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http://www.jeuverbal.fr L. Racine, Mémoires sur Jean ... - le jeu verbal

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dirent d’une commune voix : « Vous êtes fils d’un homme qui avait un grand génie, et une<br />

grande simplicité. » El<strong>le</strong>s ont eu la bonté de chercher parmi <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres de Mme de Maintenon<br />

cel<strong>le</strong>s où il était fait mention de lui, et m’en ont communiqué quatre, que je joins au recueil<br />

des <strong>le</strong>ttres.<br />

Des applications particulières contribuèrent encore au succès de la tragédie d’Esther :<br />

Ces <strong>jeu</strong>nes et tendres f<strong>le</strong>urs transplantées étaient représentées par <strong>le</strong>s demoisel<strong>le</strong>s de Saint-<br />

Cyr. La Vasty, comme dit Mme de Caylus, avait quelque ressemblance. Cette Esther qui a<br />

puisé ses jours dans la race proscrite par Aman, avait aussi sa ressemblance ; quelques<br />

paro<strong>le</strong>s échappées à un ministre avaient, dit-on, donné lieu à ces vers :<br />

Il sait qu’il me doit tout, etc.<br />

On prétendait aussi expliquer ces ténèbres jetées <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s yeux <strong>le</strong>s plus saints, dont il<br />

est parlé dans <strong>le</strong> prologue : en sorte que l’auteur avait suivi l’exemp<strong>le</strong> des anciens, dont <strong>le</strong>s<br />

tragédies ont souvent rapport aux événements de <strong>le</strong>ur temps.<br />

Mme de Sévigné par<strong>le</strong> dans ses <strong>le</strong>ttres des applaudissements que reçut cette tragédie<br />

: « Le Roi et toute la cour sont, dit-el<strong>le</strong>, charmés d’Esther. Monsieur <strong>le</strong> Prince y a p<strong>le</strong>uré.<br />

Mme de Maintenon et huit jésuites, dont était <strong>le</strong> P. Gaillard, ont honoré de <strong>le</strong>ur présence la<br />

dernière représentation. Enfin c’est un chef-d’oeuvre de <strong>Racine</strong>. » El<strong>le</strong> dit encore dans un<br />

autre endroit : « <strong>Racine</strong> s’est <strong>sur</strong>passé ; il aime Dieu comme il aimait ses maîtresses 41 ; il<br />

est pour <strong>le</strong>s choses saintes comme il était pour <strong>le</strong>s profanes. La sainte Écriture est suivie<br />

exactement. Tout est beau tout est grand, tout est écrit avec dignité. »<br />

Les grandes <strong>le</strong>çons que contient cette tragédie pour <strong>le</strong>s rois que <strong>le</strong>urs ministres<br />

trompent souvent, pour <strong>le</strong>s ministres qu’aveug<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur fortune, et pour <strong>le</strong>s innocents qui,<br />

prêts à périr, voient <strong>le</strong> ciel prendre <strong>le</strong>ur défense ; <strong>le</strong>s applaudissements réitérés de la cour,<br />

et <strong>sur</strong>tout ceux du Roi, qui honora plusieurs fois cette pièce de sa présence, devaient fermer<br />

la bouche aux critiques. Cependant el<strong>le</strong> fut vivement attaquée. Plusieurs même de ceux qui<br />

avaient répété si souvent dans <strong>le</strong>urs épîtres dédicatoires, ou dans <strong>le</strong>urs discours<br />

académiques, que <strong>le</strong> Roi était au-dessus des autres hommes autant par la justesse de son<br />

esprit que par la grandeur de son rang, ne regardèrent pas, dans cette occasion, sa décision<br />

comme une loi pour eux. Je juge de la manière dont cette tragédie fut critiquée, par une<br />

apologie qui en fut faite dans ce temps, et que j’ai trouvée par hasard.<br />

L’auteur de cette apologie manuscrite, après avoir avoué que <strong>le</strong> jugement du public<br />

n’est pas favorab<strong>le</strong> à la pièce, et qu’il est même déjà un peu tard pour en appe<strong>le</strong>r,<br />

entreprend de montrer qu’el<strong>le</strong> a été jugée sans examen, et que tout son mérite n’est pas<br />

connu. Après l’avoir re<strong>le</strong>vée par la grandeur du sujet, par <strong>le</strong>s caractères, et la régularité de<br />

la conduite, il s’arrête à faire observer ce que <strong>le</strong>s connaisseurs y remarquèrent d’abord :<br />

cette manière admirab<strong>le</strong> et nouvel<strong>le</strong> de faire par<strong>le</strong>r d’amour, en conservant à un sujet saint<br />

toute sa sainteté, et en conservant à Assuérus toute la majesté d’un roi de Perse. L’amour<br />

s’accorde diffici<strong>le</strong>ment avec la fierté, encore plus diffici<strong>le</strong>ment avec la sagesse ; cependant<br />

ce roi idolâtre par<strong>le</strong> d’amour de manière que rien, n’est si pur ni si chaste, parce que devant<br />

Esther il est comme amoureux de la vertu même.<br />

L’auteur de cette pièce fit, cette même année, pour la maison de Saint-Cyr, quatre<br />

cantiques tirés de l’Écriture sainte, qui auraient été plus uti<strong>le</strong>s aux demoisel<strong>le</strong>s de cette<br />

maison, si la musique avait répondu aux paro<strong>le</strong>s ; mais <strong>le</strong> musicien à qui ils furent donnés,<br />

et qui avait déjà mis en chant <strong>le</strong>s choeurs d’Esther, n’avait pas <strong>le</strong> ta<strong>le</strong>nt de Lulli.<br />

Le Roi fit exécuter plusieurs fois ces cantiques devant lui ; et la première fois qu’il<br />

entendit chanter ces paro<strong>le</strong>s :<br />

Mon Dieu, quel<strong>le</strong> guerre cruel<strong>le</strong> !<br />

Je trouve deux hommes en moi :<br />

L’un veut que p<strong>le</strong>in d’amour pour Toi,<br />

Mon coeur te soit toujours fidè<strong>le</strong> ;<br />

L’autre à tes volontés rebel<strong>le</strong><br />

L. <strong>Racine</strong>, <strong>Mémoires</strong> <strong>sur</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Racine</strong>. 44

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