Vers un nouveau modèle chinois ? - ccifc
Vers un nouveau modèle chinois ? - ccifc
Vers un nouveau modèle chinois ? - ccifc
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Analyse<br />
<strong>Vers</strong> <strong>un</strong> <strong>nouveau</strong> <strong>modèle</strong> <strong>chinois</strong> ? 中国的新发展模式?<br />
La libéralisation, clef de la future croissance<br />
<strong>chinois</strong>e ?<br />
Il est aujourd’hui nécessaire de parachever les réformes par <strong>un</strong> grand saut<br />
qualitatif sous peine de perdre des points de croissance.<br />
Alors que la plupart des analystes occidentaux<br />
ont surtout les yeux rivés sur des indicateurs<br />
chiffrés, croissance, exportation,<br />
consommation, investissement, inflation<br />
ou coefficient Gini, les économistes et<br />
éditorialistes <strong>chinois</strong> axent beaucoup<br />
plus leurs travaux sur les<br />
facteurs juridiques et<br />
politiques derrière ces<br />
statistiques. Il faut dire<br />
qu’ils ne se sentent pas<br />
seulement investis d’<strong>un</strong><br />
rôle d’analyse mais qu’ils<br />
essayent aussi de peser<br />
sur le débat intellectuel<br />
et les choix du pays.<br />
Un <strong>nouveau</strong> concensus<br />
Or, s’il est <strong>un</strong> consensus<br />
dans la plupart des<br />
discours et des articles<br />
en Chine, à part parmi<br />
le groupe minoritaire<br />
et dissident des néomaoïstes,<br />
c’est la nécessité d’approfondir<br />
la libéralisation de l’économie et de la<br />
politique <strong>chinois</strong>es afin de maintenir la<br />
croissance du pays. Ce point de vue est<br />
partagé non seulement par les opinions<br />
libérales, mais aussi à l’intérieur du Parti.<br />
Lors du 18 ème congrès, début novembre<br />
2012, le secrétaire de la province de Canton,<br />
le libéral Wang Yang, répondait avec<br />
humour à des journalistes qui s’inquiétaient<br />
de l’échec de l’entrée de réformistes<br />
au sein du Comité Permanent du Bureau<br />
Politique : « Mais tous les comm<strong>un</strong>istes<br />
« l’insécurité<br />
juriDique liée<br />
au manque<br />
D’inDépenDance<br />
De l’appareil<br />
juDiciaire et à<br />
la corruption<br />
met en péril<br />
l’attractivité<br />
Du pays pour les<br />
investissements. »<br />
<strong>chinois</strong> sont des réformistes ! ». En effet,<br />
depuis les années 80, le mot « réforme »<br />
(改革g igé) doit être l’<strong>un</strong> des plus galvaudés<br />
de tout le vocabulaire politique<br />
<strong>chinois</strong>, à la fois élément d’<strong>un</strong> <strong>nouveau</strong><br />
contrat social et marqueur historique<br />
de la rupture avec le<br />
maoïsme. Cependant,<br />
cette saturation peut<br />
aussi vider le concept<br />
de son sens. On a en<br />
effet eu l’impression que<br />
les réformes marquaient<br />
le pas ces dernières<br />
années. Les décideurs<br />
<strong>chinois</strong> ont aujourd’hui<br />
du mal à aller de l’avant,<br />
car ils font face à <strong>un</strong><br />
seuil difficile à franchir :<br />
alors qu’auparavant les<br />
réformes <strong>chinois</strong>es et la<br />
question de la construction<br />
d’<strong>un</strong> Etat de droit<br />
étaient surtout quantitatives et étaient<br />
l’œuvre des praticiens, il s’agit désormais<br />
de modifier le système politique, et entraîne<br />
des résistances de certains groupes<br />
(voir le « L’entretien » avec Stéphanie Balme<br />
dans Connexions 62). Pour les spécialistes<br />
<strong>chinois</strong>, leur pays n’a toutefois pas le choix<br />
et toute tergiversation risquerait de coûter<br />
des points à la croissance. Alors que<br />
l’opinion publique européenne voit la<br />
Chine comme la patrie du « capitalisme<br />
sauvage » et l’imagine souvent néo-libérale,<br />
les Chinois se plaignent dans leur<br />
majorité d’<strong>un</strong>e trop grande emprise de<br />
l’Etat. Ils rappellent souvent que Huawei,<br />
la plus grande entreprise privée <strong>chinois</strong>e,<br />
ne se situe qu’au 39 ème rang du pays, et<br />
que 90% du capital des 500 sociétés les<br />
plus importantes de Chine appartient aux<br />
conglomérats publics.<br />
Les PME <strong>chinois</strong>es sont en péril<br />
Ce déséquilibre pèse sur le dynamisme<br />
des PME <strong>chinois</strong>es, qui ont donc <strong>un</strong> accès<br />
plus difficile au marché et au crédit, et qui<br />
sont aujourd’hui plus sensibles à la crise,<br />
comme en témoigne l’effondrement du<br />
« <strong>modèle</strong> de Wenzhou ». Mais surtout,<br />
c’est l’insécurité juridique liée au manque<br />
d’indépendance de l’appareil judiciaire et<br />
à la corruption qui alourdit le climat des<br />
affaires et met en péril l’attractivité du pays<br />
pour les investissements. Alors que des<br />
campagnes anti-corruption sont lancées<br />
presque chaque année depuis le début du<br />
siècle, le 18 ème congrès a encore mis l’accent<br />
dessus, et a nommé Wang Qishan, <strong>un</strong><br />
homme politique réputé pour son intégrité,<br />
à la tête de la Commission de discipline<br />
du Parti. Alors que le magazine Caixin a<br />
révélé qu’il conseillait à ses interlocuteurs<br />
de lire Tocqueville sur les causes de la Révolution<br />
française, il a déjà été surnommé<br />
le « pompier » du Comité Permanent par<br />
les weibonautes. Cependant, la corruption<br />
étant aussi l’<strong>un</strong> des produits du système,<br />
la lutte contre le phénomène, pour être<br />
efficace, nécessitera aussi <strong>un</strong>e réforme de<br />
la justice, et donc aussi de la politique. •<br />
Renaud de Spens<br />
hiver 2012 / Connexions 37