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transparent. Ni absent, ni tout à fait là car ce n‘est pas lui qui parle mais bien<br />

l‘autre à travers lui ; en se laissant traversé par le discours de l‘autre – quelque<br />

orateur – il y laisse sa trace subtile lors de la traduction quasi instantanée,<br />

simultanée comme on l‘appelle, tel l‘air qui laisse vivre et voir au contraire du<br />

vide.<br />

En termes à peine plus rigoureux cela revient à dire, avec Meschonnic,<br />

que « tout cela se ramène donc à quelque chose de très simple : non plus opposer<br />

une identité à une altérité, comme une langue à une autre, mais écouter ce que fait<br />

un <strong>text</strong>e à sa langue, et qu‘il est seul à faire » (2003 : 78). Et dans le registre du dire<br />

et du faire selon la formule consacrée de J. L. Austin, c‘est dans la pragmatique<br />

qu‘il faut aller chercher ses instruments, de lecture et de traduction. J. Hillis Miller<br />

le dit joliment : « Il doit y avoir un influx de force performative issu des<br />

transactions linguistiques impliquées dans l‘acte de lecture et dirigé vers les<br />

sphères de la connaissance, de la politique et de l‘histoire » (Hillis Miller<br />

2007 : 28). Autrement dit, il faut réagir à partir du <strong>text</strong>e original et agir (y apporter<br />

du sien) si la traduction se doit d‘être une cause – dans toutes les acceptions du<br />

terme – et non pas un simple effet.<br />

Autrement dit,<br />

il y a à faire dans la langue d‘arrivée, avec ses moyens à elle, ce que le<br />

<strong>text</strong>e fait à sa langue. C‘est à cette seule condition que traduire est<br />

écrire. Sinon, traduire c‘est désécrire. […] ce qui compte n‘est plus ce<br />

que dit un <strong>text</strong>e mais ce qu‘il fait. Sa force, et non plus le sens seul.<br />

(Meschonnic 2007 : 78-79)<br />

Le visible contre l‘invisible. L‘agir contre la soumission. Le total contre<br />

l‘automatique. Subtilement, toute la visibilité est là et non pas dans les détails de<br />

para<strong>text</strong>e. Une visibilité humble, si vous voulez, comme il sied au<br />

traducteur/interprète. Et pour ce qui est de la « force » invoquée – je ne souhaite<br />

pas paraître vulgaire à mes collègues au prix de faire sourire les étudiants – mais<br />

cela se passe bien comme dans la Guerre des étoiles, le traducteur est un chevalier<br />

Jedi. Le cas idéal est bel et bien un traducteur tout aussi soucieux de la source que<br />

de la cible mais qui est à même de déplacer, par la force de son esprit, le <strong>text</strong>e<br />

d‘une langue à l‘autre, en douceur, sans antagonismes, par la vision qu‘il a des<br />

mécanismes à l‘œuvre des deux cótés du transfert et, non en dernier lieu, par la<br />

connaissance du monde dans lequel il vit et la consicence de son rôle social à lui.<br />

Aussitót que l‘on se place dans une problématique de la visibilité, le point<br />

d‘inflexion devient un certain engagement politique qui va de pair avec l‘éthique<br />

soit du traducteur soit du traduire. Partisan de la dimension professionalisante de la<br />

traduction, Anthony Pym situe la visibilité du traducteur en termes de contrat<br />

social, de pouvoir de décision dès lors que l‘on s‘accorde sur le fait que la<br />

traduction ressort de causalités multiples qui ne sauraient se réduire à la fameuse<br />

dichotomie précitée. Selon lui, « tout traducteur n‘a pas le pouvoir –<br />

l‘indépendance économique, politique, intellectuelle, professionnelle – de refuser<br />

une commande ou même de choisir le moment et le lieu de sa traduction » mais,<br />

nonobstant, « c‘est aux traducteurs de devenir maîtres de leur tâche » (Pym 1997 :<br />

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