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ti<strong>en</strong>nes : primauté du spirituel, risque de quiétisme sacram<strong>en</strong>tel, abandon de la gestion<br />

du monde au pouvoir séculier, trouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> effet leur contrepartie dans les trois t<strong>en</strong>tations<br />

juives, qui sont des t<strong>en</strong>tations inverses : primauté du temporel, risque de magie<br />

cultuelle, interfér<strong>en</strong>ce du religieux dans le temporel. Pour Soloviev, l’antinomie historique<br />

des deux religions peut ainsi être expliquée. Soloviev est ainsi le premier à<br />

être <strong>en</strong>tré avec des clefs d’interprétation inédites dans ce problème séculaire.<br />

Voici alors la thèse nouvelle et fameuse de Soloviev : La "question juive" - l’expression<br />

faisait fortune depuis le débat de 1843 <strong>en</strong>tre Bruno Bauer et Karl Marx (29) et<br />

elle était dev<strong>en</strong>ue une référ<strong>en</strong>ce courante <strong>en</strong> Russie dans les milieux politiques - n’est<br />

pas une question à part de la "question chréti<strong>en</strong>ne". Et comme la position des juifs dans<br />

le monde a été déterminée par un pouvoir politique dev<strong>en</strong>u chréti<strong>en</strong>, la "question juive"<br />

est <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>dante de la "question chréti<strong>en</strong>ne". L’une est corrélative de<br />

l’autre. La "question juive", dit-il, est née de ce que les chréti<strong>en</strong>s, au cours de leur<br />

histoire, n’ont pas instauré la véritable théocratie, comme ils aurai<strong>en</strong>t dû le faire.<br />

Ils ne l’ont pas réalisée dans l’antiquité quand ils ont eu le pouvoir <strong>en</strong> leurs mains.<br />

Et ils n’ont pas accompli davantage leur devoir à l’égard des juifs quand ils ont perdu<br />

le pouvoir à l’époque moderne. Dès lors les juifs ont rev<strong>en</strong>diqué l’autonomie politique.<br />

A insi le problème du rapport avec les juifs est dev<strong>en</strong>u politique parce qu’il n’a jamais<br />

été posé à son plan véritable, qui était le plan religieux. Depuis l’origine, les chréti<strong>en</strong>s<br />

n’ont pas reconnu la place qu’occup<strong>en</strong>t les juifs dans le plan de Dieu ni la place<br />

qu’ils occup<strong>en</strong>t <strong>en</strong> face d’eux-mêmes ; <strong>en</strong>suite, au Moy<strong>en</strong> âge, ils ne se sont pas comportés<br />

à leur égard comme leur vocation de chréti<strong>en</strong>s leur imposait de le faire ; et<br />

finalem<strong>en</strong>t, dans la société séculière moderne, c’est une énigme troublante de constater<br />

que "Les juifs se montr<strong>en</strong>t empressés à accomplir leur Loi, tandis que les chréti<strong>en</strong>s sont<br />

si prompts à oublier la leur" (30). Bref, si l’on veut compr<strong>en</strong>dre la "question juive",<br />

il est nécessaire de poser la "question chréti<strong>en</strong>ne".<br />

Le problème du rapport avec les juifs s’est donc déplacé sur le plan politique. Mais<br />

la société laïque et sécularisée ne s’est pas montrée davantage capable de le résoudre<br />

que la société chréti<strong>en</strong>ne n’avait su le faire. Elle l’a même aggravé, et rares sont les<br />

chréti<strong>en</strong>s qui maint<strong>en</strong>ant compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la nécessité de r<strong>en</strong>dre aux juifs les libertés et<br />

les titres auxquels ils ont droit dans le domaine de la vie publique. Par une analyse<br />

rigoureuse de la modernité, Soloviev r<strong>en</strong>d à l’économie juive, à la morale juive, à la<br />

politique juive, une positivité dont l’efficacité et la crédibilité sont liées à une<br />

négativité chréti<strong>en</strong>ne <strong>en</strong> ces domaines. Il donne ainsi une explication rationnelle du<br />

retour <strong>en</strong> force des juifs dans l’histoire. Mais la politique qui s’est instaurée de fait<br />

<strong>en</strong> Europe depuis l’époque des Lumières n’est plus du tout la "théocratie"voulue par Dieu.<br />

Le conflit de deux politiques a remplacé celui de deux religions et de deux idéaux.<br />

Ironie de l’histoire, qui donne un cours nouveau à la "jalousie" dont parlait saint Paul<br />

dans l’épître aux Romains.<br />

La réflexion sur la question juive a <strong>en</strong>fin contribué à éloigner définitivem<strong>en</strong>t Soloviev<br />

des thèses slavophiles. En observateur att<strong>en</strong>tif de la r<strong>en</strong>aissance juive <strong>en</strong> Russie,<br />

il donne au début de son article, une explication de ce réveil. Le peuple juif n’a pas<br />

eu sa place dans l’Europe occid<strong>en</strong>tale. A ussi est-il v<strong>en</strong>u <strong>en</strong> chercher une <strong>en</strong> pays slave,<br />

<strong>en</strong> Pologne et <strong>en</strong> Russie. Les slavophiles ont imputé à l’Occid<strong>en</strong>t catholique le fanatisme<br />

religieux à l’égard des juifs, mais la "sainte Russie" des slavophiles risque de<br />

répéter les errem<strong>en</strong>ts qui fur<strong>en</strong>t ceux du Moy<strong>en</strong> A ge latin. Car la raison directe de la<br />

r<strong>en</strong>aissance juive est l’abs<strong>en</strong>ce de réflexion et de responsabilité chréti<strong>en</strong>nes sur le sort<br />

fait aux juifs dans l’Europe des Lumières. Soloviev voit d’ailleurs une annonce de cette<br />

situation insolite et anormale dans le prophète Zacharie : " les relations actuelles de<br />

l’Europe avancée avec le judaïsme font p<strong>en</strong>ser, dit-il, "à ces dix paï<strong>en</strong>s qui s’accroch<strong>en</strong>t<br />

à la robe d’un Juif" (Za 8, 23), mais c’est maint<strong>en</strong>ant pour se faire introduire,<br />

non pas dans le Temple de Jéhovah, mais dans celui de Mammon ; car, ajoute-t-il "ils se<br />

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