Vers un nouveau modèle chinois ? - ccifc

Dossier
•••
专栏
une partie importante à l’Etat,
dans tous les surcoûts qu’occasionnent
le hukou (tarifs beaucoup plus élevés
pour la plupart des prestations administrative
et de l’éducation, barrières
diverses qui coûtent cher à franchir ou à
contourner), les handicapant dans leur
désir d’intégration de la classe moyenne.
Les inégalités coûtent des points de
croissance
Si les spécialistes évaluent la contribution
de l’urbanisation chinoise de ces
dix dernières années à 3% de croissance
annuelle, ils estiment
aussi que chacun de ces « la classe
points de croissance
moyenne en chine
a coûté pour près de
Devrait Doubler en
6,6 milliards de yuan
d’investissements, ce nombre D’ici 2020
qui n’est pas très effi- pour atteinDre
cace, d’autant plus que
50% De la
beaucoup de ces investissements
n’étaient pas population contre
très « verts » et risque- 28% aujourD’hui. »
ront rapidement de
peser négativement sur le développement
durable du pays. L’industrialisation
des campagnes s’est faite en effet dans
des directions catastrophiques, décidées
par le pouvoir central sans tenir compte
des spécificités locales, avec pour double
objectif d’empêcher la trop grande croissance
des villes tout en implantant dans
les campagnes des grandes industries
ou des grands ensembles structurels qui
n’y ont pas leur place. En conséquence,
l’environnement a été saccagé pour des
résultats économiques médiocres et des
« En Chine, divers territoires se sont
développés de manière différente et
plus spécifiquement dans les premiers
stades de l’urbanisation. Ainsi, l’accroissement
des inégalités est tout autant
affaire de disparité géographique.
Ce ne sont pas des caractéristiques
européennes. (…) Toute économie
nécessite une somme importante
d’investissements publics – routes,
technologies, éducation, biens communs,
etc. Dans une démocratie, plus
il y a d’équité, plus ces investissements
48 Connexions / hiver 2012
dégâts sociaux générateurs de corruption,
d’inégalité, et de profonds mécontentements
(expropriations violentes, pertes
de précieuses terres arables...).
L’ugence d’un nouveau modèle d’urbanisation
On s’aperçoit aujourd’hui que ces objectifs
étaient erronés : d’abord l’exemple de
Tokyo, qui ne couvre qu’un tiers de la superficie
de Shanghai mais arrive à contenir
plus harmonieusement 2/3 de plus d’habitants,
montre que la taille des grandes
villes chinoises a encore de la marge pour
arriver à une éventuelle
saturation ; ensuite, les
communautés territoriales
qui ont le mieux
réussi à s’industrialiser
ont suivi un modèle
inverse s’appuyant sur
les besoins locaux et des
projets adaptés à petite
échelle. En effet, la localité
que le fameux historien
et économiste Qin
Hui a qualifié de « première ville de Chine »,
le village de Longgang dans le Zhejiang,
s’est urbanisée de manière autonome. En
1984, ce nouveau district agricole décide
d’abolir le système du hukou et démantèle
toutes les restrictions à l’installation
de populations sur son territoire. En 10
ans, il réalise non seulement d’importantes
rationalisations des exploitations agricoles,
mais permet aussi l’émergence de petits
commerces et d’un marché libre. Dans
le même temps, il développe une petite
industrie, notamment dans le domaine
seront nombreux. Dans des sociétés
divisées, les riches s’inquiètent de
la redistribution des richesses par le
pouvoir étatique. Par conséquent, ils
ont intérêt à ce que le pouvoir de l’Etat
soit restreint (…) La Chine n’est pas
une démocratie. La seule légitimité du
pouvoir est la croissance économique
et il doit donc faire ce qu’on attend de
lui. C’est parce que la Chine n’est pas
une démocratie qu’elle a performé
jusqu’ici en terme de croissance. Elle a
été non seulement efficace en terme
de l’imprimerie ou du textile, et s’urbanise
naturellement. Des entreprises du secteur
tertiaire y éclosent également, et en 2002,
la ville commence à s’attirer une attention
nationale car elle est devenue la première
du pays pour l’imprimerie et la production
de cadeaux. Moralité, si l’on désire vraiment
s’appuyer sur la demande intérieure
pour maintenir la croissance chinoise, en
déduisent les journalistes du Nanfeng
Chuang et de nombreux spécialistes, il est
urgent de définir un « nouveau modèle
d’urbanisation » qui donne plus de pouvoir
à la société civile, une meilleure répartition
des revenus des terres, et rompe définitivement
avec les erreurs autoritaires et du
tout industriel du passé.
Des réformes pour libérer la consommation
En 2022, toute la population sera couverte
par la protection sociale et médicale, a
promis le président Hu lors du 18ème
congrès, nourrissant ainsi l’espoir de stimuler
la consommation des ménages chinois,
tandis qu’une étude du Boston Consulting
Group estimait que la classe moyenne
en Chine, dont les revenus sont compris
entre 7 300 et 23 200 dollars par an, devrait
doubler en nombre dans le même horizon
pour atteindre 50% de la population,
contre 28% aujourd’hui. Les dirigeants
chinois auront cependant besoin de courage,
ou devront plier sous la pression de la
société, afin d’engager les réformes nécessaires
pour libérer la consommation. •
Le point de vue de Joseph Stiglitz prix Nobel d’économie sur l’urbanisation chinoise
Renaud de Spens
de croissance économique mais aussi
en terme de réduction de la pauvreté
car elle a su redistribuer à la majorité
qui était pauvre. La Chine sait donc
croître économiquement et réduire
la pauvreté. Donc, en un sens, il s’agit
d’un lien entre la politique et l’économie
qui est très différent et fonctionne
juste à l’opposé du nôtre. »
Extrait d’une interview publiée le 2 juillet 2012 sur http://
blogs.independent.co.uk/2012/07/02/stiglitz-the-fulltranscript/