Ys. Réécriture d'une Légende Armoricaine. - Ker Morigan - Free
Ys. Réécriture d'une Légende Armoricaine. - Ker Morigan - Free
Ys. Réécriture d'une Légende Armoricaine. - Ker Morigan - Free
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
- 18 -<br />
Dans ce récit, l’eau châtie. La négligence et l’orgueil de Bóand se retourne contre<br />
elle quand elle défie le puits. Cette conception du puits périlleux semblent se retrouver<br />
dans la tradition orale armoricaine, ce que mentionne notamment Gwenc'hlan Le<br />
Scouëzec dans son Guide de la Bretagne mystérieuse, où il affirme que certaines<br />
« variantes de la légende parlent aussi d’un puits de l’abîme, expression d’une antique<br />
croyance des Celtes : sous le sol sont amassées les eaux inférieures qui risquent à tout<br />
moment de surgir, de s’épancher et de noyer les humains et leurs cités 34 ». Le puits se<br />
fait source dans un autre récit mythique, la « Mort d’Eochaid », dans lequel la<br />
négligence d’une femme entraine la submersion. « Mais un jour que la femme n’avait<br />
pas fermé la source, la Lind Muni jailli sur Liathmuni et elle noya Eochu avec tous ses<br />
enfants à l’exception de Li Ban, de Conaig et de Curan le fou 35 ». Dans ce récit<br />
mythique, le thème de la négligence est mis en exergue. Par ailleurs, Li Ban, la femme<br />
qui survit à la submersion, subit une transformation au fil du récit. « Li Ban fut trois<br />
cents ans dans l’étendue de la mer […]. Elle était pour moitié en forme de saumon et<br />
l’autre moitié en forme humaine 36 ». Cette métamorphose n’est pas sans rappeler celle<br />
de Dahud devenant Marie Morgane sous la forme de sirène dans les contes populaires.<br />
Bien que le christianisme ait transformé la cause de la submersion, passant de la<br />
négligence de la gardienne de la fontaine dans le récit de Liban, à la culpabilité<br />
pécheresse nécessitant un châtiment divin, leitmotiv on ne peut plus chrétien, il est<br />
toujours possible de retrouver dans la légende de la ville d’<strong>Ys</strong> la thématique du puits, à<br />
la fois destructeur et passage vers l’autre monde, usant d’une double symbolique de<br />
l’eau, ainsi que l’image de la femme de l’autre monde, à la fois gardienne de la fontaine<br />
et fille de la mer.<br />
Néanmoins, il est nécessaire de noter un autre élément qui ressort du récit du puits<br />
de Nechtan. En effet, l’eau semble à la fois eau et feu, créant une relation entre ces deux<br />
éléments. Cette présence du feu dans l’eau revêt une grande importance dans le récit de<br />
la ville d’<strong>Ys</strong>, puisque elle est détruite par submersion de cette même eau. Cette<br />
ambivalence n’est sans doute pas sans lien avec le rapprochement possible entre la ville<br />
34 Gwenc'hlan Le Scouëzec, Guide de la Bretagne mystérieuse, Paris, Tchou, Les Guides noirs, 1966,<br />
p. 223.<br />
35 Christian-J. Guyonvarc’h et Françoise Le Roux, op. cit., p. 63.<br />
36 Op. cit., p. 64.