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Il - Maroc Hebdo International

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CONFRATERNITƒ<br />

CRIME<br />

ET CHåTIMENT<br />

<strong>Il</strong> ne fallait pas s’arrêter en si bon<br />

chemin. Soixante six millions de<br />

centimes et trois mois de prison<br />

avec sursis pour le directeur de<br />

"<strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> <strong>International</strong>",<br />

Mohamed Selhami et pour son<br />

chroniqueur Amale Samie, n’est-ce<br />

Par Naïm KAMAL pas peu? On ne demanderait pas la<br />

potence pour ne pas ameuter les<br />

adversaires de la peine capitale, mais pendant qu’on y<br />

était, il ne fallait pas se gêner. Dire que la Télévision<br />

marocaine est un crime contre l’humanité, qualifier un<br />

illustre producteur-animateur, Aziz Chihal en l’occurrence,<br />

de nullité incurable est un rare gravissime délit<br />

de lèse-RTM. Nullité, à la rigueur, mais incurable…<br />

c’est une condamnation sans appel de nature à désespérer<br />

l’homme du genre humain. Et tout ce qui est "de<br />

nature à ", conformément au fameux dahir de 1935<br />

abrogé seulement dans le texte, est à réprimer sans hésitation<br />

ni indulgence. Ah ! <strong>Il</strong> n’a pas dit incurable<br />

Amale Samie, mais qu’est-ce qu’il a dit alors?<br />

Imbécile ? Qu’est ce que je vous disais, c’est grave imbécile.<br />

Con, passe, mais imbécile rampant alors qu’il<br />

se présente chez nous chaque jour à l’heure de l’apéritif<br />

en vrai bipède sous les traits du parfait homme depuis<br />

que celui-ci est descendu de l’arbre, revient à véhiculer<br />

une fausse information. Du ferme, ça, ça aurait<br />

été du solide comme jugement. Comment non? Si à<br />

côté des "vérités dangereuses " qu’on s’interdit de dire,<br />

on ne peut plus dire, non plus, les vérités seulement<br />

"désagréables à entendre ", ne vaudrait-il pas mieux<br />

croupir en prison? Si le champ de la sacralité recouvre<br />

désormais aussi les roturiers, comment ferons-nous<br />

pour distinguer et honorer la noblesse, déférencier le<br />

bon grain de l’ivraie?<br />

Manque de pot. Le verdict est tombé le jour même<br />

où le ministre de tutelle, M. Azziman, parlait de la corruption<br />

qui gangrène la justice et de la résistance aux<br />

réformes. Le juge a pris peur et a liquéfié la fermeté<br />

par une dose de sursis.<br />

Dommage, je les vois bien, moi, Mohamed Selhami<br />

et Amale Samie (ça rime) en tenue rayée de mauvais<br />

gibiers, portant comme matricule de détenu le numéro<br />

de l’édition où l’article incriminé est paru. En souvenir<br />

de leurs facéties. Mohamed Selhami dans le rôle des<br />

frères Dalton réunis et Amale Samie dans celui du Cid<br />

de l’écriture qui gicle l’encre plus vite que l’ombre<br />

dans laquelle aurait dû mettre le juge de Casablanca.<br />

Entre deux parties de cartes, ils pourraient méditer, en<br />

contemplant le bleu à travers la petite lucarne de leur<br />

cellule, les choses de la vie, les raisons de l’existence,<br />

le secret de l’éternité, les causes de la mort et du néant,<br />

lire dans les Aphorismes qu’il est impossible de porter<br />

à travers la foule le flambeau de la vérité sans brûler ici<br />

et là une barbe ou une perruque " telle celle, invisible,<br />

que porte comme un fard l’animateur de "Studio5". <strong>Il</strong>s<br />

pourraient aussi réfléchir sur "l’enfer c’est l’autre" de<br />

Sartre ou se pencher sur " la nausée" du même philosophe.<br />

<strong>Il</strong>s en déduiraient avec philosophie que ce que<br />

l’on pense, il ne faut pas toujours le dire, ce que l’on<br />

dit, il ne faut pas toujours l’écrire, et pour écrire, il n’ y<br />

a rien de tel que le miel du sujet, verbe, compliment<br />

même sans objet direct.<br />

Trois mois c’est vite passé. Au sortir de leur séjour<br />

dans le quartier européen d’Oukacha, Mohamed<br />

Selhami ajoutera à sa déjà longue biographie un passage<br />

par les geôles de l’allergie à la liberté de ton de la<br />

presse et Amale Samie, déjà prix Atlas du roman, nous<br />

gratifiera d’un Goncourt sur les faiblesses des hommes<br />

et leur petitesse, la misère des gens et l’indigence de<br />

leur humour.<br />

<strong>Il</strong> en a le talent et la langue, il est vrai un rien pendu.<br />

