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http://www.jeuverbal.fr L. Racine, Mémoires sur Jean ... - le jeu verbal

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<strong>http</strong>://<strong>www</strong>.<strong><strong>jeu</strong><strong>verbal</strong></strong>.<strong>fr</strong><br />

faut que la fab<strong>le</strong> ou l’histoire <strong>le</strong>ur fournissent. Tout <strong>le</strong> monde sait que la principa<strong>le</strong> qualité<br />

d’Aristote, ou plutôt que la tragédie demande dans son héros, est qu’il ne soit ni tout à fait<br />

vicieux, ni tout à fait vertueux, parce qu’un scélérat, quelque malheur qui lui arrive, ne fait<br />

jamais pitié, et qu’un homme tout à fait exempt de faib<strong>le</strong>sse, et qui ne s’est attiré son<br />

malheur par aucune faute, cause plus de chagrin que de pitié ; au lieu que <strong>le</strong> malheureux<br />

qui mérite de l’être, et qui en même temps mérite d’être plaint, intéresse toujours ; et c’est<br />

ce qui se trouve admirab<strong>le</strong>ment dans Phèdre, qui, dévorée par une infâme passion, est toute<br />

la première à se prendre en horreur. Je ne sais même si par là son caractère n’est pas<br />

beaucoup plus tragique que celui d’OEdipe, qui dans <strong>le</strong> fond n’est qu’un homme fort<br />

ordinaire, à qui <strong>le</strong> hasard a fait commettre de grands crimes, sans qu’il en ait eu l’intention,<br />

et chez qui l’on ne peut voir cette dou<strong>le</strong>ur vertueuse qui fait la beauté du caractère de<br />

Phèdre. Mais on peut dire aussi que ce caractère est <strong>le</strong> seul qui soit dans cette tragédie ; au<br />

lieu que dans Athalie, où se trouvent à la fois plusieurs grands caractères, l’action est plus<br />

grande, plus intéressante, et conduite avec plus d’art : en sorte qu’on pourrait, à mon avis,<br />

concilier <strong>le</strong>s deux sentiments en disant que <strong>le</strong> personnage de Phèdre est <strong>le</strong> plus parfait des<br />

personnages tragiques, et qu’Athalie est la plus parfaite des tragédies.<br />

On en reconnut enfin <strong>le</strong> mérite ; mais la prédiction de Boi<strong>le</strong>au n’eut son<br />

accomplissement que fort tard, et longtemps après la mort de l’auteur. Les vrais<br />

connaisseurs vantèrent <strong>le</strong> mérite de cette pièce. M. <strong>le</strong> duc d’Orléans, régent du royaume,<br />

voulut connaître quel effet el<strong>le</strong> produirait <strong>sur</strong> <strong>le</strong> théâtre ; et malgré la clause insérée dans <strong>le</strong><br />

privilège, ordonna aux comédiens de l’exécuter. Le succès fut étonnant ; et <strong>le</strong>s premières<br />

représentations faites à la cour donnaient un nouveau prix à cette pièce, parce que <strong>le</strong> Roi<br />

étant à peu près de l’âge de Joas, on ne pouvait, sans s’attendrir <strong>sur</strong> lui, entendre quelques<br />

vers comme ceux-ci :<br />

Voilà donc votre Roi, votre unique espérance.<br />

J’ai pris soin jusqu’ici de vous <strong>le</strong> conserver...<br />

Du fidè<strong>le</strong> David c’est <strong>le</strong> précieux reste...<br />

Songez qu’en cet enfant tout Israël réside...<br />

Voilà quel fut <strong>le</strong> sort de cette fameuse tragédie, qui, du côté de l’intérêt, n’ayant rien<br />

produit à l’auteur ni à sa famil<strong>le</strong>, a été si uti<strong>le</strong> depuis aux libraires et aux comédiens, et du<br />

côté de la gloire, en a acquis une si éloignée du temps de l’auteur qu’il n’a jamais pu la<br />

prévoir. Il était heureusement détaché depuis longtemps de l’amour et de la gloire humaine<br />

: il en devait connaître mieux qu’un autre la vanité. Bérénice, dans sa naissance, fit plus de<br />

bruit qu’Athalie.<br />

S’il ne fut pas récompensé de ses deux tragédies saintes par <strong>le</strong>s éloges du public, il<br />

en fut récompensé par la satisfaction que Louis XIV témoigna en avoir reçu, et il en eut pour<br />

preuve, au mois de décembre 1690, l’agrément d’une charge de gentilhomme ordinaire de<br />

Sa Majesté 46 . Il eut encore l’avantage de contenter Mme de Maintenon, la seu<strong>le</strong> protection<br />

qu’il ait cultivée. Enfin, il acquit l’estime des Dames de Saint-Cyr, qui, dans <strong>le</strong> voyage dont<br />

j’ai parlé plus haut, m’en parlèrent avec tant de zè<strong>le</strong>, que <strong>le</strong>urs discours m’ont plus appris à.<br />

l’admirer, que ses ouvrages ne me l’avaient encore fait admirer. Une des <strong>le</strong>ttres de Mme de<br />

Maintenon, que je donne à la suite de ces <strong>Mémoires</strong>, apprend qu’il revit avec Boi<strong>le</strong>au <strong>le</strong>s<br />

constitutions de cette maison, pour corriger <strong>le</strong>s fautes de sty<strong>le</strong>.<br />

Dégoûté plus que jamais de la poésie par <strong>le</strong> malheureux succès d’Athalie, et résolu de<br />

ne plus s’occuper de vers, il fit la campagne de Namur, où il suivit de près toutes <strong>le</strong>s<br />

opérations du siège. Ses <strong>le</strong>ttres écrites à Boi<strong>le</strong>au, du camp devant Namur, font bien<br />

connaître qu’il ne songeait plus qu’à être historien.<br />

Boi<strong>le</strong>au était alors occupé de la poésie, et il y était retourné à peu près dans <strong>le</strong> même<br />

temps que son ami. De fortes raisons l’y avaient rappelé. Perrault, après avoir lu à<br />

l’Académie son poème du Sièc<strong>le</strong> de Louis <strong>le</strong> Grand, fit imprimer <strong>le</strong>s Parallè<strong>le</strong>s des anciens et<br />

des modernes. Les amateurs de bon goût furent indignés de voir <strong>le</strong>s anciens traités avec<br />

tant de mépris par un homme qui <strong>le</strong>s connaissait si peu. On animait Boi<strong>le</strong>au, à prendre <strong>le</strong>ur<br />

L. <strong>Racine</strong>, <strong>Mémoires</strong> <strong>sur</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Racine</strong>. 48

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