gallieni a madagascar et lyautey au maroc, deux - Le Centre de ...

par une proclamation affichée du Résident général 27 . Gallieni a pris soin de prendre toutes les dispositions
pour éviter à la reine une quelconque forme d’outrage public, ce dont elle lui restera reconnaissante. Exilée
à la Réunion, puis en Algérie, disposant d’une pension, elle entretient avec Gallieni une relation épistolaire
suivie jusqu’à sa mort.
Paris est tenu informé par un courrier qui n’arrive en métropole qu’un mois plus tard :
Chapitre I – La conquête
« Je ne me préoccupe ni des textes, ni des règlements. Je vais droit à mon but général, ramener
la paix, franciser l’île et donner le plus grand appui possible à la colonisation française […].
Si je ne suis pas approuvé, je rentrerai […]. Si je ne suis pas libre, j’aime mieux passer la main
à un autre » 28 .
En fait, le gouvernement fait bien l’objet d’une interpellation à la Chambre, les procédés pour le moins
expéditifs du Résident général n’étant pas du goût de tous les parlementaires. Mais comme le « coup de
force » n’est suivi d’aucun soulèvement ou mouvement de la population marquant sa réprobation, les
bureaux parisiens comme la presse d’opinion ne s’émeuvent guère. Les Chambres approuvent a posteriori
les mesures prises et Gallieni, nommé Gouverneur général puisque la fiction du Protectorat a disparu,
reçoit le 4 avril le câblogramme suivant du ministre des Colonies :
« Je suis heureux de vous annoncer et je vous prie de publier que la Chambre des députés a voté
hier à l’unanimité après une courte discussion un ordre du jour approuvant la politique suivie
à Madagascar et adressant à l’armée qui assure la pacification de cette nouvelle terre française
ses patriotiques félicitations » 29 .
En guise de politique du fait accompli, Gallieni pouvait difficilement mieux faire, même s’il existe une
certaine connivence entre lui et Lebon, son ministre de tutelle.
« Les indigènes furent stupéfiés. On les voyait stationner longuement devant les affiches, silencieux
et mornes. Ils se rendaient bien compte que c’était le plus grave qui les eût frappés, celui qui
démontrait d’une façon péremptoire que l’autorité ne leur appartenait plus. Habitués à croire
leur souveraine intangible, ils comprenaient que ceux qui avaient osé la leur enlever étaient
la force et qu’ils devaient s’incliner : c’était bien l’effet moral qu’avait prévu le général » 30 .
Toutefois, il importait non seulement que Gallieni réduisît la monarchie, mais il devait encore briser
l’oligarchie mérina qui dominait toujours l’île. Symboliquement, l’abolition de l’esclavage marque un
pas important dans l’abolition de cette féodalité. Le nouveau Gouverneur général est alors aidé par les
circonstances, puisque l’abolition formelle de l’esclavage a été le dernier acte officiel de son prédécesseur.
Il ne lui reste donc qu’à en surveiller l’application …en s’en attribuant le mérite. Outre qu’elle contribue
à réduire le pouvoir des Grands, l’abolition présente d’autres avantages : elle démontre aux populations
non hovas que le temps de leur servitude est révolu et fournit une main d’œuvre plus facilement
employable à la colonisation 31 . De la sorte, la France se crée des alliés, notamment parmi les affranchis.
Gallieni ne manque de jouer de ce registre : lors d’un « palabre » organisé à Ambositra, il déclare :
27 Le texte intégral de cette proclamation figure en annexe.
28 Gallieni, op. cit.
29 Lequel était sous l’influence du « parti colonial », dirigé par Étienne, qui veillait, en l’occurrence, à assurer les arrières
parisiens de Gallieni. Câblogramme cité par Lyet, art. cit., p. 97.
30 Brunet, Louis, L’œuvre de la France à Madagascar, Paris, 1903, cité par Lyet, art. cit., p. 97.
31 Michel, op. cit., p. 197.
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