download catalogue high resolution pdf (22.3 mb) - Jens Haaning
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NBP<br />
P.166<br />
réaliser différentes versions de la réalité. Son travail fonctionne ainsi comme un<br />
banc de montage qui réorganise les formes sociales, en produisant des scénarios<br />
alternatifs. <strong>Haaning</strong> dé-programme et re-programme, suggérant qu'il existe<br />
d'autres usages possibles de l’espace collectif, usages que ses travaux suggèrent<br />
tout en les matérialisant.<br />
L’un de ses modèles privilégiés est la communauté immigrée. Dans n’importe<br />
quelle société, pour une forte partie de la population "nationale", l’immigration<br />
représente une sorte de corps étranger, d’autant plus forte dans l’imaginaire<br />
collectif qu’elle se voit en général privée de toute représentation positive, dénuée<br />
de tout champ d’inscription : un hors-champ par rapport à l’imaginaire social, une<br />
« marge » sans images, si l’on excepte les représentations codées politiquement<br />
par lesquelles on les perçoit le plus souvent. A travers plusieurs travaux, <strong>Haaning</strong><br />
a tenté de matérialiser ces collectivités semi-invisibles : par exemple, avec Turkish<br />
jokes (1994) ou Arabic Jokes (1996) , pour lesquelles il injecte une langue étrangère<br />
dans le corps de la Cité afin qu’elle asse<strong>mb</strong>le autour d’elle ceux qui la pratiquent,<br />
excluant les « autochtones » pour une fois privés de toute possibilité de lecture du<br />
message. Turkish jokes fonctionne comme ces produits chimique que l’on inocule<br />
dans le corps d’un patient, rendant temporairement visible le réseau de ses veines<br />
sous les rayons X. Rendre visible : des stickers posés sur leur voiture dévoilent la<br />
nationalité des chauffeurs de taxi (The employees of Taxa + 4 x 35, 2000). Le fait de<br />
permettre à tous les étrangers d’accéder gratuitement à la piscine municipale<br />
renverse la donne des privilèges, mais permet aussi de produire une image de leur<br />
présence (Foreigners free — Biel swimming pool, 2000). <strong>Haaning</strong> reproduit<br />
plusieurs fois ce geste entre 1997 et 2000, décrétant la gratuité totale pour les<br />
immigrés dans les musées et centres d’art dans lesquels il est invité, élisant ainsi<br />
un "peuple" qui serait le spectateur idéal de ses travaux : le déraciné en butte au<br />
racisme et à l’incompréhension, le nomade économique produit par l’ultralibéralisme<br />
et la paupérisation du tiers-monde. Plus généralement, le travail de <strong>Jens</strong> <strong>Haaning</strong><br />
pointe le fait que toute œuvre produit non seulement un certain type de comportements,<br />
mais également une micro-communauté de regardeurs. Ma’lesh (2000)<br />
sera ainsi perçu comme une élégante lightbox noir et blanc par son spectateur<br />
occidental ; celui qui peut lire l’arabe y verra un étrange signe de connivence :<br />
"who cares?".<br />
Le travail de <strong>Haaning</strong> s’inscrit dans le cadre théorique de l’esthétique relationnelle,<br />
dans la mesure où il évolue dans le champ de l’interhumain, producteur de socialités<br />
et de négociations, avant toute autre considération esthétique. Mais ce qui est saillant,<br />
c’est que <strong>Haaning</strong> ne considère pas l’univers des relations humaines comme un