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DIPLOMATIE Le ministre des Affaires Žtrang res ˆ lÕŽpreuve des dossiers bržlants LES GRANDS CHANTIERS DE BENAìSSA Lourde t‰che pour Mohamed Bena•ssa, le tout nouveau ministre des Affaires Žtrang res et de la CoopŽration qui a ŽtŽ nommŽ jeudi 8 avril par Sa MajestŽ le Roi Hassan II. D'une part, il Aucun indice ne laissait soupçonner l'imminence du départ de M. Filali. Le paysage politique s'était habitué à la présence de cet homme qui a ac- Par Karim BENDAOUD compagné une bonne partie de l'histoire du Maroc indépendant. La transmission du témoin s'est opérée en douceur. Miniremaniement ministériel ou simple remplacement du départ du grand commis de l'Etat qu'était Abdellatif Filali? La nomination de Mohamed Benaïssa, qui, selon Mohamed Elyazghi dans l'émission "Fi Al Wajiha", sur 2M, a fait l'objet d'un entretien entre Sa Majesté le Roi Hassan II et le Premier ministre Abderrahmane Youssoufi. De Mohamed Benaïssa, on se souvient surtout du ministre des Affaires culturelles qu'il a été de 1985 à 1992. Et de son activité intense en faveur de la popularisation de la culture. Mais l'on se rendrait coupable d'une injustice criante à son égard si l'on occulte son côté diplomate et sa grande connaissance des dossiers internationaux qui concernent le Maroc. Souffle nouveau Son arrivée à la tête des Affaires étrangères, qui répond en quelque sorte à l'aspiration bien légitime de M. Filali à un repos bien mérité, est également le signal d'une volonté de donner un souffle nouveau à la diplomatie marocaine. Dans un cadre nouveau. Celui du gouvernement de l'alternance à laquelle M. Filali s'est facilement et parfaitement adapté. Le réseau d'amitiés qu'il a su tisser un peu partout dans le monde, et notamment à travers le festival culturel d'Asilah et ses rencontres arabo-américaines, en plus de sa parfaite maîtrise des langues sont des atouts incontestables en faveur de Mohamed Benaïssa pour une diplomatie plus "voyante", encore plus efficiente à l'aube du troisième millénaire. Mais il est bien évident que c'est le dossier algérien –ou saharien, cela revient pratiquement au même- qui mettra à contribution une grande partie de l'énergie de M. Benaïssa. C'est en effet sur ce dossier-là qu'il sera attendu. Et que son action sera jugée. Un dossier que le nouveau ministre connaît bien pour l'avoir suivi de près alors qu'il était ambassadeur à Washington. Pour mémoire, Houston, la ville des fameux accords, se trouve aux Etats-Unis. Même si les projecteurs n'étaient pas braqués sur lui dans la ville texane, M. Benaïssa a pris part, quoique de manière assez peu médiatisée, à cet événement marquant dans le processus de règlement définitif de la question du Sahara marocain, à laquelle Rabat s'est fixée pour objectif la tenue du référendum en mars 2000. En fin diplomate, il ne pouvait rester à l'écart d'un dossier aussi vital pour le Maroc. Son arrivée à la tête de la diplomatie marocaine est presque concomitante à celle du nouveau président algérien Abdelaziz Bouteflika. Pas une mince affaire, quand on connaît le gabarit et les options de l'ancien compagnon de route de Houari Boumedienne. À charge pour Mohamed Benaïssa, outre la mission de donner un visage nouveau à nos relations extérieures, celle de négocier une nouvelle approche des relations du Maroc avec vient en lieu et place d'un poids lourd de la diplomatie marocaine, et d'autre part, il arrive ˆ un moment o il y a du lait sur le feu. Et notamment les relations avec Alger. • Mohamed Benaïssa. l'Algérie, gelées, et c'est là un doux euphémisme. Notamment à cause de la position adoptée par Alger à l'égard du parachèvement de l'intégrité territoriale du Royaume. Cellule spéciale À peine installé dans ses nouveaux bureaux, le chef de la diplomatie a tôt fait de réunir une cellule qui se consacrera exclusivement au dossier Algérie. Il s'agit de donner une nouvelle impulsion aux relations avec nos voisins, ce qui devrait normalement se traduire par une solution à la question du Sahara et à la réactivation de la bonne marche de l'Union du Maghreb Arabe (UMA). Ce serait là une belle démonstration de la théorie des dominos. D'autant plus que Abdelaziz Bouteflika, qui est parfaitement au fait de l'histoire récente et de l'actualité maghrébines, pourrait jouer là une belle carte dans le cadre du règlement de ce qu'il est convenu d'appeler la crise maroco-algérienne. Les autres dossiers en instance ne manquent pas : les multiples négociations en vue avec l'Union européenne (UE), le retour du Maroc en Afrique et le raffermissement des liens privilégiés qu'entretient le Royaume dans le monde arabo-musulman et auprès de ses amis traditionnels en Occident. Dans le cadre de son premier voyage à l'étranger en tant que ministre des Affaires étrangères, il avait fait une première sortie remarquable, en plaidant à Stuttgart, le vendredi 16 