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http://www.jeuverbal.fr L. Racine, Mémoires sur Jean ... - le jeu verbal

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l’auteur, ne se laissa séduire ni par aucun intérêt particulier, ni par <strong>le</strong> jugement du public : il<br />

dit tout haut, en sortant, que cette comédie était excel<strong>le</strong>nte, et que ceux qui s’en moquaient<br />

méritaient qu’on se moquât d’eux. Un mois après, <strong>le</strong>s comédiens, représentant à la cour une<br />

tragédie, osèrent donner à la suite cette malheureuse pièce. Le Roi en fut <strong>fr</strong>appé, et ne crut<br />

pas déshonorer sa gravité ni son goût par des éclats de rire si grands que la cour en fut<br />

étonnée.<br />

Louis XIV jugea de la pièce comme Molière en avait jugé. Les comédiens, charmés<br />

d’un succès qu’ils n’avaient pas espéré, pour l’annoncer, plus promptement à l’auteur,<br />

revinrent toute la nuit à Paris, et allèrent <strong>le</strong> réveil<strong>le</strong>r. Trois carrosses, pendant la nuit, dans<br />

une rue où l’on n’était pas accoutumé d’en voir pendant <strong>le</strong> jour, réveillèrent <strong>le</strong> voisinage ; on<br />

se mit aux fenêtres, et comme on savait qu’un conseil<strong>le</strong>r des requêtes avait fait un grand<br />

bruit contre la comédie des Plaideurs, on ne douta point de la punition du poète qui avait<br />

osé rail<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s juges en p<strong>le</strong>in théâtre. Le <strong>le</strong>ndemain, tout Paris <strong>le</strong> croyait en prison, tandis<br />

qu’il se félicitait de l’approbation que la cour avait donnée à sa pièce, dont <strong>le</strong> mérite fut enfin<br />

reconnu à Paris.<br />

L’année suivante, 1668, il reçut une gratification de douze cents livres, <strong>sur</strong> un ordre<br />

particulier de M. Colbert 12 .<br />

Britannicus, qui parut en 1670, eut aussi beaucoup de contradictions à essuyer, et<br />

l’auteur avoue dans sa préface qu’il craignit quelque temps que cette tragédie n’eût une<br />

destinée malheureuse. Je ne connais cependant aucune critique imprimée dans <strong>le</strong> temps<br />

contre Britannicus. Ces sortes de critiques, à la vérité, tombent peu après dans l’oubli ; mais<br />

il se trouve toujours dans la suite quelque faiseur de recueil qui veut <strong>le</strong>s en retirer. Tout est<br />

bon pour ceux qui, moins curieux de la reconnaissance du public que de la rétribution du<br />

libraire, n’ont d’autre ambition que cel<strong>le</strong> de faire imprimer un livre nouveau ; et dans <strong>le</strong><br />

recueil des pièces fugitives faites <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s tragédies de nos deux poètes fameux, qu’en 1740<br />

Gissey imprima en deux volumes, je ne trouve rien <strong>sur</strong> Britannicus.<br />

On sait l’impression que firent <strong>sur</strong> Louis XIV quelques vers de cette pièce. Lorsque<br />

Narcisse rapporte à Néron <strong>le</strong>s discours qu’on tient contre lui, il lui fait entendre qu’on rail<strong>le</strong><br />

son ardeur à bril<strong>le</strong>r par des ta<strong>le</strong>nts qui ne doivent point être <strong>le</strong>s ta<strong>le</strong>nts d’un empereur :<br />

Il excel<strong>le</strong> à conduire un char dans la carrière,<br />

À disputer des prix indignes de ses mains,<br />

À se donner lui-même en spectac<strong>le</strong> aux Romains,<br />

À venir prodiguer sa voix <strong>sur</strong> un théâtre…<br />

Ces vers <strong>fr</strong>appèrent <strong>le</strong> <strong>jeu</strong>ne monarque, qui avait quelquefois dansé dans <strong>le</strong>s bal<strong>le</strong>ts ;<br />

et quoiqu’il dansât avec beaucoup de nob<strong>le</strong>sse, il ne voulut plus paraître dans aucun bal<strong>le</strong>t,<br />

reconnaissant qu’un roi ne doit point se donner en spectac<strong>le</strong>. On trouvera ce que je dis ici<br />

confirmé par une des <strong>le</strong>ttres de Boi<strong>le</strong>au.<br />

Ceux qui ajoutent foi en tout au Bolaeana croient que Boi<strong>le</strong>au, qui trouvait <strong>le</strong>s vers de<br />

Bajazet trop négligés, trouvait aussi <strong>le</strong> dénouement de Britannicus puéril, et reprochait à<br />

l’auteur d’avoir fait Britannicus trop petit devant Néron. Il y a grande apparence que M. de<br />

Monchenay, mal servi par sa mémoire lorsqu’il composa ce recueil, s’est trompé en cet<br />

endroit, comme dans plusieurs autres. Je n’ai jamais entendu dire que Boi<strong>le</strong>au eût fait de<br />

pareil<strong>le</strong>s critiques ; je sais seu<strong>le</strong>ment qu’il engagea mon père à supprimer une scène entière<br />

de cette pièce avant que de la donner aux comédiens ; et par cette raison cette scène n’est<br />

encore connue de personne. Ces deux amis avaient un égal empressement à se<br />

communiquer <strong>le</strong>urs ouvrages avant que de <strong>le</strong>s montrer au public, éga<strong>le</strong> sévérité de critique<br />

l’un pour l’autre, et éga<strong>le</strong> docilité. Voici cette scène, que Boi<strong>le</strong>au avait conservée, et qu’il<br />

nous a remise : el<strong>le</strong> était la première du troisième acte.<br />

BURRHUS<br />

Quoi ? Narcisse, au palais obsédant l’Empereur,<br />

Laisse Britannicus en proie à sa fureur,<br />

L. <strong>Racine</strong>, <strong>Mémoires</strong> <strong>sur</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Racine</strong>. 16

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