W625 Single NEW

74
At home
générale sont ceux de la bibliothèque. Les
livres d’art et d’architecture - dont ceux que
produit Liliane, une quarantaine en 20 ans - y
hésitent entre pencher à gauche et pencher à
droite. “Je devrais peut-être les ranger pour la
photo...? Non?” Non. Mais elle ne résiste pas
à l’envie de redresser un cadre, d’un millipoil.
On ne se refait pas. “Ce n’est pas que je sois
maniaque: soigneuse, oui. Je n’étais pas du
tout comme ça au départ, je n’étais même
pas destinée à l’architecture ou à l’édition:
j’étais infirmière! Mais mon mari était à la
fois extraordinairement doué et méticuleux.
Il avait énormément de travail et moi, avec
nos deux filles, je ne pouvais plus continuer
mon métier. Alors, je l’ai secondé. Vous savez,
quand un architecte veut bien faire son travail,
c’est plus que du plein temps, il faut faire,
refaire, remodifier, se remettre en question
tout le temps tout en restant créatif. Nous
avons développé à deux le bureau Claisse
Architectures. A force de travailler avec lui, sa
façon d’être a percolé.”
Les oranges de la vie
Elle a percolé jusqu’au soin avec lequelle elle
dose le café pour ses invités. Ni trop, ni trop
peu. Et préparé à l’ancienne. La bouilloire
au bec fin verse précisément son filet d’eau
fumante au milieu du cône odorant de poudre
brune. Pas un grain ne viendra piqueter
la surface blanche, immaculée, du plan de
travail de la cuisine tout aussi blanche où
les interrupteurs, prises et poignées des
meubles sont intelligemment dissimulés. C’est
aussi la patte de son mari. Le couple a vécu
heureux dans cet appartement, qu’ils avaient
évidemment refait. “L’ancien propriétaire
adorait l’orange. Sols et murs, tout était de la
même couleur. On n’aimait pas vraiment...”
Si on peut dire qu’un intérieur reflète toujours
la personnalité de celui qui y vit, l’âme de
celui-ci n’est pas froide mais lumineuse. Avec
la sérénité qu’aime Liliane Knopes. Elle la
retrouve par exemple aux Thermes de Vals,
conçus par un de ses architectes préférés, le
Suisse Peter Zumthor. “Dans la neige, au
milieu des montagnes, il a réussi à faire
quelque chose qui n’a rien de froid, qui fait
passer une vraie émotion, apaise l’âme tout en
s’intégrant parfaitement à l’environnement.
C’est ça, la finalité de l’architecture, elle doit
être pensée, dessinée pour durer dans le
temps. Et rendre heureux ceux à qui elle est
destinée. Ce qu’elle fait pour moi, d’ailleurs:
mon tout grand plaisir est de découvrir des
réalisations architecturales dans le monde.
Mais ce n’est pas toute ma vie … je travaille
beaucoup." De fait, Claisse Architectures se
poursuit avec ses deux associés architectes
Benjamin Debacker et Olivier Vitry et reste
dans l’esprit de son fondateur. Et il y a Prisme
Editions, aux productions centrées sur le
patrimoine, l’architecture, la photographie,
l’art en général. Curieusement, la société
que dirige aujourd’hui Liliane est née suite à
un concours de circonstances: “En 1995, un
projet de livre sur “Bruxelles, ville nouvelle”,
commandé à mon mari par Didier Van Eyll,
qui était Secrétaire d’Etat, n’a pu se faire, le
gouvernement démissionnait. Tout était prêt,
on n’allait pas laisser tomber. Nous l’avons
fait nous-mêmes.” Comme tant d’autres choses,
l’édition n’est jamais un fleuve tranquille. Mais
avec persévérance, on peut en diriger le cours.
Stève Polus
www.prisme-editions.be