Ys. Réécriture d'une Légende Armoricaine. - Ker Morigan - Free
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Il serait périlleux d’aborder les réécritures successives dont a fait l’objet la légende<br />
de la ville d’<strong>Ys</strong> sans évoquer tout d’abord les racines et le terreau dans lequel elle a vu<br />
le jour. Pour en étudier la postérité, il est nécessaire de dénouer au préalable les<br />
enchevêtrements successifs de thèmes qui lui ont donné naissance. Ce récit parle d’une<br />
somptueuse capitale de Bretagne, peuplée de riches commerçants aux mœurs dissolues<br />
et refusant le christianisme, qui fut engloutie par les flots en une nuit, ne laissant<br />
derrière elle qu’une vaste étendue d’eau, la baie de Douarnenez ; elle raconte comment<br />
le tout aussi légendaire roi de la Cornouaille <strong>Armoricaine</strong>, Gradlon le Grand 22 , fut sauvé<br />
de la noyade tandis que sa fille fut engloutie par les eaux. Cependant lorsqu'il s’agit de<br />
faire un résumé de la légende apparait en fait tout un faisceau de légendes toutes plus ou<br />
moins inconciliables. Car si le schéma global de l’histoire, et ainsi le résultat final est la<br />
même, à savoir que le roi Gradlon est sauvé, tandis que Dahud, quand toutefois elle est<br />
présente dans le récit, sombre avec sa cité, il n’en est pas de même du contexte ni de la<br />
manière dont la submersion survient. Mais alors, quelles sont ces sources, de quelles<br />
natures sont-elles et quels rôles jouent-elles dans la construction de la légende de la ville<br />
d’<strong>Ys</strong> ? Variantes folkloriques dues à la tradition orale ou créations littéraires, aborder la<br />
question de la réécriture, c’est poser la question de l’origine, puisqu’une réécriture ne se<br />
fait pas ex nihilo, ce qui mène à s’interroger sur une éventuelle source originelle, sur un<br />
éventuel mythe fondateur avant d’étudier les sources hagiographiques où le nom<br />
prestigieux de la ville d’<strong>Ys</strong> semble être mentionné pour la première fois, devançant son<br />
apparition dans les chroniques anciennes. Dans ce cheminement la graphie « <strong>Ys</strong> » sera<br />
utilisée quand il s’agira de désigner la cité engloutie, ou occasionnellement « <strong>Ker</strong> <strong>Ys</strong> »<br />
qui signifie à peu près « la ville d’<strong>Ys</strong> » en breton, au détriment des formes telles que<br />
« Is » ou « <strong>Ker</strong> Is ».<br />
22 Gradlon le grand (Gradlon Meur ou Graelen Voeur en breton) est selon la légende le roi légendaire de<br />
la Cornouaille <strong>Armoricaine</strong>, dont les capitales sont Quimper et la légendaire <strong>Ys</strong>. Il est supposé être le père<br />
de Dahud et l’ami de Corentin, qu’il nomme le premier évêque de Quimper. Il est aussi supposé connaître<br />
saint Gwenole, qui prit une grande part dans la christianisation de l’Armorique, créant, entre autre<br />
l’abbaye de Landévennec. Les sources historiques, notamment le Cartulaire de Landévennec, font état<br />
d’un Gradlon Meur, mais il n’est nullement qualifié de roi, quant aux dates, elles ne semblent<br />
correspondre ni aux dates supposées de <strong>Ker</strong> <strong>Ys</strong>, ni aux dates correspondant aux vies des deux saints que<br />
Gradlon est supposé connaître. Partiellement légendaire, partiellement historique, sa statue peut être<br />
admirée, érigée entre les deux flèches de la cathédrale de Quimper. Christian-J Guyonvarc’h et Françoise<br />
Le Roux en parlent dans La <strong>Légende</strong> de la ville d’Is (pp. 113-114) ; Théodore Hersart de La Villemarqué<br />
y fait référence dans son Barzaz Breiz à plusieurs reprises, dans le chapitre sur la submersion de la ville<br />
d’Is tout d’abord (p. 101-105.) puis sur celui sur Saint Ronan (pp. 487-491.). Mais le roi est aussi cité<br />
dans les annales et chroniques bretonnes.