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Il - Maroc Hebdo International

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CONFRATERNITƒ<br />

Vous avez entendu parler du<br />

dernier film de Robert<br />

Redford, "l'Homme qui murmure<br />

à l'oreille des chevaux"? À<br />

Rabat, il semble que quelqu'un a fait<br />

plus fort: il murmurait à l'oreille des<br />

lions. La presse de la semaine dernière<br />

a consacré une grande place à<br />

un trafic de viande d'âne qu'un tenancier<br />

de gargote fourguait sous forme<br />

de merguez dans un quartier populaire<br />

de la capitale. L'affaire est,<br />

comme on dit, entre les mains de la<br />

justice. D'abord, il faut dire qu'un type<br />

capable de chouraver la bouffe<br />

des lions, même en captivité au zoo,<br />

doit sûrement avoir un truc balèze.<br />

Ou peut-être est-ce un copain des<br />

lions, qui l'aiment bien et lui laissent<br />

leur gigot de bourriques, épaule et<br />

morceaux de choix. Je ne vois pas<br />

d'autres explications à moins qu'il<br />

leur murmure des choses par nous<br />

ignorées mais que des fauves pigent<br />

au quart de tour.<br />

On dit que c'est un préposé à la<br />

boustifaille des fauves qui serait de<br />

mèches avec la marchande de saucisses<br />

d'âne. Mais même dans ce caslà,<br />

il est fort, ce mec. Les consom-<br />

<strong>Il</strong>s ont écrit ...<br />

On peut murmurer ˆ l'oreille des chevaux, mais aussi des lions et des sponsorsÉ<br />