Mais qui parle encore de pendaison? ❏<br />

<strong>Il</strong>s ont écrit ...<br />

<strong>Il</strong> m'est arrivé d'écrire, il y a<br />

moins de deux ans, sur la<br />

question de la diffamation dans<br />

une affaire qui a opposé un<br />

homme d'affaires à un confrère.<br />

Et dans cette affaire, j'étais<br />

du côté de la personne diffamée,<br />

en dépit du fait que la personne<br />

poursuivie était un<br />

confrère. À l’époque j’avais<br />

fait l'objet de nombreux reproches<br />

tous en rapport avec<br />

le devoir de solidarité professionnelle.<br />

Mais ces remarques<br />

n'ont pas réussi à ébranler ma<br />

conviction que le principe de la<br />

liberté d'expression n'a d'autres<br />

limites que celles qui touchent<br />

les autres dans leur honneur et<br />

leur dignité. Je me souviens<br />

avoir dit à l’époque que la personne<br />

diffamée, qui reçoit un<br />

coup de feu mortel, ne saurait<br />

être " ressuscitée " qu'à travers<br />

un jugement intègre, rapide et<br />

ferme qui la réhabilite et nous<br />

prévient, nous autres journalistes,<br />

contre nos dérapages,<br />

nos erreurs et de l’abus dont<br />

font preuve certains d'entre<br />

nous à utiliser ce qui est considéré<br />

comme le quatrième pouvoir.<br />

Aziz Chihal, le producteur<br />

de Studio 5, est un citoyen auquel<br />

s'applique ce qui est valable<br />

pour tous. <strong>Il</strong> s’est senti<br />

lésé par un article mordant de<br />

la part de notre confrère Amale<br />

Samie de <strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong>. <strong>Il</strong> est<br />

