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http://www.jeuverbal.fr L. Racine, Mémoires sur Jean ... - le jeu verbal

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était venu pour l’entendre, n’en entendit rien, et que ses voisins même en entendirent à<br />

peine quelques mots. Il n’a jamais paru dans <strong>le</strong>s recueils de l’Académie, et ne s’est point<br />

trouvé dans ses papiers après sa mort. L’auteur apparemment n’en fut pas content,<br />

quoique, suivant quelques personnes éclairées, il fût né autant orateur que poète. Ces<br />

personnes en jugent par <strong>le</strong>s deux discours académiques dont je par<strong>le</strong>rai bientôt, et par une<br />

harangue au Roi dont el<strong>le</strong>s disent qu’il fut l’auteur : el<strong>le</strong> fut prononcée par une autre bouche<br />

que la sienne, en 1685, et se trouve dans <strong>le</strong>s <strong>Mémoires</strong> du c<strong>le</strong>rgé.<br />

Un de ses con<strong>fr</strong>ères dans l’Académie se déclara son rival, en traitant comme lui <strong>le</strong><br />

sujet d’Iphigénie. Les deux tragédies parurent en 1675 18 : cel<strong>le</strong> de Le C<strong>le</strong>rc n’est plus<br />

connue que par l’épigramme faite <strong>sur</strong> sa chute, et la gloire de l’autre fut célébrée par<br />

Boi<strong>le</strong>au :<br />

Jamais Iphigénie, en Aulide immolée,<br />

N’a coûté tant de p<strong>le</strong>urs à la Grèce assemblée, etc.<br />

C’était en 1677 que Boi<strong>le</strong>au parlait ainsi ; et comme il avait acquis une grande<br />

autorité <strong>sur</strong> <strong>le</strong> Parnasse, depuis qu’en 1674 il avait donné son Art poétique et ses quatre<br />

Épîtres, il était bien capab<strong>le</strong> de ras<strong>sur</strong>er son ami, attaqué par tant de critiques. À la fin de<br />

l’épître qu’il lui adresse, il souhaite, pour <strong>le</strong> bonheur de <strong>le</strong>urs ouvrages,<br />

Qu’à Chantilly Condé <strong>le</strong>s lise quelquefois,<br />

parce qu’ils étaient tous deux fort aimés du grand Condé, qui rassemblait souvent à<br />

Chantilly <strong>le</strong>s gens de <strong>le</strong>ttres, et se plaisait à s’entretenir avec eux de <strong>le</strong>urs ouvrages, dont il<br />

était bon juge. Lorsque dans ces conversations littéraires il soutenait une bonne cause, il<br />

parlait avec beaucoup de grâce et de douceur ; mais quand il en soutenait une mauvaise, il<br />

ne fallait pas <strong>le</strong> contredire : sa vivacité devenait si grande qu’on voyait bien qu’il était<br />

dangereux de lui disputer la victoire. Le feu de ses yeux étonna une fois si fort Boi<strong>le</strong>au dans<br />

une dispute de cette nature, qu’il céda par prudence, et dit tout bas à son voisin : «<br />

Dorénavant je serai toujours de l’avis de Monsieur <strong>le</strong> Prince, quand il aura tort 19 . »<br />

J’ignore en quel temps Boi<strong>le</strong>au et son ami travaillèrent à un opéra par ordre du Roi, à<br />

la sollicitation de Mme de Montespan. Cette particularité serait fort inconnue, si Boi<strong>le</strong>au, qui<br />

aurait bien pu se dispenser de faire imprimer dans la suite son prologue, ne l’avait racontée<br />

dans l’avertissement qui <strong>le</strong> précède. Je ne crois pas qu’on ait jamais vu un seul vers de mon<br />

père en ce genre d’ouvrage, qu’il essayait à contre-coeur. Les poètes n’ont que <strong>le</strong>ur génie à<br />

suivre, et ne doivent jamais travail<strong>le</strong>r par ordre. Le public ne <strong>le</strong>ur sait aucun gré de <strong>le</strong>ur<br />

obéissance.<br />

Un rival aussi peu à craindre que Le C<strong>le</strong>rc se rendit bien plus redoutab<strong>le</strong> que lui,<br />

quand la Phèdre parut en 1677. Il en suspendit quelque temps <strong>le</strong> succès par la tragédie qu’il<br />

avait composée <strong>sur</strong> <strong>le</strong> même sujet, et qui fut représentée en même temps. La curiosité, de<br />

chercher la cause de la première fortune de la Phèdre de Pradon est <strong>le</strong> seul motif qui la<br />

puisse faire lire aujourd’hui. La véritab<strong>le</strong> raison de cette fortune fut <strong>le</strong> crédit d’une puissante<br />

caba<strong>le</strong>, dont <strong>le</strong>s chefs s’assemblaient à l’hôtel de Bouillon. Ils s’avisèrent d’une nouvel<strong>le</strong> ruse<br />

qui <strong>le</strong>ur coûta, disait Boi<strong>le</strong>au, quinze mil<strong>le</strong> livres : ils retinrent <strong>le</strong>s premières loges pour <strong>le</strong>s<br />

six premières représentations de l’une et de l’autre pièce, et par conséquent, ces loges<br />

étaient vides ou remplies quand ils voulaient.<br />

Les six premières représentations furent si favorab<strong>le</strong>s à la Phèdre de Pradon, et si<br />

contraires à cel<strong>le</strong> de mon père, qu’il était près de craindre pour el<strong>le</strong> une véritab<strong>le</strong> chute, dont<br />

<strong>le</strong>s bons ouvrages sont quelquefois menacés, quoiqu’ils ne tombent jamais. La bonne<br />

tragédie rappela enfin <strong>le</strong>s spectateurs, et l’on méprisa <strong>le</strong> sonnet qui avait ébloui d’abord :<br />

Dans un fauteuil doré Phèdre mourante et blême, etc.<br />

L. <strong>Racine</strong>, <strong>Mémoires</strong> <strong>sur</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Racine</strong>. 22

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