Voulez-vous danser ? - Laurent & GLV

Dans le bureau de l’agence, Bill avait de la fumée qui lui
sortait des oreilles, malgré le froid humide de cet avantmidi
de janvier 1993. Il était rouge comme un démon, il savait
bien qu’il ne convaincrait pas le fonctionnaire et ne pourrait
rien changer, mais il argumentait quand même avec l’énergie
du gros bon sens québécois, pour évacuer sa pression…
— Comment ça, mon argent est gelé ?
— C’est comme ça, monsieur. Ce sont les pratiques de la banque.
Votre argent est gelé pour trois jours, le temps des
vérifications d’usage sur sa provenance, répétait le directeur
de l’agence de Grenoble à la Banque Nationale de Paris en
complétant ses papiers officiels en multiples copies.
— Il n’est pas gelé, il est là sur le bureau ! C’est cent mille
francs, pour couvrir nos frais de séjour ! Ils sont à moi, vous
m’avez vu arriver avec, ils proviennent de mes poches… Ce
n’est pas un chèque ou une traite, c’est de l’argent comptant,
des vrais billets français !
— Monsieur est Canadien, nous sommes en France ici. Je suis
désolé, monsieur, c’est le règlement. Ce formulaire maintenant…
Paraphez, là et là…
— Alors je vais reprendre cinq mille francs, pour vivre au
moins pendant ces trois jours-là.
— Vous ne pouvez pas, monsieur. Je vous répète que votre
argent est gelé. Signez ici.
— Le directeur de la Banque Nationale de Paris à Trois-
Rivières vous a appelé, devant moi pour nous ouvrir les
portes ici. Nous sommes annoncés. On ne nous connaît
pas mais c’est tout comme. L’argent que je vous confie ici
Prendre d'abord l'Amérique
121