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http://www.jeuverbal.fr L. Racine, Mémoires sur Jean ... - le jeu verbal

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<strong>http</strong>://<strong>www</strong>.<strong><strong>jeu</strong><strong>verbal</strong></strong>.<strong>fr</strong><br />

cause en même temps que la meil<strong>le</strong>ure actrice du théâtre de Molière <strong>le</strong> quitta pour passer<br />

<strong>sur</strong> <strong>le</strong> théâtre de Bourgogne ; ce qui mortifia Molière, et causa entre eux deux un<br />

re<strong>fr</strong>oidissement, qui dura toujours, quoiqu’ils se rendissent mutuel<strong>le</strong>ment justice <strong>sur</strong> <strong>le</strong>urs<br />

ouvrages. On verra bientôt de quel<strong>le</strong> manière Molière parla de la comédie des Plaideurs et <strong>le</strong><br />

<strong>le</strong>ndemain de la première représentation du Misanthrope, qui fut très malheureuse, un<br />

homme, qui crut faire plaisir à mon père, courut lui annoncer cette nouvel<strong>le</strong>, en lui disant : «<br />

La pièce est tombée : rien n’est si <strong>fr</strong>oid ; vous pouvez m’en croire ; j’y étais. — Vous y étiez,<br />

reprit mon père, et je n’y étais pas ; cependant je n’en croirai rien, parce qu’il est impossib<strong>le</strong><br />

que Molière ait fait une mauvaise pièce. Retournez-y, et examinez-la mieux. »<br />

A<strong>le</strong>xandre eut beaucoup de partisans et de censeurs, puisque Boi<strong>le</strong>au, qui composa,<br />

cette même année 1665, sa troisième satire, y fait dire à son campagnard :<br />

Je ne sais pas pourquoi l’on vante l’A<strong>le</strong>xandre.<br />

La <strong>le</strong>cture de cette tragédie fit écrire à Saint-Évremond « que la vieil<strong>le</strong>sse de Corneil<strong>le</strong> ne<br />

l’alarmait plus, et qu’il n’avait plus à craindre de voir finir avec lui la tragédie » ; et cet aveu<br />

de Saint-Évremond dut conso<strong>le</strong>r <strong>le</strong> poète de la critique que <strong>le</strong> même écrivain, dont <strong>le</strong>s<br />

jugements avaient alors un grand crédit, fit de cette même tragédie. Il est vrai qu’el<strong>le</strong> avait<br />

plusieurs défauts, et que <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>ne auteur s’y livrait encore à sa prodigieuse facilité de rimer.<br />

Boi<strong>le</strong>au sut la modérer par ses conseils, et s’est toujours vanté de lui avoir appris à rimer<br />

diffici<strong>le</strong>ment.<br />

Ce fut enfin l’année suivante que <strong>le</strong>s satires de Boi<strong>le</strong>au parurent imprimées. On lit<br />

dans <strong>le</strong> Bolaeana par quel<strong>le</strong> raison on fut près de révoquer <strong>le</strong> privilège que <strong>le</strong> libraire avait<br />

obtenu par adresse, et l’indifférence de Boi<strong>le</strong>au <strong>sur</strong> cet événement. Jamais poète n’eut tant<br />

de répugnance à donner ses ouvrages au public. Il s’y vit forcé, lorsqu’on lui en montra une<br />

édition faite furtivement, et remplie de fautes. À cette vue, il consentit à remettre son<br />

manuscrit, et ne voulut recevoir aucun profit du libraire. Il donna en 1674, avec la même<br />

générosité, ses Épîtres, son Art poétique, <strong>le</strong> Lutrin et <strong>le</strong> Traité du Sublime. Quoique fort<br />

économe de son revenu, il était p<strong>le</strong>in de nob<strong>le</strong>sse dans <strong>le</strong>s sentiments : il m’a as<strong>sur</strong>é que<br />

jamais libraire ne lui avait payé un seul de ses ouvrages ; ce qui l’avait rendu hardi à rail<strong>le</strong>r<br />

dans son Art poétique, chant IV, <strong>le</strong>s auteurs qui mettent <strong>le</strong>ur Apollon aux gages d’un libraire,<br />

et qu’il n’avait fait <strong>le</strong>s deux vers qui précèdent :<br />

Je sais qu’un nob<strong>le</strong> esprit peut sans honte et sans crime<br />

Tirer de son travail un tribut légitime,<br />

que pour conso<strong>le</strong>r mon père, qui avait retiré quelque profit de l’impression de ses tragédies.<br />

Le profit qu’il en retira fut très modique ; et il donna dans la suite Esther et Athalie au<br />

libraire, de la manière dont Boi<strong>le</strong>au avait donné tous ses ouvrages.<br />

Andromaque, qui parut en 1667, fit connaître que <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>ne poète à qui Boi<strong>le</strong>au avait<br />

appris à rimer diffici<strong>le</strong>ment, avait en peu de temps fait de grands progrès. Mais je suis obligé<br />

d’interrompre l’histoire de ses tragédies, pour raconter cel<strong>le</strong> de deux ouvrages d’une nature<br />

bien différente.<br />

Le public ne <strong>le</strong>s attendait ni d’un <strong>jeu</strong>ne homme occupé de tragédies, ni d’un élève de<br />

Port-Royal. La vivacité du poète, qui se crut offensé dans son ta<strong>le</strong>nt, ce qu’il avait de plus<br />

cher, lui fit oublier ce qu’il devait à ses premiers maîtres, et l’engagea à entrer, sans<br />

réf<strong>le</strong>xion, dans une querel<strong>le</strong> qui ne <strong>le</strong> regardait pas.<br />

Desmarets de Saint-Sorlin, que <strong>le</strong> mauvais succès de son Clovis avait rebuté, las<br />

d’être poète, voulut être prophète, et prétendit avoir la c<strong>le</strong>f de l’Apocalypse. Il annonça une<br />

armée de cent quarante-quatre mil<strong>le</strong> victimes, qui rétablirait, sous la conduite du Roi, la<br />

vraie religion. Par tous <strong>le</strong>s termes mystiques qu’inventait son imagination échauffée, il en<br />

avait déjà échauffé plusieurs autres. Il eut l’honneur d’être foudroyé par M. Nico<strong>le</strong>, qui<br />

écrivit contre lui <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres qu’il intitula Visionnaires, parce qu’il <strong>le</strong>s écrivait contre un grand<br />

visionnaire, auteur de la comédie des Visionnaires. Il fit remarquer, dans la première de ces<br />

L. <strong>Racine</strong>, <strong>Mémoires</strong> <strong>sur</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Racine</strong>. 12

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