Rotary Magazin 11/2023
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THÈME DU MOIS – ROTARY SUISSE LIECHTENSTEIN – NOVEMBRE <strong>2023</strong><br />
ROTARIEN EN POINT DE MIRE<br />
PLAIDOYER POUR L<br />
28<br />
En son temps, le Général de Gaulle avait déclaré que « la vieillesse<br />
est un naufrage » ; il faisait certainement référence à sa<br />
propre sénilité. Ce soi-disant naufrage ou déclin, la société se<br />
plaît trop souvent à le stigmatiser pour mieux accabler la vieillesse<br />
de tous les maux, en particulier économiques. Alors que<br />
les aînés, femmes et hommes qui constituent la vieillesse ou<br />
le troisième âge, méritent d’être honorés, sollicités et écoutés,<br />
forts de leur expérience de la vie.<br />
En Suisse, la moyenne d’âge de l’ensemble<br />
des membres des <strong>Rotary</strong> Clubs avoisine<br />
les 63 ans. Par conséquent, la majorité<br />
d’entre eux appartiennent à la catégorie<br />
des aînés. Or, ces Rotariennes et Rotariens<br />
con firment la valeur ajoutée de l’institution,<br />
sa véritable ressource. Leur présence<br />
s’avère dès lors en tous points justifiée,<br />
même si, à l’évidence, seul le rajeunissement<br />
de ses effectifs garantit sa pérennité.<br />
Le véritable enjeu de la vieillesse se<br />
situe dans sa valorisation. Surtout que la<br />
société technocratique et du jeunisme<br />
tend à la déprécier, à la discréditer, au nom<br />
de la sacro-sainte performance économique<br />
et du profit financier, son funeste<br />
corollaire ; car la plupart du temps retraités<br />
et affaiblis physiquement, voire même<br />
atteints dans leur organisme, les aînés<br />
coûteraient beaucoup trop chers à la collectivité,<br />
notamment en matière de santé<br />
publique, de financement des retraites,<br />
de déséquilibre démographique, par rapport<br />
… à leur rentabilité ! Une telle perception<br />
de la vieillesse se révèle mesquine,<br />
étriquée et bien éloignée de la réalité qui<br />
la caractérise, de l’essentiel même : la<br />
transmission du savoir, des connaissances<br />
et tout simplement de l’expérience et de<br />
l’expérimentation de la vie avec laquelle,<br />
ontologiquement, elle entretient une relation<br />
privilégiée. Cette transmission, justement,<br />
découle de la conscience du devoir<br />
qu’ont les aînés, ayant assimilé la dimension<br />
chimérique des droits déraisonnablement<br />
revendiqués par la collectivité. Leur<br />
compréhension de l’existence les rend<br />
donc pertinents dans les conseils avisés<br />
qu’ils prodiguent à la jeunesse, laquelle,<br />
trop fréquemment, boit l’erreur et l’ignorance<br />
à grands traits.<br />
Pour le philosophe et homme d’État<br />
romain Cicéron (106 – 43 av. J.-C.), la vieillesse<br />
parachève l’existence terrestre. Elle<br />
correspond à une sorte d’apothéose,<br />
d’acmé, laquelle n’induit toutefois pas<br />
systématiquement la sagesse sur le plan<br />
philosophique. En effet, celle-ci ne résulte<br />
pas de l’avancement en âge ni de l’entérinement<br />
de l’empirisme, mais plutôt de la<br />
substance du vécu, de l’exercice de la raison<br />
et surtout de l’éveil du soi authentique<br />
grâce au dessaisissement du paraître, de<br />
l’artificiel, du superfétatoire, du narcissisme,<br />
en bref de l’ego. Autrement dit, la<br />
sagesse puise sa source dans le travail<br />
effectué en profondeur sur le soi, au fil de<br />
la vie, et dans les liens tissés avec le sacré<br />
qui autorise l’ascension de l’Être.<br />
En marge de leur sagesse effective ou<br />
toute relative, les aînés ont a minima compris<br />
la nécessité de s’extraire de l’absurdité<br />
du grand théâtre des Hommes. Désormais,<br />
ils prennent le temps de se réaliser dans<br />
l’émerveillement de l’ici et maintenant,<br />
entre stoïcisme et épicurisme, puisqu’ils ont<br />
acquis le privilège de définir son ordonnancement.<br />
Quant à leur âme qui ne subit pas<br />
la moindre sénescence ni nécrose cellulaire,<br />
elle « pense toujours » selon le philosophe<br />
français René Descartes (1596 – 1650) et se<br />
libère par l’atrophie des convoitises et des<br />
vanités humaines. Et puis les aînés ont<br />
appris à s’affranchir des passions et à<br />
apprivoiser la mort imminente, l’épreuve<br />
suprême, pour mieux savourer leur vie.<br />
TROIS QUESTIONS AU<br />
ROTARIEN BERNARD<br />
ATTINGER (1942), L’UN DES<br />
FONDATEURS ET DOYENS<br />
DU RC SION-RHÔNE<br />
Considères-tu la vieillesse comme un<br />
déclin ou plutôt comme un accomplissement,<br />
par exemple celui d’être<br />
enfin soi-même ?<br />
Ta question se révèle difficile à<br />
répondre, mais je crois que je suis toujours<br />
resté moi-même, n’avoir jamais<br />
cédé au paraître. Oui, je considère<br />
avoir accompli ma vie et même assez<br />
bien, sans prétention aucune. Toutefois,<br />
je sens le déclin qui guette. Je suis<br />
encore en forme sur le plan intellectuel,<br />
mais mes facultés physiques<br />
diminuent. Normal à 80 ans !<br />
Compte tenu de ses diverses<br />
expériences existentielles, l’aîné –<br />
femme et homme – devient-il<br />
« systématiquement » vertueux et<br />
pénétré de sagesse ?<br />
Par la force des choses, l’aîné<br />
devient plus vertueux. Un de mes<br />
oncles disait : « Les rigidités se<br />
déplacent … » Oui, l’aîné prend du<br />
recul, car l’expérience de son vécu lui<br />
apporte la relativité, et donc un peu<br />
de sagesse.<br />
Qu’apporte une Rotarienne, un<br />
Rotarien aîné) à son <strong>Rotary</strong> Club et,<br />
en général, reçoit-il l’écoute méritée ?<br />
L’aîné devient la mémoire de<br />
chaque <strong>Rotary</strong> club. Cependant, il<br />
doit accepter l’évolution … En ce qui<br />
me concerne, je sais encore me faire<br />
écouter …