possible que le journaliste se<br />

soit trompé et que l'animateur<br />

de télévision en ait été lésé.<br />

Dans un État de Droit, on a<br />

dans ce cas recours à la justice,<br />

qui se prononce, et l'affaire<br />

est close.<br />

On s'attendait à vivre une<br />

affaire banale dans le cadre<br />

d'une des plaintes en diffamation,<br />

rares dans un pays comme<br />

le nôtre où les citoyens ont<br />

plus recours à la justice pour<br />

"coups et blessures" que pour<br />

injures et diffamation.<br />

Notre confrère <strong>Maroc</strong><br />

<strong>Hebdo</strong> international<br />

(MHI) vient d'être condamné<br />

à l'occasion de la publication<br />

d'un article jugé diffamatoire,<br />

signé Amale Samie critiquant<br />

une émission de télévision animée<br />

par Aziz Chihal. Trois<br />

mois de prison avec sursis pour<br />

l'auteur de l'article.<br />

Trois mois de prison avec<br />

sursis pour Mohamed Selhami<br />

STUDIO<br />

66 MILLIONS !<br />

La pire des supputations<br />

nous ramenait au procès<br />

Amaoui, par exemple, dans le<br />

cadre duquel le tribunal a prononcé,<br />

pour des raisons politiques,<br />

une peine de deux années<br />

d'emprisonnement, ou les<br />

dizaines de procès dans lesquels<br />

Si Mohamed El Berini a<br />

comparu lorsqu'il était directeur<br />

du quotidien Al Ittihad Al<br />

Ichtiraki. Plus d'une fois, les<br />

tribunaux ont prononcé des<br />

peines de plusieurs mois de<br />

prison avec sursis. Mais nos<br />

espoirs ont été déçus et l'impensable<br />

s'est produit. Aziz<br />

Chihal a pu à obtenir ce que<br />

nul tribunal marocain n'a jamais<br />

prononcé en faveur d'une<br />

personne diffamée : 66 millions<br />

de centimes de dommages<br />

et 3 mois de prison avec<br />

sursis pour les confrères Amale<br />

Samie et Mohamed Selhami, le<br />

directeur de la publication.<br />

Qu’a donc pu commettre<br />

<strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> pour qu'il soit<br />

tenu de débourser 66 millions?<br />

Aziz Chihal est certes un citoyen,<br />

mais il est vrai aussi qu'il<br />

présente un produit médiocre.<br />

Et le fait de dire qu'une personne<br />

fait un travail médiocre,<br />

ne constitue pas une atteinte à<br />

son honneur.<br />

En fait, c'est Aziz Chihal<br />

lui-même qui porte atteinte à<br />

notre goût et méprise notre intelligence.<br />

Formuler ce constat,<br />

relève de l'essence même de la<br />

liberté d'expression. La télévision<br />

marocaine, qui défie une<br />

société tout entière, gouvernement<br />

compris, n'est pas bien<br />

placée pour faire sienne l'affaire<br />

Aziz Chihal, si affaire il<br />

y a. Quand les responsables<br />

de <strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> sont contactés<br />

et qu’on leur demande de<br />

verser au producteur de l'émission<br />

une indemnisation contre<br />

son silence, selon ce qu'a écrit<br />

notre confrère Khalil Hachimi<br />

Idrissi dans le dernier numéro<br />

en sa qualité de directeur de la<br />

publication et enfin une amende<br />

de 666.000 dirhams.<br />

Une première dans les annales<br />

de la presse indépendante.<br />

Et la presse en général.<br />

Après avoir interjeté appel, les<br />

responsables de l'hebdomadaire<br />

ont diffusé un communiqué<br />

dans lequel ils dénoncent<br />

l'accaparement des<br />

moyens de la première chaîne<br />

28<br />

Par Nourredine MIFTAH<br />

(NDLR, MHI n° 367) de l'hebdomadaire,<br />

c'est du chantage<br />

caractérisé.<br />

Nous avons été affligés de<br />

cette situation dans laquelle<br />

nous pourrions nous trouver<br />

un jour. Nous serions alors<br />

contraints de payer le prix fort<br />

de notre profession : le prix de<br />

l'investissement dans un secteur<br />

qui, s'il préserve la pérennité<br />

de son institution, peut se<br />

prévaloir d’avoir accompli une<br />

grande réalisation et ne parlons<br />

pas des bénéfices. Le prix<br />

de démarches harassantes auprès<br />

de sources d’information<br />

multiples et réservées. Le prix<br />

de " batailles " déclenchées<br />

sciemment par ceux que la parole<br />

dérange.<br />

Si l’on y rajoute le prix<br />

d'une simple critique exprimée<br />

dans un commentaire et sanctionnée<br />

par une amende de 66<br />

millions, nous n'aurions plus<br />

qu'à fermer nos institutions et<br />

à nous chercher une autre profession.<br />

Ce qui renforce davantage<br />

l’impact de cette "calamité",<br />

c'est qu’il s’agit en l’occurrence<br />

d’un journal indépendant,<br />

ne bénéficiant ni de la<br />

subvention de l’État, ni d’un<br />

parapluie protecteur. Dans ce<br />

contexte, nous serions presque<br />

acculés à convenir qu’indépendant<br />

rime avec orphelin.<br />

Imaginons donc le scénario<br />

suivant : Incapable de verser<br />

l’amende à laquelle il a été<br />

condamné, <strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> ferme<br />

boutique.<br />

Aziz Chihal continuerait à<br />

nous regarder du haut de son<br />

Studio 5, ses biens accrus de 66<br />

millions de centimes !<br />

Nous espérons que justice<br />

sera rendue à nos confrères en<br />

appel.<br />

La compagnie de <strong>Maroc</strong>-<br />

<strong>Hebdo</strong> est meilleure qu’un million<br />

d'épisodes de l’émission<br />

Studio 5. ❏<br />

TEL UN COUPERET<br />

et demandent la collaboration<br />

et la solidarité de tous les journalistes<br />

pour mettre fin à “cette<br />

nouvelle forme de censure<br />

qui ne dit pas son nom”. Pour<br />

la presse d'une manière générale,<br />

et la presse indépendante,<br />

en particulier, le couperet<br />

qui vient de tomber sur nos<br />

confrères de MHI est lourd de<br />

conséquences.❏ Le Quotidien<br />

<strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> <strong>International</strong> n¡ 369 - Du 23 au 29 avril 99

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