gallieni a madagascar et lyautey au maroc, deux - Le Centre de ...
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protestantes – anglaises, américaines ou norvégiennes – qui enseignent en anglais. Gallieni décrète que<br />
seul l’enseignement en français est désormais admis. Une stricte neutralité religieuse doit être respectée,<br />
mais tous les programmes sont remaniés pour correspondre à l’enseignement français. L’enseignement<br />
dispensé doit être pratique, en vue <strong>de</strong> fournir rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s <strong>au</strong>xiliaires directement utiles dans les<br />
entreprises agricoles <strong>et</strong> industrielles <strong>de</strong>s colons. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la métropole l’affectation d’instituteurs <strong>et</strong><br />
d’institutrices pour les matières générales ainsi que <strong>de</strong>s maîtres pour les disciplines plus techniques. Dès<br />
son arrivée en 1896, le nouve<strong>au</strong> Rési<strong>de</strong>nt général ouvre à Tananarive l’école professionnelle Jean<br />
Labor<strong>de</strong>, puis l’année suivante l’École normale d’instituteurs <strong>Le</strong> Myre <strong>de</strong> Vilers. Dans le cadre <strong>de</strong> sa<br />
politique <strong>de</strong> pacification par tache d’huile, les commandants <strong>de</strong> cercle sont invités à ouvrir le plus rapi<strong>de</strong>ment<br />
possible <strong>de</strong>s écoles locales, avec les moyens disponibles, <strong>au</strong> fur <strong>et</strong> à mesure <strong>de</strong> la progression <strong>de</strong><br />
la pacification.<br />
Au même titre que la santé, l’école <strong>de</strong>meure pour Gallieni un instrument privilégié <strong>de</strong> l’accès <strong>au</strong> progrès<br />
<strong>de</strong>s populations. Au moment <strong>de</strong> son départ, Madagascar compte <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>ux</strong> cents enseignants<br />
métropolitains, directeurs d’école, professeurs, instituteurs <strong>et</strong> institutrices. En outre, ce chiffre est grossi<br />
d’un nombre d’enseignants malgaches <strong>de</strong> l’ordre du triple <strong>de</strong>s métropolitains. Mais c<strong>et</strong> effort <strong>de</strong> scolarisation<br />
ne s’apparente pas à une « francisation » forcée <strong>de</strong> l’élite <strong>de</strong> la population. Comme le but <strong>de</strong><br />
Gallieni consiste à développer une élite malgache susceptible <strong>de</strong> former, à terme, l’ossature d’une<br />
administration locale, à l’instar <strong>de</strong> l’Indirect Rule tel qu’il est pratiqué par les Britanniques <strong>au</strong>x In<strong>de</strong>s, il<br />
crée un brev<strong>et</strong> <strong>de</strong> langue malgache, un journal malgache, ainsi qu’une « Académie malgache » chargée<br />
d’étudier la langue, l’histoire <strong>et</strong> la civilisation <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Ile <strong>et</strong> <strong>au</strong> profit <strong>de</strong> laquelle il sollicite le<br />
détachement d’une pléia<strong>de</strong> <strong>de</strong> spécialistes par la métropole.<br />
C<strong>et</strong> effort <strong>de</strong> scolarisation publique ne tar<strong>de</strong> pas à placer Gallieni en conflit larvé avec les missions,<br />
qu’elles soient catholiques ou réformées :<br />
« Je dois dire que partout, j’ai trouvé les missionnaires comme les plus gênants parce qu’ils<br />
veulent toujours un État dans l’État […] Quelle mosaïque <strong>de</strong> religions va <strong>de</strong>venir notre p<strong>au</strong>vre île !<br />
Chaque paquebot nous apporte <strong>de</strong> nouve<strong>au</strong>x missionnaires, catholiques, calvinistes, luthériens,<br />
méthodistes, <strong>et</strong>c. Combien il v<strong>au</strong>drait mieux voir débarquer à Tamatave <strong>de</strong>s colons sérieux <strong>et</strong><br />
munis du capital nécessaire » 48 .<br />
Il est vrai qu’en matière religieuse, Gallieni proclame bien h<strong>au</strong>t sa totale neutralité <strong>et</strong> enjoint à ses officiers<br />
<strong>et</strong> administrateurs <strong>de</strong> se tenir pru<strong>de</strong>mment à l’écart <strong>de</strong> toute querelle en la matière. Il estime qu’à <strong>au</strong>cun<br />
prix la politique coloniale ne doit servir les prosélytismes religieux, sources <strong>de</strong> désordres <strong>et</strong> <strong>de</strong> rivalité.<br />
Il tient à montrer l’exemple <strong>et</strong> s’efforce « <strong>au</strong>tant par habitu<strong>de</strong> que pour ne pas gêner les Malgaches, à<br />
ne jamais paraître à l’église » 49 . Il se montre convaincu <strong>de</strong> la profon<strong>de</strong> indifférence <strong>de</strong>s Malgaches pour<br />
le Dieu <strong>de</strong>s chrétiens <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur indifférence plus gran<strong>de</strong> encore vis-à-vis <strong>de</strong> leur morale. C’est ainsi<br />
qu’<strong>au</strong> cours <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong> ses tournées, il est amené à déclarer à la population :<br />
« La tolérance religieuse <strong>et</strong> le respect <strong>de</strong> vos mœurs sont <strong>de</strong>s principes absolus <strong>au</strong>xquels le<br />
Gouvernement <strong>de</strong> la République, dont j’entends faire exécuter les volontés, ne souffrira jamais<br />
qu’il soit porté atteinte » 50 .<br />
En ces temps où la politique <strong>de</strong> la métropole est marquée par un laïcisme militant, c<strong>et</strong>te politique <strong>de</strong><br />
scolarisation publique ne lui attirera <strong>au</strong>cune foudre parisienne.<br />
48 Gallieni, cité par Michel, op. cit., p. 231.<br />
49 Ibi<strong>de</strong>m.<br />
50 Ibi<strong>de</strong>m.<br />
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Chapitre II – La pacification