download catalogue high resolution pdf (22.3 mb) - Jens Haaning
download catalogue high resolution pdf (22.3 mb) - Jens Haaning
download catalogue high resolution pdf (22.3 mb) - Jens Haaning
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
VPD<br />
P.156<br />
En renoncant à une énonciation individuée au profit d’une énonciation collective,<br />
plus que personnelle, le travail de <strong>Jens</strong> <strong>Haaning</strong> affirme implicitement une interdépendance<br />
étroite du personnel et du politique. S’agissant des étrangers, notamment,<br />
<strong>Jens</strong> <strong>Haaning</strong> a en fait comparé à plusieurs reprises la situation des artistes au sein<br />
de la société à celles des immigrés, et la sienne en particulier. Un sentiment<br />
personnel, donc, mais traduit dans son travail sous la forme d’énoncés plus que<br />
personnel. <strong>Jens</strong> <strong>Haaning</strong> : " D’une certaine façon, l’artiste est une sorte de marginal,<br />
et il présente des similarités avec les autres marginaux que sont les immigrants,<br />
mais la grande différence, c’est que l’artiste, contrairement à l’immigré, travaille<br />
comme un média pour la société. On accorde beaucoup d’attention a ce qu’il a à<br />
dire avec son travail ou son discours, mais il est rare, par exemple, qu’on demande<br />
à un musulman de s’exprimer sur la société. " 6<br />
<strong>Jens</strong> <strong>Haaning</strong> transforme ce qui est a priori susceptible d’être considéré comme<br />
une faiblesse en une force, ou une ressource potentiellement productive, en se servant<br />
de cette position marginale comme d’un point de vue critique privilégié pour percevoir<br />
plus clairement les conventions, les habitudes perceptuelles et conceptuelles qui<br />
constituent les rapports de pouvoir qui traversent non seulement l’institution artistique,<br />
mais encore la société dans son ense<strong>mb</strong>le. " Une critique ", a avancé Michel<br />
Foucault, " ne consiste pas à dire que les choses ne sont pas bien comme elles<br />
sont. Elle consiste à voir sur quels types d’évidences, de familiarités, de modes de<br />
pensée acquis et non réfléchis reposent les pratiques que l’on accepte." 7 Le pouvoir<br />
n’est pas situé en-dehors du discours ou de la représentation, dans quelques figures<br />
bien identifiées et institutionnelles de l’autorité, puissance publique (l’Etat et ses<br />
institutions) ou privée (l’entreprise), comme le présuppose l’art recourant aux<br />
principes de l’agit-prop. Disseminé à tous les échelons de la société, ce que l’on<br />
appelle le pouvoir réside aussi dans la manière dont les gens prennent la parole ou<br />
se taisent, dans la manière dont on regarde l’autre sexe, les fous, les étrangers...<br />
L’art moderniste nous a habitué à une certaine valorisation de la figure de l’Autre,<br />
que ce soit sous les traits de l’étranger, du primitif, de l’enfant, de la folie, etc. Il<br />
s’agit d’une représentation récurrente et constitutive de l’art et de la critique<br />
modernistes. Un certain no<strong>mb</strong>re de ces figures — comme le malade mental, le<br />
hors-la-loi, l’étranger — reviennent avec insistance dans le travail de <strong>Jens</strong><br />
<strong>Haaning</strong>. Mais si une forme d’interdit pèse effectivement sur les étrangers, en<br />
Europe notamment, au sein de la représentation, qui les exclut en tant que sujets,<br />
ils y font toutefois retour, tout au long de l’histoire du Modernisme, en tant qu’objet<br />
pour la représentation : l’Orient fantasmé, le Primitif idéalisé... L’art de <strong>Jens</strong><br />
<strong>Haaning</strong> se distingue singulièrement de cette histoire, en tirant les conclusions<br />
pratiques du rejet théorique de la représentation en tant que dispositif de pouvoir.