gallieni a madagascar et lyautey au maroc, deux - Le Centre de ...

Ces directives sont parfaitement comprises et appliquées par Lyautey : devant rallier la population
sakhalave, il réinstalle sur son trône la reine qui avait été auparavant inopportunément exilée et s’en fait
une alliée, obtenant d’elle la soumission et le ralliement de l’ensemble du pays. Puis il reprend la brousse,
manœuvrant avec souplesse ses détachements, transformant ce qui aurait pu être une unique et majeure
opération à caractère strictement militaire en une suite de soumissions pacifiques auxquelles il sait donner
un éclat particulier. En parfaite symbiose avec Gallieni, il refuse d’accepter une « méthode » rigide,
intangible, qui pourrait être mise en œuvre en tout temps et en tout lieu. Il écrit :
« Il n’y a pas de méthode, il n’y a pas de cliché Gallieni, il y en a dix, il y en a vingt, ou plutôt si, il
y a une méthode qui a nom souplesse, élasticité, conformité aux lieux, aux temps aux circonstances.
Allez et foutez-vous des formules ! Et c’est pourquoi je vais à Madagascar où ce langage se
parle » 43 .
Puis, poussant toujours plus loin son principe de décentralisation, Gallieni crée en 1901, le Commandement
Supérieur du Sud, qui couvre une superficie correspondant à la moitié de celle de la France et dont
il confie le commandement à Lyautey, après que celui-ci ait obtenu d’excellents résultats dans l’organisation
du quatrième territoire militaire au nord-ouest de Tananarive 44 . Malgré leurs différences, les deux
hommes professent le même profond mépris pour le conformisme, voire les simples convenances, et le
rejet de tout dogmatisme. Lyautey devient un véritable disciple de Gallieni, au point de faire siennes ses
formules. Il règne désormais sur près d’un tiers de l’île peuplé par un million d’habitants et dispose de
4 000 hommes dont 80 officiers. Durant deux ans, depuis son poste de commandement de Fianarantsoa,
il déploie une activité inlassable 45 . La zone forestière, refuge des bandes rebelles qui mènent une guerre
de harcèlements et d’embuscades, est d’abord couverte d’un réseau de postes solidement tenus. Partant
de ces postes, Lyautey nettoie successivement toutes les mailles du filet, agissant par actions locales et
concentriques. Dix huit mois sont nécessaires pour pacifier l’extrême sud malgache, pays désertique
défendu par une végétation de cactées pratiquement impénétrable 46 .
La Grande Île connaît alors jusqu’au départ de Gallieni des années de calme, durant lesquelles l’activité
opérationnelle se réduit à de simples actions de police. En 1905, lorsque, en butte à l’hostilité ouverte
des « bureaux » parisiens qu’il a bien rudoyés quand il ne les a pas purement et simplement ignorés,
Gallieni est contraint de demander son rappel, le bilan de son « proconsulat » de neuf années est sans
appel : Madagascar est pacifié, et constitue une pièce maîtresse dans l’échiquier colonial français. Outre
ce bilan sécuritaire très positif, il a permis, par son action constante dans tous les domaines au bénéfice
de la population, d’ouvrir l’Île au commerce et à l’instruction.
2.2 – L’œuvre civilisatrice de Gallieni
Chapitre II – La pacification
La pacification considérée sous l’angle de la réduction des rebelles ne constitue qu’un des aspects que
vise Gallieni. Elle n’est pour lui que la base indispensable et préalable à l’accomplissement de l’œuvre
civilisatrice de la France qui constitue son véritable objectif.
43 Lyautey, op. cit., p. 468.
44 Colonel J. Vernet, Cahiers du CESAT, septembre 2009, n° 17, p. 10.
45 De retour en métropole, le commandement d’un régiment de Hussards à Alençon lui paraîtra bien fade.
46 Vernet, art. cit., p. 11.
31