avril, devant la Conférence des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) et de leurs partenaires de la rive Sud et Est de la Méditerranée, en faveur d'"un partenariat solidaire" et "sur des bases plus équilibrées". Ce Zaïlachi de 62 ans a un sens très aigu de la communication. Son cursus universitaire aux Etats-Unis, son passage dans le département communication de plusieurs instances des Nations Unies et à la tête des deux quoti- © Ph. MHI 14 diens du rassemblement national des indépendants (RNI) n'y sont pas tout à fait étrangers. D'autant plus que les moussems culturels annuels d'Asilah ont permis à l'homme de roder davantage sa maîtrise du verbe et de l'éloquence. C'est d'ailleurs à Asilah qu'il a patiemment peaufiné son approche américaine. Notamment par l'organisation à Asilah de nombreuses rencontres arabo-américaines, où penseurs, intellectuels, artistes et politiques ont pu se rencontrer, se connaître et échanger des idées. Nouvelle tournure À cet égard, et vu les nombreuses amitiés qu'entretient M. Benaïssa aux Etats-Unis, la diplomatie marocaine devrait amorcer une nouvelle étape dans ses relations –par ailleurs excellentes- avec Washington. Son activité et son solide réseau d'amitié dans la capitale fédérale américaine ne sont en effet pas dénués de tout rapport avec la récente visite de Mme Hillary Clinton au Maroc et la signature du manifeste d'amitié américano-marocain par le Congrès US. Beaux coups d'éclat qui clôturent en apothéose sa mission aux Etats-Unis. De même, cet arabophone accompli, qui entretient des relations privilégiées avec les décideurs du monde arabe, devrait être à l'origine d'une intensification des échanges maroco-arabes. Et l'on ne devrait pas s'étonner de voir les liens du Royaume avec le monde arabe et musulman prendre une nouvelle allure plus dynamique alliant intensification des échanges, pragmatisme et davantage d'unification des rangs. Politiquement, économiquement et culturellement parlant. Autant de dossiers qui nécessitent doigté, savoirfaire, faire-savoir et … diplomatie.❏ Maroc Hebdo International n¡ 369 - Du 23 au 29 avril 99
ENQUæTE LÕŽquivalent tarifaire en vigueur favorise la fuite des devises LE BLƒ OCCULTE LÕŽquivalent tarifaire ˆ lÕimportation du blŽ dur et tendre est une bizarrerie du genre. CensŽ mettre fin aux abus de la fili re cŽrŽali re, ce syst me mis en place par le Remous dans le milieu des producteurs des céréales et des légumineuses. Ce secteur attend toujours une réforme courageuse et un assainissement Par Abdellah CHANKOU en profondeur. Une année après l’avènement du gouvernement d’alternance, aucune décision ferme n’a été prise dans ce sens. Pis, les services du ministère de l’Agriculture semblent reconduire les mêmes pratiques maintes fois dénoncées. Homme proche du terroir, soucieux du monde rural, Habib El Malki a tenu, entre les mois de février et d’avril au siège de son département, à Rabat, plusieurs réunions informelles avec les représentants des opérateurs pour justement réfléchir à une meilleure stratégie susceptible sinon de mettre fin du moins réduire l’ampleur des dégâts. Après nombre de discussions d’où ont jailli différents arguments et quelques voix discordantes, l’idée a été trouvée. Judicieuse, elle consiste à mettre en place, autour du ministre lui-même, une espèce de structure indépendante de l’office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL). L’élément objectif qui milite pour cette indépendance est que ce dernier est reconnu malade de ses mécanismes défaillants, obsolètes et contre-productifs. Surprise. Un document daté du 29 mars 1999, émanant du ministère de l’Agriculture, du Développement rural et des Pêches maritimes, fait état d’une décision totalement à l’opposé du projet de création d’une instance autonome par rapport à l’ONICL. Une décision qui reconduit le même schéma figé de cet office tant décrié. L’article premier de cette décision stipule, en effet, qu’un comité interprofessionnel des céréales et des légumineuses est créé auprès de l’ONICL. Les 10 composantes de ce comité qui se réunit sous la présidence du ministre de l’Agriculture ou du directeur général de l’ONICL, en vertu de l’article 3, ne sont autres que les membres du conseil d’administration de l’office. On reprend les mêmes et on recommence ! À quoi ça sert de s’encombrer d’une instance copie conforme de ce qui existe déjà et qui doit être réformée ? Veut-on faire du neuf avec du vieux ? Le ministère de tutelle et les dirigeants de l’ONICL cherchent apparemment à nous faire vendre des vessies là où le bon sens et l’urgence réclament des lanternes. Limites En fait, le problème est beaucoup plus grave que ça. Le système de protection de la production nationale de blé, les tarifs décroissants adoptés depuis octobre1998, est une bizarrerie du genre. C’est le moins que l’on puisse dire. Le procès verbal des réunions de travail