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tan one respect, pseudotranslations often respresent their pseudo-sources in a<br />
rather exaggerated manner. » (Toury 1995 : 46 ; nous soulignons)<br />
Cette tendance à l‘exagération s‘observe dans l‘utilisation de « reports »<br />
tout à fait inutiles, puisque ce ne sont pas des mots qui désignent des spécificités<br />
françaises, qui ne sont de toute évidence pas insérés dans le <strong>text</strong>e que dans le seul<br />
but de renforcer l‘impression qu‘il s‘agirait d‘un <strong>text</strong>e traduit (avec une certaine<br />
négligence, il faut le dire) : « avenue de l‘Opéra » (5), « rue Dauphine » (9),<br />
« avenue du Maine » (20), « corps-couture » (27). Bien sûr, d‘autres reports sont<br />
tout à fait justifiés par la tradition traductive. Par exemple, le nom de la boutique<br />
« Au bonheur des mecs » signale l‘espace étranger, mais, c‘est vrai, révèle aussi au<br />
regard plus attentif la voix de l‘auteur véritable, qui enseigne la littérature aussi.<br />
Des emprunts viennent renforcer cette impression : « motarzi » (9 et<br />
autres) – qui n‘existe même pas dans le dictionnaire roumain et pour lequel il y a<br />
un équivalent roumain courant ; « ordinator » (19) – recensé celui-là par les<br />
dictionnaires roumains, mais qui est loin d‘être courant dans la langue en dehors du<br />
cercle des francophones (plus loin (25), l‘anglicisme « computer » nous signale un<br />
traducteur peu conséquent dans ses choix ; « minuterie » – qui, en roumain, ne<br />
désigne pas un chronomètre de cuisine, comme le laisse entendre ce roman.<br />
Comme si, trop imprégné par la langue source, le traducteur la laissait<br />
transparaître, par mégarde, dans sa propre langue.<br />
Les calques soit disant involontaires font à leur tour entendre la voix du<br />
traducteur authentique, donc susceptible de trahir sa langue maternelle. La<br />
préférence marquée pour les expressions figées typiquement roumaines (« La<br />
treabă, nu la întins mâna ! » (8), « Dat naibii nenea Mamadou ! » (10), « dacă e bal<br />
– bal să fie ! » (16)), comme si l‘on avait affaire à un traducteur soucieux de<br />
s‘effacer par une attitude acclimatante afin d‘assurer une lecture agréable, cursive,<br />
comme le genre en cause le requiert, laisse pourtant place à de petites erreurs du<br />
type « Artiştii sînt în scenă » pour « artistes en scène » (23), qui gêne légèrement<br />
le lecteur roumain sans empêcher la compréhension.<br />
À regarder la langue roumaine si riches des <strong>text</strong>es d‘auteur de Tudor<br />
Ionescu, il devient clair que les reports, les emprunts et les calques ne sont que des<br />
méthodes pour suggérer qu‘il s‘agirait d‘un <strong>text</strong>e traduit, de petits pièges et non pas<br />
des défauts, des erreurs.<br />
Apparemment, il y aussi les petits fragments en français qui trahissent le<br />
traducteur, mais le croire serait avoir un regard superficiel sur le <strong>text</strong>e. Car<br />
comment peut-on imaginer qu‘un lecteur qui n‘aura jamais entendu parler du Pont<br />
Neuf comprendra la phrase, citée en français, « O, temps, suspends ton vol… »<br />
(33) et encore faire le lien avec son auteur ? Ou qu‘il comprendra, toujours en<br />
français, « STMB Chamonix, Aiguille de Midi, Aller-Retour, Plein Tarif » (26) Ou<br />
encore un exemple de l‘intérêt auctorial pour les langues :<br />
Comme dit l‘Allemand : ‗Alles hat ein End, nur die Wurst hat zwei‘.<br />
Donc est ‗tout est bien qui finit bien‘, autrement dit – ‗finit coronat<br />
opus‘… oups, je me suis trompé ! Qu‘est-ce que je voulais dire ? Ah,<br />
oui, je voulais dire, que, finalement, tout est fini. (27)<br />
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