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où une étape décisive est la compréhension-interprétation du <strong>text</strong>e. Pour apporter<br />

un argument supplémentaire dans ce sens, le traductologue essayiste part de<br />

l‘origine du terme traducteur, en grec hermeneutes, en latin interpres, et formule<br />

son propre dicton praxéologique « qui n‘a pas compris n‘a pas traduit »<br />

(2000a : 39).<br />

S‘appuyant sur des <strong>text</strong>es classiques comme ceux de Cicéron ou, plus<br />

près de nous, ceux de Valery Larbaud, ou sur les idées de Paul Valéry, Tudor<br />

Ionescu déconseille la traduction du mot ou des relations grammaticales et invite le<br />

traducteur en formation à surprendre le sens, les idées, le message, à saisir la<br />

configuration et la personnalité du <strong>text</strong>e à traduire et à viser la production, par des<br />

moyens différents, des effets similaires à l‘original.<br />

Dans ses « commandements » de praxéologie figurent, à la place<br />

d‘honneur, la non obédience et la non servitude à l‘ordre des mots du <strong>text</strong>e source,<br />

le courage et la responsabilité de sacrifier tel ou tel élément ainsi que celui<br />

d‘ajouter des éléments absents dans l‘original, tout dans les limites d‘un bon sens<br />

artistique et herméneutique, pour rendre au <strong>text</strong>e traduit le son, la couleur, le<br />

mouvement dont parlait Larbaud, sans nuire à son sens. Tout comme le patron des<br />

traducteurs, Saint Jérôme, Tudor Ionescu réserve la « fidélité religieuse » vis-à-vis<br />

du <strong>text</strong>e original aux seuls <strong>text</strong>es religieux, sacrés, qui doivent rendre le plus<br />

fidèlement possible la parole divine (2000a : 45).<br />

Ailleurs (Ionescu 2000b : 555-567), le traductologue envisage la<br />

« démarche technique-artistique du traducteur » (ibid. : 559), difficile à faire entrer<br />

dans un modèle de travail, en fonction de ce qu‘il appelle un « public-cible » et un<br />

« environnement-cible » (560). Les choix opérés par le traducteur sont déterminés<br />

aussi par sa structure psychique, par ses convictions esthétiques et par sa<br />

compétence professionnelle.<br />

Une analyse critique de l‘incipit du livre Voyage au bout de la nuit,<br />

traduit par Maria Ivănescu, a comme principaux repères : le rythme, la cadence,<br />

l‘euphonie, le ton du roman célinien, le jeu avec les registres de langue. Le critique<br />

très fin qu‘est Tudor Ionescu remarque le changement de tonalité opéré par telle<br />

solution, les pièges de la sur-traduction explicitante ou de l‘hypercorrection dans<br />

lesquels tombe parfois la traductrice et propose en toute témérité ses propres<br />

solutions, arguments à l‘appui. Il remarque avec lucidité que la fidélité peut cacher<br />

parfois l‘absence d‘une herméneutique du <strong>text</strong>e (2000b : 559).<br />

Pour ce qui est de la traduction de la poésie, le traducteur d‘Yves<br />

Bonnefoy en roumain a une vision plutôt subjective, résumable par la réflexion :<br />

« Plus exactement les grandes traductions de poésie sont de grandes traductions<br />

ou des ré-écritures dans une autre langue des vers traitant un certain sujet [...] »,<br />

(2003 : 112, souligné par Tudor Ionescu) ; ces traductions-ré-écritures sont faites,<br />

de règle, par des poètes, c‘est-à-dire, des créateurs, à leur tour. Pour donner une<br />

idée de cette épreuve difficile qu‘est la traduction poétique, Tudor Ionescu évoque<br />

les paroles de Jakobson, qui soutient que la poésie est par définition intraduisible,<br />

on peut parler dans ce cas particulier, avec le vocable du grand linguiste, seulement<br />

de « transposition créatrice » (Jakobson 1973)<br />

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