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— Ecoutez comme il chante son amour pour Satan !<br />
<strong>Le</strong> père Salomon sentait sur lui le regard horrifié du père Auguste. <strong>Le</strong>s gens attentifs<br />
savent quand on les observe. Il prit une grande inspiration et bomba le dos comme un chat<br />
qui s’apprête à bondir, puis il se rangea à côté du prêtre du village.<br />
— Vous et moi agissons pour le bien. En tant qu’hommes de Dieu, il est de notre devoir<br />
de libérer le monde du fardeau de ses maux.<br />
— Dites-moi, demanda Auguste en s’efforçant de paraître plus fort qu’il ne l’était, que<br />
peut-il ressortir de bon de tout cela ?<br />
<strong>Le</strong> père Salomon s’approcha pour lui montrer la toute-puissance de sa détermination.<br />
— J’ai tué ma femme pour protéger mes enfants, dit-il avant de marquer une pause pour<br />
lui laisser le temps de prendre toute la mesure de ses paroles. <strong>Le</strong>s méthodes que nous<br />
employons pour plaire à Dieu sont parfois fautives, mon père, mais il en va ainsi de la chasse<br />
au loup-garou. Vous feriez mieux de vous y habituer.<br />
— Que voulez-vous dire, mon père ? répondit Auguste d’une voix menaçante qui couvrit<br />
les coups et les cris de Claude.<br />
— Je veux dire qu’il faut toujours choisir, et je vous invite, pour votre propre sécurité, à<br />
vous joindre à moi, répondit-il en posant un doigt ganté sur les lèvres du prêtre pour le<br />
réduire au silence, puis il se tourna vers ses soldats.<br />
— Ne relâchez pas le garçon tant qu’il ne vous aura pas donné le nom du Loup, ordonnat-il<br />
avant de quitter le bâtiment à la hâte.<br />
— Comment pourrait-il parler, alors même qu’on le torture ? s’interrogea le père Auguste<br />
à voix basse.<br />
Il espérait que le père Salomon savait ce qu’il faisait, mais rien n’était moins sûr.<br />
Salomon était le seul client de la taverne. L’homme de Dieu buvait pour accompagner<br />
son déjeuner. Comment aurait-il pu calmer autrement sa colère à l’égard de ces paysans<br />
ignorants qui n’œuvraient que contre eux-mêmes ? Il leva les yeux en voyant entrer le<br />
capitaine, avec une fille du village à sa suite. <strong>Le</strong>s yeux de Salomon s’étrécirent, car il était<br />
certain de la connaître. Ah, oui, c’était la sœur du jeune garçon. La rousse au doux visage.<br />
Elle se comportait comme une petite fille très pieuse, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Il<br />
ne vit donc pas d’inconvénient à ce que le capitaine la conduise jusqu’à lui.<br />
— Oui, mon enfant ?<br />
— Je suis venue négocier la libération de Claude, dit-elle en récitant la formule qu’elle<br />
avait apprise par cœur.<br />
Comme Salomon ne disait rien, elle posa le poing sur la table devant lui, puis le retira<br />
vivement, comme si elle craignait de se brûler, et quelques pièces d’argent dérisoires<br />
roulèrent sur la table en tintant. Salomon pinça les lèvres. Etait-ce de colère, ou plutôt pour<br />
réprimer un fou rire ?<br />
— Que veux-tu que je fasse de ça ?<br />
— Je...<br />
— Je pourrais acheter une miche de seigle avec ça, ou encore une demi-douzaine d’œufs.<br />
Merci de cette <strong>of</strong>frande. Mais dis-moi, demanda-t-il en s’approchant si près qu’elle sentit son<br />
souffle sur son visage, avec quoi au juste espérais-tu négocier ?<br />
Elle fit glisser les pièces au creux de sa main. Elles lui semblaient sales à présent. <strong>Le</strong>