’expulsionn’est prévue. Comme il n’y a pas de décision administrative notifiée, il n’y a pas de possibilitéde recours devant les tribunaux administratifs 37 .Interdiction de retourner sur le territoireL’article 50 al. 2 prévoit que « l’étranger condamné, en vertu de la présente loi, est interditd’entrer dans le territoire tunisien pendant une durée de 10 ans, lorsque la peine estprononcée pour un délit. L’interdiction d’entrer dans le territoire est à perpétuité, si la peineest prononcée pour un crime prévu au présent chapitre ».Par ailleurs, l’article 49 énonce que « le tribunal peut prononcer la surveillanceadministrative ou l’interdiction de séjour dans des endroits déterminés, pour une duréemaximale de 5 ans, contre les ressortissants tunisiens, auteurs des infractions prévues auprésent chapitre ».-La loi prévoit-elle des exemptions de telles sanctions pour des catégories particulièresde migrants? Si oui, précisez.Concernant l’entrée et la sortie du territoire tunisien, l’article 33 de la loi précise « sousréserve d’accords de réciprocité ou de conventions spéciales, tout étranger désirant entrer en<strong>Tunisie</strong> doit être muni d’un passeport ou de tout autre titre de voyage officiel, en cours devalidité (….). Ces titres de voyage doivent comporter un visa d’entrée délivré par lesreprésentations diplomatiques ou consulaires de <strong>Tunisie</strong>, sous réserve d’accords deréciprocité ou de conventions spéciales […] ».De même, l’article 34 prévoit le refoulement des personnes étrangères qui n’empruntent pasles postes frontaliers déterminés « sous réserve de l’application des conventionsinternationales en vigueur et notamment de la Convention de Genève de 1951 sur le statut desréfugiés ».Par ailleurs, certaines exemptions visent les organisateurs qui signaleraient les mauvaisagissements aux autorités. Selon l’article 46 de la loi de 1975 modifiée, « est exempt despeines prévues par la présente loi, celui, parmi les membres d’une organisation ou parmi lesparticipants à une entente, qui aura pris l’initiative de signaler aux autorités compétentes[…] les renseignement ou informations qui auraient permis de dévoiler les infractions37 D’une manière générale, concernant l’application de la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers,les autorités administratives tunisiennes se trouvent dotées d’un pouvoir discrétionnaire absolu. Devant le refusd’octroi d’une carte de séjour, les lois n’accordent aux étrangers aucun recours et aucune garantie contrel’expulsion arbitraire n’est prévue.Sans même évoquer la question de l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire en <strong>Tunisie</strong>, les juristesinterrogés dans le cadre de cette étude ont confirmé qu’ils n’avaient pas connaissance de contentieuxadministratif lié à l’expulsion des étrangers.21/48