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Journal asmac No 4 - août 2022

Traces - A propos de loupes et télescopes Politique - Où va l’argent destiné à la formation postgraduée? Oncologie - Les tumeurs germinales chez l’homme Infectiologie - Pathologie de maladies infectieuses

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Point de mire<br />

moins lumineuses que les étoiles. La taille<br />

de la Terre, par exemple, représente moins<br />

de 1% de celle du Soleil et elle brille un milliard<br />

de fois moins que lui. De plus, vues de<br />

la Terre, ces planètes minuscules et peu<br />

lumineuses sont très proches de leur étoile<br />

brillante. Les voir et analyser leur lumière<br />

représente un défi de taille pour l’astronomie<br />

moderne. Un défi qui ne peut être relevé<br />

que pour les planètes les plus massives<br />

et les plus éloignées.<br />

<strong>No</strong>s collègues suisses ont résolu le<br />

problème en recourant à une méthode indirecte<br />

pour détecter la planète. Ils ont observé<br />

l’étoile et mesuré son mouvement,<br />

déclenché par la présence d’une planète<br />

proche et plus petite. L’étoile et la planète<br />

exercent toutes deux une force d’attraction<br />

l’une sur l’autre, ce qui les fait se déplacer<br />

sur leur orbite. Plus la force d’attraction<br />

est grande, plus la vitesse est élevée.<br />

En mesurant la vitesse de l’étoile, il<br />

est possible de déterminer la masse de la<br />

planète. Le problème est que les planètes<br />

ont une masse beaucoup plus faible que<br />

celle de leurs étoiles, si bien que la vitesse<br />

des étoiles décroît. Pour détecter ces<br />

faibles vitesses, des mesures de très haute<br />

précision sont nécessaires. Ce qui était<br />

tout simplement impossible avant les années<br />

1990.<br />

Une planète impossible<br />

Dans le cas de nos lauréats du prix <strong>No</strong>bel,<br />

ils ont mesuré la vitesse de l’étoile 51 Pégase<br />

en fonction du temps. Ils ont découvert<br />

que la vitesse de l’étoile variait avec<br />

une période de 4,23 jours. Leurs analyses<br />

leur ont permis de déduire que ces variations<br />

étaient dues à la présence d’une planète.<br />

Cette planète doit avoir une masse<br />

équivalente à presque la moitié de celle de<br />

Jupiter et doit tourner autour de l’étoile<br />

une fois tous les 4,23 jours – et non pas<br />

tous les 4,23 ans! Jamais on n’aurait imaginé<br />

pouvoir trouver une planète géante<br />

aussi proche de son étoile. Mais cela ne<br />

faisait aucun doute: elle était bel et bien là.<br />

L’histoire de la formation des planètes est<br />

soudain devenue beaucoup plus complexe.<br />

A l’époque, la machine et la technique<br />

utilisées par les chercheurs permettaient<br />

une précision d’environ 10 m/s. Une dizaine<br />

d’années plus tard, ils ont réussi à<br />

construire un instrument capable de mesurer<br />

des vitesses avec une précision de<br />

1 m/s. La dernière génération, utilisée de<br />

nos jours sur le plus grand télescope, atteint<br />

10 cm/s. Une telle précision permet<br />

de mettre à portée de main une planète<br />

semblable à la Terre. Plus de 30 ans de développement<br />

d’instruments ont été nécessaires<br />

pour atteindre cette précision. Les<br />

astronomes et les fabricants d’instruments<br />

sont très persévérants, et la société<br />

doit faire preuve de patience pour les soutenir.<br />

Plus de 5000 planètes connues<br />

Depuis 1995, les astronomes ont découvert<br />

plus de 5000 exoplanètes. Pas toujours<br />

avec la même technique de découverte indirecte.<br />

Une technique particulièrement<br />

efficace consiste à observer la lumière<br />

incidente des étoiles. Lorsqu’une planète<br />

