Ys. Réécriture d'une Légende Armoricaine. - Ker Morigan - Free
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traduction d’un roman de Chrétien de Troyes. Cette filiation de style est d’ailleurs<br />
revendiquée explicitement dans l’avant-propos du roman, où Charles Guyot regrette que<br />
la « submersion de la ville d’<strong>Ys</strong>, advenue au V e siècle, n’a pas eu la fortune d’inspirer<br />
plus tard un Chrestien de Troyes et de prendre place dans le trésor immense des romans<br />
du moyen âge 112 ».<br />
Les empreintes de cette intertextualité avec les romans médiévaux se remarquent<br />
tout d’abord par l’emploi récurrent des apostrophes dans les dialogues. Par ailleurs, les<br />
tournures de phrase sont souvent inversées, à l’imitation des textes en ancien français,<br />
ce qui renforce cet effet. La première prise de parole est représentative de la forme des<br />
dialogues. « Seigneur, douleur et honte vous nous donnez 113 » n’est pas bien éloigné de<br />
« ‘Sire,’ fet il, ‘molt grant anfance / avez feite 114 ’ » dans sa forme. Ces formulations<br />
sont tout à fait représentatives dans ce qu’elles ont d’archaïque, et dont le phrasé «<br />
attente à l’ordo d’une langue pour imiter celui […] d’un état plus ancien 115 ». C’est<br />
également par les thèmes abordés que le récit se rapproche des romans médiévaux.<br />
Miracles hagiographiques, présence du merveilleux et motif du chevalier inconnu sont<br />
autant d’éléments déjà présents dans les hypotextes et que l’auteur adapte à la forme du<br />
roman médiéval. Mais il ajoute également les joutes et surtout le combat périlleux entre<br />
les trois chevaliers valeureux et le chevalier rouge. Il ajoute également des poèmes à<br />
l’imitation des lais médiévaux.<br />
Oyez, Seigneurs, ce que Gradlon conquit Ŕ au burg lointain où s’en alla,<br />
requis Ŕ par grand plaisir et quête de butin ; - c’est une femme aux<br />
beaux cheveux d’or fin ; - c’est un coursier plus noir que Lucifer Ŕ<br />
naseaux fumants comme porte d’enfer 116 .<br />
Christian-J. Guyonvarc’h fait une remarque éclairante à propos de ce poème,<br />
affirmant que cette « magnifique strophe a été écrite en français et n’a certainement<br />
jamais été traduite du breton, ni d’aucune autre langue celtique, pas plus que les trois<br />
autres strophes du poème. Cela ressemble un peu à un pastiche de lai arthurien, si ce<br />
n’est que Marie de France ou ses prédécesseurs n’auraient pas tant abusé du lyrisme<br />
112 Charles Guyot, op. cit., p. 7.<br />
113 Op. cit., p. 9.<br />
114 Chrétien de Troyes, Lancelot ou le chevalier de la charrette, v. 256-257.<br />
115 Gérard Genette, op. cit., p. 81.<br />
116 Charles Guyot, op. cit., p. 20.