Les élèves en grande difficulté au collège : Les conditions ... - Formiris

l’humiliation (cf. le récent ouvrage de P. Merle) et de la culpabilité. Pour saisir les enjeux de lasituation, il convient d’avoir à l’esprit que si l’école ne peut pas tout, sa marge de manœuvren’est cependant pas inexistante. Sur le premier point, la sociologie de l’éducation nous apporte,sans nous enfermer dans le fatalisme, les éléments de compréhension du poids des déterminantssociaux qui pèsent sur le parcours scolaire des enfants. Il n’est probablement pas inutile derappeler deux choses qui influent sur la réussite scolaire. D’une manière générale, l’influence dela « globalisation » sur nos sociétés se traduit par une valorisation à l’extrême les valeursutilitaristes de la compétition, de l’excellence qui ne laisse guère de place à un intérêt véritablepour les plus défavorisés. Dans un tel contexte, l’école est sommée d’être rentable et de remplirdes fonctions sociales qui n’ont pas grand chose à voir avec le savoir et la « soif » d’apprendre.Par ailleurs, pour chaque élève scolarisé, le « rapport au savoir », pour être optimisé, supposeune distanciation, une logique du sens bien plus qu’un simple rapport utilitaire aux contenusd’enseignement. Tout cela nécessite une disponibilité d’esprit difficile à imaginer chez lesenfants dont l’expérience quotidienne est celle de la pauvreté, voire de l’extrême pauvreté, et del’insécurité qui l’accompagne. Le décrochage scolaire, sous ses différentes formes, survientlorsque l’école cesse d’être perçue comme un facteur d’épanouissement personnel et lorsquel’expérience scolaire des enfants est sans rapport avec leur expérience sociale hors de l’école.Avec ces enfants humiliés par la vie et fragilisés, souvent en difficulté à l’école, lespédagogues n’ont guère d’autre choix que de tenter de les réconcilier avec le savoir, dans leslimites de ce que permet la situation, comme l’ont montré les travaux de B. Charlot, E. Bautier etJ.Y. Rochex. Le débat pédagogique sur les « bonnes » méthodes, sans être dénué d’intérêt, restecependant largement subordonné à cet objectif prioritaire.Claude Carpentier, professeur en sciences de l'éducation à l'université de Picardie JulesVerne.11/53