passe devant une étoile, elle cache une<br />

petite partie de sa surface. Pendant ce<br />

transit, la quantité de lumière que nous<br />

recevons est légèrement réduite. Une petite<br />

diminution périodique de la luminosité<br />

peut être constatée avec une précision<br />

suffisante. Cette variation de luminosité<br />

fournit une mesure non pas de la masse,<br />

mais du rayon de la planète. La masse et<br />

le rayon permettent de calculer la densité<br />

moyenne. Il s’agit d’une première étape<br />

dans la caractérisation physique des<br />

exoplanètes.<br />

Le satellite CHEOPS, sous l’égide de<br />

l’Université de Berne, utilise cette méthode<br />

de transit. Lancé le 18 décembre<br />

2019, juste avant le début de la pandémie,<br />

il a observé les exoplanètes pendant deux<br />

ans et demi. Sa précision inédite a permis<br />

de mesurer des rayons plus exacts et<br />

de nombreuses autres caractéristiques<br />

uniques. Les nouvelles planètes dans les<br />

systèmes et la déformation d’une planète<br />

due aux marées à proximité immédiate de<br />

son étoile en sont deux exemples. CHEOPS<br />

poursuit son infatigable campagne de mesure<br />

et fait le tour de la Terre en 90 minutes<br />

environ.<br />

Prochaine étape: rechercher des<br />

traces de vie<br />

Avec le temps, nous avons découvert qu’il<br />

existe des planètes de tailles, de masses et<br />

de distances différentes par rapport à leurs<br />

étoiles. Un véritable «zoo» de planètes!<br />

Aujourd’hui, le défi n’est plus de les découvrir,<br />

mais de les caractériser. <strong>No</strong>us voulons<br />

connaître leur composition chimique, la<br />

structure de leur atmosphère et leur température<br />

de surface, et découvrir si elles<br />

abritent des lacs ou des océans. Et bien<br />

sûr, de potentielles traces de vie!<br />

Il faut pour cela des instruments plus<br />

grands et plus précis. Ces dernières années,<br />

plusieurs projets de construction de<br />

télescopes géants ont été lancés. Ces télescopes,<br />

au sol ou dans l’espace, seront<br />

équipés d’instruments de la prochaine génération.<br />

Grâce à eux, nous pourrons enfin<br />

«voir» les planètes de type terrestre et<br />

les étudier en détail. La prochaine étape<br />

est imminente. Nul ne sait où elle nous<br />

mènera. C’est la partie passionnante de<br />

la recherche fondamentale: nous allons là<br />

où les observations et la physique nous<br />

poussent.<br />

<strong>No</strong>us sommes la première génération<br />

à disposer d’instruments permettant potentiellement<br />

de trouver de la vie sur<br />

d’autres planètes. <strong>No</strong>tre capacité à la trouver<br />

dépendra de sa fréquence. Le défi sera<br />

de s’assurer que la signature que nous<br />

voyons dans nos mesures est bien due à la<br />

vie et rien d’autre. Il existera de nombreux<br />

différends et controverses, mais c’est ainsi<br />

que la science progresse.<br />

Entre-temps, la cérémonie de remise<br />

des prix <strong>No</strong>bel est terminée et nous<br />

sommes conduits en bus à l’hôtel de ville<br />

de Stockholm, où a lieu le dîner de gala.<br />

<strong>No</strong>us ne sommes pas vraiment sur un pied<br />

d’égalité avec les lauréats, mais nous apprécions<br />

le repas avec les 1200 autres invités.<br />

Le souper est ponctué de discours et<br />

d’intermèdes musicaux. <strong>No</strong>us regagnons<br />

l’hôtel à une heure tardive. Epuisés, mais<br />

avec le sentiment d’avoir participé à un<br />

événement qui a couronné l’une des découvertes<br />

astronomiques majeures de ces<br />

derniers temps.<br />

vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong> 4/22 21

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