660.000<br />

Dh à titre<br />

de dommages<br />

–<br />

intérêts et<br />

3 mois de<br />

prison<br />

avec sur-<br />

Par A. DILAMI<br />

sis à l’encontre<br />

de M. Selhami et<br />

Amale Samie, de <strong>Maroc</strong><br />

<strong>Hebdo</strong>.<br />

Telle est la sentence du<br />

tribunal qui devait se prononcer<br />

à propos d’un article<br />

estimé diffamatoire à son encontre<br />

par Aziz Chihal, animateur<br />

de télévision.<br />

Tout d’abord la notion de<br />

diffamation elle même mérite<br />

d’être clarifiée. La chronique<br />

de Amale Samie est<br />

un style littéraire particulier<br />

qui peut être qualifiée de caricature<br />

littéraire.<br />

Toute appréciation doit se<br />

situer dans ce contexte : la<br />

caricature littéraire est-elle<br />

diffamatoire?<br />

Or, dès qu’elle ne porte<br />

atteinte ni à l’honnêteté, ni à<br />

la moralité de la personne<br />

SOIXANTE BåTONS<br />

ET SIX BRIQUES<br />

mateurs ne se sont rendus compte de<br />

rien pendant tout ce trafic qui a duré<br />

un moment tout de même. C'est<br />

vrai qu'ils ont perdu du poids. <strong>Il</strong> n'y<br />

a pas longtemps, en visitant le zoo.<br />

J'ai trouvé qu'ils avaient une petite<br />

mine. Surtout les lions. Par contre, les<br />

tigres étaient d'une humeur exécrable<br />

et lorgnaient dangereusement vers<br />

les bébés que des mamans tenaient<br />

dans leurs bras. C'est dangereux d'affamer<br />

les fauves, et en plus, c'est dégueulasse<br />

de faucher de la viande<br />

d'ânes à des animaux qui peuvent<br />

même pas aller en trouver ailleurs<br />

ou l'acheter chez le gargotier en question.<br />

Mais voilà, tout le monde veut<br />

gagner rapidement du fric sur le dos<br />

des lions (ce qui est vachement dur,<br />

je vous le concède) et des gens, mais<br />

ça, c'est assez courant. C'est tellement<br />

courant qu'un journal, <strong>Maroc</strong><br />

<strong>Hebdo</strong>, a été condamné à trois mois<br />

de prison avec sursis et à une amende<br />

de la somme rondelette de soixante-six<br />

millions de centimes. (Je l'écris<br />

en toutes lettres pour mesurer la lourdeur<br />

de la peine) pour la publication<br />

d'une chronique frappée au coin de<br />

la dérision, un genre journalistique<br />

QUESTIONS<br />

caricaturée, la caricature ne<br />

peut être considérée comme<br />

diffamatoire. De plus et en<br />

tout état de cause, la sévérité<br />

et la lourdeur de la<br />

condamnation inquiétent. En<br />

effet, la presse est certes un<br />

métier à risque, mais faut-il<br />

penser maintenant que ce<br />

risque se multiplie et devient<br />

de l’aléatoire?<br />

C’est d’autant plus inquiétant<br />

qu’il s’agit d’un<br />

journal indépendant.<br />

Que faut-il penser alors<br />

si l’on considère que la première<br />

condamnation importante<br />

en matière de diffamation<br />

frappe un journal indépendant<br />

: est-ce à dire que<br />

les risques encourus par cette<br />

presse là sont plus importants?<br />

Cela signifie-t-il que le<br />

système de la protection politique<br />

est indispensable au<br />

<strong>Maroc</strong>?<br />

Ce sont peut-être des<br />

questions exagérées. Les<br />

voies de recours n’étant pas<br />

épuisées, la Justice n’a pas<br />

encore dit son dernier mot.❏<br />

La justice, à l'issue d'un<br />

procès qui a duré près de<br />

18 mois, vient de se prononcer<br />

dans l'affaire qui opposait<br />

notre confrère <strong>Maroc</strong><br />

<strong>Hebdo</strong> <strong>International</strong> (MHI) à<br />

l'animateur de l'émission de<br />

la première chaîne, Studio 5<br />

en l'occurrence. Le tribunal<br />

de première instance de Casa-<br />

Anfa, dans son verdict rendu<br />

le 5 avril dernier, a requis<br />

une peine d'emprisonnement<br />

de trois mois avec sursis à<br />

l'encontre de l'auteur de l'article,<br />

jugé diffamatoire par la<br />

partie plaignante, et autant<br />

pour le directeur de l'hebdomadaire<br />

en la personne de<br />

Mohamed Selhami. Laquelle<br />

peine a été assortie d'une<br />

amende de 660.000 Dh que<br />

la publication devra verser à<br />

l'animateur de l'émission,<br />

qualifiée d' "indigence culturelle"<br />

par l'article de presse à<br />

l'origine de cette affaire. La<br />

rédaction de <strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong><br />

<strong>International</strong>, dans un communiqué<br />

rendu public vendredi,<br />

qualifie le verdict "disproportionné",<br />

allusion faite<br />

qui se pratique dans tous les pays démocratiques<br />

et où les poètes arabes,<br />

ante et post-islamiques, sont passés<br />

maîtres.<br />

