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http://www.jeuverbal.fr L. Racine, Mémoires sur Jean ... - le jeu verbal

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Lorsqu’il eut pris la résolution de se marier, l’amour ni l’intérêt n’eurent aucune part à<br />

son choix : il ne consulta que la raison pour une affaire si sérieuse ; et l’envie de s’unir à<br />

une personne très vertueuse, que de sages amis lui proposèrent, lui fit épouser, <strong>le</strong> 1 e juin<br />

1677, Catherine de Romanet, fil<strong>le</strong> d’un trésorier de France du bureau des finances d’Amiens.<br />

Suivant l’état du bien énoncé dans <strong>le</strong> contrat de mariage, il paraît que <strong>le</strong>s pièces de<br />

théâtre n’étaient pas alors fort lucratives pour <strong>le</strong>s auteurs, et que <strong>le</strong> produit, soit des<br />

représentations, soit de l’impression des tragédies de mon père, ne lui avait procuré que de<br />

quoi vivre, payer ses dettes, acheter quelques meub<strong>le</strong>s, dont <strong>le</strong> plus considérab<strong>le</strong> était sa<br />

bibliothèque estimée à quinze cents livres, et ménager une somme de six mil<strong>le</strong> livres, qu’il<br />

employa aux <strong>fr</strong>ais de son mariage.<br />

La gratification de six cents livres que <strong>le</strong> Roi lui avait fait payer en 1664, ayant été<br />

continuée tous <strong>le</strong>s ans sous <strong>le</strong> titre de pension d’homme de <strong>le</strong>ttres, fut portée dans la suite à<br />

quinze cents livres, et enfin à deux mil<strong>le</strong>. M. Colbert <strong>le</strong> fit, outre cela, favoriser d’une charge<br />

de trésorier de France au bureau des finances de Moulins, qui était tombée aux parties<br />

casuel<strong>le</strong>s. La demoisel<strong>le</strong> qu’il épousa lui apporta un revenu pareil au sien. Lorsqu’il eut<br />

l’honneur d’accompagner <strong>le</strong> Roi dans ses campagnes, il reçut de temps en temps des<br />

gratifications <strong>sur</strong> la cassette, par <strong>le</strong>s mains du premier va<strong>le</strong>t de chambre. J’ignore si Boi<strong>le</strong>au<br />

en recevait de pareil<strong>le</strong>s. Voici cel<strong>le</strong>s que reçut mon père, suivant ses registres de recette et<br />

de dépense, qu’il tint avec une grande exactitude depuis son mariage. Je rapporte cet état<br />

pour faire connaître <strong>le</strong>s bontés de Louis XIV. C’est un hommage que doit ma reconnaissance<br />

à la mémoire d’un prince si généreux.<br />

Le 12 avril 1678, reçu <strong>sur</strong> la cassette 500 louis.<br />

Le 22 octobre 1679 400<br />

Le 2 juin 1681 500<br />

Le 28 février 1683 500<br />

Le 8 avril 1684 500<br />

Le 10 mai 1685 500<br />

Le 24 avril 1688 1.000<br />

3.900<br />

Ces différentes gratifications (<strong>le</strong>s louis valaient alors onze livres) font la somme de<br />

quarante-deux mil<strong>le</strong> neuf cents livres. Il fut gratifié d’une charge ordinaire de gentilhomme<br />

de Sa Majesté <strong>le</strong> 12 décembre 1690, à condition de payer dix mil<strong>le</strong> livres à la veuve de celui<br />

dont on lui donnait la charge ; et il eut enfin, comme historiographe, une pension de quatre<br />

mil<strong>le</strong> livres. Voilà sa fortune, qui n’a pu augmenter que par ses épargnes, autant que peut<br />

épargner un homme obligé de faire des voyages continuels à la cour et à l’armée, et qui se<br />

trouve chargé de sept enfants.<br />

Sa plus grande fortune fut <strong>le</strong> caractère de la personne qu’il avait épousée. L’auteur<br />

d’un roman assez connu 23 a cru faire une peinture admirab<strong>le</strong> de cette union, en disant «<br />

qu’on doit à sa tendresse conjuga<strong>le</strong> tous <strong>le</strong>s beaux sentiments d’amour répandus dans ses<br />

tragédies, parce que, quand il avait de pareils sentiments à exprimer, il allait passer une<br />

heure dans l’appartement de sa femme et, tout rempli d’el<strong>le</strong>, remontait dans son cabinet<br />

pour faire ses vers ». Comme il n’a composé aucune tragédie profane depuis son mariage, <strong>le</strong><br />

merveil<strong>le</strong>ux de cet endroit du roman est très romanesque ; mais je <strong>le</strong> puis remplacer par un<br />

autre très véritab<strong>le</strong>, et beaucoup plus merveil<strong>le</strong>ux.<br />

Il trouva dans la tendresse conjuga<strong>le</strong> un avantage bien plus solide que celui de faire<br />

de bons vers. Sa compagne sut, par son attachement à tous, <strong>le</strong>s devoirs de femme et de<br />

mère, et par son admirab<strong>le</strong> piété, <strong>le</strong> captiver entièrement, faire la douceur du reste de sa<br />

vie, et lui tenir lieu de toutes <strong>le</strong>s sociétés auxquel<strong>le</strong>s il venait de renoncer. Je ferais connaître<br />

la confiance avec laquel<strong>le</strong> il lui communiquait ses pensées <strong>le</strong>s plus secrètes, si j’avais<br />

retrouvé <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres qu’il lui écrivait, et que, sans doute pour lui obéir, el<strong>le</strong> ne conservait pas.<br />

Je sais que <strong>le</strong>s termes tendres répandus dans de pareil<strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres ne prouvent pas toujours<br />

que la tendresse soit dans <strong>le</strong> coeur, et que Cicéron, à qui sa femme, lorsqu’il était en exil,<br />

L. <strong>Racine</strong>, <strong>Mémoires</strong> <strong>sur</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Racine</strong>. 28

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