LUMIERES N°42 MARS 2023
Interview croisée : Jacqueline OSTY, paysagiste, directrice de Osty et associés et Agnès JULLIAN, présidente de Technilum Dossier : Éclairage des établissements de santé - Cahier technique : éclairage des musées
Interview croisée : Jacqueline OSTY, paysagiste, directrice de Osty et associés et Agnès JULLIAN, présidente de Technilum
Dossier : Éclairage des établissements de santé - Cahier technique : éclairage des musées
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Lumières Designer<br />
Originaire de Franche-Comté, où elle coule une enfance baignée dans l’art et la culture,<br />
Élise Fouin se forme à l’École Boulle à Paris, d’abord à l’orfèvrerie, puis au design de mobilier et<br />
d’objets. Inspirée par la nature dans ses créations et grande adepte de la récup’, Élise Fouin prête<br />
une attention toute particulière au développement durable et à l’impact de ses créations. Nebulis, un<br />
luminaire en soie fabriqué dans les Cévennes, en est une belle illustration.<br />
© Francis Amiand<br />
Élise Fouin<br />
La soie en lumière<br />
D’où vous vient votre sensibilité à la lumière ?<br />
Les esprits créatifs, et notamment les designers, ont une forme<br />
d’hypersensibilité et perçoivent la lumière, les sons et les images<br />
avec beaucoup d’intensité. Lorsque je suis dans un espace<br />
mal éclairé, je ressens un mal-être. Les tubes<br />
fluorescents par exemple créent une nappe de<br />
lumière uniforme sans nuance. Dans ma démarche<br />
concrète de designer, j’ai commencé<br />
par mettre en lumière des matériaux<br />
qui ne sont, à mon sens, pas assez<br />
valorisés. Mon travail sur les cocons<br />
Lucinda partait d’une mise en valeur<br />
d’un matériau par la lumière. Cette<br />
manière de mettre en lumière des<br />
matériaux est réalisable par l’évolution<br />
des technologies et notamment<br />
la led, qui ne chauffe pas et permet<br />
une intégration plus aisée. La led<br />
ouvre le champ des possibles, notamment<br />
pour l’usage de matières moins<br />
ignifuges, comme le papier. La technologie<br />
a une importante répercussion<br />
sur la création.<br />
Quelle est votre démarche lors de la<br />
phase de développement d’un luminaire<br />
?<br />
Il y a deux cas de figure principaux :<br />
soit le projet vient de moi, soit il s’agit<br />
d’une commande. Lorsque je suis à l’origine<br />
du développement d’un luminaire,<br />
je pars de la matière ou du process de<br />
fabrication de la matière. Pour le luminaire<br />
Papillon, j’ai été très inspirée par la visite<br />
d’une usine de fabrication de luminaires, où<br />
des carcasses de luminaires en attente de traitement<br />
étaient entreposées. Ces formes désossées m’ont<br />
inspiré la forme d’un luminaire. Souvent, la réflexion part de<br />
la matière et je démarre par une expérimentation manuelle. Je dessine<br />
ensuite et je finis par la déclinaison technique. Ma démarche<br />
est donc à revers de ce qui se fait habituellement : je pars de la<br />
fabrication et de la contrainte matériau pour créer. Je suis fascinée<br />
par les machines ! Dans le deuxième cas de figure, lors d’une<br />
commande par un client, je dessine un luminaire et c’est lui qui se<br />
charge de la phase de production. Je travaille souvent pour des éditeurs<br />
et la démarche est tout à fait différente, car elle m’affranchit<br />
de la réflexion sur le mode de production.<br />
Pouvez-vous nous expliquer comment<br />
est née la collection Nebulis et son<br />
processus de fabrication ?<br />
Je connaissais l’entreprise<br />
Sericyne créée par Clara<br />
Hardy, qui a remis en<br />
marche l’écosystème de la<br />
sériciculture, c’est-à-dire<br />
le travail de la soie, dans<br />
les Cévennes. L’entreprise<br />
a créé un mode de fabrication<br />
pour une toile de soie<br />
non tissée. Le vers à soie<br />
ne fait alors plus de cocons,<br />
mais des nappes. Je compare<br />
ce procédé à une imprimante<br />
3D naturelle. Nous avions réalisé<br />
un premier projet en collaboration,<br />
baptisé Twilight. L’éditeur<br />
Forestier était intéressé par<br />
un objet reproductible en série,<br />
fabriqué avec cette matière naturelle.<br />
Nebulis reprend l’idée d’un<br />
escalier ou de courbes de niveau,<br />
qui représentent le paysage montagneux<br />
des Cévennes. L’idée de<br />
travailler avec une PME intégrée à<br />
son territoire m’a également beaucoup<br />
plu. Ce qui est très intéressant,<br />
c’est que cette matière est légère,<br />
proche du papier Washi. Il est possible<br />
de lui donner une ampleur importante,<br />
mais l’objet conserve sa grande légèreté. Les<br />
vers tissent, entre mars et octobre, des nappes à<br />
plat, comme des feuilles de tissu. L’hiver, lorsque les<br />
vers ne tissent pas, les artisans prennent le relais. Les tissus formés<br />
sont appliqués avec un pinceau et de l’eau sur des moules. La séricine,<br />
une colle naturellement présente dans la soie, permet de fixer<br />
l’ensemble par simple humidification et séchage, pour maintenir la<br />
matière entre elle.<br />
© Élise Fouin<br />
Rubrique réalisée par Alexandre Arène<br />
50 - LUMIÈRES N° 42 - <strong>MARS</strong> <strong>2023</strong>