Bon, c'est vrai que Amale Samie<br />

ne fait pas dans la poésie mais dans<br />

l'humeur versatile de l'instant.<br />

Cependant, de nombreux organes de<br />

presse et de télévision consacrent un<br />

espace privilégié à la dérision, qui<br />

est une autre forme de la critique traditionnelle<br />

sous forme de caricature<br />

écrite humoristique et forcément agaçante,<br />

des activités politiques, sociales<br />

ou culturelles. Manque de bol,<br />

c'est tombé sur une émission sponsorisée<br />

de télé que diffuse TVM et<br />

qui n'est ni politique ni sociale et encore<br />

moins culturelle.<br />

Bon, là, je vais commencer à faire<br />

attention parce qu'on a affaire à<br />

un type très fort et qui ne supporte pas<br />

la dérision. Surtout lorsqu'on lui traduit<br />

la chronique dans son patois et<br />

le chroniqueur en justice. <strong>Il</strong> a exigé<br />

cent quatre-vingt bâtons comme dédommagement<br />

parce qu'un journaliste<br />

a dit ce que disent au moins cinq<br />

millions de téléspectateurs marocains,<br />

sans compter les Chinois et<br />

à la sévérité de la sentence.<br />

Dans un long article intitulé<br />

"les nouveaux visages de la<br />

censure", paru dans la dernière<br />

livraison du MHI, son<br />

rédacteur en chef, Khalil<br />

Hachimi Idrissi, abonde dans<br />

le même sens en comparant<br />

le jugement à "une mise en<br />

faillite d'une entreprise de<br />

presse". Et K. Hachimi Idrissi<br />

de poursuivre:" (…) si nous<br />

devons tous dans cette affaire<br />

aller en prison parce qu'un<br />

juge ignore apparemment le<br />

droit de la presse, nous assumerons<br />

notre responsabilité<br />

professionnelle dans la dignité,<br />

(et) nous saurons dans<br />

quel pays nous vivons".<br />

Même son de cloche dans<br />

le communiqué cité plus haut<br />

qui classe le verdict parmi<br />

ces "pratiques" qui, d'après<br />

la rédaction de l'hebdomadaire,<br />

"menace(ent) ouvertement<br />

le contexte politique<br />

inauguré par l'alternance voulue<br />

par Sa Majesté le Roi, fragilisent<br />

notre pays et son processus<br />

démocratique et porte(ent)<br />

atteinte à son image".<br />

29<br />

Par Najib RAFAIF<br />

les Tibétains qui captent TVM sur<br />

le satellite. Toujours dans le registre<br />

des sous qu'on gagne sur le dos des<br />

médias mais sous d'autres cieux, car<br />

la connerie ignore les frontières, mais<br />

au moins, ailleurs, on en rigole sans<br />

passer à la caisse.<br />

Vous avez sûrement entendu parler<br />

de ces trois pieds nickelés qui ont<br />

inventé une disparition-bidon dans<br />

les Alpes, en France, pour vendre<br />

leur récit en exclusivité à Paris<br />

Match. La presse française entière<br />

s'est payée leur tête en les surnommant<br />

"les crétins des Alpes". <strong>Il</strong>s<br />

avaient demandé, eux aussi, soixante<br />

briques à Paris Match pour raconter<br />

leur fausse mésaventure. À<br />

ce jour, ils n'ont pas encore inventé<br />

de procès en diffamation à la presse.<br />

Vous avez remarqué que je n'ai<br />

pas cité une seule fois le nom de<br />

l'émission, ni celui de son animateur,<br />

ni de ses sponsors, ni de ses mentors.<br />

On ne prend jamais assez de<br />

précautions avec un homme qui murmure<br />

à l'oreille des sponsors.<br />

Ces derniers doivent être fiers des<br />

performances réalisées par leur vedette.❏<br />

SƒVéRE SANCTION<br />

Le procès, dont le verdict se<br />

veut comme une "sanction"<br />

de l'article de presse dans lequel<br />

son auteur se demandait<br />

"si le <strong>Maroc</strong> est à l'image de<br />

sa télé et vice-versa, nous<br />

sommes mal partis pour le<br />

21ème siècle", lance le débat<br />

sur les rapports entre la critique<br />

et la télévision qui, de<br />

par la médiocrité qu'elle véhicule,<br />

est en elle-même une<br />

provocation. D'où le rôle que<br />

doit jouer la critique, dans la<br />

presse écrite notamment,<br />

pour amener la télévision marocaine,<br />

toutes chaînes<br />

confondues, à adopter un nivellement<br />

par le haut et non<br />

pas par le bas comme c'est le<br />

cas jusqu'à présent. Ceci n'est<br />

possible que grâce à une critique<br />

constructive dont la mission<br />

est d'encourager la création<br />

télévisuelle intelligente<br />

–quand elle existe-, mais surtout<br />

de faire ressortir les travers<br />

du paysage télévisuel<br />

marocain (PTM) pour en faire<br />

un facteur de développement.❏<br />

Mokhtar Ghailani<br />

<strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> <strong>International</strong> n¡ 369 - Du 23 au 29 avril 99

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