organisées par l’ONICL, dont la plupart des professionnels ne sont pas au courant du reste, reconnaît noir sur blanc que ce système présente des limites et des insuffisances. Ce système “pourrait même inciter à la surfacturation et favoriser la concurrence déloyale”, lit-on dans le PV. Bien sûr, il s’agit là de la version édulcorée de la réalité de la teneur off the record des réunions, qui ont reconnu que l’équivalent tarifaire en vigueur génère plus néfaste que cela, la fuite des devises. Rien que ça. Mais pour ne pas choquer et minimiser l’affaire, les rédacteurs du PV ont préféré passer sous silence cette pratique frauduleuse. Des explications ? En voici, en voilà. Plus le prix d’achat déclaré à la douane par l’importateur de blé est élevé, moins il paie de taxes. Un exemple précis : les droits de douane sont de 1259,40 Dh pour une tonne de blé à 120 Dollars US (1 Dollar US= 9,40 Dh), tandis qu’ils sont de 1203, 47 Dh pour la minist re de lÕAgriculture depuis le 5 octobre 1998 favorise la fraude ˆ grande Žchelle. Surfacturation, concurrence dŽloyale et fuite des devises. Mode dÕemploi. • Habib El Malki, ministre de l’Agriculture. même quantité achetée ou déclarée à 128, 50 Dollars US. Le prix coût fret dédouané atteint 2387,40 Dh pour le premier cas et se chiffre à 2411,37 dans le second cas, soit une différence de 23,97 Dh par tonne. Résultat : l’importateur qui a acheté cher semble perdre au Maroc 23,97 Dh par tonne. En fait, cela lui permet de transférer à l’étranger 8,50 Dollars US. C’est tout le secret d’un subterfuge qui fonctionne. Un tel système encourage évidemment la fuite des devises. Il est clair que ces pratiques ont des conséquences sur les fonds de l’État. Effectivement, l’État perd en devises sur le coût fret : 8,50 Dollars x 30.000 tonnes= 255.000 US $. La même perte se traduit au niveau des intérêts payés par l’État (procédure Coface par exemple) pendant 42 mois sur la base d’un taux de crédit de 6%. Une perte qui s’élève à quelque 53.550 US $. Quant à la perte pour l’administration des douanes, elle est de 1.677.900 Dh. Globalement, le manque à gagner pour le © Ph. MHI trésor public (devises, intérêts et douane) après déduction du profit réalisé par l’ONICL atteint 3.672,270 Dh sur 30.000 tonnes de blé importé. Au cours de la campagne agricole qui se termine (1998/1999), le Maroc a importé 2.500.000 tonnes de blé dur et tendre. Soit une perte sèche de près de 300 millions de Dh. Hémorragie Comment une hémorragie financière de cette étendue a-t-elle pu échapper à la sagacité de Habib Malki et à la vigilance de Fathallah Oualalou ? Pour étayer cette thèse, un appel d’offres lancé par l’ONICL le 2 décembre 1998. Prix de cession du blé: 247, 98 Dh le quintal. Or l’ensemble des soumissionnaires ont proposé des prix coût fret inférieurs à celui de l’USCAM qui, lui, était de 128,50 $ US. Sur le plan commercial, comment peut-on expliquer qu’en achetant le blé à un prix CF supérieur à ses concurrents de 6 à 11 $ US la ton- 15 ne plus cher, l’USCAM puisse vendre sa marchandise à l’ONICL à un prix inférieur à ces mêmes concurrents de 20 à 60 Dh la tonne ? Mystère. Un décalage suspicieux entre le prix coût fret et le prix de cession du blé. Pourquoi une société comme l’USCAM supporterait-elle une perte pareille si elle ne bénéficie pas d’une compensation substantielle quelque part ? Du blé pour tout le monde. Intérêts Au phénomène désormais connu du détournement de la subvention de l’État au profit de la filière céréalière à environ les 2/3 de sa valeur s’ajoute maintenant l’astuce de la fausse déclaration et de la surfacturation. En clair, les deniers publics se trouvent ainsi transférés à une poignée d’individus au détriment des intérêts des producteurs nationaux, des consommateurs et des importateurs et des commerçants sérieux. L’enrichissement indu continue de plus belle. L’équivalent tarifaire mis en place depuis le 5 octobre 1998 pour l’importation du blé dur et tendre ne fait donc que renforcer et encourager les abus de toutes sortes. Étant donné que les prix internationaux évoluent avec des variations entre 1000 et 1100 Dh la tonne, les prix à l’importation les plus élevés se trouvent avantagés par rapport aux prix plus bas. Ce système à l’importation étant ce qu’il est, il faut imaginer un autre mécanisme plus transparent, à même de protéger le consommateur en lui permettant d’acheter les céréales à des prix intéressants sans recours à la subvention. Les fonds alloués à celle-ci pourraient aller directement aux producteurs nationaux. S’agissant de l’importation, il est temps d’imaginer une procédure hermétique d’adjudication du tarif sur la base d’offres individuelles des importateurs. La “bonne gouvernance” est à ce prix. À moins de vouloir perpétuer les mêmes mauvaises habitudes ❏ Maroc Hebdo International n¡ 369 - Du 23 au 29 avril 99
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