05.07.2013 Views

Mise en page 1

Mise en page 1

Mise en page 1

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

dans les formes de messianisme terrestre que le Christ avait rejetées. A vec lui se combine<br />

d’ordinaire la croyance que le mill<strong>en</strong>ium est déjà là, ou, à tout le moins, est<br />

immin<strong>en</strong>t...<br />

Face à ces fantaisies, il n’est pas si facile d’expliquer ce que l’auteur de l’A pocalypse<br />

a voulu exprimer par l’idée, ou plutôt l’image, du mill<strong>en</strong>ium...<br />

On peut dire que deux opinions se partag<strong>en</strong>t <strong>en</strong> gros les théologi<strong>en</strong>s et les exégètes.<br />

La plus répandue est celle que saint A ugustin a développée dans la Cité de Dieu et à<br />

laquelle se sont ralliés la plupart des théologi<strong>en</strong>s du moy<strong>en</strong>-âge. Elle ne voit dans le<br />

mill<strong>en</strong>ium qu’une image de l’Eglise (ou de la chréti<strong>en</strong>té), où se trouve comme inauguré<br />

le Règne de Dieu, avant le jugem<strong>en</strong>t et la restauration finale de toutes choses.<br />

La difficulté, dans cette interprétation, reste la première résurrection dont parle<br />

saint Jean . Certains l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dront du baptême, d’autres de l’association anticipée des<br />

saints (particulièrem<strong>en</strong>t dans la gloire céleste) au Règne du Christ ressuscité.<br />

À part le grand exégète protestant Dodd et son école (dite, à cause de cela, de<br />

l’eschatologie réalisée ou inaugurée), la plupart des exégètes modernes t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à ne voir<br />

là qu’une interprétation forcée des textes. Mais ils ne sont pas eux-mêmes d’accord sur<br />

le s<strong>en</strong>s exact qu’il faudrait assigner à cette première phase dans le Règne eschatologique<br />

du Christ, qui ne serait pourtant pas finale à strictem<strong>en</strong>t parler, puisque des<br />

luttes (voire la lutte décisive) devrai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core s’<strong>en</strong>suivre [selon A p. 20,7-10]...”.<br />

Cep<strong>en</strong>dant, si elle la rejette officiellem<strong>en</strong>t, l’Eglise fera usage la ferveur chiliastique<br />

notamm<strong>en</strong>t lors des Croisades. De nombreux pélerinages marquèr<strong>en</strong>t l’année 1033,<br />

millénaire de la passion du Christ. Ceci, ajouté à « l’atmosphère apocalyptique » du<br />

XIe siècle, fournit une toile de fond à la Première Croisade. Les Croisades peuv<strong>en</strong>t ête<br />

considérées comme une imitatio Christi collective. Elles sont égalem<strong>en</strong>t le premier mouvem<strong>en</strong>t<br />

impérialiste occid<strong>en</strong>tal (<strong>en</strong> dehors des frontières de l’Europe).<br />

A près la victoire de l’empire Ottoman <strong>en</strong> Palestine, Jerusalem, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due égalem<strong>en</strong>t<br />

comme La Jérusalem céleste, c<strong>en</strong>tre du Monde, devint le sujet de préoccupation privilégié<br />

de la chréti<strong>en</strong>té. Le thème de la Nouvelle Jérusalem, de la Terre Promise est donc<br />

rev<strong>en</strong>u au cœur du christianisme alim<strong>en</strong>tant les aspirations messianiques.<br />

Ce thème de la Terre Promise se r<strong>en</strong>contre un peu plus tard (fin XVe , début XVIe)<br />

lors de la découverte du Nouveau Monde qui fut considéré comme la Nouvelle Sion, la Nouvelle<br />

Jérusalem, réalisant ainsi les espoirs et les rêves millénaristes. Joachim de Flore<br />

au XIIe siècle avait d’ailleurs prophétisé un Troisième Âge du monde dans lequel tous<br />

les hommes vivrai<strong>en</strong>t dans la pauvreté volontaire, la joie, l’amour et la liberté, sans<br />

pape ni empereur. Christophe Colomb <strong>en</strong> route vers Cathay et les Indes se considérait<br />

lui-même comme un messie joachimi<strong>en</strong>, annoncant l’<strong>en</strong>trée dans le Troisième Âge de l’esprit.<br />

On nomme joachimisme la doctrine de Joachim de Flore, moine cisterci<strong>en</strong> né <strong>en</strong> 1132 ou<br />

1135 <strong>en</strong> Calabre, mort <strong>en</strong> 1202. A scète, mais aussi exégète de la Bible, Joachim de Flore<br />

élabore, dans la perspective de la fin immin<strong>en</strong>te, une histoire du monde dont les trois<br />

âges successifs, l'A ge de la Loi, l'A ge de la Grâce, et l'A ge de la Surabondance de la<br />

Grâce, illustr<strong>en</strong>t le déploiem<strong>en</strong>t de la Trinité : le Père, le Fils, le Saint Esprit.<br />

L'A ge de la Loi, ou A ge du Père, correspond à la création du monde et à l'époque de<br />

l'A nci<strong>en</strong> Testam<strong>en</strong>t. L'A ge de la Grâce, ou A ge du Fils, débute avec la fondation de<br />

l'Eglise et correspond à l'ère du Nouveau Testam<strong>en</strong>t. L'A ge de la Surabondance de la<br />

Grâce, ou A ge de l'Esprit, est celui du parachèvem<strong>en</strong>t de l'oeuvre de la Grâce, lequel,<br />

dans la p<strong>en</strong>sée médiévale, se traduira par la conversion des Juifs, suite à quoi se<br />

déploiera, sur le mode de l'effusion, de la révélation s<strong>en</strong>sible au coeur, le règne de<br />

l'Esprit.<br />

L'héritage joachimite, note Gilbert Durand, est énorme et continu : <strong>en</strong> bénéfici<strong>en</strong>t<br />

Bossuet et Vico, Condorcet, Hegel, A uguste Comte et Marx.<br />

Il informe, de façon invue, l'idéologie triomphante du Progrès.<br />

79

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!