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FRIBOURG
Texte Lara Diserens et Sylvain Cabrol
Photo Jérémie Dubois
Fribourg jusqu’au bout de la nuit
Malgré ses 10.000 étudiant·e·s et une offre culturelle honorable, force est de constater
que la vie nocturne à Fribourg est parfois planplan. Changement de rythme cet
été, grâce à l’extension des horaires d’ouverture !
Votée le 5 février, la révision de
la Loi sur les établissements publics
(LEPu) permettra bientôt aux discothèques
de rester ouvertes jusqu’à 6h
du matin. Pour les affamé·e·s, des
restaurants pourront assurer le service
24/24. Et pour les noctambules
du jeudi, les bars pourront désormais
fermer à 3 h, comme les vendredis et
samedis !
Attractivité
L’objectif des promoteur·rice·s de la
réforme est de rendre la vie nocturne
fribourgeoise plus attractive. Pour
Laura, barmaid expatriée à Lausanne,
le changement est nécessaire : « En
tant que cliente, Fribourg, c’est mort.
Les horaires ne m’arrangent pas du
tout, les premiers trains sont à 5h. Du
coup, si je dois sortir, je vais à Lausanne
ou à Genève. »
Pour les commerçant·e·s, c’est une
opportunité de se diversifier. Le patron
de La Habana parle même d’aubaine
pour les nouveaux·elles entrepreneur·euse·s.
L’établissement
s’attend à plus de client·e·s, plus de
chiffre d’affaires, et voit son projet
de transformation en boîte de nuit se
concrétiser : la réforme permettra ce
changement. En revanche, la patente
de Fri-Son n’est pas concernée. Pour
ce lieu mythique, l’exploitation du
bar est liée à la tenue d’évènements
culturels : l’intérêt culturel prévaut
sur l’intérêt financier.
Sécurité
Selon Didier Page, secrétaire général
adjoint de la Direction de la sécurité
et de la justice (DSJ), l’extension des
horaires permettra de canaliser les
noctambules désœuvré·e·s. De plus,
cette mesure répond aux besoins
d’une population principalement
féminine, désireuse d’attendre dans
la relative sécurité des dancefloors
Les boîtes de nuit à Fribourg pourront bientôt étendre leurs horaires jusqu’à 6h du matin.
la reprise des transports publics.
« Il est plus facile de faire régner respect,
convivialité et bienveillance au
sein des établissements publics nocturnes
que dans les rues », estime
Mille Sept Sans, association de lutte
contre le harcèlement de rue.
Didier Page rappelle que les établissements
doivent se tenir prêts à adapter
leurs dispositifs de sécurité. Fri-Son
insiste aussi sur cette responsabilité
inhérente à la libéralisation des horaires,
car soirée à rallonge rime avec
plus d’alcool, et potentiellement davantage
de débordements. Un risque
pour la santé et l’intégrité du personnel
qui inquiète Armand Jaquier,
secrétaire régional d’Unia Fribourg.
Le représentant syndical a proposé
un amendement pour imposer la présence
de deux employé·e·s, mais le
dispositif n’a pas été retenu.
Des conséquences sociales à surveiller
Selon Unia Fribourg, l’extension d’horaire
est superflue, car le gros de l’activité
s’arrête au milieu de la nuit. Une analyse
qui n’est pas sans fondement : même
si elle n’est pas opposée à la réforme,
la secrétaire générale de Fri-Son, Léa
Romanens, concède que l’essentiel du
bénéfice ne se réalise pas lors des dernières
heures d’ouverture. L’association
ne s’attend pas à une révolution sociale
pour quelques heures de travail en plus :
la prolongation des shifts profitera aux
employé·e·s actuel·le·s, mais difficile
d’espérer la création de nouveaux emplois.
« J’adore ce que je fais : plus j’ai
d’heures, mieux je me porte », s’enthousiasme
Laura. « Ensuite, le salaire est
parfois très limite. Ceux·celles qui font
ça pour payer leurs études, il·elle·s sont
un peu en hess. » Rappelons qu’avec
ou sans la nouvelle législation, les employé·e·s
de nuit restent soumis·e·s à la
convention collective de travail (CCT)
de l’hôtellerie-restauration et que les
abus éventuels tomberont sous le coup
de cette réglementation. ■
20 03.2020